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06/06/2024 | FRANCE | N°20/05973

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 06 juin 2024, 20/05973


N° RG : N° RG 20/05973 - N° Portalis DBX6-W-B7E-US3S
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND






63D

N° RG : N° RG 20/05973 - N° Portalis DBX6-W-B7E-US3S

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[H] [I]

C/

S.A.R.L. PARTEXIA











Grosses délivrées
le

à
Avocats :
Me Camille BAILLOT
la SAS MDO AVOCATS



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 06 JUIN 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délib

éré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Président
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Mme Angélique QUESNEL, Juge

Pascale BUSATO Greffier, lors des débats et Isabelle SANCHEZ Greffier lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publi...

N° RG : N° RG 20/05973 - N° Portalis DBX6-W-B7E-US3S
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

63D

N° RG : N° RG 20/05973 - N° Portalis DBX6-W-B7E-US3S

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[H] [I]

C/

S.A.R.L. PARTEXIA

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
Me Camille BAILLOT
la SAS MDO AVOCATS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 06 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Président
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Mme Angélique QUESNEL, Juge

Pascale BUSATO Greffier, lors des débats et Isabelle SANCHEZ Greffier lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Avril 2024,
Délibéré 06 juin 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEUR :

Monsieur [H] [I]
né le 25 Décembre 1954 à Bordeaux
de nationalité Française
41, rue Charles Chaumet
33200 FRANCE

représenté par Maître Pierre DE OLIVEIRA de la SAS MDO AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSE :

S.A.R.L. PARTEXIA
10 rue Furtado
33800 BORDEAUX

représentée par Me Camille BAILLOT, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
N° RG : N° RG 20/05973 - N° Portalis DBX6-W-B7E-US3S

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [H] [I] détient 458 actions du capital de la société SAS INTER PLIAGE.
Par lettre de mission du 07 janvier 2015, Monsieur [H] [I] a confié à la S.A.R.L. PARTEXIA une mission relative à la cession des actions qu’il détenait dans cette société.
Par acte sous seing privé du 02 avril 2015, la S.A.S. CMA Consulting et la S.A.S. Conseils analyses & participation Etienne Richard (ci-après, la société CAPER) ont acquis de Monsieur [H] [I] respectivement 176 et 282 actions.

Les actes stipulaient que le prix unitaire de cession (payable à terme selon échéancier) serait calculé à partir de la valorisation de la société INTER PLIAGE, pour 100% de son capital, égale à la plus importante des deux valeurs suivantes :
- 1.800.000 euros ou bien,
- cinq fois de l’excédant brut d’exploitation (EBE) réalisé sur la période du 01 mai 2015 au 30 avril 2016 ; l’EBE de référence étant calculé à partir de l’EBE comptable, diminué des facturations et prestations et, des rémunérations des holdings des repreneurs (hors notes de frais) et majoré de 126 000 euros.
Les parties aux cessions sont convenues que le prix sera payable au terme de trois exercices.
La société INTER PLIAGE a connu des difficultés de trésorerie, en raison notamment de livraison défectueuse de matière première par son fournisseur la société NLMK, ayant généré de nombreux litiges avec les clients, et une importante diminution de son volume d’affaires entre les exercices 2012 et 2014.

Une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la société INTER PLIAGE par jugement du tribunal de commerce de BORDEAUX en date du 22 avril 2015.

Puis, par jugement du 05 octobre 2016, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et a ouvert à son encontre une procédure de redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 9 novembre 2016.

Le 16 juin 2018, Monsieur [H] [I] a reçu, de l’administration fiscale, une proposition de rectification relative aux déclarations effectuées pour les cessions d’actions.

N’ayant obtenu aucun règlement du prix de cession, Monsieur [H] [I] a fait assigner en date du 28 octobre 2019 les sociétés cessionnaires devant le tribunal de commerce de Bordeaux, en résolution des actes de cession et en indemnisation.

Puis, le 7 août 2020, Monsieur [H] [I] a fait assigner la S.A.R.L. PARTEXIA en indemnisation à hauteur de 1.255.617,92 euros.

Par ordonnance du 13 avril 2021, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l’attente d’une décision au fond rendu par le tribunal de commerce de BORDEAUX.

Par jugement du 01 octobre 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a pour l’essentiel:

- rejeté les prétentions des sociétés cessionnaires,
- prononcé la résolution judiciaire des contrats de cessions pour non paiement du prix,
- condamné la société CAPER à payer à Monsieur [H] [I] la somme de 643.346 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société CMA à payer à Monsieur [H] [I] la somme de 401.520 euros à titre de dommages et intérêts.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 12 septembre 2023.
Par jugement du 09 janvier 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a placé la société CMA Consulting en liquidation judiciaire.

La mise en état a été clôturée par ordonnance en date du 8 janvier 2024 et l’affaire fixée à plaider à l’audience collégiale du 11 avril 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant les dernières, notifiées par RPVA le 27 février 2024, Monsieur [H] [I] sollicite du tribunal de :

In limine litis,

Révoquer l’ordonnance de clôture en reportant la clôture à la date des plaidoiries ;Déclarer les conclusions récapitulatives n° 4 de Monsieur [H] [I] et les pièces n° 17 à 19 recevables ;
Sur le fond,

Débouter la S.A.R.L. PARTEXIA de l’ensemble de ses demandes,Condamner la S.A.R.L. PARTEXIA à lui payer la somme de 962.765,03 euros au titre de l’ensemble des dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation et jusqu’au parfait paiement ;Condamner la S.A.R.L. PARTEXIA à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner la S.A.R.L. PARTEXIA aux dépens ;Rappeler que la décision à intervenir est assortie de l’exécution provisoire.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :

Sur la révocation de l’ordonnance de clôture et son report à la date d’audience de plaidoirie:

que la clôture a été rendue le 08 janvier 2024, le même jour de la réception de l’avis de fixation, l’empêchant de produire les pièces communiquées fin décembre par son client,que la partie défenderesse dispose d’un temps largement suffisant de plusieurs mois pour répondre à ses dernières conclusions avant la date de plaidoirie ;que la date de plaidoirie a été fixée à une date très éloignée de la clôture alors que selon l’article 799 du code de procédure civile, la date de clôture doit être aussi proche que possible pour celle fixée pour les plaidoiries.

Sur la responsabilité contractuelle pour défaut de conseil, d’information et de mise en garde de l’absence de garantie de paiement :

au visa des articles 155 du code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable et 1147 ancien du code civil, la SARL PARTEXIA a manqué à ses obligations contractuelles dans l’exercice de la mission qui lui a été confiée, ainsi qu’à son devoir de conseil, d’information et d’alerte, en s’abstenant de le mettre en garde du risque de non paiement en cas d’insolvabilité des futures cessionnaires et en omettant de le conseiller à prendre des garanties de paiement. En effet, il expose qu’il appartenait à l’expert-comptable de l’informer des risques de l’absence de garantie de paiement du prix de cession et cela même si aucune garantie d’actif et de passif n’a été convenue en contrepartie. Il soutient que le devoir de conseil dépasse largement le domaine comptable pour s’étendre aux disciplines voisines que sont le droit, la fiscalité, la gestion et les affaires sociales.
que suivant la lettre de mission du 07 janvier 2015, la société PARTEXIA était chargée de rédiger les actes dans le cadre du projet de cession de la société Inter-pliage, incluant l’élaboration des garanties afférentes au paiement du prix, et également d’une mission d’accompagnement de la préparation de l’entreprise à la transmission jusqu’à l’élaboration et la signature du protocole de cession. Il expose que l’expert-comptable doit s’assurer de l’efficacité juridique de l’acte qu’il rédige ainsi que des risques liés aux conditions de paiement du prix stipulé à l’acte. Il rappelle que la preuve de la bonne exécution de l’obligation d’information et de conseil repose sur la société Partexia. En réplique aux conclusions de la Sarl Partexia, selon lesquelles Maître [S] [G], en tant que rédactrice unique des actes de cessions était tenue d’assister l’ensemble des parties contractantes, Monsieur [H] [I] fait observer que l’attestation de Maître [G] démontre qu’elle est uniquement intervenue en qualité de conseil des dirigeants des sociétés cessionnaires, de sorte qu’elle n’avait aucune obligation d’information et de conseil à son égard. Il rappelle qu’il n’a jamais mandaté Maître [G] pour le conseiller dans la rédaction des actes de cession ou dans l’accompagnement des diligences postérieures à la cession tel que l’enregistrement des actes ou la réalisation des ordres de mouvement. Tout au plus, il soutient que si Maître [S] [G] a participé à la rédaction de l’acte, elle ne peut être considérée comme la rédactrice unique dès lors que la S.A.R.L. PARTEXIA, conseil de Monsieur [H] [I] a participé activement à la négociation des cessions. Dès lors, l’obligation de vigilance et de conseil pesait sur la société d’expertise-comptable.

Enfin, que dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait que la S.A.R.L. PARTEXIA n’a pas participé à la rédaction des actes de cessions, elle devrait être néanmoins tenue d’un devoir général de conseil excédant les termes de sa mission. Il expose que l’expert-comptable doit faire preuve de vigilance et d’alerte. En effet, il indique que l’expert-comptable ne l’a pas alerté sur les conséquences dangereuses de la clause insérée dans un projet de protocole d’accord, selon laquelle la caducité de la cession est encourue en cas de liquidation judiciaire de la société Inter-pliage. Il fait observer que ce projet de protocole non daté et non signé n’a aucune valeur. Il expose que la présence de cette clause lui est fortement préjudiciable et permet de mettre en lumière le manquement de l’expert-comptable à son obligation de conseil.
En réponse aux conclusions de la défenderesse, il expose qu’il n’a jamais été convenu qu’il renonce à percevoir le prix de cession. Il soutient que l’acte de fixation du prix (ramené à un euro symbolique) en date du 10 novembre 2016 transmis par courriel du 4 août 2017 a été établi sur les conseils de la SARL PARTEXIA afin d’être adressé uniquement à l’administration fiscale dans le cadre du redressement fiscal et pour éviter l’imposition de la plus-value de cession. Il souligne qu’il n’a jamais accepté de renoncer à percevoir le prix de cession. Si cet acte avait été signé par toutes les parties, le tribunal de commerce n’aurait jamais prononcé la résolution judiciaire des actes de cession pour non paiement du prix.

Sur la prétention indemnitaire - perte de chance de paiement du prix de cession :

Il détermine son préjudice, découlant des fautes de son conseil, comme une perte de chance de percevoir un paiement du prix, évalué à 90 % du prix de cession, soit 940 380,23€. Il rappelle que les sociétés CMA CONSULTING et CONSEILS ANALYSES et PARTICIPATIONS ETIENNE RICARD n’ont pas exécuté le jugement rendu par le tribunal de commerce et donc ne l’ont pas indemnisé. Il fait observer que ces sociétés sont aujourd’hui dans l’incapacité financière de verser le montant auquel elles ont été condamnées à titre de dommages et intérêts.

Sur la responsabilité contractuelle relative au préjudice découlant du redressement fiscal,

Il fait valoir que la S.A.R.L. PARTEXIA a commis une faute dans l’exécution de sa mission d’accompagnement et de réalisation des formalités déclaratives à la cession des actions. En effet, il expose qu’il a fait l’objet d’un contrôle fiscal et que l’administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification fondée sur le dépôt tardif de la déclaration no 2074 et sur des erreurs l’affectant.
Il fait observer que l’expert-comptable a communiqué des documents remplis d’erreurs grossières affectant la déclaration.

Sur les prétentions indemnitaires au titre du redressement fiscal et du préjudice moral :

Il fait valoir qu’il a été contraint de confier la gestion de cette affaire fiscale à son avocat. Il expose que les différentes réclamations contentieuses ont permis d’obtenir un dégrèvement de la totalité des impositions, toutefois, il évalue le préjudice à la somme des frais de conseil juridique et des frais de caution bancaires exposés, soit 17 384,80€.

Il sollicite également l’indemnisation de son préjudice moral constitué par le stress ressenti pendant plusieurs années, à hauteur de 5 000€.

A titre subsidiaire, sur la responsabilité délictuelle de la société Partexia :

Il soutient que sur fondement de l’article 1382 ancien du code civil, la S.A.R.L. PARTEXIA a commis une faute délictuelle en violant son devoir général d’information et de conseil, excédant le champs contractuel. En effet, elle a commis une faute en raison de ses défaillances dans son obligation d’alerte et de vigilance pour l’absence de garanties et dans les déclarations fiscales. Il soutient que la responsabilité délictuelle de l’expert-comptable peut être engagée lorsqu’il s’est immiscé dans la conduite d’un dossier et que compte-tenu des informations dont il disposait, il n’a pas alerté son client sur les conséquences d’une opération ou d’un montage juridique et fiscal.En réplique aux conclusions de la SARL PARTEXIA, il expose qu’il n’y a pas d’irrecevabilité du double fondement contractuel et délictuel, dès lors que seule la double indemnisation est prohibée. Il soutient que le tribunal doit retenir le fondement pertinent.

Suivant les dernières conclusions, notifiées par RPVA le 20 février 2023, la S.A.R.L. PARTEXIA sollicite sur le fondement des articles 1134, 1147, 1150 et 1151 anciens du code civil du tribunal de :

A titre principal,

Dire et juger que Monsieur [H] [I] ne démontre ni une faute de la part de la société Partexia, ni un préjudice indemnisable qui pourrait lui être imputable,Débouter Monsieur [H] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,A titre subsidiaire,

Ecarter l’exécution provisoire
En tout état de cause,

Condamner Monsieur [H] [I] à payer à la société PARTEXIA la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, la S.A.R.L. PARTEXIA fait valoir :

Sur l’absence de faute dans le cadre de sa lettre de mission :

en premier lieu, que la responsabilité de l’expert-comptable doit être appréciée à l’aune de la mission qui lui a été confiée par son client ; qu’en l’espèce la SARL Partexia a été missionnée pour participer à l’élaboration des éléments comptables et financiers du protocole, de l’acte et des garanties ; de sorte qu’elle ne peut se voir imputer une obligation de rédaction du protocole et des actes eux-mêmes. Elle rappelle que les obligations d’un expert-comptable sont de moyens et que le client a un devoir de coopération. Elle fait observer que l’expert-comptable ne peut s’immiscer dans la gestion de l’entreprise du client. en second lieu, que Monsieur [H] [I] ne rapporte pas la preuve d’une faute dans l’exercice de sa mission. Elle soutient que la rédaction des actes de cession a été confiée à Maître Cécile [G], conseil des sociétés cessionnaires et qui lui appartenait le cas échéant d’indiquer aux parties l’absence de garantie de paiement du prix de cession. Si Maître [G] atteste que Monsieur [H] [I] n’était pas son client, elle ne conteste pas le fait d’être la rédactrice unique de l’acte. La société Partexia soutient qu’au titre de l’article 7.2, alinéa 2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat : “l’avocat seul rédacteur d’un acte veille à l’équilibre des intérêts des parties.”, de sorte que l’avocat seul rédacteur d’un acte de cession est tenu de conseiller l’ensemble des parties contractantes. Elle rappelle que sa mission était limitée à la participation de l’élaboration des éléments comptables et financiers du protocole, de l’acte et des garanties et non à la rédaction, comme le démontre les différents courriels produits à la procédure.

Par ailleurs, sur l’exigence de garantie de paiement, qu’il a été convenu dès l’origine dans le cadre d’un projet de protocole une clause prévoyant une absence de paiement du prix en cas de liquidation judiciaire de la société cédée dans le délai de 12 mois à compter de la signature des actes de cession. Elle rappelle que cette clause tenait à l’existence d’un important litige entre INTER PLIAGE et son fournisseur la société NMLK, la première étant débitrice d’une dette de 1 547 463€ envers la seconde. Si cette proposition de clause a par la suite été rejetée par les acquéreurs, il n’en demeure pas moins que Monsieur [H] [I] a été informé des risques lors de sa participation aux négociations. Elle fait observer que la clause de renonciation au paiement du prix en cas de cession était claire, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée. En effet, elle expose que cette absence de paiement du prix ne relevait que d’une répartition des risques et des responsabilités. Ensuite, sur l’acte de fixation du prix de cession, elle soutient qu’il a été prévu qu’en cas de liquidation judiciaire de la société INTER PLIAGE, Monsieur [H] [I] cédera ses titres au prix d’un euro de sorte que la faillite de la société le priverait du prix de cession convenu entre les parties. Si aujourd’hui, il prétend que cet acte de fixation a été rédigé à des fins fiscales, force est de constater qu’il en est le signataire. Elle fait donc observer qu’il n’était pas question de solliciter des acquéreurs une quelconque garantie de paiement.

Si Monsieur [H] [I] prétend qu’une garantie bancaire lui aurait permis un paiement intégral du prix, il n’explique pas qu’une telle garantie aurait exigé la mise en place d’une contre-garantie au profit de la banque, qui est généralement le séquestre d’une somme équivalente. Or, en raison du contexte financier, aucune des parties contractantes auraient pu mettre en place une telle garantie bancaire ou aurait disposé des fonds pour la contre-garantir.

Que le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice n’est pas démontré. Ainsi, aucun grief ne saurait être retenu à son encontre puisqu’elle a parfaitement accompli sa mission de conseil et d’accompagnement dans le cadre de la cession des actions de Monsieur [H] [I].

Sur l’absence de faute concernant le régime d’imposition de la plus-value de cession:

que Monsieur [H] [I] défaille dans la preuve d’un mauvais conseil fiscal et d’un défaut d’information. Elle soutient en effet que ce dernier ne produit aucune justification, ni aucune explication au soutien de cette allégation. Elle précise que Monsieur [H] [I] ne démontre pas que le contrôle fiscal a pour origine une omission de déclaration ou des erreurs grossières dans la déclaration. Au contraire, elle indique qu’elle avait écrit à l’administration fiscale pour les informer des différentes procédures en cours. Elle précise que Monsieur [H] [I] a bénéficié d’un dégrèvement total de l’impôt. Ainsi, elle expose que ce dernier ne démontre pas l’existence d’un préjudice qui serait la conséquence directe d’un manquement de l’expert-comptable, ni le montant de ce préjudice. Elle rappelle que selon le principe de la réparation intégrale, la réparation allouée à la victime ne saurait excéder le montant du préjudice réellement subi. Compte-tenu de ce principe, seuls les préjudices actuels et certains peuvent être indemnisés.
Sur le préjudice demandé au titre de la cession des actions :

que sur le préjudice de perte de chance de recevoir le prix de cessions d’actions de la société INTER PLIAGE qu’il évalue à la somme de 1 044 866,92€, la société Partexia rappelle que le jugement du tribunal de commerce du 1er octobre 2021 a prononcé la résolution judiciaire des actes de cession du 2 avril 2015, de sorte qu’aucun prix de cession ne lui est dû. Il précise que les sociétés CAPER et CMA ont été condamnées à lui verser des dommages et intérêts pour la somme totale de 1 044 866€. Par conséquent, il n’a subi aucun préjudice et ses demandes indemnitaires devront être rejetées.
Sur le préjudice demandé au titre du redressement fiscal :

que Monsieur [H] [I] verse aux débats deux factures d’honoraires d’un montant total 10 964,26€ alors que ce dernier demande une indemnisation à hauteur de 13 157,11€. Elle fait observer que cette réparation intégrale entraînerait un enrichissement sans cause. Par ailleurs, elle rappelle que les frais d’avocat ne peuvent être indemnisés qu’en application de l’article 700 du CPC, surtout qu’en l’espèce ces frais ne sont pas en lien avec l’intervention de Partexia.En ce qui concerne le préjudice allégué au titre de l’acte de caution fiscale, celui-ci est sans objet dès lors que l’administration fiscale a fait droit à la demande de dégrèvement d’impôts et de pénalités de Monsieur [H] [I].

Sur le préjudice moral :

que Monsieur [H] [I] ne verse au débat aucune pièce justifiant ce préjudice. Il rappelle que la société Partexia l’a accompagné tout au long de cette procédure et a toujours été de bonne foi à son égard.
Sur la demande subsidiaire fondée sur la responsabilité extra-contractuelle :

que le cumul des fondements contractuels et délictuels, même présentés à titre subsidiaire est impossible. Elle soutient que le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle s’oppose à ce qu’une partie sollicite par le biais d’une demande subsidiaire l’indemnisation d’un prétendu préjudice sur le terrain de la responsabilité délictuelle. Dans le cas d’espèce, elle indique qu’il ne fait aucun doute que les deux parties étaient cocontractantes au regard de la lettre de mission signée le 7 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le tribunal rappelle à titre liminaire qu'il n'a pas à statuer sur les demandes de « dire et juger » ou « déclarer » qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d'une prétention dans la partie « discussion » des conclusions.

1 - Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et acceptation des pièces n°17 à 19 :

En l'espèce, la demande de révocation de l’ordonnance de clôture, non discutée, a été accordée lors de l’audience de plaidoiries. Il convient de révoquer l’ordonnance de clôture du 8 janvier 2024 et de prononcer la clôture à la date des débats.

Il ya lieu également d’autoriser le versement des pièces n°17 à 19 à la procédure.

2 - Sur les actions en responsabilité engagées contre l’expert-comptable :

2.1 Sur le manquement au titre de sa responsabilité contractuelle :

Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil, applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent de lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Aux termes de l’article 155 du code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable, l’expert-comptable est tenu d’un devoir d’information et de conseil envers le client : dans la mise en oeuvre de chacune de leurs missions, les personnes mentionnées à l’article 141 sont tenues vis-à-vis de leur client ou adhérent à un devoir d’information et de conseil, qu’elles remplissent dans le respect des textes en vigueur.

Il est rappelé que l’expert-comptable est lié avec la société par un contrat d’entreprise de droit commun. Sa responsabilité civile peut être engagée sur le plan contractuel vis-à-vis de ses clients. Cette responsabilité s’apprécie au regard de la mission qui lui a été confiée et qui définit le champ des obligations contractuelles auxquelles il est tenu.

Le préjudice subi s’analyse alors en une perte de chance. La défaillance contractuelle de l’expert-comptable suppose la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité, étant précisé qu’il n’est tenu que d’une obligation de moyens, sauf pour les tâches dénuées de tout aléa, par exemple le respect d’un délai en matière fiscale, ou la mention d’informations exigées par la loi.

Il est en outre soumis à une obligation de conseil à l’égard de son client et se trouve ainsi débiteur d’une obligation d’information, d’un devoir de renseignement et de mise en garde, dont la charge de la preuve lui incombe.

Le devoir de conseil n’est cependant pas sans limite. Il est apprécié en fonction de l’étendue de la mission confiée et il revient au client de démontrer que l’obligation prétendument inexécutée entrait dans le champ de la mission de l’expert-comptable.

2.1.1 Sur la participation à la rédaction des actes de cession :

L’expert qui accepte dans l’exercice de ses activités juridiques accessoires d’établir un acte sous seing privé pour le compte d’autrui, est tenu en sa qualité de rédacteur, d’informer et d’éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l’opération projetée, y compris sur ses incidences fiscales. Il n’est pas déchargé de ces obligations par les compétences personnelles de l’une des parties à l’acte qu’il dresse ou la présence à ses côtés d’un conseiller personnel. Il est par ailleurs tenu de garantir l’efficacité des actes qu’il rédige.
Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

En l’espèce, il est relevé de l’instruction du dossier que Monsieur [H] [I] a confié une mission de conseil à la SARL PARTEXIA en sa qualité d’expert-comptable en date du 7 janvier 2015.

Il n’est pas contesté qu’un contrat de prestations de services comptables existaient entre eux.
C’est donc sur le terrain contractuel que se situent les obligations de la SARL PARTEXIA vis-à-vis de Monsieur [H] [I], son client, et la mise en cause de sa responsabilité.
En outre, il ressort de la lettre de mission du 7 janvier 2015 que la SARL PARTEXIA s’est vue confier par Monsieur [H] [I] les missions suivantes :

- mission Phase préalable - prise de connaissance du projet de cession et définition de l’étendue de la mission,

- mission Phase active - présélection des repreneurs potentiels, organisation des documents mis à disposition des repreneurs potentiels, participation aux négociations et participation à l’élaboration des éléments comptables et financiers du protocole, de l’acte et des garanties,

- mission Post-cession - accompagnement du cédant dans les obligations déclaratives postérieurement à la cession.

Il est relevé que lors de la “mission phase active”, l’expert-comptable doit participer à l’élaboration des éléments comptables et financiers du protocole mais également à l’élaboration de l’acte et des garanties.

Si la SARL PARTEXIA indique que Maître Cécile LE BRETON, avocate des cessionnaires, est la rédactrice unique de l’acte de cession, force est de constater que cette dernière atteste en date du 13 octobre 2022 que Monsieur [H] [I] n’était pas son client. Elle écrit que Monsieur [H] [I] “avait pour conseil la société PARTEXIA, en la personne de Monsieur [R] [P], Monsieur [H] [I] ne m’a jamais mandatée pour la rédaction des actes”. La SARL PARTEXIA se contente de s’appuyer sur le fait que l’avocate n’a pas clairement indiqué qu’elle n’était pas rédactrice unique de l’acte pour invoquer le contraire. Elle ne démontre par aucune pièce que Maître [S] [G] a été la rédactrice unique des actes de cession.

De plus, il ressort des échanges de courriels des 30 et 31 mars 2015 entre Monsieur [R] [P] et Monsieur [Z] [O], conseiller financier des cessionnaires, que la SARL PARTEXIA a participé activement à la rédaction du projet de protocole d’accord, document préalable aux actes de cession.

Ainsi, les pièces versées aux débats mettent en évidence que la SARL PARTEXIA s’est vue confier la tâche de rédaction des actes de cessions.

Dans ces conditions, la SARL PARTEXIA avait un devoir de conseil, d’information et d’alerte concernant la stratégie à suivre dans l’élaboration de ces actes, notamment en transmettant des informations éclairées et en alertant sur les risques encourus par certaines opérations, une obligation de prudence et de vigilance impliquant la vérification des éléments de garantie.

2.1.2 Sur le manquement à l’obligation de conseil et d’information ainsi qu’à son devoir d’alerte dans l’élaboration des actes :

Il résulte de l’instruction du dossier que Monsieur [H] [I] reproche à la société d’expertise-comptable de ne pas lui avoir conseillé préalablement à la cession l’instauration d’une clause de garantie de paiement, qui lui aurait permis de s’assurer du bon paiement du prix.

La SARL PARTEXIA explique que l’absence de garantie dans les actes de cession est justifié par un équilibre des risques entre les cessionnaires et le cédant. Elle expose que Monsieur [H] [I] était parfaitement conscient de cette absence comme le démontre les différents échanges de courriel en vue de l’élaboration du projet de protocole d’accord.

Il est établi que les parties en présence ont élaboré un projet de protocole d'accord “promesse de cession-promesse d’achat” portant sur les transactions en question, incluant une disposition relative aux conditions de paiement du prix. Toutefois, ce projet de protocole d'accord n'a pas été formellement signé, ni daté par les parties concernées.

Il est observé que la clause prévoyant “une absence de paiement du prix de cession en cas de liquidation judiciaire dans les 12 mois de la cession”, stipulée dans le projet de protocole d'accord, n'a pas été intégrée dans les actes de cessions finaux.

Il ressort des échanges de courriels des 30 et 31 mars 2015, précédant la conclusion des actes de cession du 2 avril 2015, que ledit projet a été discuté entre les parties impliquées. De plus, les cessionnaires ainsi que le cédant ont été tenus informés de ces échanges par leurs conseillers financiers respectifs, étant systématiquement mis en copie des échanges de courriels.

Si la SARL PARTEXIA soutient que la clause de renonciation au paiement du prix était claire et que par conséquent sa responsabilité ne peut être engagée puisque Monsieur [H] [I] était parfaitement conscient d’une absence de garantie de paiement pour un équilibre des risques ; force est de constater que cette clause de renonciation n’a pas été reprise dans les actes de cession.

Par ailleurs, l’expert-comptable ne démontre pas que Monsieur [H] [I] a parfaitement été informé des risques d’une telle clause lors de sa participation aux négociations.

En effet, il est constaté que l'expert-comptable chargé du suivi de la transaction n'a pas averti, ni conseillé son client quant à l'absence de la garantie de paiement, mettant ainsi en lumière les risques inhérents à cette omission.

Il ressort des pièces produites au dossier que l’expert-comptable sur qui repose la charge de prouver qu’il a satisfait à son devoir de conseil, ne démontre pas, ni même n’allègue avoir alerté Monsieur [H] [I] sur les risques de l’absence de clause de garantie de paiement dans les actes de cessions et sur les conséquences pouvant en résulter. En effet, la Sarl PARTEXIA ne communique aucun courrier adressé à Monsieur [H] [I] afin de le mettre en garde sur l‘absence de garanties de paiement donnée par les cessionnaires et sur les conséquences de cette absence. Elle ne justifie donc pas l’avoir expressément informé et éclairé de manière complète sur les effets et la portée de l’opération projetée et notamment sur les risques encourus en cas de défaillance des cessionnaires.

Dès lors, la société PARTEXIA a failli à son obligation de mise en garde et de conseil à l’égard de Monsieur [H] [I] qui était son client avec lequel il avait une relation de confiance, l’expert-comptable ne pouvant ignorer l’importance pour lui d’obtenir toutes les garanties de paiement du prix de cession.

En outre, si la SARL PARTEXIA fait valoir l’acte de fixation définitif du prix du 10 novembre 2016, pour démontrer que le prix de cession des actions serait de “un euro symbolique” en cas de liquidation judiciaire de la société INTER PLIAGE, il est relevé que cet acte est raturé et qu’il est impossible d’établir sa date exacte, c’est pourquoi il est inopérant pour attester que Monsieur [H] [I] était d’accord pour un tel prix.

Par conséquent, l’absence de conseil et de mise en garde de l’expert-comptable caractérise un manquement du professionnel prestataire à ses obligations de nature à engager sa responsabilité.

2.2 Sur le manquement au titre du redressement fiscal :

Il est rappelé que l’expert-comptable est tenu d’un devoir d’information et de conseil (article 155 du décret du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’expertise comptable), notamment quant aux conséquence des choix effectués en particulier en matière fiscale, dès lors qu’une mission lui a été confiée à cet égard.

En l’espèce, selon les termes de la lettre de mission du 7 janvier 2015, il est clairement stipulé que l’expert-comptable est tenu dans le cadre de sa “mission Post-cession”, d’accompagner le cédant dans les obligations déclaratives subséquentes à la cession.

Toutefois, il est observé que la SARL PARTEXIA a omis de diligenter les actions nécessaires pour assurer le respect des obligations fiscales de Monsieur [I], telles que prescrites par l’article 1758A I du code général des impôts. En vertu de cet article, “le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposée en vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l”impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d’une majoration égale à 10% des droits supplémentaires ou de la créance indue”.

Il est constaté que les services fiscaux ont relevé des erreurs sur la déclaration fiscale de Monsieur [H] [I] concernant le calcul de la plus value imposable, ce qui a conduit à un contrôle fiscal d’un montant de 210 751€, dont 41 915€ au titre des intérêts de retard.
Ces rectifications comptables, imposées par l’administration fiscale en raison des erreurs ou du retard dans le dépôt de la déclaration, témoignent clairement du manquement de la SARL PARTEXIA à ses obligations contractuelles et légales.

Par conséquent, il convient de reconnaître la responsabilité de l’expert comptable pour un manquement à son obligation de déclaration fiscale.

3 - Sur le lien de causalité et les préjudices subis :

Aux termes de l’article 1149 ancien du code civil dans sa version applicable aux faits d’espèces, dispose que les dommages et intérêts dus au créancier sont , en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

Il incombe à Monsieur [H] [I] d’établir l’existence d’un lien de causalité direct entre cette faute contractuelle et les préjudices dont ils demandent réparation.

3. 1 - Sur la perte de chance d’être payé du prix des cessions :

Monsieur [H] [I] se prévaut d’une perte de chance évaluée, à 90%, de recevoir le paiement du prix des cessions des actions de la société INTER PLIAGE. Il sollicite donc en réparation du préjudice financier subi, la condamnation des sociétés au paiement de la somme de 962 765,03€ à titre de dommages et intérêts.

Il est de jurisprudence bien établie qu’une obligation de moyens ne peut être sanctionnée qu’au titre de la perte de chance. Toute perte de chance même minime ouvre droit à réparation. La perte de chance consiste en la disparition de la probabilité d’un événement favorable même si par définition la réalisation d’une chance n’est jamais certaine.

Cependant, il appartient au demandeur d’apporter la preuve directe et certaine de cette perte.
Pour ce faire, il est nécessaire de déterminer si une chance de succès a été effectivement perdue et dans quelle proportion, en mesurant la probabilité de succès de l’action en l’absence de faute.

En l’espèce, le manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde de l’expert-comptable, en tant qu’obligation de moyens, ne peut engendrer qu’une perte de chance pour Monsieur [H] [I], en l’occurrence la chance de recevoir le paiement du prix des cessions. Cependant, cette perte de chance ne peut être évaluée qu’à hauteur de la chance réellement perdue et non à l’avantage hypothétique qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Monsieur [H] [I] prétend évaluer sa perte de chance à 90% et soutient que cette perte ne peut être indemnisée en raison de la liquidation judiciaire des sociétés CMA CONSULTING et CAPER. Toutefois, il revient à Monsieur [H] [I] de prouver non seulement l’existence de cette perte de chance mais aussi les conditions de cette perte, notamment l’existence d’une garantie de paiement de la part de la société CMA CONSULTING et de la société CAPER.

Or, Monsieur [H] [I] invoque la possibilité d’une garantie bancaire, sans toutefois démontrer qu’elle aurait pu être mise en place dans un contexte financier fragile en raison du contentieux judiciaire entre la société INTER PLIAGE et la société NLMK, l’un de ses fournisseurs. En effet, aucun document comptable, ni aucune pièce pertinente ne démontre que les sociétés CMA CONSULTING et CAPER auraient pu lui fournir une garantie de paiement.

En l’absence de preuve quant à la faisabilité et à la disponibilité des fonds nécessaires à la mise en place d’une telle garantie, il est difficile d’établir avec certitude que Monsieur [H] [I] aurait bénéficié d’un paiement intégral du prix.

Par conséquent, faute de preuve établissant de manière certaine l’existence d’une perte de chance et les conditions de cette perte, la demande en réparation du préjudice financier subi par Monsieur [H] [I] est rejetée.

3.2 - Sur le préjudice financier au titre du redressement fiscal :

En l’espèce, il est constaté que le redressement fiscal à hauteur de 210 751€ a fait l’objet d’un dégrèvement , de sorte que le préjudice subi par ce dernier en raison de la faute commise par l’expert-comptable ne réside que dans les frais d’avocat qu’il n’aurait pas eu à verser si le travail avait été effectué correctement.

Ainsi, Monsieur [H] [I] est fondé à solliciter la condamnation de la SARL PARTEXIA à lui rembourser les frais d’avocat (13 157,11€ HT- facture d’honoraires ) qu’il a exposé lors des négociations avec l’administration pour obtenir (avec succès) le dégrèvement total pour erreurs et intérêts de retard dont la responsabilité incombe exclusivement à l’expert-comptable .
Par ailleurs, il est également relevé que Monsieur [H] [I] a réglé des frais de caution fiscale à l’administration à hauteur de 4 227,69€. En effet, ce dernier a été contraint d’engager de tels frais lors des négociations avec l’administration fiscale, comme démontré par le courrier du 28 mars 2019.

Par conséquent, la SARL PARTEXIA est condamnée à payer à Monsieur [H] [I] la somme de 17 384,80€ au titre du préjudice financier subi, les frais d’avocats exposés dans ce cadre n’entrant pas dans le champ de l’article 700 du code de procédure civile.

3.3 - Sur le préjudice moral :

Il ressort de l’instruction du dossier que Monsieur [H] [I] sollicite un préjudice moral à hauteur de 5 000€ puisque le contrôle fiscal a été une source de stress importante.
Cette demande de dommages et intérêts peut être suivie compte-tenu du stress et de l’angoisse auxquels Monsieur [H] [I] s’est trouvé confronté, après avoir fait pleinement confiance à son expert-comptable, face à un redressement fiscal de plus de 210 000€, qu’il n’avait pas les moyens de régler.

Ainsi, l’ensemble de ces tracas, subis à titre personnel par Monsieur [H] [I] résultant des manquements de la société d’expertise-comptable à ses obligations de conseil caractérisent un préjudice moral dont la SARL PARTEXIA doit réparation à hauteur de 2 500€.

4 - Sur les demandes accessoires :

4.1 Sur les dépens :

L'article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, la SARL PARTEXIA, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la présente procédure.

4.2 Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
En l’espèce, la SARL PARTEXIA sera condamnée à payer à Monsieur [H] [I] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

4.3 Sur l'exécution provisoire :

Il convient de rappeler que la présente instance est soumise aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile aux termes duquel les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
En l’espèce, aucun motif ne conduit à écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Ordonne la révocation de l’ordonnance de clôture du 8 janvier 2024,

Fixe la clôture au jour des débats,

Dit que les pièces 17 à 19 de Monsieur [H] [I] sont versées à la procédure,

Condamne la SARL PARTEXIA à payer à Monsieur [H] [I] au titre des fautes commises dans le cadre de sa mission d’expert-comptable la somme globale de 17 384,80€, majorée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation jusqu’à parfait paiement,

Condamne la SARL PARTEXIA à payer à Monsieur [H] [I] la somme de 2500 euros en réparation du préjudice moral,

Condamne la SARL PARTEXIA à payer à Monsieur [H] [I] aux entiers dépens,

Condamne la SARL PARTEXIA à payer à Monsieur [H] [I] la somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL PARTEXIA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire.

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WalazycVice-Présidente et par Madame Isabelle Sanchez, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/05973
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;20.05973 ?
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