La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°21/01346

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 18 juin 2024, 21/01346


N° RG 21/01346 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VGL7
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE


PARTAGE NOTAIRE




28A

N° RG 21/01346 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VGL7

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[T], [D], [J] [S] épouse [U]

C/

[W] [S]




Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELARL AALM
Me Marie BAISY
la SELARL SAT DUPARAY SOULIS AVOCATS




1 CCC au Président de la Chambre des Notaires de la Gironde (courriel)

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVIL

E
JUGEMENT DU 18 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine ...

N° RG 21/01346 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VGL7
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

PARTAGE NOTAIRE

28A

N° RG 21/01346 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VGL7

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[T], [D], [J] [S] épouse [U]

C/

[W] [S]


Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELARL AALM
Me Marie BAISY
la SELARL SAT DUPARAY SOULIS AVOCATS

1 CCC au Président de la Chambre des Notaires de la Gironde (courriel)

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 18 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 07 Mai 2024 sur rapport de Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSE :

Madame [T], [D], [J] [S] épouse [U]
née le 20 Décembre 1955 à MONTFERMEIL (93370)
de nationalité Française
2, Allée BOUGAINVILLE
77200 TORCY

représentée par Maître Ludivine MIQUEL de la SELARL AALM, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Maître Géraldine SAT DUPARAY de la SELARL SAT DUPARAY SOULIS AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant

DEFENDEUR :

Monsieur [W] [S]
né le 15 Juin 1952 à MONTFERMEIL (93370)
de nationalité Française
22, Rue du Bois
77730 MERY SUR MARNE

N° RG 21/01346 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VGL7

représenté par Me Marie BAISY, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant
EXPOSE DU LITIGE

Mme [A] [K] veuve [S], née le 4juillet 1925 à LENS (PICARDIE), de son vivant retraitée, demeurant 4 allée des écureuils à GUJAN-MESTRAS (GIRONDE), est décédée le 19 mai 2019 à LA-TESTE-DE-BUCH (GIRONDE).

Elle laisse pour recueillir sa succession, selon acte de notoriété établi le 19 juin 2019 par Maître [B] [N], notaire à AULNAY-SOUS-BOIS (SEINE-SAINT-DENIS), ses deux enfants issus de son union avec M. [V] [S], décédé le 22 février 2001 :
sa fille, Mme [T] [S] épousse [U]son fils, M. [W] [S]
De son vivant, Mme [A] [K] veuve [S] a établi un testament olographe le 30 novembre 2003, révoqué par un second testament du 16 février 2004, instituant M. [W] [S] pour légataire de la quotité disponible des biens dépendant de sa succession et désignant celui-ci, sa fille et sa petite fille comme bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie souscrit le 9 juillet 2003 auprès de SOLEVIA.

Après 3 modifications, les 16 février, 2 septembre 2004, et 8 juin 2010, Mme [A] [K] veuve [S] a instauré comme bénéficiaire de cette assurance-vie M. [W] [S], à concurrence de 96%, et Mme [T] [S] épouse [U] à concurrence de 4%, le total des primes versées sur ce contrat s’élevant à 163.142,79 euros.

Aux termes d’un acte de donation partage du 8 août 2004, Mme [A] [K] veuve [S] a également fait don à M. [W] [S] d’un terrain évalué à la somme de 7.622 euros, et à Mme [T] [S] [U] de la somme de 7.622 euros.

Mme [T] [S] épouse [U] invoquant la nullité des deux testaments et de la clause bénéficiaire de l’assurance-vie , a assigné M. [W] [S] devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX, par acte du 25 janvier 2021.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 3 mai 2024, Mme [T] [S] épouse [U], au visa des dispositions des articles 720 901 815 778 815-9 du code civil, 45 du code de procédure civile et 123-13 du code des assurances, demande au tribunal de :
ordonner l’ouverture des opérations de liquidation compte et partage de la succession de Mme [K] veuve [S] décédée le 19 mai 2019 à LA-TESTE-DE-BUCHdésigner tel notaire qu’il plaira afin d’y procéderdésigner tel juge commissaire qu’il plaira à l’effet de faire rapport en cas de difficultéau préalable et afin d’y parvenirvu les dispositions de l’article 1397 du code civilaccueillir Mme [T] [U] en son action en nullité des testaments établis les 30 novembre 2003 et 16 février 2004accueillir Mme [T] [U] en son action en nullité de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie, SOLEVIA, souscrit le 9 juillet 2003, la clause bénéficiaire ayant été établie le 30 novembre 2003, puis modifiée les 16 février 2004, 2 septembre 2004 et 8 juin 2010juger que les agissements de M. [W] [S] sont constitutifs d’un recel de successionordonner la réintégration des dons manuels effectués par Mme [K] veuve [S] au profit de M. [S], lesquels s’élèvent à la somme de 81.507 euros somme à parfairejuger que M. [W] [S] sera privé de ses droits sur les dons manuels perçus à hauteur de 81.507 euros somme à parfaireordonner le rapport à la succession des primes versées au titre du contrat d’assurance vie SOLEVIAjuger que M. [W] [S] sera privé de ses droits sur les sommes inscrites sur le contrat d’assurance viejuger que M. [W] [S] est redevable d’une indemnité d’occupation depuis le 20 mai 2019 à l’égard de l’indivisionjuger que l’indivision successorale a une créance d’un montant de 17. 877, 69 euros à l’égard de M. [W] [S] compte tenu de l’utilisation à des fins personnelles par M. [S] du compte BRED n° FR76 10907000251751927326492condamner M. [W] [S] à verser à l’indivision successorale la somme de 17. 877, 69 euros au titre de cette créancejuger que M. [W] [S] sera privé de ses droits sur les fonds inscrits sur ce compte BRED n° FR76 10907000251751927326492 compte tenu du recel de succession commis par M. [W] [S]nommer tel expert qu’il plaira afin de déterminer la quotité disponible et les droits successoraux des cohéritiersdire et juger que l’expert judiciaire pourra s’adjoindre d’un sapiteur immobilier afin de déterminer la valeur du terrain donné à M. [S] dans le cadre de la donation partage du 9 août 2004à titre subsidiaire, ordonner que le terrain donné dans le cadre de la donation partage en date du 9 août 2004 soit rapporté pour une valeur de 15.244,90 eurosdébouter M. [W] [S] de sa demande de remboursement par l’indivision successorale des dépens qu’il aurait engagées à hauteur de 7.583, 04 euros au 11 décembre 2023débouter M. [W] [S] de l’ensemble de ses demandesen tout état de causecondamner M. [W] [S] au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civileordonner l’emploi des dépens en frais de partage
Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 mai 2024, M.[W] [S], au visa des dispositions des articles 720 et 1397 du code civil, demande au tribunal de :
ordonner l’ouverture des opérations de liquidation de compte et partage de la succession de Mme [K] veuve [S] décédée le 19 mai 2019 à LA-TESTE-DE BUCHdésigner tel notaire qu’il plaira à l’effet d’y procéderdésigner tel juge commissaire qu’il plaira à l’effet de faire un rapport en cas de difficultéordonner le remboursement par l’indivision successorale des dépenses engagées par M. [S] seul pour le compte de l’indivision à savoir les dépenses afférentes aux taxes afférentes au bien immobilier indivis pour un montant de 3.839 euros au 10 avril 2024 somme à parfaire au plus juste au jour de la liquidation de la succession à charge pour le notaire d’établir les comptes entre les partiesdébouter Mme [T] [U] de son action en nullité des testaments établis les 30 novembre 2003 et 16 février 2024débouter Mme [T] [U] de son action en nullité de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie SOLEVIA souscrit le 9 juillet 2003juger que le testament établi le 16 février 2004 ainsi que toutes les dispositions prises par Mme [K] veuve [S] est valable et en conséquence doivent être exécutéesdébouter Mme [U] de sa demande de réintégration des dons manuels effectués par Mme [K] veuve [S] au profit de M. [S]débouter Mme [U] de sa demande d’expertisedébouter Mme [U] de l’intégralité de ses autres demandes et en particulier formées au titre du recel successoral, du rapport de la donation-partage en date du 9 août 2004, pour une valeur de terrain à hauteur de 15.444,90 euros, et de la fixation d’une indemnité d’occupationen tout état de cause condamner Mme [T] [U] à verser à M. [W] [S] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civilecondamner Mme [U] à supporter les entiers dépens de l’instance

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture initialement prononcée par ordonnance du 10 avril 2024, a été reportée au jour des plaidoiries, 7 mai 2024.

MOTIVATION

I-Sur les demandes principales

Sur les opérations de compte liquidation et partage

Les deux parties demandent l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de leur mère.

Sur ce,

Mme [T] [S] épouse [U] et M. [W] [S] étant en indivision sur le patrimoine successoral de Mme [A] [K] veuve [S], composé pour l’essentiel d’une maison d’habitation à GUJAN-MESTRAS, de deux contrats de capitalisation, d’un livret A, et de deux comptes courants, et nul ne pouvant être contraint à demeurer dans l’indivision, il y a lieu, en application des articles 815 et 840 du code civil et conformément aux demandes, d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [A] [K] veuve [S], décédée le 19 mai 2019 à LA TESTE-DE-BUCH (Gironde).

Les cohéritiers ne s’accordant pas sur la désignation d’un Notaire, le président de la Chambre des notaires de la Gironde sera désigné pour y procéder en application de l'article 1364 alinéa 2 du code de procédure civile avec faculté de délégation à tout notaire de son ressort à l'exception de la SELARL ASB NOTAIRE, Maîtres MAILLOT BETTAN CRICHI LEBRETON AKROUR [N] sis 10 rue du Docteur ROUX à AULNAY-SOUS-BOIS (SEINE-SAINT-DENIS), et de la SCP Annie NAVARRI Laurent MARSANT et [C] [F], notaires à CENON, vainement intervenus à l’amiable.

Le président de la chambre des Notaires de GIRONDE disposera d’une année suivant sa désignation pour achever ses opérations conformément à l’article 1368 du code de procédure civile.

Un magistrat sera commis pour surveiller les opérations à accomplir et en particulier pour s’assurer que ce délai sera respecté.

Aux termes de l'article 1368 du code de procédure civile susvisé, il appartiendra en particulier au notaire liquidateur de dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable et les droits de chacun d'eux.

Il appartiendra au notaire de se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l'indivision, d'examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte. En effet, chaque indivisaire peut être créancier de la masse au titre d'impenses qu'il a faites, de frais divers qu'il a acquittés, de la rémunération de sa gestion ou de ses travaux personnels, comme débiteur de cette masse au titre des pertes ou détériorations qu'un bien indivis aurait subi par sa faute, de la perception de fonds indivis qu'il n'aurait pas remis à l'indivision ou prélevés dans la caisse de celle-ci, ou encore d'une avance en capital.
En cas de situation de blocage durant les opérations ou de désaccord ou carence des parties quant au projet de partage établi à leur terme, le notaire dressera un procès-verbal de difficultés accompagné de son projet d'état liquidatif et le juge commis pourra être saisi sur simple requête aux fins de conciliation conformément aux dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile. Le tribunal tranchera le cas échéant les différends persistants dans le cadre d'une nouvelle instance et pourra homologuer le projet de partage dressé par le notaire délégué s'il est saisi à cette fin.

Sur la validité des testaments et de la clause bénéficiaire de l’assurance vie SOLEVIA
moyens des parties
Se fondant sur les dispositions de l’article 901 du code civil, Mme [T] [S] épouse [U] demande la nullité des deux testament rédigés par sa mère le 30 novembre 2003 et le 16 février 2004, ainsi que de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie SOLEVIA souscrit le 9 juillet 2003 par la défunte et modifiée les 16 février, 2 septembre 2004, et 8 juin 2010.
Elle fait valoir que M. [W] [S], à partir de 2001, année du décès de leur père, aurait usé de différentes manoeuvres et de l’emprise qu’il exerçait sur la défunte afin de prendre la main sur ses affaires, pour obtenir l’établissement à son avantage des testaments, ainsi que la modification de la clause bénéficiaire de l’assurance vie en cause.
Au titre des manoeuvres, elle évoque l’ouverture d’un compte joint avec la défunte le 15 décembre 2003, sans en parler à Mme [S] [U], et l’utilisation de la carte bancaire correspondante, la réexpédition du courrier de la défunte chez lui à compter du 13 mai 2019.
Au titre de l’emprise, elle fait état des violences de M. [W] [S] en 1996 sur sa fille, et du dépôt de plainte par la défunte pour abus de confiance en 2014, outre l’hébergement de celle-ci chez lui ensuite de l’opération du coeur subie en avril 2010, et enfin de la domiciliation à son domicile personnel de l’assurance vie.
En réponse, M. [W] [S], se fondant sur les dispositions de l’article 970 du code civil rétorque que Mme [K] [S] a rédigé les testaments et clauses bénéficiaires de sa main, qu’elle les a signés et datés. Il soutient que cette dernière était parfaitement saine d’esprit, ce qui est corroboré à la fois par le certificat médical joint au second testament (que la demanderesse tend à remettre en cause), et le fait qu’il a été déposé chez un notaire, qui n’aurait pas manqué de relever l’insanité d’esprit de la testatrice.
Selon lui, les testaments et la clause bénéficiaire démontrent la volonté de sa mère de le gratifier pour avoir toujours été disponible pour elle, tout en respectant la quotité disponible, ce qui est son droit. Il ajoute qu’elle a voulu rétablir un équilibre entre ses enfants, M. [W] [S] ayant travaillé pour la garage paternel sans être déclaré, ce qui retarderait ses droits à la retraite, tandis que sa soeur a bénéficié de 50 000 francs qu’elle n’aurait jamais remboursé à ses parents. Il affirme que la demanderesse était présente auprès de sa mère uniquement lorsqu’elle avait besoin d’argent et pour donner des directives pour la placer.
Sur ce
L’article 970 du code civil dispose que “le testament olographe ne sera point valable, s’il n’est écrit, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune forme.”
Aux termes de l’article 901 du code civil: “Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit.
La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.”
En vertu de ces dernières dispositions, pour faire un testament ou une libéralité, il faut être sain d’esprit, et c’est à celui qui en conteste la validité qu’incombe la charge de la preuve de l’insanité au moment de l’acte, conformément aux principes ordinaires de la preuve et à la règle générale énoncée à l’article 414-1 du code civil.
Selon l’article 1116 du code civil dans sa version en vigueur à la date des actes litigieux, soit du 21 mars 2004 au 1er octobre 2016 (abrogation par ordonnance n°2016-131 du10 février 2016), “le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres l’autre n’aurait pas contracté.”
Il est constant que le dol ne peut exister que si les manoeuvres invoquées sont antérieures ou concomitantes à la conclusion de la convention ou de l’acte dont la nullité est demandée.

Aux termes de l’ancien article 1112 du code civil dans sa version applicable à l’époque des documents attaqués: “ Il y a violence, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes.”
La charge de la preuve du vice du consentement incombe à celui qui agit en annulation du testament.
Celui qui revendique la nullité pour violence doit démontrer l’existence d’une violence morale à l’encontre du testateur.
En l’espèce, la défunte a établi un premier testament le 30 novembre 2003, qu’elle a révoqué, entraînant sa nullité.
Dans son second testament daté du 16 février 2004, elle prend les dispositions suivantes :
“Ceci est mon testament, je soussignée Mme [A] (...) [K], retraitée veuve non remariée de M. [V] [S], (...) lègue la quotité disponible de mes biens dépendant de ma succession à mon fils M. [W] [S] demeurant (...). Par ailleurs les bénéficiaires de mon contrat d’assurance vie souscrit auprès de la société SOLEVIA sont les suivants : M. [W] [S] mon fils à concurrence de un tiers, Melle [G] [S] ma petite-fille à concurrence de un tiers, Mme [T] [S] ma fille à concurrence de un tiers. Je révoque tout testament antérieur à ce jour, Fait à Gujan Mestras, le 16 février 2004.”
Il n’est pas discuté, et le défendeur le rappelle à raison, que ce testament remplit les conditions de forme et de fond exigées par l’article 970 précité et par l’alinéa 1er de l’article 901, ce qui ressort également des éléments du dossier. Il est en effet écrit, daté, et signé de la main de Mme [A] [K] veuve [S], et ses termes sont clairs et précis. Il a en outre été déposé au rang des minutes du notaire, pour en assurer la conservation, lequel indique qu’il ne lui paraît présenter aucune défectuosité. Il est en outre accompagné d’un certificat médical du Dr [X] [E] du 11 février 2004, soit 5 jours avant la date du testament, qui certifie que la testatrice ne présente pas de pathologie neuro-psychiatrique et que son état physique lui confère les conditions d’une parfaite autonomie.
Reste donc à savoir si le testament du 16 février 2004 et la clause bénéficiaire peuvent être attaqués sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 901, les manoeuvres et l’emprise dont excipe la demanderesse s’analysant en un dol ou des violences qui auraient pu altérer le consentement de la défunte.
Or, si le défendeur avait un compte joint avec la défunte à partir du 15 décembre 2003, s’il s’est fait expédier son courrier chez lui à partir du 13 mai 2019 ou encore si sa propre fille rapporte une dispute au cours de laquelle il se serait montré violent avec celle-ci en avril 1996, ces éléments, distants de plusieurs années des actes en cause, sont insuffisants pour établir qu’il a abusé de l’état de vieillesse ou de vulnérabilité de sa mère, ou qu’il l’a placée progressivement sous son contrôle, pour la contraindre à rédiger un testament en sa faveur.
N° RG 21/01346 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VGL7

De même, le changement de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie à 3 reprises dont la dernière fois le 8 juin 2010 n’est pas davantage de nature à établir en lui-même que des manoeuvres ou des violences auraient été exercées sur la défunte. Le dossier médical versé aux débats relate certes que Mme [K] [S] a subi une opération du coeur en avril 2010. Mais, il n’est inscrit nulle part, comme le soutient la demanderesse, que le défendeur a insisté pour l’héberger chez elle par la suite, de sorte qu’il ne peut être déduit de ce dossier médical qu’il a profité de l’état de santé de sa mère, pour la contraindre à faire de lui le principal bénéficiaire de son assurance-vie.
Mme [T] [S] épouse [U] sera donc déboutée de sa demande de nullité du testament du 16 février 2004 et de la clause bénéficiaire du 8 juin 2010.
Sur le rapport des dons manuels et le recel
moyens des parties
Mme [T] [S] épouse [U] entend démontrer l’existence des dons manuels dont aurait bénéficié M. [W] [S] au travers des élément suivants :
-la copie d’un chèque de 11.000 euros du 29 mai 2012 à l’ordre de M. [W] [S]
-la copie d’un talon de chèque du 27 avril 2010 de 1.000 euros
-la copie de talons de chèques de 765 euros du 5 juin 2005 de 7.000 euros du 20 octobre 2010 et de 5.000 euros du 2 décembre 2010, à l’ordre de “[W]”, dont les numéros et les montants correspondent aux débits figurant sur le relevé de compte
-la copie de deux virements de 6.000 et 5.000 euros en date des 2 février 2013 portant la mention “voiture [W]”
- deux enveloppes comportant des mentions manuscrites : 38.119 euros et 7.623 euros
M. [W] [S] ne conteste pas avoir bénéficié de ces libéralités, qu’il estime à 27.000 euros. Il affirme cependant qu’elles ne sauraient donner lieu à rapport car il s’agissait de donations rémunératoires ou encore de donations faites hors part successorale.
En application de l’article 778 du code civil, Mme [T] [S] épouse [U] demande que son frère soit privé de ses droits sur les sommes dont elle sollicite le rapport. Elle lui reproche notamment d’avoir fait un usage occulte du compte joint qu’il possédait avec la défunte, dans le but de bénéficier entre autres des dons manuels, ce que M. [W] [S] dément, affirmant avoir agi en transparence.
Sur ce
Selon l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
N° RG 21/01346 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VGL7

La preuve de l'existence d'un don manuel consenti à l'un des héritiers d'une succession par leur auteur peut être faite par tous moyens par les cohéritiers qui font valoir des droits personnels sur la succession.
Le don manuel est une donation entre vifs qui s’opère, sans acte notarié, au moyen de la tradition réelle de la chose donnée qui peut être matérielle ou scripturale, par chèque ou par virement de compte, dans des conditions telles qu'elle assure la dépossession irrévocable et définitive du donateur.
Ainsi, la tradition nécessaire à l’existence d’un don manuel d’argent peut se réaliser par la remise d’un chèque dont la provision est irrévocablement acquise au bénéficiaire dès sa création.
Le dessaisissement doit avoir lieu avant le décès. Ainsi, la jurisprudence est unanime pour considérer que la mise en possession des fonds postérieurement au décès ne peut constituer un don manuel.
Le don manuel suppose également, en plus de la tradition, la réunion de l’intention libérale du donateur et de l’acceptation du donataire de recevoir à titre gratuit. Comme toutes les donations, le don manuel implique en effet l’intention libérale du disposant.
L’article 852 du code civil dispose : “Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.
Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.”
En l’espèce, le tribunal constate que sur les 81.507 euros sollicités, M. [W] [S] reconnaît avoir bénéficié de 27.000 euros, de sorte qu’il n’y a lieu de se prononcer que sur le surplus, en examinant si la demanderesse fait la démonstration de ce que les chèques et virements allégués ont profité au défendeur.
Les mentions écrites à la main sur une enveloppe, de même que la copie de talons de chèque ou encore des virements figurant sur le relevé de compte de la défunte avec le prénom du défendeur et l’indication “ voiture [W]”, ne suffisent pas à établir l’existence d’un don manuel, ce qui conduit à ne retenir que le chèque de 11.000 euros.
La dispense de rapport dont se prévaut M. [W] [S] ne pourra être retenue, à défaut de justifier par des pièces de l’existence de donations rémunératoires, ou encore de donations faites hors part successorale, le défendeur affirmant sans le prouver qu’il s’est occupé de la vente de la station service parentale, qu’il a hébergé sa mère, ou encore acheté la concession funéraire pour ses grands parents.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a donc lieu de dire que M. [W] [S] devra rapporter à la succession de Mme [A] [K] veuve [S] la somme de 27.000 euros au titre des dons manuels que celle-ci lui a consentis.
S’agissant de l’application des peines de recel à cette somme, conformément aux dispositions de l’article 778 du code civil, le recel est caractérisé par "toute manoeuvre dolosive, toute fraude commise sciemment et qui a pour but de rompre l'égalité du partage, quels que soient les moyens employés pour y parvenir.”
Il nécessite l'existence d'une part, d'un élément matériel résultant de la soustraction ou de la dissimulation des dons à la succession par le bénéficiaire, d'autre part, d'un élément intentionnel résidant dans l'intention frauduleuse de fausser les opérations de partage.
La fraude doit être prouvée : elle ne résulte pas du seul fait de la dissimulation ; il faut en outre un acte positif constituant une mauvaise foi, tel qu'un mensonge ou même une réticence.
Les conséquences du recel sont définies par l'article 778 du code civil.
En l’espèce, les peines de recel ne seront pas appliquées à la somme de 27.000 euros, faute pour la demanderesse d’établir que les donations en cause lui auraient été dissimulées par le défendeur.
Sur le rapport des primes d’assurance-vie et le recel
Mme [T] [S] épouse [U] au visa des dispositions de l’article L 123-13 du code des assurances, prétend au rapport à la succession des primes que la défunte a versées au titre de son assurance vie, souscrite le 9 juillet 2003, qu’elle estime manifestement exagérées au regard de ses facultés financières, sa pension de retraite étant de 720 euros.
M. [W] [S] conteste le caractère manifestement excessif des primes en cause. Il rappelle qu’il est constant que le de cujus peut disposer comme il le souhaite de la quotité disponible.
En application de l’article 778 du code civil, Mme [T] [S] épouse [U] demande l’application des peines de recel à ces primes, arguant de la gestion des affaires de la défunte à son seul bénéfice par M. [W] [S], qui considère pour sa part que sa mère a souhaité ré équilibrer la situation, par le biais de l’assurance vie.
Sur ce
Aux termes de l’article L.132-12 du code des assurances, “Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré”.
L’article L. 132-13 du code des assurances dispose par ailleurs que : “Le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.”
Il en résulte que le capital décès assuré au titre d'un contrat d'assurance vie ne fait pas partie du patrimoine et de la succession de l'assuré.
C’est cette règle qui est rappelée à l'article L 132-12 du Code des assurances précité, dont les dispositions sont d'ordre public.
L'article L 132-13 du Code des Assurances précise cependant qu'en cas de primes exagérées celles-ci peuvent être réintégrées à la succession et éventuellement donner lieu à une action en réduction car elles sont alors considérées comme des libéralités.
Il appartient donc à l’héritier en demande de rapporter la preuve du caractère manifestement exagéré de la prime versée par l'assuré afin que le tribunal puisse ordonner sa réintégration à l’actif successoral.
Il convient de rappeler que le caractère exagéré des primes s’apprécie à la date de leur versement et également, selon l'âge du souscripteur, sa situation familiale et patrimoniale, et l'utilité que le contrat présente pour lui.
Le contrat souscrit par Mme [A] [K] veuve [S] auprès de la BPCE VIE CERC le 9 juillet 2003 est un contrat d'assurance sur la vie régi par les articles L.132-1 et suivants du Code des assurances.
A la date de souscription du contrat critiqué et donc du premier versement, soit le 9 juillet 2003, la défunte était âgée de 78 ans.
Le certificat médical du Dr [X] [E] datant de quelques mois plus tard, 11 février 2004, montre qu’elle disposait alors de toutes ses facultés tant physiques que mentales, et que dès lors rien au dossier ne laissait présager son décès, qui n’est d’ailleurs survenu que 15 années plus tard, le 19 mai 2019.
Par conséquent, l’assurance-vie en cause revêtait une certaine utilité pour elle, et elle a pu s’en servir de comme d’un outil de placement, lui permettant de faire fructifier son épargne tout en conservant une certaine liberté pour en disposer en cas de besoin, ou encore pour la transmettre au bénéficiaire de son choix.
Pour compléter l’appréciation du caractère exagéré du montant versé, il convient également de procéder à la reconstitution du patrimoine et des ressources de la défunte au moment du versement.
Au vu des relevés bancaires et de la déclaration de succession versés aux débats, le tribunal peut déduire qu’au moment du versement, la défunte percevait mensuellement la somme d’environ 700 euros de retraite par mois, comme l’affirme par ailleurs la défenderesse, et qu’elle était propriétaire de sa maison à GUJAN-MESTRAS. Elle n’avait personne à charge. Aucun élément au dossier ne permet de connaître sa situation financière et il n’est pas rapporté qu’elle avait des emprunts en cours.
Mme [A] [K] veuve [S] disposait donc des ressources suffisantes pour faire face à ses charges courantes.
La preuve n’est donc pas rapportée du caractère manifestement exagéré desdites primes notamment au regard de leur utilité à la défunte et de ses facultés financières à cette date.
Il n’y a donc pas lieu d’ordonner le rapport à la succession des sommes perçues par M. [W] [S] au titre du montant du contrat d’assurance vie n° 109X8003040 souscrit auprès de la BPCE VIE CERC le 9 juillet 2003.
En application des dispositions de l’article 778 du code civil, relatif au recel, dont les dispositions sont visées plus haut, dès lors que les primes versées ne sont pas jugées manifestement exagérées, l’existence de l’intention frauduleuse de l’héritier de fausser le partage fait défaut, de sorte que le recel ne peut être retenu. (Civ.1ère 12 déc 2007 n°06-19653).
Sur la créance de 17.877,69 euros envers la succession et le recel
Mme [T] [S] épouse [U] estime que la succession détient une créance envers M. [W] [S], pour avoir détourné à son profit des sommes provenant du compte joint. Elle calcule la créance à 17.877,69 euros, différence entre le solde du compte joint qui serait passé de 19.776, 46 euros le 4 juin 2019 à 613,90 euros le 2 mai 2023, auquel il faudrait soustraire la somme de 1.896 euros au titre des taxes réglées par le défendeur.
Mme [T] [S] épouse [U] en déduit que son frère doit être privé de ses droits sur la somme ainsi détournée, par application des peines de recel.
M. [W] [S] ne conteste pas avoir prélevé la somme de 15.000 euros sur le compte joint en cause en 2019, ce pour éviter les piratages, fréquents sur les comptes bancaires laissés sans mouvement après le décès de leur titulaire. Il indique qu’ensuite des accusations de recel proférées par sa soeur, cette somme de 15.000 euros a été re créditée par ses soins, ce dont il justifie.
M. [W] [S] fait valoir à titre reconventionnel que depuis le décès de Mme [A] [K] veuve [S], il a assumé sur ses deniers personnels une partie des dépenses permettant d’assurer l’entretien et la conservation de la maison de GUJAN-MESTRAS, à hauteur de 3.839 euros.
Mme [T] [S] épouse [U] ne conteste pas que M. [W] [S] a réglé des taxes d’habitation et foncières au titre des années 2019 et 2022, pour un montant qu’elle chiffre pour sa part à 1.896 euros.
Sur ce
Aux termes de l’article 815-13 du code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation.
Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens encore qu’elle ne les aient point améliorés.
Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.
N° RG 21/01346 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VGL7

En l’espèce, M. [W] [S] justifie avoir réglé personnellement la taxe foncière 2022 et la taxe d’habitation 2023 afférentes à la maison de GUJAN-MESTRAS, qui constituent des dépenses de conservation du bien, ouvrant droit à indemnité envers la succession.
Il sera dès lors jugé que M. [W] [S] détient une créance de 2.421 euros envers la succession de sa mère.
S’agissant des faits de recel imputés au défendeur, s’il résulte des relevés du compte joint produits qu’il l’a crédité le 28 février 2024 de la somme de 15.000 euros, qu’il avait virée sur son compte personnel le 7 janvier 2020, il ne peut s’en déduire de dissimulation de l’état de ce compte, dont le solde a été porté à la connaissance de sa cohéritière dans le projet de déclaration de succession.
Par ailleurs, ce compte présente, selon le dernier relevé versé aux débats -28 février 2024- un solde créditeur de 15.023,28 euros et la différence entre ce solde et celui de 2019 ne révèle pas de détournement de fonds au profit du défendeur, car la lecture des relevés démontre au contraire que les dépenses faites de ce compte ont servi à l’entretien et à la conservation du bien indivis : paiement de factures EDF d’août 2019 à fin 2023, de factures d’eau, de l’assurance véhicule de la défunte, de l’assurance habitation, de l’eau (prélèvements SEEBAS). La demanderesse invoque des dépenses personnelles du défendeur mais sans préciser leur teneur sur les relevés communiqués.
Au vu de ces éléments, ni la créance de 17.877,69 euros de la succession envers M. [W] [S], ni la soustraction de fonds à des fins personnelles qui pourrait justifier l’application des peines de recel ne sont établies.
Ce chef de demande de Mme [T] [S] épouse [U] au titre d’une créance de la succession de 17.877,69 euros sera donc rejetée et la créance de M. [W] [S] envers l’indivision successorale fixée à 2.421 euros.
Sur le rapport de la valeur du terrain objet de la donation partage de 1982
moyens des parties
En vertu des dispositions de l’article 1078 du code civil, Mme [T] [S] épouse [U], sollicite à titre principal, que le tribunal désigne un expert judiciaire, qui pourra s’adjoindre un sapiteur immobilier, afin de déterminer la valeur du terrain donné à M. [W] [S] dans le cadre de la donation-partage du 9 août 2004, et à titre subsidiaire, qu’il soit ordonné que cette valeur, dont il est proposé qu’elle soit fixée à 15.244,90 euros, soit rapportée par le défendeur.
M. [W] [S] s’oppose à cette prétention. Il considère par ailleurs que l’expertise n’est pas justifiée car la baisse de l’estimation du terrain donné entre sa donation initiale et la donation partage de 2004 s’explique par le fait qu’il est en zone N non constructible. Si le tribunal devait l’ordonner, il demande que les frais en soient mis à la charge de la demanderesse.
Sur ce
Selon l’article 1078 du code civil : “Nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront sauf convention contraire évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l’aient expressément accepté, et qu’il n’ait pas été prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent.”
L’article 1077-2 du code civil prévoit par ailleurs que :
“Les donations-partages suivent les règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne l’imputation, le calcul de la réserve et la réduction.
L’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du disposant qui a fait le partage. En cas de donation-partage faite conjointement par les deux époux, l’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du survivant des disposants, sauf pour l’enfant non commun qui peut agir après le décès de son auteur. L’action se prescrit par cinq ans à compter de ce décès.”
Il est constant que les biens qui font l’objet d’une donation-partage ne peuvent être soumis qu’à une action en réduction, et non à une action en rapport, car, par définition, la donation partage a déjà procédé au partage des biens en cause, de sorte que les co partagés ne peuvent être tenus au rapport de leurs lots ainsi constitués.
Par conséquent, il convient de rejeter la demande de rapport à hauteur de 15.244,90 euros.
S’agissant de l’évaluation de ce terrain, elle doit s’effectuer au jour de la donation-partage, puisqu’il n’est pas discuté que les deux héritiers réservataires de la défunte ou reçu un lot dans le partage anticipé et qu’ils l’ont accepté, et qu’il n’était pas prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent.
Mme [T] [S] épouse [U] conteste la valeur de ce terrain, fixée à 7.622 euros.
Elle n’apporte toutefois aucun élément au soutien de cette contestation, alors même que rien ne l’empêchait de fournir des évaluations d’un terrain similaire à la date de la donation-partage.
De plus, il apparaît que la demanderesse était déjà en désaccord avec l’évaluation du terrain lors de la donation-partage et que son propre notaire, lui avait alors exposé que ce terrain se trouvait dans un zonage particulier et qu’il avait pu subir de ce fait une moins-value, ayant conduit le notaire instrumentaire à une telle évaluation.
Il y a donc lieu de rejeter la demande d’expertise.
Sur la demande d’indemnité d’occupation
moyens des parties
Se fondant sur les dispositions de l’article 815-9 du code civil, Mme [T] [S] épouse [U] fait valoir que son frère est redevable d’une indemnité d’occupation au titre de son occupation privative de la maison de GUJAN-MESTRAS depuis le 20 mai 2019, qui devra être chiffrée dans le cadre des opérations de succession.Au soutien de cette affirmation, elle communique la domiciliation du défendeur à GUJAN-MESTRAS dans l’avis d’imposition 2023, la main courante effectuée le 10 juillet 2021 le déclarant domicilié à GUJAN-MESTRAS, la lettre de la sous-préfecture de St-Quentin, ou encore les factures d’eau qui ont augmenté en 2021 2022
M. [W] [S] rétorque que sa soeur dispose des clés de la maison et qu’elle s’en est servie pour la faire visiter. Il dénie y être domicilié. Il produit aux débat des pièces selon lesquelles il est propriétaire d’un autre bien immobilier dans lequel il réside.
Sur ce
L’article 815-9 alinéa 2 du code civil dispose que “L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire redevable d’une indemnité”.
La jouissance privative est une notion de fait qui relève du pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond. Elle résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d’user de la chose résultant de l’occupation litigieuse.
C’est au demandeur d’établir que la jouissance faite par un indivisaire du bien indivis l’empêche d’utiliser le bien indivis.
En l’espèce, la domiciliation du défendeur à GUJAN-MESTRAS dans l’avis d’imposition 2023, la main courante effectuée le 10 juillet 2021 en donnant le bien de GUJAN-MESTRAS comme adresse, la lettre de la sous-préfecture de St-Quentin, ou encore les factures d’eau qui ont augmenté en 2021 2022, ne caractérisent pas l’occupation privative de M. [W] [S], qui la conteste. Il soutient à raison et sans être contredit, que son nom et l’adresse de GUJAN-MESTRAS apparaîtraient sur certains papiers parce qu’il a géré les affaires de sa mère et non pas parce qu’il habitait sa maison, la facturation en eau et électricité étant très inférieure à celle du temps où la maison était occupée par la défunte.
De plus, à supposer que ces éléments de fait établissent que M. [W] [S] a pu occuper la maison, Mme [T] [S] épouse [U] ne démontre pas en quoi elle se trouve dans l’impossibilité d’y accéder ou d’en user de la même manière, n’étant pas discuté qu’elle en possède une clé et qu’elle s’y est rendue sans prévenir son frère et l’a faite visiter en vue de la mettre en vente, ce qui résulte de sa propre pièce n°35.
La défenderesse sera dès lors déboutée de sa demande d’indemnité d’occupation.
Sur la demande d’expertise
Mme [T] [S] épouse [U] au vu des montants des rapports sollicités, demande qu’un expert soit désigné aux fins de fixer les montants des droits successoraux respectifs, et de vérifier si la réserve héréditaire est atteinte.
M. [W] [S] considère que l’expertise n’est pas justifiée. Si elle devait être ordonnée, il demande que les frais en soient mis à la charge de la demanderesse.
Sur ce,
L’article 263 du code de procédure civile dispose : « L'expertise n'a lieu d'être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge. »
L’expertise n’a pas vocation à évaluer l’atteinte à la réserve héréditaire qui entre dans la mission du notaire liquidateur, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à la demande d’expertise.
II-Sur les demandes annexes
Compte tenu de la nature successorale du présent litige, les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage.
Pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu en équité de faire droit aux demandes des parties en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire est de droit.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
-ORDONNE l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme [A] [K] veuve [S], décédée le 19 mai 2019 à LA-TESTE-DE-BUCH (GIRONDE),
-DESIGNE pour y procéder M. le président de la Chambre des Notaires de GIRONDE avec faculté de délégation à tout notaire de son ressort, à l’exclusion de la SELARL ASB NOTAIRE, Maîtres MAILLOT BETTAN CRICHI LEBRETON AKROUR [N] sis 10 rue du Docteur ROUX à AULNAY-SOUS-BOIS (SEINE-SAINT-DENIS), de la SCP Annie NAVARRI Laurent MARSANT et [C] [F], notaires à CENON (GIRONDE),
-DIT qu’en cas d’empêchement du Notaire délégué, le Président de la Chambre des Notaires de GIRONDE procédera lui-même à son remplacement par ordonnance rendue à la requête de la partie la plus diligente ;
- DIT que le Notaire devra achever ses opérations dans le délai d’un an suivant sa désignation par le Président de la Chambre des Notaires de GIRONDE, sauf suspension prévue par l’article 1369 du code de procédure civile ou délai supplémentaire sollicité dans les conditions de l’article 1370 du code de procédure civile ;
-RAPPELLE qu’en cas d’inertie d’un indivisaire, un représentant au copartageant défaillant pourra être désigné en application des dispositions des articles 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile,
-RAPPELLE que le notaire désigné devra accomplir sa mission d’après les documents et renseignements communiqués par les parties et d’après les informations qu’il peut recueillir lui-même,
-RAPPELLE que le notaire a en outre le devoir de contrôler par tous moyens les déclarations des intéressés,
-RAPPELLE que le notaire pourra si nécessaire s’adresser aux centres des services informatiques cellules FICOBA et FICOVIE qui seront tenus de lui communiquer l’ensemble des informations qu’il réclame,
-DIT que le notaire devra soumettre aux parties son acte de partage ou établir un procès-verbal de difficultés dans un délai d’un an à compter de sa désignation,
-DIT qu’en application de l’article 1372 du code de procédure civile, si un acte de partage amiable est établi et signé entre les parties, le notaire en informera le juge commis qui constatera la clôture de la procédure,
-RAPPELLE qu’en cas de désaccord, le notaire délégué dressera un procès-verbal de dires où il consignera son projet d’état liquidatif et les contestations précises émises point par point par les parties à l’encontre de ce projet, lequel sera transmis sans délai au juge commis,
-COMMET le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal judiciaire de BORDEAUX en qualité de juge commis pour surveiller les opérations à accomplir.
-REJETTE la demande de nullité des testaments des 30 novembre 2003 et 16 février 2004.
-REJETTE la demande de nullité de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie SOLEVIA souscrit le 9 juillet 2003 auprès de la BPCE CERC sous le numéro 109X8003040.
-DIT n’y avoir lieu à rapport des primes versées sur le contrat d’assurance vie SOLEVIA souscrit le 9 juillet 2003 auprès de la BPCE CERC sous le numéro 109X8003040.
-DEBOUTE Mme [T] [S] épouse [U] de sa demande d’indemnité d’occupation.
-DIT que M. [W] [S] doit rapporter à la succession la somme de 27.000 euros au titre des dons manuels que Mme [A] [K] veuve [S] lui a consentis.
-DEBOUTE Mme [T] [S] épouse [U] de sa demande de rapport de la valeur du terrain objet de la donation-partage du 9 août 2004 à hauteur de 15.244,90 euros.
-DIT que M. [W] [S] détient une créance de 2.421 euros envers la succession de Mme [A] [K] veuve [S].
-DEBOUTE Mme [T] [S] épouse [U] de sa demande au titre d’une créance de 17.877,69 euros de la succession envers M. [W] [S].
-DEBOUTE Mme [T] [S] épouse [U] de ses demandes au titre du recel successoral.
-DEBOUTE Mme [T] [S] épouse [U] de ses demandes d’expertise de la valeur du terrain, objet de la donation partage du 9 août 2004, et de calcul des droits successoraux respectifs pour évaluer l’existence d’une atteinte à la réserve héréditaire.
-DEBOUTE les parties de leurs demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile.
-DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage. 
-RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
-REJETTE toutes autres demandes comme non fondées.

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01346
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;21.01346 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award