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27/06/2024 | FRANCE | N°21/08309

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 27 juin 2024, 21/08309


N° RG 21/08309 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6JO
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







63B

N° RG 21/08309 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6JO

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.D.C. DE LA RESIDENCE LE BAGANAIS

C/

S.C.P. [Y]-[F]-CLEMENT-[K]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SCP EYQUEM BARRIERE - DONITIAN - CAILLOL
la SCP HARFANG AVOCATS



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 27 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :>Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna A...

N° RG 21/08309 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6JO
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

63B

N° RG 21/08309 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6JO

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.D.C. DE LA RESIDENCE LE BAGANAIS

C/

S.C.P. [Y]-[F]-CLEMENT-[K]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SCP EYQUEM BARRIERE - DONITIAN - CAILLOL
la SCP HARFANG AVOCATS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 27 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 16 Mai 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Ollivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSE :

S.D.C. DE LA RESIDENCE LE BAGANAIS représenté par son syndic, la SA C. RIVIERE, sise 3 avenue Abadie à BORDEAUX (33000)
980 voie du Baganais
33680 LACANAU

représentée par Maître Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocats au barreau de LIBOURNE, avocats plaidant

DEFENDERESSE :

S.C.P. [Y]-[F]-CLEMENT-[K]
68 rue de la Croix Blanche
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Eve DONITIAN de la SCP EYQUEM BARRIERE - DONITIAN - CAILLOL, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
EXPOSE DU LITIGE

La copropriété de l’immeuble situé 980 voie du Baganais à LACANAU (33680) est constituée en SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RÉSIDENCE LE BAGANAIS et est représentée par son syndic en exercice, la société C. RIVIERE S.A.

L’un des anciens propriétaire la Société Civile Immobilière CENTRE DU BAGANAIS a laissé des charges impayées et a été par ailleurs placé en liquidation judiciaire le 26 juin 2015, la SELARL [I] [H] a été désignée en qualité de liquidateur.

Une vente amiable de son lot au sein de la copropriété est intervenue par acte authentique du 6 juillet 2018. Cette vente a été notifiée le 17 juillet 2018 au syndic.

Souhaitant user du privilège spécial immobilier de l'article 2374 du Code civil dont dispose le syndicat des copropriétaires, le syndic a mandaté la SCP [Y]-[F]- CLÉMENT-[K], huissier de justice à Bordeaux, afin de faire délivrer une opposition au prix de vente pour le montant des arriérés de charges de copropriété soit 51.720,93 € en vertu des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965.

L’huissier de justice faisait délivrer le 25 juillet 2018 opposition entre les mains de l'acquéreur des lots de copropriété, la SARL LA FINANCIÈRE DWS, élisant domicile auprès du mandataire judiciaire, la SELARL [I] [H].

L’acquéreur ayant déjà libéré le prix de vente, cette opposition a été inefficace.

Le syndicat des copropriétaire estime que l’huissier de justice est responsable du préjudice qu’il subit dès lors que son acte d’opposition a été inefficace puisqu’il aurait dû être fait entre les mains du notaire qui détenait les fonds.

Aucune conciliation n’a pu intervenir.

La copropriété a fait assigner la [Y]-[F]- CLÉMENT-[K] pour qu’il soit statué sur sa responsabilité.

***

Au terme de ses dernières conclusions, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RÉSIDENCE LE BAGANAIS sise 980 voie du Baganais à LACANAU (33680), représenté par son syndic en exercice, la société C. RIVIERE S.A. dont le siège social est 3 avenue Abadie à BORDEAUX sollicite de voir :

CONDAMNER la SCP [Y]-[F]-CLÉMENT-[K] à verser au syndicat des
copropriétaires de la résidence LE BAGANAIS la somme de 52.552,94 euros au titre de
l'indemnisation de son préjudice né de la mauvaise exécution de ses obligations sur le
fondement des articles 1231-1 et suivants du Code civil.

CONDAMNER la SCP [Y]-[F]-CLÉMENT-[K] à verser au syndicat des
copropriétaires de la résidence LE BAGANAIS les intérêts au taux légal sur les sommes
indemnitaires jusqu' au jugement à intervenir.
N° RG 21/08309 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6JO

A titre subsidiaire,
CONDAMNER la SCP [Y]-[F]-CLÉMENT-[K] à verser au syndicat des
copropriétaires de la résidence LE BAGANAIS la somme de 52.552,94 euros au titre de
l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.

En tout état de cause,

CONDAMNER la SCP [Y]-[F]-CLÉMENT-[K] à verser au syndicat des
copropriétaires de la résidence LE BAGANAIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de
l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la SCP [Y]-[F]-CLÉMENT-[K] aux entiers dépens de
l'instance sur le fondement de l'article 696 du Code de procédure civile.

Au soutien de sa demande il rappelle les principes posés par les articles 1984 et suivants du code civil, l’huissier de justice mandaté par un syndic est soumis à une responsabilité contractuelle lui imposant d’effectuer les diligences avec efficacité, il soutient qu’il s’agit d’une responsabilité de résultat.

En l’espèce, l’opposition devait être faite entre les mains du Notaire qui détenait les fonds et l’avis de mutation notifié par l’officier ministériel rappelait que toute opposition au paiement du prix détenu par l’étude devait être fait à domicile élu, à savoir à l’étude notariale.

La notification faite à l’acquéreur qui s’était dessaisi des fonds le jour de la vente était nécessairement inefficace et ne répondait pas au mandat qui lui était donné de faire opposition entre les mains du notaire.

La perte des fonds sur lesquels le syndicat disposait d’un privilège spécial immobilier constitue le préjudice direct, certain et légitime conséquence de la faute de l’huissier de justice qui a laissé s’échapper le prix de vente suffisant pour solder la dette.

Cette perte de chance est totale puisque le notaire disposait largement des fonds permettant d’assurer le recouvrement de l’intégralité de la dette.

Subsidiairement, le syndicat conclut à une faute contractuelle, l’huissier de justice ayant manqué à ses devoirs de conseil puisque celui-ci avait été informé que la vente venait d’avoir lieu (notification du 10 juillet 2018) et se devait d’informer son client que l’opposition devait être faite entre les mains du notaire. Le préjudice qui en résulte est également la perte de la possibilité de recouvrement des charges impayées.

Il réclame en conséquence le paiement de la somme de 52.174,09 € à titre de dommages-intérêts et celle de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

***

La SCP [Y]-[F]-CLEMENT-[K], Société Civile Professionnelle d’Huissier de Justice, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n°349 005 835, dont le siège social est sis 68 rue de la Croix Blanche à BORDEAUX (33000), désormais dissoute à compter du 7 juin 2023 selon procès-verbal d’assemblée générale en date du 04/07/2022, représentée par ses liquidateurs: Madame [E] [K], Monsieur [O] [F] et Madame [E] [Y]. par ses dernières conclusions déposées le 1er juin 2023 (et le 14 mai 2024 pour la régularisation de l’intervention des liquidateurs) sollicite de voir débouter le syndicat de ses demandes et de le condamner au paiement d’une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Elle note que la faute éventuelle de l’huissier s’analyse au regard des dispositions de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyant que l’opposition doit être faite au domicile élu, or l’avis indiquait “pour l’opposition éventuelle du syndic, domicile spécial est élu en l’office notarial
du mandataire judiciaire “. Elle a considéré qu’il s’agissait d’une erreur de plume, l’opposition devant être faite entre les mains du mandataire et ce d’autant qu’il était mentionné que Maître [H] se chargerait de la répartition des fonds.

Elle précise avoir dû agir dans l’urgence et a bien avisé son mandant qu’elle signifiait l’acte à Maître [H].

L’impossibilité de recouvrement est liée à la liquidation judiciaire, l’opposition ne permettait pas de recevoir le paiement autrement que dans le cadre des règles de répartition, c’est-à-dire qu’au terme de la procédure d’ordre. Par ailleurs le privilège du syndicat le place à un rang inférieur à celui de l’AGS, des frais de justice, et du privilège de vendeur ou prêteur de deniers inscrits.

A ce titre il est justifié que le syndicat a déjà perçu 6.093,48 € au titre de sa créance antérieure admise au passif à titre privilégié mais il n’est pas justifié qu’il pouvait prétendre percevoir plus.

DISCUSSION

Il est justifié de ce que le syndic a reçu notification le 10 juillet 2018 de la part de Maître [M], notaire, de la vente par la SCI du Centre BAGANAIS au profit de la FINANCIÈRE DWS des lots de copropriété détenus par la première dans l’ensemble immobilier situé à LACANAU résidence Le Baganais, domaine de l’Ardilouse (pièce 1 demandeur), elle était invitée à faire opposition dans un délai de quinze jours au paiement du prix “au domicile élu ci-dessus”

Selon l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction au jour de la vente, lors de la mutation à titre onéreux d'un lot, et si le vendeur n'a pas présenté au notaire un certificat du syndic ayant moins d'un mois de date, attestant qu'il est libre de toute obligation à l'égard du syndicat, avis de la mutation doit être donné par le notaire au syndic de l'immeuble par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de quinze jours à compter de la date du transfert de propriété. Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cet avis, le syndic peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire, opposition au versement des fonds dans la limite ci-après pour obtenir le paiement des sommes restant dues par l'ancien propriétaire. Cette opposition contient élection de domicile dans le ressort du tribunal judiciaire de la situation de l'immeuble et, à peine de nullité, énonce le montant et les causes de la créance Le notaire libère les fonds dès l'accord entre le syndic et le vendeur sur les sommes restant dues. A défaut d'accord, dans un délai de trois mois après la constitution par le syndic de l'opposition régulière, il verse les sommes retenues au syndicat, sauf contestation de l'opposition devant les tribunaux par une des parties. Les effets de l'opposition sont limités au montant ainsi énoncé.
out paiement ou transfert amiable ou judiciaire du prix opéré en violation des dispositions de l'alinéa précédent est inopposable au syndic ayant régulièrement fait opposition.
L'opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en œuvre de l'hypothèque légale mentionnée à l'article 19-1.

Il en est déduit que l'opposition au versement des fonds, formée régulièrement par le syndic, vaut au profit du syndicat mise en œuvre du privilège de l'art. 19-1

Dès lors qu’il a reçu une notification de vente, le syndic a entendu poursuivre une opposition au paiement du prix et a confié ses intérêts à la société d’huissiers de justice défenderesse le 17 juillet 2018 (pièce 3).

L’huissier instrumentaire a formé son opposition le 25 juillet à l’égard de l’acquéreur (pièce 4) alors que celui-ci s’était déjà libéré du prix lors de la vente qui avait été notifiée au syndic et que le domicile élu pour former opposition était celui de l’étude notariale qui avait reçu l’acte et qui détenait le montant du prix de vente ;

Cette opposition était en conséquence inefficace, le Notaire sans engager sa responsabilité pouvait, en l'absence d'opposition entre ses mains, se dessaisir des fonds.

Il appartenait évidemment à l’huissier de justice de former opposition entre les mains du vendeur faisant élection de domicile à l’office du Notaire ce qui était rappelé sur l’avis de mutation, lequel mentionne que pour l’opposition domicile est élu en l’office notarial.

Il en résulte que l’huissier de justice a commis une erreur, de sorte que l’acte d’opposition qu’il a émis s’est trouvé sans effet, l’acquéreur s’étant dessaisi des fonds remis au Notaire.

L’huissier de justice qui sollicitait le 23 juillet 2018 un décompte précis de la créance confirmait par ailleurs que le domicile élu du mandataire judiciaire du vendeur était l’office notarial et que c’était à ce domicile élu qu’il prévoyait de faire opposition (pièce 4 défendeur), néanmoins il ne s’est pas conformé à cette analyse, ne signifiant l’acte ni au mandataire judiciaire, ni au notaire mais à l’acquéreur lequel ne détenait plus de fonds.

Il est invoqué une situation d’urgence, or les délais étaient suffisants (une semaine), l’urgence n’a pas été visée dans la tarification, l’analyse qui était faite le 23 juillet était correcte et devait permettre de délivrer un acte efficace le 25 juillet.

Il s’ensuit que la faute de l’huissier de justice engage sa responsabilité.

Selon l’ancien article 2374 du Code civil le syndic dispose d’un privilège sur le prix de vente et
le syndicat est préféré au vendeur et au prêteur de deniers pour les créances afférentes aux charges et travaux de l'année courante et des deux dernières années échues.

En raison de l’absence d’opposition valablement effectuée entre les mains du Notaire du vendeur, le mandataire judiciaire a effectué un règlement limité à hauteur de 6.093,48 € et a inscrit le solde de la créance du syndic à titre chirographaire (pièce 1 défendeur).

Le syndicat, a ainsi perdu toute chance de recouvrer la somme dont il était créancier à titre privilégié pour les créances afférentes aux charges et travaux de l'année courante et des deux dernières années échues.

Cette perte de chance peut être estimée au regard du décompte de créance et des règlements perçus à 40.000 €;

Il sera fait droit à la demande de dommages-intérêts pour ce montant.

L’équité commande en outre de condamner la SCP à verser au syndicat la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

CONDAMNE la SCP [Y]-[F]-CLEMENT-[K], Société Civile Professionnelle d’Huissier de Justice, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n°349 005 835, dont le siège social est sis 68 rue de la Croix Blanche à BORDEAUX (33000), désormais dissoute à compter du 7 juin 2023 selon procès-verbal d’assemblée générale en date du 04/07/2022, représentée par ses liquidateurs : Madame [E] [K], Monsieur [O] [F] et Madame [E] [Y], à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence LE BAGANAIS la somme de 40.000 € à titre de dommages-intérêts et la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la SCP [Y]-[F]-CLEMENT-[K] , représentée par ses liquidateurs Madame [K], Monsieur [F] et Madame [Y], aux entiers dépens.

La présente décision est signée par Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/08309
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;21.08309 ?
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