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04/06/2024 | FRANCE | N°24/01277

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 04 juin 2024, 24/01277


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 04 Juin 2024


DOSSIER N° RG 24/01277 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YYVH
Minute n° 24/ 202


DEMANDEUR

Monsieur [T] [H]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 3]

représenté par Maître Mathieu GIBAUD de la SAS DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Société MARKET SECURITIES LLP, société de droit anglais ayant son siège social [Adresse 6], Royaume-Uni, anciennement dénommée KYTE EQUITY DERI

VATIES LLP, prise en la personne de son représentant légal
Au domicile élu de la SAS BOCCHIO & ASSOCIES
[Adresse 2]
[Localité 3]

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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 04 Juin 2024

DOSSIER N° RG 24/01277 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YYVH
Minute n° 24/ 202

DEMANDEUR

Monsieur [T] [H]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 3]

représenté par Maître Mathieu GIBAUD de la SAS DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Société MARKET SECURITIES LLP, société de droit anglais ayant son siège social [Adresse 6], Royaume-Uni, anciennement dénommée KYTE EQUITY DERIVATIES LLP, prise en la personne de son représentant légal
Au domicile élu de la SAS BOCCHIO & ASSOCIES
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Claire-Marie LÉTARD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 07 Mai 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 04 Juin 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 04 juin 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Par un jugement du conseil de Prud’hommes de Paris en date du 8 janvier 2021, la société MARKET SECURITIES LLP a été condamnée à verser Monsieur [T] [H] la somme de 186.561 euros. Par un arrêt du 6 septembre 2023, la Cour d’appel de Paris a infirmé la totalité des dispositions du jugement de première instance sauf à confirmer la compétence de la juridiction saisie.

Par actes du 10 octobre 2023 et du 3 janvier 2023, la société MARKET SECURITIES LLP a fait délivrer à Monsieur [H] une sommation d’avoir à rembourser la somme de 186.561 euros puis un commandement aux fins de saisie-vente pour un montant de 191.122,08 euros. Elle a également fait réaliser quatre saisies-attribution par actes du 5 février 2024.

Par acte de commissaire de justice signifié le 14 février 2024, Monsieur [H] a fait assigner la société MARKET SECURITIES LLP devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de se voir allouer des délais de paiement.

A l’audience du 7 mai 2024 et dans ses dernières conclusions, Monsieur [H] sollicite que les prétentions de la défenderesse soient rejetées et qu’il lui soit octroyé un échéancier de 24 mois. Il demande également que la suspension des voies d’exécution et des majorations d’intérêts ou des pénalités de retard soit ordonnée durant 24 mois et que les sommes correspondant aux échéances reportées portent intérêts au taux légal, les paiement s’imputant d’abord sur le capital. Il sollicite enfin, qu’il n’y ait pas lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile et que chacune des parties conserve la charge de ses dépens.

Au soutien de ses prétentions, le demandeur fait valoir qu’il a introduit un pourvoi en cassation qui a toutes les chances d’aboutir et qu’il est contraint de s’exécuter pour ne pas voir son pourvoi radié. Il soutient être dans l’incapacité de s’acquitter des sommes réclamées, son activité professionnelle actuelle ne lui apportant que des revenus modestes, son fonds de commerce ayant été vendu et la vente d’un appartement devant permettre de solder la dette étant encore en cours. Il souligne que les arguments invoqués devant la Cour d’appel en 2021 ne sont plus d’actualité au regard de l’évolution de sa situation et que la situation financière confortable de la société MARKET SECURITIES ne fait pas obstacle à l’octroi de délais.

A l’audience du 7 mai 2024 et dans ses dernières écritures, la société MARKET SECURITIES LLP conclut au rejet de toutes les demandes, à la validation du commandement aux fins de saisie-vente et des saisies-attribution réalisées le 5 février 2024. Elle demande que la somme de 186.383,82 euros restant due continue à produire intérêts au taux légal jusqu’à sa date de règlement et que l’obligation de paiement de cette somme soit assortie d’une astreinte, réservée au juge de l’exécution.
A titre infiniment subsidiaire, elle demande que les délais de paiement soient réduits à une période plus courte et que le premier paiement ne soit pas inférieur à la somme de 120.000 euros. Elle sollicite qu’une clause de déchéance du terme soit prévue et que les sommes recouvrées grâce aux saisies-attributions ne soient pas concernées par ces délais. En toute hypothèse, elle demande la condamnation du demandeur aux dépens et au paiement d ‘une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La défenderesse constate que Monsieur [H] se reconnaît bien débiteur des sommes réclamées. Elle souligne qu’il ne donne que très peu d’éléments sur sa situation financière et ne précise pas ce qui est advenu des sommes initialement versées en application du jugement du conseil de prud’hommes réformé. Elle souligne que lors de l’instance devant la Cour d’appel Monsieur [H] avait indiqué disposer de plusieurs biens immobiliers dont il ne dit rien dans le cadre de la présente instance. Elle souligne qu’il n’est pas un débiteur de bonne foi, le fait qu’il ait interjeté un pourvoi en cassation étant indifférent au caractère exécutoire de l’arrêt d’appel, ce d’autant que les chances de succès de ce recours sont minces.

L’affaire a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur les délais de paiement

L’article 1343-5 du Code civil dispose :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »

En l’espèce, Monsieur [H] justifie de son inscription à France Travail à compter du 11 mars 2024 ainsi que de son avis d’impôt sur les revenus de 2022 établissant des revenus d’environ 17.000 euros pour l’année.

Il verse également aux débats le relevé de compte à l’issue de la vente de son fonds de commerce mentionnant un versement au profit de sa société CANTINA LINO à hauteur de 105.653,38 euros. Monsieur [H] fait valoir qu’il n’en percevra en définitive que 70.000 euros mais ne verse aux débats aucun élément permettant de vérifier cet état de fait et d’alléguer l’existence de la dette salariale qu’il invoque.

Il fournit également l’attestation de la société MORIN IMMOBILIER indiquant que Monsieur [H] lui a confié la vente d’un appartement à compter du 15 octobre 2020 pour une année sans que l’opération n’aboutisse. L’agent immobilier indique que le mandat lui a ensuite été retiré pour que l’appartement soit mis en location. Il ajoute que le marché actuel ayant évolué, l’appartement pourrait être estimé à 300.000 euros sous réserve d’être de nouveau à la vente et libre de tout locataire. Cette pièce ne saurait donc attester de la mise en vente effective du bien, qui demeure hypothétique.

Il en va de même de la récupération d’un honoraire de résultat auprès de l’ancien conseil de Monsieur [H], à l’appui de laquelle il n’est versé qu’un courrier de son conseil actuel évoquant la seule possibilité d’un encaissement de cet honoraire.

La défenderesse verse quant à elle aux débats des conclusions de Monsieur [H] lors de l’instance pendante devant la Cour d’appel en 2021 faisant état de la détention par Monsieur [H] de plusieurs biens immobiliers dont la valeur est « très largement supérieure au montant des sommes qu’il pourrait devoir restituer ».

Sont également produits des actes de vente au profit des époux [H] pour un immeuble sis [Adresse 4], constitutif du domicile familial, ainsi que pour un immeuble sis [Adresse 7], cédé par acte du 18 mars 2022. Est également versé aux débats une attestation de notaire constatant l’acquisition d’un immeuble sis à [Localité 9] par les époux [H] le 30 octobre 2014. Enfin, il est justifié de la vente d’un appartement sis à [Localité 10] par Monsieur [H] par acte du 23 janvier 2018.

Monsieur [H] ne donne aucun élément actualisé sur l’état de son patrimoine immobilier, pas plus qu’il ne fait état de l’utilisation des sommes perçues à l’issue du jugement du conseil de prud’hommes, ou des ventes des biens immobiliers susvisés, sur laquelle il ne formule par ailleurs aucune observation.

Les éléments de description de son patrimoine sont donc particulièrement parcellaires et ne permettent pas à la présente juridiction d’apprécier le bienfondé de sa demande en délais de paiement. Par ailleurs, l’introduction d’un pourvoi en cassation est indifférente à l’exigibilité des sommes réclamées au titre de l’arrêt de la cour d’appel.

Monsieur [H] sera donc débouté de l’ensemble de ses demandes.

Les saisies-attributions pratiquées le 5 février 2024 ne souffrent d’aucune contestation et elles seront par conséquent validées tout comme le commandement aux fins de saisie-vente. Les sommes dues porteront intérêts au taux légal en application des dispositions légales applicables ainsi qu’il soit besoin de rappeler cet état de fait, les demandes de délais de grâce ayant été rejetées.

- Sur l’astreinte

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. »

La société MARKET SECURITIES LLP a mis en œuvre des mesures d’exécution forcée au vu du titre exécutoire dont elle dispose. Monsieur [H] ne conteste pas sa qualité de débiteur et n’a formulé aucune opposition aux actes d’exécution forcée déjà réalisés. Il a usé de son droit légitime de solliciter de délais de paiement sans que cet exercice ne puisse être considéré comme une résistance abusive à l’exécution de la décision.

La défenderesse ne démontre donc pas en quoi le prononcé d’une astreinte au soutien de l’obligation de paiement serait nécessaire et elle sera déboutée de sa demande.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [H], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Monsieur [T] [H] de toutes ses demandes ;
VALIDE le commandement aux fins de saisie-vente en date du 3 janvier 2024 et les quatre procès-verbaux de saisie-attribution dressés le 5 février 2024 à la diligence de la société MARKET SECURITIES LLP ;
DEBOUTE la société MARKET SECURITIES LLP de sa demande de fixation d’une astreinte ;
CONDAMNE Monsieur [T] [H] à payer à la société MARKET SECURITIES LLP la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [T] [H] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 24/01277
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;24.01277 ?
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