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18/06/2024 | FRANCE | N°23/06336

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 18 juin 2024, 23/06336


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 18 Juin 2024


DOSSIER N° RG 23/06336 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X4YE
Minute n° 24/ 228


DEMANDEUR

Madame [S] [U]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7] (60)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Olivier LALANDE, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

S.A.S. EOS FRANCE, inscrite au RCS de Paris sous le n° B 488 825 217, prise en la personne de son représentant légal, venant aux droits du Fonds commun de titrisatio

n CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 1, venant lui-même aux droits de la CETELEM
dont le siège social est [Adresse 5]
[Localité ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 18 Juin 2024

DOSSIER N° RG 23/06336 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X4YE
Minute n° 24/ 228

DEMANDEUR

Madame [S] [U]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7] (60)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Olivier LALANDE, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A.S. EOS FRANCE, inscrite au RCS de Paris sous le n° B 488 825 217, prise en la personne de son représentant légal, venant aux droits du Fonds commun de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 1, venant lui-même aux droits de la CETELEM
dont le siège social est [Adresse 5]
[Localité 6]

représentée par Maître William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 21 Mai 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 18 juin 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance d’injonction de payer exécutoire rendue par le président du tribunal d’instance de BORDEAUX le 6 avril 1993 et revêtue de la formule exécutoire le 8 juillet 1993, la SAS EOS France a fait diligenter une saisie-vente des biens de Madame [S] [U] par acte en date du11 mai 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 6 juillet 2023, Madame [U] a fait assigner la SAS EOS FRANCE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 21 mai 2024 et dans ses dernières conclusions, Madame [U] sollicite à titre liminaire que soit prononcée la nullité du titre exécutoire, ainsi que celle du commandement de payer du 16 juin 2018 et que soit par conséquent constatée la prescription de l’exécution du titre et ordonnée la mainlevée de la mesure de saisie-vente du 11 mai 2023. Au fond, elle sollicite le cantonnement de la saisie et la mainlevée de cette mesure sur certains meubles. En tout état de cause, elle conclut au débouté de la défenderesse et à sa condamnation aux dépens et à lui payer la somme de 3.500 euros de dommages et intérêts outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la demanderesse soulève la nullité de l’ordonnance en l’absence de signature du juge et du greffier en application des articles 456 et 458 du Code de procédure civile. Elle fait également valoir que le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 16 juin 2018 doit être annulé sur le fondement des articles 648, 649, 654, 694 et 114 du Code de procédure civile. Elle soutient que l’acte mentionne deux adresses sans qu’il soit possible de savoir à laquelle l’acte a été signifié alors que précisément elle indique ne pas en avoir été destinataire et avoir subi un grief résidant dans l’impossibilité de contester cet acte. Elle déduit de la nullité de ce commandement l’absence d’acte interruptif de prescription entre le 19 juin 2008 et le 19 juin 2018, considérant que l’action en exécution forcée est prescrite. Elle indique enfin que la SAS EOS FRANCE ne justifie pas de la détention du titre original pour fonder sa saisie qui encourt donc la nullité. Au fond, elle soutient que les sommes résultant des précédents actes d’exécution forcée n’ont pas été déduites des sommes réclamées et souligne que certains biens saisis sont insaisissables au regard de leur propriété appartenant à un tiers et de la nécessité pour elle de les conserver vu son état de santé. En tout état de cause, elle sollicite des dommages et intérêts considérant que la saisie-vente est abusive alors qu’elle est physiquement diminuée et que la dette litigieuse est très ancienne.

A l’audience du 21 mai 2024 et dans ses dernières écritures, la SAS EOS France conclut à la validation de la saisie, au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse fait valoir que la copie certifiée conforme par le greffier de l’ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire constitue un titre exécutoire valide. Elle conteste toute prescription soulignant que le commandement de payer du 16 juin 2018 a bien interrompu la prescription puisque l’huissier mentionne clairement l’adresse de remise de l’acte et que Madame [U] ne justifie pas d’un grief puisqu’elle a pu contester l’acte litigieux au sein de la présente instance. Elle conclut à la validité de la saisie pratiquée, indiquant avoir déduit les sommes perçues des voies d’exécution précédentes et justifiant du titre exécutoire original. Elle conteste la tierce propriété de certains bien saisis. Enfin, elle réfute tout abus de saisie soulignant que sa dette est ancienne, que la débitrice ne s’exécute pas volontairement et qu’elle ne caractérise dès lors pas les éléments constitutifs nécessaires à l’allocation de dommages et intérêts.

L’affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la nullité du titre exécutoire

Les articles 1411 et 456 du Code de procédure civile prévoient :
« Une copie certifiée conforme de la requête accompagnée du bordereau des documents justificatifs et de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire est signifiée, à l'initiative du créancier, à chacun des débiteurs. L'huissier de justice met à disposition de ces derniers les documents justificatifs par voie électronique selon des modalités définies par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
Si les documents justificatifs ne peuvent être mis à disposition par voie électronique pour une cause étrangère à l'huissier de justice, celui-ci les joint à la copie de la requête signifiée.
L'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date. 
»
« Le jugement peut être établi sur support papier ou électronique. Il est signé par le président et par le greffier. En cas d'empêchement du président, mention en est faite sur la minute, qui est signée par l'un des juges qui en ont délibéré.
Lorsque le jugement est établi sur support électronique, les procédés utilisés doivent en garantir l'intégrité et la conservation. Le jugement établi sur support électronique est signé au moyen d'un procédé de signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.
Le retrait de la qualification d'un ou plusieurs éléments nécessaires à la production de la signature constitue un vice de forme du jugement.
Les modalités d'application du présent article sont précisées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. »

En l’espèce, la pièce n°3 de la défenderesse porte la signature du greffier en deuxième page et indique elle-même qu’elle est une copie conforme de l’ordonnance fondant les poursuites conformément aux dispositions de l’article 1411 du Code de procédure civile.
L’apposition de la signature du juge n’est donc pas nécessaire, seule la minute comportant cette signature en application de l’article 456 du Code de procédure civile susvisé.

Le grief de nullité de l’ordonnance d’injonction de payer sera donc écarté.

- Sur la nullité du commandement de payer du 16 juin 2018

Les articles 648, 649 et 114 du Code de procédure civile prévoient :
« Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :
1. Sa date ;
2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.
3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice ;
4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Ces mentions sont prescrites à peine de nullité. »
« La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure. »
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »

L’acte en date du 16 juin 2018 valant signification d’injonction de payer exécutoire avec commandement de payer aux fins de saisie-vente avec signification d’une cession de créance comporte une adresse en en-tête désignant Madame [U] domiciliée au [Adresse 2]. La fiche détaillant les modalités de remise de l’acte à étude mentionnant quant à elle le [Adresse 4].

Cette divergence d’adresse ne permet donc pas de savoir où l’avis de passage a été déposé et partant de s’assurer que Madame [U] a été informée de l’existence de cet acte et de la possibilité de le retirer. Madame [U] n’a donc pas pu contester le commandement aux fins de saisie-vente dès sa délivrance et ainsi avoir une chance de saisir le juge de l’exécution pour contester la créance qui a continué à produire des intérêts, aggravant la dette.

Elle justifie donc d’un grief justifiant l’annulation du commandement en date du 16 juin 2018.

- Sur la prescription

L’article L111-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa. »
L’article 26 de la loi du 17 juin 2008 fixe la durée de la prescription à 10 ans, le délai courant à compter du 19 juin 2008.

Enfin, l’article 2241 du Code civil prévoit :
« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. »

Il est constant qu’un nouveau délai de prescription a couru à compter du 19 juin 2008 pour une durée de 10 ans.

La défenderesse fait valoir que le commandement délivré le 16 juin 2018 et un commandement délivré le 7 février 2023 ont interrompu le délai de prescription. Le premier de ces actes a été annulé ainsi que cela a été démontré supra. Le commandement en date du 7 février 2023, postérieur à l’expiration du délai de prescription, ne saurait constituer une cause d’interruption.

Il y a donc lieu de constater qu’en l’absence d’acte interruptif de prescription, l’action en exécution forcée de la créance détenue par la SAS EOS France est prescrite.

Il y a par conséquent lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie-vente diligentée.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie. »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.

En l’espèce, la SAS EOS France a acquis la créance par acte du 17 décembre 2021 et elle a légitimement voulu en obtenir le paiement. La mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée était donc à ce titre logique et bien fondée.

L’abus de saisie n’est donc pas démontré et la demande de dommages et intérêts sur ce fondement sera rejetée.

Sur les autres demandes

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SAS EOS FRANCE, partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
REJETTE la demande tendant à voir annulée l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire rendue par le président du tribunal d’instance de BORDEAUX le 6 avril 1993 et revêtue de la formule exécutoire le 8 juillet 1993 ;
CONSTATE que l’action en exécution forcée de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire rendue par le président du tribunal d’instance de BORDEAUX le 6 avril 1993 et revêtue de la formule exécutoire le 8 juillet 1993 est prescrite ;
ORDONNE la mainlevée de la saisie-vente pratiquée sur les meubles de Madame [S] [U] à la diligence de la SAS EOS France par acte du 11 mai 2023, aux frais de cette dernière ;
DEBOUTE Madame [S] [U] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SAS EOS FRANCE à payer à Madame [S] [U] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS EOS FRANCE aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/06336
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;23.06336 ?
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