Du 17 juin 2024
5AC
SCI/
PPP Contentieux général
N° RG 23/03064 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YHUY
Société AQUITANIS
C/
[S] [Z] [N]
- Expéditions délivrées à
- FE délivrée à
Le 17/06/2024
Avocats : la SELARL COULAUD-PILLET
Me Francine LINDAGBA-MBA
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 3]
JUGEMENT EN DATE DU 17 juin 2024
JUGE : M. Nicolas GETTLER, Vice-Président placé
GREFFIER : Madame Françoise SAHORES
DEMANDERESSE :
Société AQUITANIS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Louis COULAUD, Avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR :
Monsieur [S] [Z] [N]
né le 23 Avril 1985 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro C330632023006373 du 21/11/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
représenté par Me Francine LINDAGBA-MBA, Avocat au barreau de BORDEAUX
DÉBATS :
Audience publique en date du 17 Mai 2024
PROCÉDURE :
Articles 480 et suivants du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat de location en date du 18 juillet 2018, la Société AQUITANIS a donné à bail à Monsieur [S] [N], un logement situé à la [Adresse 2] à [Localité 5].
Peu de temps après son emménagement, la Société AQUITANIS a reçu des courriers de la part de plusieurs locataires se plaignant de nombreux troubles du voisinage commis par Monsieur [S] [N].
Par courrier en date du 3 mars 2020, la Société AQUITANIS a mis en demeure Monsieur [S] [N] de cesser les nuissances sonores qui lui étaient reprochées.
Par courrier en date du 14 septembre 2021, un nouveau courrier d’une voisine de Monsieur [S] [N] se plaignait auprès de la Société AQUITANIS de faits similaires.
Par courrier en date du 27 septembre 2021, la Société AQUITANIS a, de nouveau, mis en demeure Monsieur [S] [N] de cesser les nuissances sonores qui lui étaient reprochées.
Deux voisines de Monsieur [S] [N] déposaient plainte à l’encontre de ce dernier, le 7 juillet 2021 et le 10 mai 2023 pour des faits de tapages et nuissances sonores.
Ainsi, en raison de ces nombreuses plaintes, la SociétéAQUITANIS a, par acte d'huissier de justice du 6 septembre 2023, fait assigner Monsieur [S] [N] devant le Juge du Contentieux de la Protection du Pôle de Protection de Proximité de Bordeaux afin de voir :
Juger que le non respect des dispositions du contrat de bail du 18 juillet 2018 et l’existence de troubles de voisinage permanents sont caractérisés ;
En conséquence,
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail du 18 juillet 2018 signé ente AQUITANIS et Monsieur [S] [N] au jour du jugement à intervenir ;
Ordonner l’expulsion de Monsieur [S] [N] ainsi que de tous occupants de son chef des lieux loués, si besoin avec l’assistance de la force publique et/ou d’un serrurier ;
Condamner Monsieur [S] [N] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer et charges du contrat de bail du 18 juillet 2018, à compter du jugement à intervenir et jusqu’à son départ effectif des lieux ;
Condamner Monsieur [S] [N] au paiement à AQUITANIS d’une somme de 1.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [S] [N] aux entiers dépens de l’instance.
A l’audience du 7 mai 2024, la SociétéAQUITANIS, représentée par son conseil, a maintenu ses demandes.
Monsieur [S] [N], représenté par son conseil, demande de :
Juger la société AQUITANIS mal fondée ses demandes,Constater l’absence de troubles de jouissance imputables à Monsieur [N],
Constater qu’aucun trouble ne perdure au jour où le Tribunal statue,
Juger n’y avoir lieu à résiliation judiciaire du bail, ni à expulsion,
En conséquence, Débouter la société AQUITANIS de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,
Débouter la société AQUITANIS de sa demande formulée au titre de l’article 700 du CPC,
Juger que chaque partie conservera à sa charge ses propres frais et dépens.
Pour l’exposé des moyens et prétentions des parties et conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile, il sera procédé au visa des conclusions suivantes :
l’assignation de la SociétéAQUITANIS en date du 6 septembre 2023,
et les dernières conclusions de Monsieur [S] [N], soutenues et déposées à l’audience du 17 mai 2024.
A l'issue de l'audience, la date du délibéré a été fixée au 17 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la résiliation du bail
En premier lieu, il doit être rappelé qu’aux termes de l’article 1728 du Code civil, le preneur est tenu d’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention.
De plus, l’article 1729 du même Code dispose que si le preneur n'use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.
En outre, l’article 7b de la loi N° 89-642 du 6 juillet 1989, modifié par la loi du 29 juillet 1998, dispose que le locataire est obligé d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.
Enfin, l’article 1224 du Code civil dispose que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
En l'espèce, il ressort, en premier lieu, des stipulations du contrat de bail, signé entre les parties le 18 juillet 2018 que “le locataire...doit user paisiblement des locaux loués, de leurs annexes et également des parties communes...veiller à ne troubler en aucune façon le repos, la tranquillité ou la sécurité de ses voisins...en cas de non respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée, le contrat de location sera résilié de plein droit...”.
Or, il doit être relevé qu’à l’appui de sa demande en résiliation, la SociétéAQUITANIS produit aux débats, de nombreux échanges de courriers, d’attestations et de procès verbaux.
Il est notamment versé à l’instance, les courriers adressés à la Société AQUITANIS par Madame [L] [E], voisine de Monsieur [S] [N], en date du 14 septembre 2021, 29 octobre 2022, 24 novembre 2022 et 10 janvier 2023, qui font état de “nuissances sonores nocturnes récurrentes...bruits de musique ou TV à partir de 20 H jusqu’au petit matin, bruits de déplacement de meubles...de 3h du matin à 6h30...de bruits violents portés sur les murs ainsi que des cris faisant trembler les murs de mon appartement et mon plafond...les tapages nocturnes n’ont jamais cessé...” .
Il est également versé les courriels adressés à la Société AQUITANIS par Madame [R] [J], autre voisine de Monsieur [S] [N], qui font état de “de bazard dans la nuit...de nuisances...il était alcoolisé...tenait à peine debout...”.
Dans ses attestations en date du 16 novembre 2021 et 27 octobre 2022, Madame [R] [J] indique : “Monsieur [S] [N] continue ses nuissances sonores...n’est pas apte a la vie en communauté...tape son verre sur la table comme s’il buvait un shot...plus l’heure avance plus il tape fort...il insulte les gens...tape dans les murs...j’ai l’impression qu’il va traversé le mur...depuis octobre 2022 la situation s’est dégradée...M [N] essaye de rentre chez moi sans mon accord...il a tenté un rapprochement physique...avant de sortir de chez moi, je dois m’assurer qu’il n’est pas là sur le palier...”.
Dans ses attestations en date du 27 octobre 2022 et 17 décembre 2023, Madame [L] [E] indique : “j’ai été victime de nuissances sonores (tapages nocturnes)...ces tapages sont habituels...j’ai été réveillée en sursaut à 2h30 par des bruits violents portés sur les murs...Monsieur [N] est coutumier du fait...déambulations dans les couloirs...malgré l’intervention de la gendarmerie, Monsieur [N] a continué de plus belle à donner des coups dans les murs de manière incessante, bruits de sauts...je me suis réfugie dans ma voiture garée sur le parking...”.
Dans son attestation en date du 18 décembre 2023, Madame [C] [V], voisine également de Monsieur [S] [N] précise : “depuis 2018 que j’habite dans ce logement mon voisin, M [N]...fait du bruit, laisse sa porte ouverte avec la télé à fond le soir...il tape du poing sur la table, il s’alcoolise fume des stupéfiants...”
Par ailleurs, la Société AQUITANIS produit aux débats les courriers en date du 3 mars 2020, 27 septembre 2021, 1er février 2023 et 10 mai 2023, qui demandent tous expressément à Monsieur [S] [N] de faire cesser l’ensemble de ses nuissances.
Enfin, la Société AQUITANIS produit aux débats les deux plaintes déposées respectivement par Madame [L] [E] le 7 juillet 2021 et par Madame [R] [J] le 10 mai 2023 à l’encontre de Monsieur [S] [N] pour de multiples faits de tapages nocturnes.
Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer qu’il est suffisamment établi que Monsieur [S] [N] a manifesté des comportements bruyants, menaçant, inadaptés et, parfois violents, qui sont, à l’origine des nombreuses tensions subies par l’ensemble des voisins depuis plusieurs années.
Dans ces conditions, au vu de l’ensemble de ces éléments , en raison de l’importance des troubles et nuisances causés à l’ensemble du voisinage par Monsieur [S] [N], de la multiplication des plaintes et des tensions persistantes que subissent certains voisins, il convient de constater que Monsieur [S] [N] ne respectent pas ses obligations légales et contractuelles prévues quant à la jouissance paisible des lieux loués, constituant une inexécution suffisamment grave de ses obligations entraînant la résiliation de son bail, signé le 18 juillet 2018, qui sera, par conséquent, prononcée.
En conséquence de la résiliation de son bail, l’expulsion de Monsieur [S] [N] devra, alors, être ordonnée.
Sur la fixation de l'indemnité d'occupation
Le maintien du défendeur dans les lieux postérieurement à la signification de la présente décision, causera à son propriétaire un préjudice qui peut être estimé à la valeur locative du logement en cause.
L'indemnité mensuelle d'occupation, due par Monsieur [S] [N] depuis cette date jusqu'à la libération complète et effective des lieux de tous meubles et occupants et à la remise des clés, sera donc fixée à la valeur locative du logement, charges comprises.
Sur les autres demandes
Sur les dépens
En application de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En vertu de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Ainsi, Monsieur [S] [N] sera condamné aux entiers dépens de l’instance.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
En application de l'article 700 1° du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
L’équité commande de faire application de l’article 700 du Code de Procédure Civile. Ainsi, Monsieur [S] [N] sera condamné à payer à la Société AQUITANIS, la somme de 300 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, compte tenu de l’absence de motif dérogatoire, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE la résiliation du bail conclu le 18 juillet 2018 entre la SociétéAQUITANIS et Monsieur [S] [N] ;
ORDONNE l’expulsion de Monsieur [S] [N] et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, des locaux à usage d’habitation situé à la [Adresse 2] à [Localité 5], par toutes voies de droit, passé le délai d’un mois après la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux ;
CONDAMNE Monsieur [S] [N] à verser une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au loyer et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du contrat de bail, cette provision étant due à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à libération effective des lieux ;
CONDAMNE Monsieur [S] [N] à payer à la Société AQUITANIS la somme de 300 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [S] [N] aux entiers dépens ;
REJETTE l’ensemble des autres demandes ;
DIT que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit ;
DIT que copie de la présente décision sera transmise par les soins du Greffe à Monsieur le Préfet.
Ainsi jugé et mis à disposition, les jour, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE JUGE