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04/06/2024 | FRANCE | N°23/04261

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 04 juin 2024, 23/04261


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 04 Juin 2024


DOSSIER N° RG 23/04261 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X2ZK
Minute n° 24/ 194


DEMANDEUR

Monsieur [C] [N]
né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 2]

représenté par Maître Franck DUPOUY de la SELARL 3D AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

S.A.S. SOVALIO, anciennement dénommée COVALIO, immatriculée au RCS de Montpellier sous le n° 843 120 551, prise en la personne de son représentant

légal
dont le siège social est [Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Maître Anne-Claire BOYEZ de la SELARL ADRIEN BONNET, avoc...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 04 Juin 2024

DOSSIER N° RG 23/04261 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X2ZK
Minute n° 24/ 194

DEMANDEUR

Monsieur [C] [N]
né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 2]

représenté par Maître Franck DUPOUY de la SELARL 3D AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A.S. SOVALIO, anciennement dénommée COVALIO, immatriculée au RCS de Montpellier sous le n° 843 120 551, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Maître Anne-Claire BOYEZ de la SELARL ADRIEN BONNET, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Christophe BLONDEAUT de la SELARL BPG AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 07 Mai 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 04 Juin 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 04 juin 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un acte authentique en date du 6 mai 2021, la SAS SOVALIO a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [C] [N] par acte en date du 5 avril 2023, dénoncée par acte du 13 avril 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 12 mai 2023, Monsieur [N] a fait assigner la SAS COVALIO (nouvellement dénommée SOVALIO) devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 7 mai 2024 et dans ses dernières conclusions, Monsieur [N] sollicite que la nullité de la saisie-attribution soit prononcée, que la mainlevée de la saisie soit ordonnée et que la défenderesse soit déboutée de toutes ses demandes. A titre subsidiaire, il sollicite que les sommes litigieuses soient remises entre les mains d’un séquestre. En tout état de cause, il demande que la défenderesse soit condamnée aux dépens et au paiement d’une somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [N] fait valoir que la dénomination sociale portée dans le procès-verbal de saisie-attribution du 5 avril 2023 est erronée et que cet acte doit par conséquent être annulé au regard de la méprise possible sur l’identité du saisissant. Il soutient que la défenderesse ne peut se prévaloir d’aucune créance exigible, le solde du prix de vente du logement acheté en VEFA n’étant pas dû au regard des multiples réserves émises lors de la réception du logement et à l’issue. A titre subsidiaire et au regard des dispositions de l’article R261-14 du Code la construction et de l’habitation il fait valoir que cette somme doit être consignée ainsi qu’il l’avait réclamé sans obtenir de réponse. Il conteste toute condamnation à des dommages et intérêts pour résistance abusive, soulignant que la défenderesse ne prouve ni cette résistance ni son préjudice.

A l’audience du 7 mai 2024 et dans ses dernières écritures, la SAS SOVALIO conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de Monsieur [N] aux dépens et au paiement d’une somme de 2.000 euros de dommages et intérêts outre 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse fait valoir que Monsieur [N] n’établit pas le grief pouvant fonder la nullité invoquée, l’erreur purement matérielle ne l’ayant pas empêché d’identifier l’auteur de la saisie et de contester cette dernière. Elle fait valoir que la créance est bien exigible, l’ensemble des réserves ayant été levées et Monsieur [N] n’ayant pas saisi la juridiction idoine dans le délai d’un an imparti par la loi. Elle souligne que les réserves mineures soulevées après la réception ne sauraient fonder le séquestre du solde du prix de vente. Reconventionnellement, elle sollicite la condamnation du demandeur à lui verser des dommages et intérêts au regard de sa résistance abusive à payer les sommes dues et du préjudice résultant pour elle de la privation de cette somme.

L’affaire a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Monsieur [N] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 12 mai 2023 alors que le procès-verbal de saisie date du 5 avril 2023 avec une dénonciation effectuée le 13 avril 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 13 avril 2023. Il justifie par ailleurs de l’envoi du courrier recommandé en date du 12 mai 2023 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution.

Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

- Sur la nullité de la saisie-attribution

Les articles L211-1 et R211-1 du Code des procédures civiles d’exécution disposent :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

« Le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers.
Cet acte contient à peine de nullité :
1° L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
2° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ;
4° L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
5° La reproduction du premier alinéa de l'article L. 211-2, de l'article L. 211-3, du troisième alinéa de l'article L. 211-4 et des articles R. 211-5 et R. 211-11.
L'acte indique l'heure à laquelle il a été signifié. »

L’article 114 du Code de procédure civile prévoit :
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »

Il est constant que le procès-verbal de saisie-attribution versé aux débats et en date du 5 avril 2023 mentionne au titre du saisissant la SAS COVALIO alors que cette dernière a changé de dénomination sociale pour s’appeler la SAS SOVALIO à compter du 31 janvier 2023.

Il n’en demeure pas moins que Monsieur [N] a pu identifier qu’il s’agissait bien de la société ayant réalisé les travaux de l’appartement qu’il a acquis, laquelle avait cette dénomination lorsqu’il a contracté. Il a ainsi pu contester la saisie-attribution réalisée dans le cadre de la présente instance.

En l’absence de grief, la nullité du procès-verbal de saisie-attribution ne saurait être ordonnée.

- Sur la mainlevée de la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

L’article R261-14 du Code la construction et de l’habitation prévoit : « Les paiements ou dépôts ne peuvent excéder au total :
35% du prix à l'achèvement des fondations ;
70% à la mise hors d'eau ;
95% à l'achèvement de l'immeuble.
Le solde est payable lors de la mise du local à la disposition de l'acquéreur ; toutefois il peut être consigné en cas de contestation sur la conformité avec les prévisions du contrat.
Si la vente est conclue sous condition suspensive, aucun versement ni dépôt ne peut être effectué avant la réalisation de cette condition.
Dans les limites ci-dessus, les sommes à payer ou à déposer en cours d'exécution des travaux sont exigibles :
- soit par versements périodiques constants ;
- soit par versements successifs dont le montant est déterminé en fonction de l'avancement des travaux.
Si le contrat prévoit une pénalité de retard dans les paiements ou les versements, le taux de celle-ci ne peut excéder 1% par mois. »

Il est constant que l’acte authentique signé par les parties le 6 mai 2021 prévoit la libération du solde de 5% du prix de vente à la livraison (remise des clés) soit la somme de 8.285,30 euros.

La livraison est intervenue selon procès-verbal en date du 22 décembre 2021 versé aux débats, qui mentionne un certain nombre de réserves. Ce procès-verbal a été complété par un mail de Monsieur [N] en date du 9 janvier 2022 donc à proximité immédiate de la réception, relevant de nombreuses autres réserves. Un autre mail du même jour, un troisième message du 13 janvier 2022 et un quatrième du 20 janvier 2022 relevaient d’autres réserves. Il a enfin adressé un courrier recommandé en date du 25 janvier 2021 rappelant ces difficultés ainsi qu’une autre réserve à la suite de l’intervention d’un artisan.

Pour justifier de ce qu’elle a levé les réserves, la défenderesse produit deux documents : l’un consistant en l’accolement d’un papier indiquant que les retouches de peinture du garde-corps ont été faites et que les trous ont été rebouchés avec la signature de Monsieur [N] en date du 3 février 2022, l’autre signé pour Monsieur [N] indiquant que le 16 septembre d’une année non précisée, les travaux suivants ont été effectués : « reprendre le mur, peindre derrière le sèche-serviette et remplacer les pieds du meuble de salle de bains. »

Sans même considérer les désordres signalés postérieurement par mail, ces travaux de reprise ne peuvent être considérés comme satisfactoires pour lever les réserves contradictoirement relevées dans le procès-verbal du 22 décembre 2021. En effet, il était relevé des défauts affectant le garage (porte, lumière et prise), le visiophone, la prise et le bouton de la VMC, des lames trouées sur le balcon et un problème de fermeture du volet.

La SAS SOVALIO ne justifie donc pas avoir remédié aux désordres relevés et avoir levé les réserves. Les malfaçons restantes ne sont en outre pas résiduelles si l’on ajoute celles relevées par le demandeur juste après la livraison.

Il ne relève pas de la compétence de la présente juridiction de se prononcer sur l’existence d’une forclusion dans l’exercice de l’action de garantie de parfait achèvement et en tout état de cause, les nombreux échanges entre les parties doivent être pris en compte pour apprécier ce délai, mais la SAS SOVALIO ne saurait se prévaloir d’une créance liquide et exigible au regard des malfaçons restantes. Il y a donc lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à tort.

- Sur la résistance abusive

L’article 1240 du Code civil fait obligation à celui ayant causé un dommage de le réparer. Ainsi la résistance au paiement des sommes dues peut être constitutive d’une faute si elle cause un préjudice au créancier.

La SAS SOVALIO ne fournit aucun justificatif à même d’établir le préjudice dont elle se prévaut. Par ailleurs ainsi que cela a été démontré supra, les malfaçons restantes justifient que Monsieur [N] ait conservé par devers lui le solde du prix.

La demande de dommages et intérêts doit donc être rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SAS SOVALIO, partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution réalisée sur les comptes bancaires de Monsieur [C] [N] à la diligence de la SAS SOVALIO par acte du 5 avril 2023 et dénoncée par acte du 13 avril 2023, recevable ;
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution réalisée sur les comptes bancaires de Monsieur [C] [N] à la diligence de la SAS SOVALIO par acte du 5 avril 2023 et dénoncée par acte du 13 avril 2023 ;
DEBOUTE la SAS SOVALIO de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SAS SOVALIO à payer à Monsieur [C] [N] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS SOVALIO aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/04261
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;23.04261 ?
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