TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
JUGEMENT
procédure accélérée au fond
28C
Minute n° 24/593
N° RG 24/00665 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y3Z7
2 copies
GROSSE délivrée
le01/07/2024
à Me Jennifer BROCHOT
Me Isabelle JIMENEZ-BARAT
Rendue le PREMIER JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
Après débats à l’audience publique du 10 juin 2024
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Eric RUELLE, Président du tribunal judiciaire de BORDEAUX, assisté de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.
DEMANDERESSE
Madame [V] [J]
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée par Me Isabelle JIMENEZ-BARAT, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDEUR
Monsieur [O] [F]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Jennifer BROCHOT, avocat au barreau de BORDEAUX
I - PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par acte du 19 mars 2024, auquel il convient de se référer pour l’exposé de ses moyens Madame [V] [J] a fait assigner Monsieur [O] [F] devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond aux fins d’être autorisée, sur le fondement de l’article 815-6 du Code civil, à conclure seule l’acte de vente d’un bien immobilier indivis situé à [Localité 8], [Adresse 3], pour le prix minimum de 280.000 €uros net vendeur, sollicitant en outre 2.000 €uros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.
Elle expose qu’à la suite de la séparation du couple au mois de juin 2020, les parties n’ont pu se mettre d’accord sur des modalités de partage par rachat de parts, que la vente est dès lors la seule
possibilité de mettre fin à l’indivision, mais que Monsieur [F] s’oppose à toute vente alors que les frais inhérents à la détention du bien sont importants et ne peuvent plus être assumés par les indivisaires, ce qui génère des pénalités et frais de retard.
Par conclusions du 10 juin 2024, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé de ses moyens, Monsieur [O] [F] demande au président de débouter Madame [J] de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 €uros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
Il conteste la possibilité pour Madame [J] d’agir sur le fondement de l’article 815-6 du Code civil alors qu’elle ne détient que 25 % des droits indivis et que l’article 815-5-1 du Code civil impose une majorité d’au moins deux tiers des droits pour former une demande d’aliénation d’un bien indivis.
Il fait valoir en outre que la demande va à l’encontre de l’intérêt commun, alors que l’évaluation du bien immobilier à laquelle il a fait procéder lui donne une valeur comprise entre 400.000 et 420.000 €uros et que le marché immobilier tend à repartir à la hausse.
II - MOTIFS DE LA DÉCISION
L’article 815-6 du Code civil dispose :
« Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l’indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l’emploi. Cette autorisation n’entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l’héritier.
Il peut également soit désigné un indivisaire comme administrateur en l’obligeant s’il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s’appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l’administrateur, s’ils ne sont autrement définis par le juge. ».
Le président tient de ce texte le pouvoir d’autoriser un indivisaire à conclure seul un acte de vente d’un bien indivis pourvu qu’une telle mesure soit justifiée par l’urgence et l’intérêt commun.
Ce texte ne peut être confondu avec l’article 815-5-1 du même code qui permet au tribunal judiciaire d’autoriser l’aliénation du bien indivis, qui s’effectue alors par voie de licitation, à la demande des titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis en cas de désaccord.
Il ressort des pièces produites que les parties sont propriétaires indivis du bien immobilier situé à [Localité 8], [Adresse 3], pour l’avoir acquis durant leur vie commune Madame [J] pour 25 % des parts et Monsieur [F] pour 75 %.
Ce bien génère des dépenses sur le paiement desquelles les indivisaires apparaissent être en difficulté, alors que le couple s’est séparé, Madame [J] produisant les justificatifs d’incidents de paiement et courriers de mise en demeure de l’établissement financier ([5]) qui a consenti le prêt immobilier ainsi que des services fiscaux au titre de la taxe foncière.
Mais l’intérêt commun suppose une vente aux meilleures conditions, compte tenu de la valeur du bien immobilier indivis.
Or, Madame [J] ne produit qu’un seul avis de valeur établi par l’agence immobilière [7] le 11 décembre 2023 fixant la valeur du bien immobilier à un prix compris entre 280 000 et 320 000 €uros.
Cette valeur est très éloignée de celle qui résulte de l’avis de valeur du 2 avril 2024 de l’agence immobilière [6] mandatée par Monsieur [F], fixant cette valeur à un prix compris entre 400 000 et 420 000 €uros.
Les conditions de preuve de l’intérêt commun imposé par les dispositions de l'article 815-6 du Code civil ne sont pas remplies compte tenu de l’incertitude sur la valeur du bien, et la demande doit être rejetée.
Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
III - DÉCISION
Le Président du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant selon la procédure accélérée au fond, par décision contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et à charge d'appel ;
Déboute Madame [J] de ses demandes.
Déboute Monsieur [F] de sa demande reconventionnelle.
Condamne Madame [J] aux dépens.
La présente décision a été signée par Eric RUELLE, Président, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.
Le Greffier,Le Président,