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25/06/2024 | FRANCE | N°23/04556

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 25 juin 2024, 23/04556


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 25 Juin 2024


DOSSIER N° RG 23/04556 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X4BU
Minute n° 24/ 238


DEMANDEUR

Monsieur [R] [X]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Jonathan CITTONE de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE, immatriculée au RCS de Fort-de-France sous le n° 313 976 383 numéro de gestion

93 D 99, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5] (MARTINIQUE)

représentée par Maître Sarah BRUNET de la ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 25 Juin 2024

DOSSIER N° RG 23/04556 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X4BU
Minute n° 24/ 238

DEMANDEUR

Monsieur [R] [X]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Jonathan CITTONE de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE, immatriculée au RCS de Fort-de-France sous le n° 313 976 383 numéro de gestion 93 D 99, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5] (MARTINIQUE)

représentée par Maître Sarah BRUNET de la SELARL SB, avocats au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Catherine RODAP, avocat au barreau de Martinique, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 28 Mai 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 25 Juin 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 25 juin 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un acte authentique constatant un prêt en date du 27 septembre 2007, la Caisse régionale de Crédit agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane (ci-après le crédit agricole) a fait signifier à Monsieur [R] [X] un commandement aux fins de saisie-vente par acte du 5 avril 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 25 mai 2023, Monsieur [X] a fait assigner le crédit agricole devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin notamment de voir annuler ce commandement.

A l’audience du 28 mai 2024 et dans ses dernières conclusions, Monsieur [X] sollicite l’annulation du commandement de payer en date du 29 juin 2016 et par conséquent l’annulation du commandement du 5 avril 2023. Il sollicite le rejet des demandes adverses et la condamnation de la défenderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, le demandeur fait valoir que le commandement du 29 juin 2016 ne lui a pas valablement été signifié, l’huissier n’ayant pas accompli les diligences prescrites par l’article 659 du Code de procédure civile. Il en déduit que la prescription de l’action en paiement est acquise et que partant la nullité du commandement délivré le 5 avril 2023 doit être prononcée. Il souligne que le commandement délivré à la co-caution ne saurait interrompre le délai de l’action le concernant, chacune ne garantissant pas la même fraction de la dette. A titre subsidiaire, il fait valoir que la banque ne justifie pas d’avoir informé annuellement les cautions, la déchéance du droit aux intérêts étant de fait encourue. Il souligne qu’en l’absence de décompte précis et de prise en compte des paiements affectés au titre des intérêts depuis l’octroi du crédit aucun décompte modificatif n’est possible et que le commandement doit par conséquent être annulé.

A l’audience du 28 mai 2024 et dans ses dernières écritures, le Crédit agricole conclut au rejet de toutes les demandes, à la validation des deux commandements en date du 29 juin 2016 et du 5 avril 2023 ainsi qu’à la condamnation du demandeur aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse fait valoir que la prescription n’est pas encourue, la signification du commandement du 29 juin 2016 ayant été régulièrement effectuée, l’huissier détaillant les diligences accomplies et le demandeur ne démontrant pas la connaissance qu’elle aurait pu avoir de sa nouvelle adresse. Elle fait valoir qu’en tout état de cause par trois courriers, Monsieur [X] a sollicité un échéancier pour apurer sa dette, reconnaissant par la même celle-ci et interrompant le délai de prescription. Elle souligne que Monsieur [X] ne justifie par ailleurs d’aucun grief à même de fonder l’annulation du commandement litigieux. Elle soutient avoir adressé les lettres d’information annuelle de la caution et s’oppose donc à toute déchéance du droit aux intérêts. Elle souligne qu’en tout état de cause, Monsieur [X] ne peut voir imputer sur sa dette les intérêts réglés par le débiteur principal, de telle sorte que le commandement du 5 avril 2023 doit être validé en ce qu’il mentionne avec exactitude l’état de la créance.
L’affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur le commandement de saisie-vente

L’article L221-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.
Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d'opposition.
Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d'habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l'exécution. »

Les articles 654 et 659 du Code de procédure civile prévoient :
« La signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. »

« Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés. »

S’agissant du régime de nullité des actes d’huissier, l’article 649 du code de procédure civile dispose :
“La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.”

L’article 114 du Code de procédure civile prévoit :
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »

Le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 29 juin 2016 selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile indique au titre des diligences accomplies que l’huissier s’est rendu à la dernière adresse connue et n’y a pas trouvé de nom sur la boite aux lettres, l’enquête de voisinage restant vaine. L’huissier indique ensuite « Attendu que nous avons obtenu par la CPAM de la Gironde une autre adresse sur [Adresse 3] que nous avons vérifiée sans succès car à cette adresse demeure une Madame [B] [Y] ». L’huissier indique ensuite avoir interrogé en vain les services de police, les services postaux et le requérant ou son mandataire.

Madame [B] atteste qu’elle hébergeait bien Monsieur [X] à cette époque et que son nom figurait sur la boite aux lettres. Ce dernier produit une relance du RSI et un avis d’impôt reçus à cette adresse.

Les diligences réalisées pour la vérification de cette nouvelle adresse ne sont donc pas décrites de manière précise, la formule utilisée de manière stéréotypée apparaissant insuffisante, notamment en ce que l’huissier ne s’est manifestement pas déplacé sur les lieux pour vérifier l’adresse se contentant d’une recherche à distance n’ayant permis d’identifier que la détentrice principale du logement.

L’absence de signification à personne a causé un grief manifeste à Monsieur [X] qui n’a pas été avisé de la volonté de la banque de se prévaloir de sa créance à son encontre en qualité de caution à l’issue de la procédure collective de la débitrice principale et le privant ainsi d’une possibilité de négocier avec le créancier et de commencer à apurer sa dette, laquelle a continué de produire des intérêts alors que l’acte d’exécution forcée suivant n’a été délivré qu’en 2023.

Le commandement aux fins de saisie-vente du 29 juin 2016 sera donc annulé au vu de l’absence de signification régulière.

- Sur la prescription

Il ressort de la combinaison des articles L111-3, L111-4 et de la loi du 17 juin 2008 que l’action en exécution d’un acte notarié se prescrit par 5 ans. Les parties s’accordent pour fixer le point de départ du délai au 28 mai 2013, date de clôture de la procédure collective ayant affecté la société LOCARENT, débitrice principale.

Le délai de prescription expirait donc au 28 mai 2018. Or, dans la mesure où le commandement aux fins de saisie-vente du 29 juin 2016 a été annulé ainsi que cela a été démontré supra, aucun acte n’est venu utilement interrompre la prescription puisque les seuls actes interruptifs de prescription consistent en un commandement du 30 mai 2018 et trois courriers dans lesquels Monsieur [X] sollicite un échéancier et se reconnait par conséquent débiteur, tous postérieurs à l’expiration du délai de prescription.

En l’absence d’acte interruptif de prescription, il doit donc être considéré que l’action en exécution forcée de l’acte authentique en date du 27 septembre 2007 est prescrite.
Le commandement aux fins de saisie-vente du 5 avril 2023 doit par conséquent être également annulé.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Le Crédit Agricole, partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
ANNULE le commandement aux fins de saisie-vente signifié par la Caisse régionale de Crédit agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane à Monsieur [R] [X] le 29 juin 2016 ;
CONSTATE que l’action en exécution forcée de l’acte authentique constatant le prêt consenti par la Caisse régionale de Crédit agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane à Monsieur [R] [X] en date du 27 septembre 2007 est prescrite ;
ANNULE le commandement aux fins de saisie-vente signifié par la Caisse régionale de Crédit agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane à Monsieur [R] [X] le 5 avril 2023 ;
CONDAMNE la Caisse régionale de Crédit agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane à payer à Monsieur [R] [X] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la Caisse régionale de Crédit agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/04556
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;23.04556 ?
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