La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2024 | FRANCE | N°22/09214

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 25 juin 2024, 22/09214


N° RG 22/09214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XH3D
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

PARTAGE NOTAIRE





28A

N° RG 22/09214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XH3D

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[F] [N]

C/

[Z] [C] épouse [G], [B] [C]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Jérôme DIROU
Me Mathilde GALTIER
Me Cédric JOURNU




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 25 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des

débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant f...

N° RG 22/09214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XH3D
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

PARTAGE NOTAIRE

28A

N° RG 22/09214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XH3D

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[F] [N]

C/

[Z] [C] épouse [G], [B] [C]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Jérôme DIROU
Me Mathilde GALTIER
Me Cédric JOURNU

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 25 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 14 Mai 2024 sur rapport de Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEUR :

Monsieur [F] [N]
né le 16 Février 1938 à BÔNE - ALGERIE
de nationalité Française
21 rue Boudet
33000 BORDEAUX

représenté par Me Cédric JOURNU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDERESSES :

Madame [Z] [C] épouse [G]
née le 06 Mars 1974 à PESSAC (33600)
de nationalité Française
4 Chemin du Soulé
31520 RAMONVILLE SAINT AGNE

N° RG 22/09214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XH3D

représentée par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Madame [B] [C]
née le 12 Novembre 1978 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
110 rue Vauban
33000 BORDEAUX

représentée par Me Mathilde GALTIER, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
EXPOSE DU LITIGE

Mme [E] [O] épouse [N] née le 9 janvier 1949 à BORDEAUX (GIRONDE), de son vivant retraitée, demeurant 21 rue Boudet à BORDEAUX (GIRONDE), est décédée le 3 janvier 2019 au BOUSCAT (GIRONDE).

Elle laisse pour recueillir sa succession, selon acte de notoriété établi le 8 février 2019 par Maître [A] [M], notaire à BORDEAUX (GIRONDE), ses deux enfants issus de son union avec M. [U] [C], dont elle était divorcée par jugement du 26 septembre 1994 :
- [Z] [C] épouse [G]
- [B] [C]
son conjoint survivant, M. [F] [N], avec lequel elle était mariée en secondes noces depuis le 4 mars 2000 sous le régime de la séparation de biens.

L’actif de la succession se compose d’une part de biens propres, à savoir d’un appartement sis à BORDEAUX rue Boudet qui constituait le logement conjugal, d’un appartement sis à RABAT -LES-TROIS-SEIGNEURS (09), du tiers indivis en nue propriété de 2 appartements sis à BORDEAUX rue Fondaudège et rue du Palais Gallien et d’un appartement à RABAT-LES-TROIS-SEIGNEURS (09), et d’autre part, de biens indivis entre Mme [E] [O] épouse [N] et M. [F] [N], à savoir d’ un appartement sis à BIARRITZ acquis à concurrence de la moitié indivise chacun avec M. [F] [N], outre des meubles et objets mobiliers garnissant l’appartement conjugal de la rue Boudet à BORDEAUX évalués à 1.440 euros, d’un compte joint entre les époux ouvert à la BNP PARIBAS dont le solde créditeur au jour du décès était de 11.995, 98 euros, et d’un véhicule de marque AUDI.

L’appartement sis à BIARRITZ a été vendu, au prix de 890.000 euros, et son prix partagé entre les trois cohéritiers, ainsi que le véhicule de marque AUDI, le prix de 7.000 euros ayant été versé sur le compte ouvert au nom de l’indivision.

L’actif de l’indivision existant entre M. [F] [N] et Mmes [Z] et [B] [C] se compose du solde créditeur du compte joint, des meubles et objets mobiliers de l’appartement de la rue Boudet à BORDEAUX et du prix de vente du véhicule AUDI.

De son vivant, Mme [E] [O] épouse [N] a établi un testament olographe le 14 novembre 2011, rédigé dans les termes suivants : “Je soussignée [E] [N] [O] née le 9 janvier 1949 à BORDEAUX, demeurant actuellement à BORDEAUX, 21 rue Boudet. Ceci est mon testament et révoque toutes dispositions antérieures. J’entends priver mon conjoint [F] [N] de tous ses droits légaux dans ma succession, à l’exception du droit viager d’habitation. Fait à BORDEAUX le 14 novembre 2011.”

Initialement, M. [F] [N] a manifesté le souhait de bénéficier du droit viager d’habitation consenti par Mme [E] [O] épouse [N], puis par divers courriers dont le premier en date du 4 décembre 2020, y a renoncé, sollicitant l’attribution préférentielle du mobilier dont il était propriétaire indivis avec son épouse, et un droit d’usage sur le mobilier qui appartenait en propre à son épouse.

A défaut d’accord de ses cohéritières sur cette proposition de partage du mobilier, M. [F] [N], par actes des 1er et 2 décembre 2022, a fait assigner Mmes [Z] et [B] [C] devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 octobre 2023, M. [F] [N] demande au tribunal, en se fondant sur les dispositions des articles 815, 816, 831, 764 du code civil et 1361 du code de procédure civile de :
- ordonner la liquidation et le partage de l’indivision existant entre M. [F] [N] d’une part et Mesdames [Z] et [B] [C] d’autre part
- désigner tel notaire qu’il plaira pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage
- commettre un juge du tribunal pour en surveiller les opérations
- déclarer parfaite la renonciation de M. [F] [N] à son droit d’usage et d’habitation sur les lots 19 à 23 de la copropriété du 21 rue Boudet 33 000 BORDEAUX cadastré commune de BORDEAUX, section PE n°76
- dire et juger que cette renonciation prendra effet au 4 décembre 2020 et subsidiairement au 15 avril 2021
- ordonner la publication du jugement à la conservation des hypothèques en ce qu’il statue sur la renonciation précitée
- ordonner l’attribution préférentielle au profit de M. [F] [N] du mobilier indivis garnissant le logement à savoir :
une console noireun chandelier de [T]un lit double avec deux chevets et deux lampesun encadré sous verre dans chambreun meuble acier fond rouge à roulettes étagères et tiroirs dossiers3 petits meubles rouges4 chaises contemporaines1 colonne en acier et étagères à livres1 porte manteaux1 porte parapluie1 table mélanisée coin à repas4 chaises contemporaines2 vases modernes2 plateaux2 lampadaires contemporains3 encadrés (vue de Bruxelles)4 sculptures pleureuses sur un banc + roue acier granit dentelée 2 fauteuils gris3 petites TV SONY (dans chambre)4 petites tables rondes2 poufs2 tapis3 petites consoles en fer forgé4 chaises contemporaines1 toile NY en sang3 encadrés sous verre4 photos1 toile vue du canigou par [R]1 encadré sous verre: bateaux en mer de Chine1 coupe en métal argenté3 miroirs des sorcières sur 74 lampes hautes acier et acier noir1 fer à repasserdraps linge de toilette couverturesverres couverts ustensiles ménagers...livres dont certains d’artau salon : [H] Plantes en tige et fleuries au dessus de la cheminée :[X], petit sous-verre abstrait à gauche du [H][L] : Grande bâche Pyrénées catalanesMain saisie et tendue en plâtrebouclier en acier brun foncé (fils de [L] sculpteur)[X] : abstraction sous verre rouge dominant (mur du fond du salon)tableau abstrait pate épaisse dans le meuble bibliothèque paysage sous verrecarte géographique avec femme en surimpressionescalier vers 2 ème :[KW] [DA] : pantins coususPalier 2ème [UL] [GY] : tête blanchâtre en pâte épaisse sur fond très brun tableau sous verre : fleuve sous pont[S] : tableau abstraittrois eaux fortes : petit [J] [D], [K] Black origami, [I] “barconnière”avant la buanderie (entreposés dans la chambre 1)[U] [W] : toile abstraite. Superposition en forme de lignes horizontales de signes abstraits[V] : 1 des deux encadrés sous verre2 des 4 grands encadrés sous verre (signature illisible): demande : l’après-midi et un des deux sous verre clairs1des deux Ceslaranic1 sous verre Homme seul sur fond brun foncé (Music 83)1des deux grands papiers femmes en attente d’encadrementChambre encre contemporaine de [J] [D] [L] : bâche encadrée sous verre[P] femme et vieillard[V] petite carte géographique encadré sous verreChambre 2 aquarelles méditerranéennes([Y]) dont 1 sur palier 3SalonLampadaires luminaire tube verretête antique en grès sur socle acier2 têtes orientales jointes en grèsbronze femme élancéelampe de bronze portant pour diffuseur un rond de verre palier avant les chambres sur petit guéridon sculptures bronze deux corsp
- ordonner que sur les meubles meublants appartenant en propre à la défunte Mme [E] [O], M. [F] [N] bénéficiera d’un droit d’usage et ce jusqu’ à son décès,
- condamner Mesdames [Z] [C] et [B] [C] à payer chacune à M. [F] [N] la somme de 17.500 euros,
- débouter Madame [Z] [C]et Madame [B] [C] de leurs demandes reconventionnelles,
- ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 12 mai 2023, Mme [Z] [C] épouse [G], se fondant sur les dispositions des articles 815, 816, 817, 756, 703,703, 765-1 du code civil 840, 1359, 1364 du code de procédure civile demande au tribunal :
- ordonner la liquidation et le partage de l’indivision existant entre M. [F] [N] d’une part et Mme [Z] [C]et Mme [B] [C] d’autre part,
- juger que cette liquidation partage concernera l’ensemble de la succession de Mme [E] [O] afin que les opérations de succession concernant la succession de la défunte soient réglées globalement et que chacun des trois héritiers Mme [Z] [C], Mme [B] [C] et M. [F] [N] soient allotis de leurs droits par le jugement à venir,
- désigner M. le Président de la chambre des notaires en qualité de notaire commis pour procéder aux opérations de compte de liquidation et de partage afin de dresser un projet d’état liquidatif établissant la masse partageable les droits des parties et la composition des lots avec possibilité pour chacune des parties de former des dires sur le projet,
- désigner un magistrat du tribunal pour suivre ces opérations,
- juger que M. le Président de la chambre des notaires pourra désigner tous les notaires de son ressort sauf Me [A] [M],
- juger de la bonne application du testament olographe de Mme [E] [O] du 14 novembre 2011 ayant fait l’objet d’un procès verbal de dépôt chez Me [A] [M],
- juger de la renonciation de M. [N] à son droit viager d’habitation tel qu’il était prévu par le testament précité,
- débouter M. [N] de sa demande d’attribution préférentielle des meubles garnissant le logement familial,
- débouter M. [F] [N] de sa demande de bénéficier d’un droit d’usage sur les meubles meublants jusqu’à son décès,
- débouter M. [F] [N] de sa demande de condamnation de la somme de 17.500 euros à chacune des deux soeurs [Z] [C] et [B] [C],
- ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 mars 2024, se fondant sur les dispositions des articles 815 et 626 du code civil, Mme [B] [C] demande au tribunal de :
à titre principal
- ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision existant entre Mmes [B] et [Z] [C] et M. [F] [N],
- désigner la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation, afin de procéder à ces opérations, précisant que cette délégation ne pourra être opérée au profit de Me [A] [M] ou bien de tous notaires de son étude,
- ordonner la régularisation d’une attestation immobilière rectificative constatant l’extinction du droit viager d’habitation de M. [F] [N] sur les lots 19 20 21 22 et 23 de l’ensemble immobilier sis à BORDEAUX 21 rue Boudet cadastré section PE n°76,
- dire et juger que la régularisation de cette attestation immobilière devra intervenir dans un délai de 2 mois à compter de la signification à intervenir avec prise d’effet à la date de régularisation de l’acte,
- débouter les parties de toutes autres demandes.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 avril 2024.

MOTIVATION

I-Sur les demandes principales

I- Sur les opérations de compte liquidation et partage

Les trois parties demandent l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision existant entre elles, M. [F] [N] sollicitant que Maître [A] [M] reste saisi du dossier tandis que Mme [Z] [C] [G] s’y oppose.

Mme [Z] [C] [G] sollicite que les opérations soient étendues au partage de l’indivision existant entre elle-même et sa soeur.
Mme [B] [C] s’y oppose, considérant qu’aucune diligence n’a été entreprise en vue de parvenir au partage amiable de cette indivision, et qu’il n’existe pas de difficulté entre les cohéritières pour y parvenir. M.[F] [N] conclut au rejet de cette prétention, un partage unique ne pouvant être ordonné que pour des indivisions qui existent entre les mêmes personnes sur des mêmes biens, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Sur ce,

M. [F] [N], Mmes [Z] et [B] [C] étant en indivision sur les intérêts patrimoniaux ayant existé entre Mme [E] [O] [N] et M. [F] [N] , et nul ne pouvant être contraint à demeurer dans l’indivision, il y a lieu, en application des articles 815 et 840 du code civil et conformément aux demandes, d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre eux.

En revanche, selon les dispositions de l’article 840-1 du code civil, un partage unique ne peut intervenir qu’en cas de pluralité d’indivisions existant exclusivement entre les mêmes personnes, alors même que l’indivision existant entre Mmes [Z] et [B] [C] porte sur des biens dont Mme [E] [O] [N] était propriétaire du tiers indivis avec d’autres membres de sa famille que ses filles.

Il est également relevé que l’article 840 précité prévoit que le partage judiciaire n’est fait en justice que lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable, ou qu’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder, ce qui n’est pas le cas de Mmes [Z] et [B] [C], qui ne connaissent pas de différend sur le partage de l’indivision les intéressant, de sorte que Mme [Z] [C] épouse [G] sera déboutée de sa demande de partage judiciaire unique.

Les cohéritiers ne s’accordant pas sur la désignation d’un Notaire, le président de la Chambre des notaires de la Gironde sera désigné pour y procéder en application de l'article 1364 alinéa 2 du code de procédure civile avec faculté de délégation à tout notaire de son ressort à l'exception de Maître [A] [M], notaire à BORDEAUX, ou de tout notaire de son étude, vainement intervenu à l’amiable.

Le président de la chambre des Notaires de GIRONDE disposera d’une année suivant sa désignation pour achever ses opérations conformément à l’article 1368 du code de procédure civile.

Un magistrat sera commis pour surveiller les opérations à accomplir et en particulier pour s’assurer que ce délai sera respecté.

Aux termes de l'article 1368 du code de procédure civile susvisé, il appartiendra en particulier au notaire liquidateur de dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable et les droits de chacun d'eux.

Il appartiendra au notaire de se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l'indivision, d'examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte. En effet, chaque indivisaire peut être créancier de la masse au titre d'impenses qu'il a faites, de frais divers qu'il a acquittés, de la rémunération de sa gestion ou de ses travaux personnels, comme débiteur de cette masse au titre des pertes ou détériorations qu'un bien indivis aurait subi par sa faute, de la perception de fonds indivis qu'il n'aurait pas remis à l'indivision ou prélevés dans la caisse de celle-ci, ou encore d'une avance en capital.
En cas de situation de blocage durant les opérations ou de désaccord ou carence des parties quant au projet de partage établi à leur terme, le notaire dressera un procès-verbal de difficultés accompagné de son projet d'état liquidatif et le juge commis pourra être saisi sur simple requête aux fins de conciliation conformément aux dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile. Le tribunal tranchera le cas échéant les différends persistants dans le cadre d'une nouvelle instance et pourra homologuer le projet de partage dressé par le notaire délégué s'il est saisi à cette fin.
II- Sur la renonciation au droit d’habitation
M. [F] [N] justifie avoir renoncé à son droit viager d’habitation au terme d’un premier courrier adressé à Maître [A] [M] en date du 4 décembre 2020, suivi d’une lettre du 15 avril 2021 signée par les parties ce que Mmes [Z] et [B] [C] admettent, sollicitant que le tribunal en juge et ordonne la publication du jugement et la régularisation d’une attestation immobilière rectificative.
Sur ce
L’article 765-1 dispose : “Le conjoint dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d’habitation et d’usage”.
Il n’est prévu aucun formalisme, ni pour demander, ni pour renoncer au bénéfice du droit viager d’habitation.
En l’espèce, la volonté de M. [F] [N] de renoncer à ce droit ressort de plusieurs courriers versés aux débats, de sorte qu’elle est acquise, à compter du courrier du 4 décembre 2020 et que la publication du jugement à la conservation des Hypothèques ainsi que d’une attestation immobilière rectificative sera ordonnée, en tant que de besoin.
III- Sur l’attribution préférentielle du mobilier indivis garnissant le logement
M. [F] [N] sollicite l’attribution préférentielle sur l’ensemble du mobilier dont il était propriétaire indivis avec son épouse.
Mme [Z] [C] s’y oppose, faute pour le requérant d’avoir désigné précisément les meubles revendiqués. Elle soutient que le testament pris par sa mère le priverait de tous ses droits légaux dans la succession, à l’exclusion du droit viager d’habitation, auquel il a renoncé. M. [F] [N] lui rétorque que le testament ne peut exclure un droit qu’il tient de son contrat de mariage avec la défunte.
Mme [B] [C] sollicite qu’un inventaire du mobilier en cause soit établi.
Dans le dispositif de ses dernières conclusions, M. [F] [N] fournit une liste des meubles en cause, dont il précise qu’elle pourrait faire l’objet d’un accord entre les parties.

Sur ce
Aux termes de l’article 1542 du code civil, les différents cas d’attribution préférentielle sont applicables au partage des biens indivis entre époux séparés de biens.
L’article 831-2 du code civil, relatif à ces cas d’attribution préférentielle prévoit que “Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l’attribution préférentielle (...) :
1° de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation s’il y avait sa résidence à l’époque du décès et du mobilier le garnissant ainsi que du véhicule du défunt dès lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante.”
L’article 831-3 du même code dispose par ailleurs :
“L’attribution préférentielle visée au 1° de l’article 831-2 est de droit pour le conjoint survivant”.
En l’espèce, le tribunal est saisi du partage des intérêts patrimoniaux ayant existé entre les époux [N], auquel s’appliquent les règles de l’attribution préférentielle, telles que définies à l’article 831-2 précité du code civil.
Pour prétendre à l’attribution préférentielle d’un local d’habitation, qui s’entend également du mobilier le garnissant, le conjoint survivant doit remplir trois conditions : y avoir sa résidence principale à l’époque du décès, en être copropriétaire et que ces biens soient compris dans la succession considérée.
En l’espèce, il apparaît que le mobilier litigieux fait partie de la succession de la de cujus, pour sa quote-part indivise, et que M. [F] [N] avait sa résidence principale dans le local d’habitation concerné à l’époque du décès.
Reste la condition tenant à la copropriété du mobilier revendiqué : M. [F] [N], conjoint survivant séparé de biens, dispose, en vertu des dispositions de l’article 1538 alinéa 2 du code civil et du contrat de mariage versé aux débats, d’une présomption de propriété, selon laquelle, lors de la dissolution du mariage, les biens sont réputés appartenir à chacun des époux pour moitié.
Il appartient aux défenderesses de combattre cette présomption en apportant la preuve contraire par tous moyens, ce qu’elles échouent à faire en prétendant qu’au terme de son testament, Mme [E] [O] [N] a entendu priver son conjoint survivant de tous ses droits dans sa succession. Or cette disposition testamentaire ne peut s’interpréter comme ayant pour effet de porter atteinte au droit de propriété dont dispose le conjoint de la défunte sur le mobilier en cause depuis le contrat de mariage.
Par conséquent, M. [F] [N] remplit les conditions pour se prévaloir de l’attribution préférentielle du mobilier dont il était propriétaire indivis avec la défunte.
Il y a donc lieu d’ordonner l’attribution préférentielle à M. [F] [N] de l’ensemble du mobilier dont il était propriétaire indivis avec son épouse, tel que listé dans le dispositif de ses dernières conclusions.
III- Sur le droit d’usage du mobilier appartenant en propre à Mme [E] [O] [N]
M. [F] [N] se fonde sur les dispositions de l’article 764 du code civil pour solliciter un droit d’usage à titre viager sur le mobilier appartenant en propre à la défunte dont Mme [Z] [C] conteste l’existence, M. [F] [N] ne pouvant prétendre à aucun droit sur ce bien du fait des dispositions testamentaires. Au vu de la détérioration des relations, Mme [B] [C] sollicite que M. [F] [N] fournisse préalablement une caution et un inventaire.
Sur ce
L'article 4 du code de procédure civile dispose : 'L'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties.
Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense (...)."
M. [F] [N] ne fournissant aucun élément de nature à déterminer sur quels meubles porte sa demande, le tribunal n'est pas saisi d'une prétention au sens de l'article 4 précité, ce qui conduit à rejeter ce chef de demande.
IV- Sur les deux dettes de 17.500 euros
M. [F] [N] sollicite le règlement par les défenderesses de la somme de 17.500 euros chacune, au titre de deux prêts d’argent consentis par leur mère, cette dernière ayant elle-même emprunté l’argent au demandeur suivant deux reconnaissances de dette.
Mme [Z] [C] soulève l’irrecevabilité de cette demande qu'elle ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions, pour défaut de qualité, M. [F] [N] étant héritier et donc également tenu de cette dette. Elle considère par ailleurs qu’il n’est pas démontré que la défunte leur aurait versé ces sommes et qu’elle n’aurait pas été remboursée de son vivant.
Mme [B] [C] réclame des preuves du transfert des fonds par copies de chèque.
Sur ce
Sur la recevabilité de la demande de M. [F] [N]
Par application des dispositions de l'article 768 du code de procédure civile qui prévoit que “(...), le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de cette prétention que s’ils sont invoqués dans la discussion”, l'irrecevabilité soulevée par Mme [Z] [C] dans la discussion de ses conclusions, n'étant pas reprise dans leur dispositif, le tribunal n'a pas à statuer sur cette prétention, fin de non-recevoir relevant au demeurant de la compétence du juge de la mise en état.
Sur le bien-fondé de la demande
L'article 864 du code civil dispose : "Lorsque la masse partageable comprend une créance à l’encontre de l’un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse.
A due concurrence, la dette s’éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde sous les conditions et délais qui affectaient l’obligation."
L’article 1353 du code civil dispose : “Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”
M. [F] [N] sollicite le remboursement par ses cohéritières d'une somme de 17.500 euros chacune, au titre de deux prêts que leur avait consentis la défunte, ce qui s’analyse en une demande de rapport des dettes de ses copartageantes, à laquelle s’applique l’article 864 du code civil.
Il résulte de la combinaison de l'article 864 et de l'article 1353 du code civil qu’il appartient au cohéritier qui demande le rapport de sommes dues par l’un d’entre eux au défunt de prouver l’ existence de ces dettes. Une fois cette preuve rapportée, le copartageant qui prétend s'en être libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Au vu des reconnaissances de dettes signées par Mme [E] [O] [N] et du courriel de Mme [Z] [C] [G] du 4 avril 2019 admettant ces prêts et leur montant, la preuve de l'existence des deux dettes des défenderesses est rapportée. A défaut pour celles-ci de justifier du paiement, elles ne prouvent pas s’en être libérées. Il convient en conséquence d’ordonner le rapport par Mmes [Z] et [B] [C] de la somme de 17.500 euros chacune à la succession de leur mère, qui viendra en déduction de leurs droits et en augmentation des droits de M. [F] [N].
IV-Sur les demandes accessoires
Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
L'exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal,

-ORDONNE l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision entre M. [F] [N], Mme [Z] [C] [G] et Mme [B] [C] ensuite du décès de Mme [E] [O] épouse [N] le 3 janvier 2019 au BOUSCAT (Gironde) ;
-DESIGNE pour y procéder M. le président de la Chambre des Notaires de GIRONDE avec faculté de délégation à tout notaire de son ressort, à l'exclusion de l'office notarial de Maître [A] [M], notaire à BORDEAUX (Gironde) ;
-DIT qu'en cas d'empêchement du Notaire délégué, le Président de la Chambre des Notaires de GIRONDE procédera lui-même à son remplacement par ordonnance rendue à la requête de la partie la plus diligente ;
-DIT que le Notaire devra achever ses opérations dans le délai d'un an suivant sa désignation par le Président de la Chambre des Notaires de GIRONDE, sauf suspension prévue par l'article 1369 du code de procédure civile ou délai supplémentaire sollicité dans les conditions de l'article 1370 du code de procédure civile ;
-RAPPELLE qu'en cas d'inertie d'un indivisaire, un représentant au copartageant défaillant pourra être désigné en application des dispositions des articles 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile,
-RAPPELLE que le notaire désigné devra accomplir sa mission d'après les documents et renseignements communiqués par les parties et d'après les informations qu'il peut recueillir lui-même,
-RAPPELLE que le notaire a en outre le devoir de contrôler par tous moyens les déclarations des intéressés,
-RAPPELLE que le notaire pourra si nécessaire s'adresser aux centres des services informatiques cellules FICOBA et FICOVIE qui seront tenus de lui communiquer l'ensemble des informations qu'il réclame,
-DIT que le notaire devra soumettre aux parties son acte de partage ou établir un procès-verbal de difficultés dans un délai d'un an à compter de sa désignation,
-DIT qu'en application de l'article 1372 du code de procédure civile, si un acte de partage amiable est établi et signé entre les parties, le notaire en informera le juge commis qui constatera la clôture de la procédure,
-RAPPELLE qu'en cas de désaccord, le notaire délégué dressera un procès-verbal de dires où il consignera son projet d'état liquidatif et les contestations précises émises point par point par les parties à l'encontre de ce projet, lequel sera transmis sans délai au juge commis,
-COMMET le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal judiciaire de BORDEAUX en qualité de juge commis pour surveiller les opérations à accomplir,
-DEBOUTE Mme [Z] [C] épouse [G] de sa demande d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision existant entre elle-même et Mme [B] [C] ;
-DIT que M. [F] [N] a renoncé à son droit viager d'habitation à compter du 4 décembre 2020 sur les lots 19 20 21 22 et 23 de l'ensemble immobilier sis à BORDEAUX 21 rue Boudet cadastré section PE n°76 et ordonne en tant que de besoin la publication du jugement à la conservation des Hypothèques ainsi que d'une attestation immobilière rectificative
-ORDONNE l'attribution prédérentielle à M. [F] [N] du mobilier dont il est propriétaire indivis avec Mme [E] [O] épouse [N] garnissant le local d'habitation constitué des lots 19 20 21 22 et 23 de l'ensemble immobilier sis à BORDEAUX 21 rue Boudet cadastré section PE n°76 dont la liste est établie dans le dispositif de ses dernières écritures ;
-REJETTE la demande de M. [F] [N] au titre du droit d'usage du mobilier dont Mme [E] [O] épouse [N] était propriétaire en propre ;
-DIT n'y avoir lieu à statuer sur l'irrecevabilité soulevée par Mme [Z] [C]épouse [G] tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [F] [N] ;
-ORDONNE le rapport par Mme [Z] [C] épouse [G] et Mme [B] [C] de la somme de 17.500 euros chacune, qui viendra en déduction de leurs droits respectifs et en augmentation des droits de de M. [F] [N] ;
-DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage ;
-RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.
-REJETTE toutes autres demandes comme non fondées.

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/09214
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;22.09214 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award