La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°24/00004

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Expropriations, 20 juin 2024, 24/00004


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE


JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI VINGT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE


N° RG 24/00004 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YVGG
NUMERO MIN: 24/00051

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions p

révues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE

JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI VINGT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

N° RG 24/00004 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YVGG
NUMERO MIN: 24/00051

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET, Greffier

A l’audience publique tenue le 16 Mai 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 20 Juin 2024, et la décision prononcée par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

S.A. SNCF RESEAU
immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 412 280 737
[Adresse 2]
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentée par Maître Isabelle CARTON DE GRAMMONT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

ET

Monsieur [L] [R] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Luc MANETTI de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

En présence de Madame [C] [V], Commissaire du Gouvernement

-------------------------------------------
Grosse délivrée le:
à :
Expédition le :
à :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [L] [T] est propriétaire de la parcelle cadastrée section [Cadastre 7] sise [Adresse 4] à [Localité 9], d’une superficie totale de 698 m². Cette parcelle est issue de la division de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6], d’une superficie totale de 3214 m².

Par arrêté du 25 novembre 2015, le préfet de la Gironde a déclaré d’utilité publique au bénéfice de SNCF RESEAU, les travaux nécessaires à la réalisation des aménagements ferroviaires au Sud de [Localité 8]. Les effets de cette déclaration d’utilité publique ont été prorogés par arrêté du préfet de la Gironde du 26 septembre 2022.

SNCF RESEAU a saisi la juridiction de l’expropriation de la Gironde en adressant un mémoire valant offre par lettre recommandée avec accusé de réception reçu au greffe le 11 janvier 2024 aux fins de voir fixer l’indemnisation pour la dépossession du bien appartenant à monsieur [T] à la somme de 81 666 euros au titre de l’indemnité principale et à la somme 9167 euros au titre de l’indemnité de remploi.

Le transport sur les lieux a été fixé au 8 avril 2024 par ordonnance du juge de l’expropriation du 22 février 2024.

Par mémoire reçu au greffe du juge de l’expropriation le 25 mars 2024, le commissaire du gouvernement a proposé au juge de l’expropriation d’allouer à l’exproprié une somme de 81 666 euros au titre de l’indemnité principale et de 9 167 euros au titre de l’indemnité de remploi ainsi qu’une indemnité accessoire pour rétablissement des clôtures, sur devis ou factures.

Le transport sur les lieux s’est déroulé le 12 février 2024 en présence de monsieur [T], de son conseil, du conseil et des représentants de SNCF Réseau et du commissaire du gouvernement.

Par ordonnance du 26 janvier 2024, le juge de l’expropriation de la Gironde a déclaré immédiatement expropriée, pour cause d’utilité publique la parcelle précitée, propriété de monsieur [T].

L’affaire a été plaidée à l’audience du 16 mai 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 7 mai 2024, la société SNCF RESEAU demande au juge de l’expropriation de :
-fixer l’indemnité principale de dépossession à la somme de 81 666 euros, soit 117 euros du m²,
-fixer l’indemnité de remploi à la somme de 9 167 euros,
-fixer l’indemnité de reconstitution de la clôture à la somme de 13 087,44 euros.

Au soutien de ses demandes, la société SNCF RESEAU expose que la parcelle expropriée [Cadastre 7] d’une superficie de 698 m², issue de la division d’une parcelle plus grande cadastrée section [Cadastre 6] d’une surface totale de 3214 m² sur laquelle est implantée une maison d’habitation, est en nature de jardin, libre d’occupation, située à proximité de la ligne de chemin de fer existante.
Elle expose que l’emprise à exproprier est soumise au droit de préemption urbain et est située en totalité dans un emplacement réservé destiné à une « réserve d’emprise pour l’aménagement de la voie ferroviaire ».

Elle estime que la date de référence à retenir en application de l’article L. 322-6 du code de l’expropriation est celle de la publication la révision du PLU de [Localité 9] approuvée par délibération du 20 septembre 2017. A cette date, l’emprise était classée en zone UC du PLU, zone présentant un caractère rural et paysager spécifique, un tissu d’habitat peu dense, caractérisé le plus souvent par une implantation du bâti en retrait des voies et limites séparatives. Une partie de la zone UC n’est pas desservie par le réseau d’assainissement collectif. Elle souligne que sans offrir des capacités d’accueil importantes, la zone doit permettre de conforter le bâti existant.

Elle ajoute que le bien est soumis à la servitude d’utilité publique T1 « servitudes relatives aux chemins de fer », impliquant des obligations d’élagage pour les propriétaires, de suppression des constructions, excavations. A l’exception des murs de clôtures, la distance de plantation des arbres et haies vives est réglementée.

L’emprise expropriée est également située dans une zone EP1 du plan de zonage pluvial mettant à la charge des propriétaires des contraintes en matière de rétention d’eau sur les parcelles. Elle supporte également une servitude concernant les mines et carrières.

S’agissant de l’indemnité principale, la société SNCF RESEAU s’oppose à retenir comme pertinents les termes de comparaison proposés par monsieur au travers des rapports d’expertise de monsieur [J] et du cabinet [E] au motif que les références de publication des actes ne sont pas produites, pas plus que les actes, ce qui ne permet pas de vérifier que les termes de comparaison proposés portent sur des biens soumis aux mêmes dispositions d’urbanisme, aux mêmes contraintes en matière de constructibilité et aux mêmes risques naturels. SNCF RESEAU soutient qu’en tout état de cause, les références invoquées par l’exproprié portent sur des biens d’une superficie bien inférieure à celle de l’emprise, expliquant un prix plus élevé et souligne que s’agissant d’une expropriation partielle, c’est la globalité de la parcelle qui doit être prise en compte pour son évaluation. Elle ajoute que certains termes sont situés dans le centre bourg, donc non comparables et que d’autres (TC 4 et TC5) sont classés en zone UA et UB du PLU, qui offrent une meilleure constructibilité.

Elle estime son offre satisfactoire et se fonde sur six termes de comparaison portant sur des cessions entre 2019 et 2021 en zone UC et NH, précisant que cette dernière, qui offre une constructibilité peu dense, est similaire au caractère général de la zone UC. Elle ajoute que ces cessions sont intervenues dans un périmètre de moins de 2km par rapport à l’emprise.

S’agissant des termes de comparaison retenus par le commissaire du gouvernement, SNCF RESEAU souligne que le commissaire en produit de supplémentaires dont la juridiction pourra tenir compte.

Elle ajoute que dès lors que l’unité foncière à laquelle se rattache l’emprise expropriée supporte une construction, il convient d’appliquer un abattement pour encombrement afin de tenir compte de la dépréciation du terrain générée par la présence de constructions; eu égard à la surface de la maison édifiée sur la parcelle, il a été retenu un abattement de 10% sur l’indemnité principale.
Elle ne s’oppose pas à la demande d’indemnité pour rétablissement des clôtures dont le montant est justifié par la production d’un devis.

Au terme de ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 15 mai 2024, monsieur [T] demande au juge de l’expropriation de fixer l’indemnité de dépossession à 214 984 euros au titre de l’indemnité principale, l’indemnité de remploi à 53 746 euros et de lui allouer 13 087,44 euros pour les frais de reconstitution de la clôture. Il demande également de rejeter les prétentions de SNCF RESEAU et les « prétentions » du commissaire du gouvernement sauf celles relatives au rétablissement de la clôture. Il demande en outre la condamnation de SNCF RESEAU à lui verser une somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, il expose que la date de référence doit être fixée au 20 septembre 2017 ; qu’à cette date, l’emprise était située en zone UC du PLU de [Localité 9], supportant un emplacement réservé. Au regard du zonage, il en déduit que le terrain doit être qualifié de terrain à bâtir.

Concernant l’abattement pratiqué par SNCF RESEAU au motif que le terrain serait encombré d’une construction, il souligne qu’il n’existe aucune construction sur l’emprise de sorte qu’aucun abattement ne pourra être retenu et qu’en tout état de cause, la construction existante sur la parcelle initiale occupe moins de 10% du terrain.

Il estime que les termes de comparaison proposés par l’expropriant et le commissaire du gouvernement devraient être écartés comme non pertinents dès lors qu’ils portent sur des cessions de parcelles de superficie bien supérieure à l’emprise, plus éloignées et anciennes. Il souligne qu’en cas d’expropriation partielle, la qualification de terrain à bâtir doit tenir compte de la globalité de la parcelle mais qu’il doit être tenu compte de la seule superficie expropriée dans la recherche des termes de comparaison. Il souligne que les termes de comparaison répertoriés par les experts amiable, au nombre de 13, sont particulièrement pertinents au regard de la proximité géographique, de la nature équivalente et de la date de cession.

Ils ajoutent que contrairement à ce que soutient SNCF RESEAU, les références de publication des termes de comparaison sont précisées et les actes de vente versés aux débats.

Concernant le calcul de l’indemnité de remploi, il souligne que le juge l’évalue souverainement et proposent de retenir 25% de l’indemnité principale et à titre subsidiaire, de retenir la méthode de calcul avancée par le commissaire du gouvernement.

Il demande également une indemnité pour rétablissement de la clôture.

Au terme de ses conclusions enregistrées au greffe le 25 mars 2024, le commissaire du gouvernement a proposé au juge de l’expropriation d’allouer à l’exproprié une somme de 81 666 euros au titre de l’indemnité principale et de 9 167 euros au titre de l’indemnité de remploi ainsi qu’une indemnité accessoire pour rétablissement des clôtures, sur devis ou factures.

Sur la date de référence, il estime que celle-ci doit être fixée au 4 décembre 2015, date de publication de la mise en compatibilité du PLU de [Localité 9] après déclaration d’utilité publique. A cette date, la parcelle expropriée était située en zone UA du PLU, zone à caractère central d’habitat dans laquelle la capacité des équipements publics existants ou en cours de réalisation permettent d’admettre immédiatement des constructions. Elle est entièrement desservie par l’assainissement collectif. Rappelant que l’emprise est issue d’une parcelle plus grande supportant une construction, il estime que la parcelle [Cadastre 7] doit s’analyser comme un terrain à bâtir encombré de constructions. Il rappelle que le taux d’abattement usuellement pratiqué en fonction de l’encombrement varie de 10 à 40% et qu’au regard de l’importance du bâti implanté sur l’unité foncière de 3214 m², il lui apparaît pertinent de retenir un taux de 10%.
Il estime qu’aucun des termes de comparaison produit par l’ exproprié ne peut être retenu dès lorsqu’ils concernent des parcelles plus petites que la parcelle globale. Les termes de comparaison produits par SNCF RESEAU n’appellent pas d’observations particulières. Les termes de comparaison qu’il a recherchés concernent des terrains à bâtir destinés à la construction d’une maison individuelle, d’une superficie entre 1300 et 4000 m² situés dans un rayon de 3km du bien à évaluer, entre mois de janvier 2020 et le mois de février 2024.

MOTIVATION

Sur la consistance du bien exproprié
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique: “Le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.”
En l’espèce, l’ordonnance d’expropriation est intervenue le 26 janvier 2024. A cette date, la consistance du bien était identique à celle qui a pu être constatée lors du transport sur les lieux.

Selon transport sur les lieux et procès-verbal de transport, l’emprise expropriée de 698 m² est détachée d’une parcelle cadastrée [Cadastre 6] d’une surface totale de 3214 m². La voie publique la dessert par l’avenue du Général de Gaulle. Elle longe également la rue de la gare. Elle est proche de la gare SNCF de [Localité 9] et située à 500 mètres du centre ville. On y accède principalement par l’avenue du Général de Gaulle. Le terrain est plat.

L’emprise est en nature de jardin, clôturée, avec quelques arbres.

Sur la date de référence

Aux termes de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (ci-après, code de l’expropriation) : “Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance./ Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 322-3 à L. 322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 [enquête préalable à la déclaration d’utilité publique] (...) »

Il s’ensuit qu’en principe, la date de référence est fixée un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique.

Toutefois, en application de l’article L. 322-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme, lorsque l’expropriation porte sur terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d’urbanisme, la date de référence prévue à l’article L. 322-3 du code de l’expropriation est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé.

Par ailleurs, par application des dispositions combinées des articles L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 213-4 du code de l’urbanisme, auquel renvoie l’article L. 213-6 du même code, lorsque le bien est soumis au droit de préemption urbain, la date de référence est celle à laquelle la dernière révision du PLU modifiant la zone dans laquelle est situé le bien en cause, a été rendue opposable aux tiers.
En l’espèce, il n’est pas discuté que l’emprise supporte un emplacement réservé n°2 au bénéfice de SNCF Réseau. Elle est en outre située dans le périmètre du droit de préemption urbain selon délibération n°2018-09 du conseil municipal de [Localité 9].

La date de référence n’est pas discutée par les parties, soit le 20 septembre 2017.

Le commissaire du gouvernement estime toutefois devoir la fixer à la date de publication de l’arrêté de DUP emportant mise en compatibilité du PLU de [Localité 9].

La date de référence à retenir pour l’emprise, affectée par un emplacement réservé, située en zone de droit de préemption urbain, est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est située la parcelle en cause soit en l’espèce le 20 septembre 2017, selon les dires de l’expropriant, non contestés par les expropriés.
En effet, si l’arrêté préfectoral déclarant d’utilité publique les travaux nécessaires aux aménagements ferroviaires du Sud de [Localité 8] du 25 novembre 2015 a emporté mise en compatibilité le PLU, et en conséquence sa modification, il convient de constater, ainsi que le souligne SNCF Réseau, qu’à cette date le bien était situé en zone UA. Or, le zonage a été modifié depuis lors puisque, ainsi que le souligne également SNCF Réseau, l’emprise est désormais en zone UC: ainsi c’est bien la date du 20 septembre 2017 qui doit être retenue comme date de référence.

Sur la qualification de terrain à bâtir et sur l’usage effectif à la date de référence et sur l’usage effectif
Aux termes de l’article L. 322-3 du code de l’expropriation : « La qualification de terrains à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois :/1° Situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;/2° Effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone./Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L. 322-2. »
Les deux critères posés au 1° et 2° de l’article L. 322-3 précité sont cumulatifs.
L’article L. 322-4 du même code prévoit toutefois que l’indemnisation doit tenir compte des possibilités effectives de construction et des servitudes.

En l’espèce, s’agissant d’une expropriation partielle, la qualification de terrain à bâtir doit être recherchée au regard de la parcelle entière d’origine.

La zone UC est définie comme constructible par le PLU de [Localité 9]. Il n’est pas contesté qur l’emprise est desservie par les réseaux et la voie publique.

Elle peut en conséquence être qualifiée de terrain à bâtir.

Il convient de souligner qu’elle supporte des contraintes d’urbanisme comme l’emplacement réservé au profit de la SNCF, dont il ne doit toutefois pas être tenu compte pour l’évaluation de l’indemnité (article L. 322-6 du code de l’expropriation). Elle supporte une servitude de mines et carrières. La zone UC est concernée par le risque d’inondation et les risques de ruissellement d’eaux pluviales.

Sur l’indemnité principale
L’article L. 321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit que les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Par application des articles L. 322-1 à L. 322-3 du code de l’expropriation, l’indemnité de dépossession doit être fixée d’après la valeur du bien au jour du présent jugement, en tenant compte de sa consistance à la date de l’ordonnance d’expropriation et de son usage effectif ou de sa qualification de terrain à bâtir à la date de référence.
La consistance matérielle et juridique du bien n’a pas été modifiée depuis l’ordonnance d’expropriation.

En l’espèce, il y a lieu de retenir la méthode par comparaison, non contestée par les parties et le commissaire du gouvernement.

Ainsi que cela a été rappelé plus haut, s’agissant d’une expropriation partielle, ce n'est pas la configuration de l'emprise à prélever qui doit être prise en considération pour fixer l'indemnité d'expropriation maisbien la globalité de la parcelle constituant la propriété initiale. Ainsi, pour une parcelle initiale de 3214 m², les termes de comparaison à rechercher doivent être d’une superficie comparable, dans un zonage comparable.

Dès lors, les termes de comparaison produits par monsieur [T], se rapportant exclusivement à des parcelles d’une superficie allant de 347 m² à 761 m² doivent être écartés comme non pertinents, le prix de cession unitaire pour des parcelles de petite superficie étant plus onéreux.

L’expropriant propose six termes de comparaison (TC). Le TC2 doit être écarté pour concerner une cession intervenue en 2019, soit trop ancienne.

Les 5 termes de comparaison suivants sont identiques à ceux retenus par le commissaire du gouvernement, il y a lieu de les examiner ci-après.

Le commissaire du gouvernement présente sept termes de comparaison dont 5 communs à ceux présentés par l’expropriant.

Ils peuvent être retenus car présentant des caractéristiques similaires au bien exproprié. Tous concernent des cessions intervenues à [Localité 9].

Le TC 1 est relatif à une cession d’un terrain à bâtir de 1622 m², en zone UC du PLU. La cession a eu lieu pour 111 euros le m² et date du 12 mai 2021.
Le TC2 est relatif à une cession d’un terrain à bâtir de 1575 m², en zone UC du PLU. La cession a eu lieu pour 108 euros le m² et date du 18 mars 2021.
Le TC3 est relatif à une cession d’un terrain à bâtir de 1448 m², en zone NH du PLU. La cession a eu lieu pour 145 euros le m² et date du 28 février 2020.

Le TC4 est relatif à une cession d’un terrain à bâtir de 1853 m², en zone NH du PLU. La cession a eu lieu pour 116 euros le m² et date du 14 avril 2020.

Le TC5 est relatif à une cession d’un terrain à bâtir de 1421 m², en zone NH du PLU. La cession a eu lieu pour 139 euros le m² et date du 16 septembre 2020.
Le TC6 est relatif à une cession d’un terrain à bâtir de 2278 m², en zone UC du PLU. La cession a eu lieu pour 160 euros le m² et date du 4 mars 2020.

Le TC6 est relatif à une cession d’un terrain à bâtir de 1587 m², en zone UC du PLU. La cession a eu lieu pour 107 euros le m² et date du 22 juin 2020.

A noter que les termes de comparaisons en zone NH, proposés par l’expropriant et le commissaire du gouvernement, qui correspond à un secteur ponctuellement bâti à constructibilité limité peuvent être considérés ici comme présentant des caractéristiques similaires à la zone UC, ce d’autant qu’en l’espèce le prix unitaire moyen est plus élevé qu’en zone UC.

Il en résulte une moyenne de (111+108+145+116+139+160+107)/7 = 126,57, arrondie à 127 euros.

Il ressort des pièces du dossier et du transport sur les lieux que la parcelle d’origine supporte une construction : selon le commissaire du gouvernement, qui n’est pas contredit, la surface du local à usage d’habitation est de 116 m².

Il ressort des dispositions de l’article UC9 du PLU versées aux débats que dans les secteurs UCa et UCb, l’emprise au sol maximale de l’ensemble des constructions ne peut excéder 15% de la superficie totale du terrain. En secteur UCp, le maximum est de 20%. Dans le reste de la zone UC, dans une profondeur de 30 mètres comptés depuis la limite d’emprise publique, l’emprise au sol maximale de l’ensemble des constructions ne peut excéder 60% de la superficie totale et au-delà de 30 mètres, cela ne peut excéder 10% de la superficie totale du terrain.
Il ne ressort pas des écritures et des pièces produites que la parcelle considérée serait en secteur UCa, UCb ou UCp. Il y a donc lieu de considérer que la constructibilité est de 60% de la parcelle, la parcelle [Cadastre 7] étant certes éloignée de l’avenue du Général de Gaulle mais jouxte la rue de la gare.

En l’espèce, force est de constater que la petite taille de la construction, qui représente moins de 4% de la surface totale de la parcelle ne justifie pas d’appliquer un abattement sur le prix unitaire, même de 10%.

Au total, l’indemnité principale de dépossession sera fixée à 127 x 698 = 88 646 euros.

Sur les indemnités accessoires

En application de l’article L. 321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Sur l’indemnité de remploi

L’indemnité de remploi, prévue à l’article R. 322-5 du code de l’expropriation, destinée à compenser les frais de tous ordres exposés pour l’acquisition d’un bien comparable, est habituellement fixée à 20 % pour la fraction de l’indemnité principale inférieure à 5 000 euros, à 15 % pour la fraction comprise entre 5 000 et 15 000 euros et à 10 % pour le surplus. Il n’y a pas lieu en l’espèce d’adopter une autre méthode de calcul.

L’indemnité de remploi sera donc fixée en l’espèce à la somme de 9864,60 euros (5000x 20% + 10000 x 15% + 73646x10%).

Sur l’indemnité pour remplacement de la clôture

Les parties étant d’accord sur ce point, il sera fait droit à la demande d’indemnité pour reconstitution de la clôture à hauteur de la demande, soit 13 087,44 euros.

Sur les dépens

Conformément à l’article L. 312-1 du code de l’expropriation, SNCF RESEAU supportera les dépens.

Sur les frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

Au vu des circonstances du litige, il apparaît équitable de condamner SNCF RESEAU à verser une somme de 1 500 euros à monsieur [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

FIXE la date de référence au 20 septembre 2017

Fixe les indemnités revenant à Monsieur [L] [T] pour l’expropriation de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] d’une surface totale de 698 m² à [Localité 9] aux sommes suivantes :

- indemnité principale88 646 euros

- indemnité de remploi9864,60 euros,

- indemnité pour reconstitution de la clôture : 13 087,44 euros

Condamne SNCF RESEAU aux dépens.

Condamne SNCF Réseau à verser à monsieur [T] une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par, Madame Marie WALAZYC Juge de l’Expropriation, et par Mme Céline DONET, greffier présent lors du prononcé.

Le GreffierLe Juge de l’Expropriation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 24/00004
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;24.00004 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award