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27/06/2024 | FRANCE | N°23/08582

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 27 juin 2024, 23/08582


N° RG 23/08582 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YL46
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE





70B

N° RG 23/08582 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YL46

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[Z] [B]

C/


[A] [P]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Yolène DAVID
Maître Guillaume ACHOU-LEPAGE de la SELARL GUILLAUME ACHOU-LEPAGE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 27 Juin 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibérÃ

©

Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
Statuant à Juge Unique

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 23 Mai 2024,

...

N° RG 23/08582 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YL46
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE

70B

N° RG 23/08582 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YL46

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[Z] [B]

C/

[A] [P]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Yolène DAVID
Maître Guillaume ACHOU-LEPAGE de la SELARL GUILLAUME ACHOU-LEPAGE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 27 Juin 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré

Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
Statuant à Juge Unique

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 23 Mai 2024,

JUGEMENT :

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEUR :

Monsieur [Z] [B]
né le 21 Décembre 1973 à MULHOUSE (68100)
37 rue Veyssière
33800 BORDEAUX

représenté par Me Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDEUR :

Monsieur [A] [P]
né le 19 Janvier 1981 à KARKJALI (BULGARIE)
37 rue Veyssière
33800 BORDEAUX

représenté par Maître Guillaume ACHOU-LEPAGE de la SELARL GUILLAUME ACHOU-LEPAGE, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

N° RG 23/08582 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YL46

EXPOSE DU LITIGE

L' ensemble immobilier 37 rue Veyssière à BORDEAUX cadastré CY n°392 qui était composé de quatre corps de bâtiments élevés sur terre plein d'un simple rez de chaussée et d'une cour séparée en deux parties privatives a fait l'objet le 10 juillet 1980 d'un état descriptif de division et d'un règlement de copropriété.

Cet ensemble a ainsi été divisé en six lots  :
-le bâtiment A constituant le lot n°1 correspondant aux 205/1000èmes de la copropriété du sol et des parties communes
-le bâtiment B constituant le lot n°2 correspondant aux 215/1000èmes de la propriété indivise du sol
-le bâtiment C constituant le lot 3
-le bâtiment D constituant le lot n°4
-la cour constituant le lot n°5 avec entrée sur le 37 rue Veyssiere, indissociable du lot 3
-la cour constituant le lot 6 avec entrée sur le 37 rue Veyssiere, indissociable du lot 4
Par acte notarié en date du 28 septembre 2012 M. [Z] [B] a acheté à M. [U] [D] [R] le lot n°3 consistant en un appartement au rez-de-chaussée du bâtiment C avec entrée par le n°37 de la rue VEYSSIERE d'une surface de 21,52 m² avec les 293/1000 èmes du sol et des parties communes et le lot n°5 constitué d'une cour et des 2/1000èmes du sol et des parties communes .

Par acte en date du 1er mars 2013, contenant annulation du règlement de copropriété et d'état descriptif et partage, les quatre copropriétaires ([J], [R], [B] et [E]), après avoir fait procéder à la division de la parcelle CY n°392 en sept nouvelles parcelles cadastrées CY 477 à 482, ont décidé de s'attribuer mutuellement en pleine propriété le sol d'assiette de leur lot et de procéder au partage des parties communes en fonction des tantièmes détenus et de les attribuer privativement à certains propriétaires.

Ainsi notamment  :
-Mme [K] [R] s'est vu attribuer la parcelle CY 477 consistant en un terrain à bâtir constituant l'ancien lot n°2 , l'immeuble s'y trouvant ayant été démoli,
- M. [B] s'est vu attribuer la parcelle CY 481 consistant en un appartement avec accès par le 37 rue VEYSSIERE et par les parcelles CY 479 et 482 et une cour d'accès par le 37 rue Veyssière constituant les lots 3 et 5 de l'ancienne copropriété.
En outre concernant le partage des parcelles à usage commun :
- Mme [K] [R] s'est vu attribuer la pleine propriété des parcelles CY 478 et 479
- M. [B] la moitié indivise en pleine propriété de la parcelle cadastrée CY n°482

Par acte du 1er mars 2013 M. [A] [P] est devenu propriétaire des parcelles appartenant à Mme [R] CY 477-478 -479 et y a fait édifier un logement de deux niveaux sur rez -de -chaussée à usage de garage et d'entrée commune.

Par acte en date du 19 avril 2018 M. [B] a acheté à M. [E] la parcelle CY 480 (ancien lot 4 avant division consistant en un appartement en rez de chaussée) et la parcelle CY 482 (ancien lot 5 avant division consistant en une cour avec entrée 37 rue Veyssiere) ; M.[B] devenant ainsi propriétaire de l'intégralité des bâtiments situés en second rang par rapport à la voie publique.

Après lui avoir adressé des mises en demeure les 18 juin 2018 et 17 avril 2019 restées infructueuses, M. [B] a le 13 août 2019 fait assigner M.[P] devant la présente juridiction pour obtenir la suppression des vues irrégulières, la démolition d'un mur empiétant sur son fonds et l'enlèvement d'un compteur électrique implanté sur celui-ci.

Par jugement en date du 21 février 2022 à la motivation duquel il sera renvoyé le tribunal a :
-débouté M. [Z] [B] de sa demande relative au déplacement du compteur électrique de M. [A] [P],
-avant dire droit les autres demandes de M. [Z] [B] a ordonné une expertise confiée à M. [I] [S],expert géomètre inscrit près la Cour d’Appel de Bordeaux
avec pour mission de
.de se faire remettre tous documents utiles à sa mission
.de visiter et décrire les lieux
.fournir au tribunal tous éléments lui permettant d'apprécier si le mur sur lequel a été construite la façade arrière de l'immeuble de M. [A] [P] 37 rue Veyssiere à Bordeaux se trouvait sur le fonds de son voisin M. [Z] [B]
.indiquer notamment si ce mur préexistant présentait des signes de mitoyenneté
.indiquer si la construction de la façade arrière est conforme au permis de construire et aux documents communiqués en vue de son obtention
.décrire les diverses ouvertures créées sur la façade arrière de l'immeuble de M. [A] [P] et donnant sur le fonds de M. [Z] [B] (parcelles CY 480, 481 et 482)
.préciser si elles sont conformes à l'acte notarié en date du 1er mars 2013 et décrire les vues qu'elles génèrent sur les parcelles de M.[Z] [B] en distinguant la parcelle CY 480 des parcelles 481 et 482 auxquelles la servitude conventionnelle de vue ne s'applique pas
.décrire les fissures affectant le mur de M. [Z] [B], en préciser l'origine, préconiser les travaux de remise en état nécessaires en fixer le coût et la durée,
.fournir au tribunal tous éléments utiles à la solution du litige,
- fixé à la somme de 3000€ la provision à valoir sur la rémunération de l’expert devant être consignée par M. [Z] [B],
- déclaré recevables les demandes reconventionnelles de M. [A] [P]
- débouté toutefois M. [A] [P] de ses demandes reconventionnelles,
- sursis à statuer sur les autres demandes jusqu'au dépôt du rapport de l'expert judiciaire
-réservé les dépens.

Par ordonnance du 25 avril 2022 M. [I] [S] a été remplacé par Mme [C] [H].

Le 4 septembre 2023 le juge de la mise en état saisi sur conclusions d’incident a ordonné dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise de Mme [H], un sursis à statuer et le retrait du rôle de l’affaire.

Mme [C] [H] a déposé son rapport d’expertise judiciaire le 11 septembre 2023 donnant lieu à la demande du requérant à la réinscription au rôle de l’affaire.

Par conclusions signifiées par RPVA en date en date du 18 octobre 2023 , auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens M. [Z] [B] demande au tribunal au visa des articles 544, 545, 661, 678, 679, 686 et 702 du code civil, et des articles 9 et 70 du code de procédure civile de :

à titre principal
-ordonner la démolition de l’immeuble appartenant à M. [P] en ce qu’il empiète sur la propriété du requérant , sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification du jugement,
-condamner M. [P] à remettre le mur privatif de M. [B] dans l’état dans lequel il se trouvait avant la construction litigieuse,

à titre subsidiaire
-ordonner à M. [P] de supprimer les 4 vues irrégulières donnant sur l’héritage de M. [B] et de se conformer aux stipulations de la servitude conventionnelle de jour constituée dans l’acte notarié du 1er mars 2013,

en tout état de cause
-condamner M. [P] à verser à M. [B] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,
-condamner M. [P] à payer à M. [B] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
-condamner M. [P] à déplacer son compteur électrique à l’intérieur des limites des propriétés, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement,
-condamner M. [P] à réparer le mur privatif appartenant à M. [B], notamment les fissures affectant l’enduit du mur côté [B] et à le remettre en état du côté de la propriété de M. [P], le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signifcation du jugement,
-dire que l’ensemble des travaux imposés à M. [P] devra être réalisés sous la direction et le contrôle d’un maître d’oeuvre librement choisi par M. [B] aux frais de M. [P],
-condamner M. [P] à verser à M. [B] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manoeuvres dilatoires,
-condamner M. [P] à verser à M. [B] la somme de 6000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA le 20 décembre 2023 M. [A] [P] entend voir sur le fondement des articles 653 et 658 du code civil, et l’article 700 du code de procédure civile :

à titre principal :
-débouter M.[B] de l’ensemble de ses demandes,

en tout état de cause :
-condamner M. [B] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles
et à payer les entiers dépens,
-débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour manoeuvre dilatoire.

L'ordonnance de clôture a été établie le 30 avril 2024.

Le 9 mai 2024 M. [P] a notifié de nouvelles conclusions par RPVA par lesquelles il demande la révocation de l’ordonnance de clôture afin que soit prise en compte
la demande omise de ses précédentes conclusions tendant à ce que soit écartée des débats l’exécution provisoire de la décision au visa de l’article 514 -1 du code de procédure civile, mais qui sont identiques pour le surplus à ses conclusions du 20 décembre 2023 .

Lors de l’audience de plaidoiries du 23 mai 2024, le requérant ne s’est pas opposé à la révocation de l’ordonnance de clôture sollicitée par M. [P].

MOTIVATION

1-SUR LA REVOCATION DE L’ORDONNANCE DE CLOTURE

Conformément à l’accord des parties à l’audience, il y a lieu de rabattre l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries, ce qui rend recevables les conclusions notifiées par M. [P] le 9 mai 2024 qui ne sont différentes des précédentes que par l’ajout d’une demande tendant à voir écarter l’exécution provisoire de la décision, n’ayant aucune incidence sur l’appréciation du fond du litige.

2- SUR L’EMPIETEMENT

M. [B] fait valoir que le mur arrière de l’immeuble de M. [P], a été édifié en 2013, sans autorisation et en violation du permis de construire sur un mur préexistant privatif au requérant ce qui constitue un empiétement sur sa propriété au sens des articles 544 et 545 du code civil. Il expose que M. [P] est mal fondé à se prévaloir de la présomption de mitoyenneté du mur préexistant résultant de l’article 653 du code civil alors qu’il ressort des plans, titres et rapport d’expertise judiciaire, qui contredisent le rapport non contradictoire de M. [F] produit par M. [P], que ledit mur n’est pas situé en limite séparative mais dans le périmètre de la parcelle de M. [B]. Le requérant indique qu’il est d’autant plus fondé à solliciter la démolition de l’immeuble qui empiète sur son fonds, que le mur de M. [P] d’une hauteur de 10 mètres a été édifié sur un mur en pierre ancien sans étude technique préalable. Il ajoute que l’empiétement est également caractérisé par l’installation du compteur électrique de M. [P] sur le mur privatif de M. [B] après en avoir creusé l’enduit sur 3 cm.

M. [P] conteste le caractère privatif du mur support de la façade arrière de son immeuble. Invoquant le rapport d’expertise amiable établi par M. [F], il considère que le mur litigieux bénéficie de la présomption de mitoyenneté de l’article 653 du code civil en ce qu’il ne se trouve pas en retrait de la ligne séparative des fonds des parties mais bien en séparation des deux bâtiments. Il expose que la trace des anciennes solives dans le mur ancien constituent un élément de preuve de marque de mitoyenneté de ce mur. Le défendeur conteste donc tout empiétement de la façade arrière de son immeuble sur le fonds de M. [B].

Sur la nature du mur litigieux

Il n’est pas discuté que le mur en pierres litigieux auquel est adossé l’immeuble de M. [B] et qui selon l’expert judiciaire en constitue la façade arrière, existait en  2013 lorsque M. [P] à acquis de Mme [R] les terrains à bâtir CY 477-478 et 479 au 37 rue Veyssière à Bordeaux contigus au fonds [B], étant précisé que le titre de propriété de M. [P] n’est pas versé au débat.

L’article 653 du code civil dispose que dans les villes ou les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu’à l’herbage, ou entre cours et jardins et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s’il n’y a titre ou marque contraire.

Il s’agit d’une présomption simple qui peut être combattue par la preuve contraire laquelle peut résulter d’un titre mais également de tous moyens de preuve dès lors qu’il s’agit de prouver un fait (Cass 1ère Civ 8 mai 1962).
Certes, en l’espèce, et ainsi que cela résulte tant des photographies versées au débat que du rapport d’expertise établi le 6 septembre 2023 par Mme [H], corroborant sur ce point le rapport d’expertise amiable établi par M. [F] le 19 avril 2019, le mur litigieux dont la date d’identification n’est pas connue mais qui est visiblement ancien, comportait avant la construction de l’immeuble de M. [P] des marques d’ancrages servant au soutien de solives d’une ancienne construction édifiées sur le fonds de M. [P]. Il s’en déduit que ce mur existait initialement entre deux bâtiments et à ce titre il présentait des signes permettant de présumer sa mitoyenneté .

Il convient en effet de rappeler que les parcelles de M. [B] (CY 480,481,482) et celles de M. [P] (CY477-478 et 479) sont issues de la division de la parcelle CY 392 qui constituait un ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété.

Toutefois, il ressort de l’acte authentique dressé le 1er mars 2013 par Maître [T] notaire à Bordeaux, qu’à cette date il a été mis fin à la copropriété sur la parcelle CY 392 P, conformément à la décision adoptée en assemblée générale portant également annulation du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division, attribution à chacun des copropriétaires de l’assiette de son lot et partage entre eux des parties communes conformément au document d’arpentage établi le 14 septembre 2012 par M. [G] géomètre expert, signé par l’ensemble des co-propriétaires concernés dont Mme [R] de laquelle M. [P] a acquis les parcelles CY 477,478 et 479.

Or, ainsi que justement analysé par Mme [H], il résulte du plan modificatif de la copropriété du 4 avril 2012 définissant les limites séparatives entre les parcelles des parties issues de la division de la parcelle AC 392P et du document d’arpentage de M. [G] précisant les profondeurs de chaque parcelle , que le mur en pierres litigieux est situé sur la parcelle CY 480,481 et 482 propriété de M. [B] et incluse dans celle-ci. Le plan d’arpentage fixe d’ailleurs la limite séparative des parcelles CY 477-479 ([P]) et CY 480, 481-482 ([B]) au parement sud dudit mur. Lors du partage de la copropriété survenu avant l’acquisition des parcelles CY 477,478 et 479 par M. [P], le mur en pierres litigieux a donc été attribué au seul M. [B] en retrait de la limite séparative des fonds ce qui est exclusif de toute mitoyenneté.

Le mur litigieux constitue donc un mur privatif à M. [B]

Sur l’existence de l’empiétement et sa sanction

Il n’est pas discuté et résulte des photographies versées au débat que M.[P] a édifié le mur de façade arrière de son immeuble de deux niveaux, sur le mur en pierre litigieux.

Cette construction sur un mur privatif à M. [B] constitue un empiétement sur la propriété du requérant.

Au visa des articles 544 et 545 du code civil M. [B] sollicite donc la démolition de l’immeuble de M. [P], le déplacement du compteur électrique de M. [P] à l’intérieur des limites de sa propriété et la condamnation de celui-ci à remettre en état son mur privatif et à le réparer notamment en ce qui concerne les fissures et ce sous astreinte.

M. [P] s’oppose à ces demandes . Il expose que la démolition de son immeuble constitue une mesure disproportionnée au regard du droit au respect du domicile et de l’absence de préjudice subi par M. [B] résultant de l’exhaussement du mur litigieux. Il fait également valoir sa bonne foi eu égard aux marques de mitoyenneté, s’oppose au déplacement du compteur électrique au motif que celui-ci est installé à l’intérieur de son habitation sur le mur mitoyen et que le tribunal a déjà statué sur cette demande, ainsi qu’à la réparation du mur privatif.

En application des articles 544 et 545 du code civil et compte tenu du caractère absolu et perpétuel du droit de propriété, le propriétaire d’un bien empiété par autrui a le droit absolu de réclamer que celui-ci supprime l’empiétement y compris par la démolition de l’ouvrage et la remise en état de sa propriété, sans que son action puisse donner lieu à faute ou à abus, peu important le caractère minime de l’empiétement et l’absence de gêne occasionnée par cette situation et sans que puisse lui être opposé le caractère disproportionné de la mesure de remise en état (Cas Cic 3ème 23 novembre 2022 n° 22-19-200 et Cive 3 21 décembre 2017, n°16-25.406).

Il appartient toutefois aux juges du fond de vérifier si une solution moins radicale que celle de la démolition de l’entier ouvrage peut être privilégiée notamment au regard du droit au respect du domicile(Cass 3è civ 19/12/2019 n° 18-25113).

Il n’est pas discutable que la démolition de la maison édifiée par M. [P] est fortement préjudiciable aux occupants et porte atteinte au respect du droit au domicile.

Toutefois, ni M. [P], ni les experts amiables et judiciaires ne proposent une solution alternative à la démolition de l’immeuble pour mettre fin à l’empiétement.Il convient en effet de rappeler que la façade arrière de la maison édifiée par M. [P] repose sur le mur en pierre privatif de M. [B], sur toute l’épaisseur de ce mur de 22 à 25 cm dont elle constituent l’exhaussement. En l’état des éléments communiqués au tribunal il ne peut donc être mis fin à l’empiétement sans démolition de la façade arrière de l’immeuble de M. [P].

Il convient donc d’ordonner à M. [P] de procéder à la démolition du mur de façade arrière de son immeuble édifié sur le mur privatif de M. [B] et qui empiète donc sur la propriété de celui-ci et de remettre le mur privatif de M. [B] dans l’état dans lequel il se trouvait avant la construction litigieuse , sous la direction et le contrôle d’un maître d’oeuvre de son choix, et non par M. [B] et ce, dans un délais de 6 mois à compter de la signification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délais pendant une durée de 3 mois,

La demande de déplacement du compteur électrique ne saurait prospérer dès lors qu’il a déjà été statué sur cette demande par jugement de la présente juridiction en date du 21 février 2022 qui l’a rejetée. Au demeurant la démolition du mur sur lequel ce compteur était installé rend sans objet la demande de déplacement dudit compteur électrique.

Enfin il n’est nullement démontré que les fissures présentes sur le mur privatif de M.[B] sont apparues après la construction de la façade de l’immeuble de M. [P] sur le mur privatif et qu’elle en est la cause de sorte que M. [B] n’est pas fondé à solliciter la réparation des fissures présentes sur son mur.

3-SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS

M. [B] sollicite manifestement sur le fondement de l’article 1240 du code civil, même s’il ne le précise pas, la condamnation de M. [P] à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile 10.000 euros de dommages et intérêts pour manoeuvres dilatoires .

Selon l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il incombe à celui qui agit en réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil de rapporter la preuve de son préjudice, de la faute commise par la partie adverse, et du lien de causalité entre le préjudice et cette faute.

Selon l’article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de façon dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile de 10.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

-le préjudice de jouissance

Il convient d’indiquer que le préjudice de jouissance invoqué par M. [B] repose sur le trouble causé par les vues illicites de M.[P] sur son fond .

Or il résulte du rapport d’expertise judiciaire que si la façade arrière de l’immeuble de M. [P] donnant sur le fonds de M. [B] comporte 4 ouvertures, la vue depuis ces fenêtres sur la propriété [B] est quasi inexistante :
-l’accès à la fenêtre de la cuisine au 1er étage est particulièrement incommode du fait de son emplacement (au dessus du plan de travail) et de sa hauteur. La vue est quasiment impossible ,
-la fenêtre dans la montée d’escalier allant au 2ème étage étant à chassis fixe et le verre opaque, aucune vue n’est possible sur le fonds [B],
-la fenêtre double de la salle de bain au 2ème étage équipés de vitrages opaques offrent une vue uniquement sur les toiture des bâtiments de M. [B],
-la fenêtre double située en haut de l’escalier au deuxième étage est quasiment inaccessible étant située juste en dessous du plafond dans la cage d’escalier.

Le préjudice de jouissance invoqué par M. [B] n’est donc pas établi ce qui conduit au rejet de sa demande indemnitaire de ces chefs

-le préjudice moral

Au titre du préjudice moral, M. [B] invoque le mauvais climat de voisinage avec M. [P] depuis le début du chantier, l’agressivité de M. [P] à son encontre et son inquiétude quant à la solidité de son mur privatif .

Outre le fait ainsi que rappelé plus haut qu’il n’est en rien démontré que la construction édifiée par M. [P] sur le mur privatif de M. [B], soit à l’origine des fissures de celui-ci et génèrent un risque d’effondrement de ce mur, le requérant ne justifie par aucune pièce du préjudice moral qu’il invoque comme du fait que M. [P] serait seul responsable du mauvais climat de voisinage allégué et serait agressif à son encontre.

Sa demande d’indemnité au titre du préjudice moral sera donc rejetée.

-les manoeuvres dilatoires

M. [B] reproche à M. [P] de faire inutilement durer la procédure entraînant outre le préjudice subi par M. [B] depuis l’acquisition immobilière de son voisin, des coûts de procédure.

Le requérant ne précise ni ne justifie du préjudice subi depuis l’acquisition immobilière de son voisin qui résulterait de la durée de la procédure tandis que les frais générés par celle-ci seront pris en compte dans le cadre des frais irrépétibles.

Il sera donc également débouté de sa demande indemnitaire au titre des manoeuvres dilatoires invoquées.

4-SUR LES DEMANDES ANNEXES

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [P] partie ayant principalement succombé dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens de l’instance qui comprendront le coût de l’expertise judiciaire réalisée par Mme [C] [H] le 6 septembre 2023, ce qui conduit au rejet des demandes de M. [P] au titre des frais irrépétibles

L’équité conduit en revanche à le condamner à payer à M. [B] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Compte tenu du caractère irréversible de la démolition ordonnée il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision conformément à l’article 514-1 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

REVOQUE l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries, ce qui rend recevables les conclusions notifiées par M.[A] [P] le 9 mai 2024,

ORDONNE à M. [A] [P] de procéder à la démolition du mur de façade arrière de son immeuble édifié sur le mur privatif de M. [Z] [B] et qui empiète sur la propriété de celui-ci et de remettre ce mur privatif dans l’état dans lequel il se trouvait avant la construction litigieuse , et ce, sous la direction et le contrôle d’un maître d’oeuvre choisi par M. [A] [P], dans un délais de 6 mois à compter de la signification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, pendant une durée de 3 mois,

DEBOUTE M. [Z] [B] de toutes ses demandes contraires, de dommages et intérêts au titre des préjudices de jouissance, moral, manoeuvres dilatoires, de reprises des fissures sur son mur privatif et de déplacement du compteur électrique du défendeur

CONDAMNE M.[A] [P] à payer à M. [Z] [B] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [A] [P] aux entiers dépens de l’instance qui comprendront le coût de l’expertise judiciaire réalisée par Mme [C] [H] le 6 septembre 2023,

DEBOUTE M.[A] [P] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ECARTE l’exécution provisoire de la décision.

La présente décision est signée par Madame COLOMBET, Vice-Présidente et Madame AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/08582
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;23.08582 ?
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