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04/06/2024 | FRANCE | N°22/07209

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 04 juin 2024, 22/07209


N° RG : N° RG 22/07209 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W73Z
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND






56A

N° RG : N° RG 22/07209 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W73Z

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.A.R.L. QUANTUM PRODUCTION

C/

S.C. [S] [R]











Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELASU AD AVOCATS
la SAS DELTA AVOCATS



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 04 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :>Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Président
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Monsieur Pierre GUILLOUT, Magistrat temporaire exerçant des fonctions juridictionnelles

Isabelle SANCHEZ, Greffier lors des déb...

N° RG : N° RG 22/07209 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W73Z
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

56A

N° RG : N° RG 22/07209 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W73Z

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A.R.L. QUANTUM PRODUCTION

C/

S.C. [S] [R]

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELASU AD AVOCATS
la SAS DELTA AVOCATS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 04 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Président
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Monsieur Pierre GUILLOUT, Magistrat temporaire exerçant des fonctions juridictionnelles

Isabelle SANCHEZ, Greffier lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Avril 2024, tenue en rapporteur
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 786 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. QUANTUM PRODUCTION
23, avenue Georges V
33700 MERIGNAC

représentée par Maître Fernando SILVA de la SAS DELTA AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSE :

S.C. CHATEAU SIPIAN
28, route du Port de Goulée
33340 VALEYRAC

représentée par Maître Valérie ARMAND-DUBOURG de la SELASU AD AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
N° RG : N° RG 22/07209 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W73Z

Par acte sous-seing privé du 2 avril 2021, la société Du château Sipian a signé un contrat de prestation de services avec la société Quantum production, exerçant une activité de conseil en relations publiques et communication, ayant pour objet de lui confier la mission de “production de contenu visuel et graphique, community management, gestion de projet et gestion des campagnes publicitaires payantes”, pour une durée de 12 mois, en contrepartie du versement en 3 fois de la somme de 9 000 € HT et d’une somme forfaitaire mensuelle de 1 150 € HT.

Par acte du 21 septembre 2021, la société Quantum production (la société prestataire) a fait assigner la société civile du Château Sipian (la société cliente), au visa des articles 1103, 1104, 1124, 1226 et 1231–1 du code civil, aux fins de prononcer la résiliation du contrat du 2 avril 2021 aux torts exclusifs de la société cliente à effet du 7 février 2022, outre condamnation à lui payer la somme de 14 140 € TTC au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 février 2022, ainsi qu’une somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 5 septembre 2023, la société prestataire maintient l’intégralité des prestations exposées dans l’acte introductif d’instance.

Elle prétend qu’à compter d’octobre 2021, la société cliente a cessé de régler les factures dues et lui a notifié par lettre recommandée du 7 février 2022 la résiliation unilatérale du contrat sans justifier un manquement grave de l’exécution des obligations de la société prestataire, tout en reconnaissant être débitrice de trois factures pour la somme de 4 140 €, mais non la somme de 9 900 € au titre de six factures.

En réponse, par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 14 novembre 2023, la société cliente conclut à l’irrecevabilité de la demande à défaut de tentatives préalables de règlement amiable du litige et, subsidiairement et sur le fond, à la nullité du contrat pour vices du consentement en raison du dol relatif à l’article 1137 du code civil dès lors que la société prestataire s’est prévalue pour emporter sa conviction sur sa proposition commerciale personnalisée de fausse référence avec les sociétés Minuty et [P] [D], avec sa condamnation à lui rembourser la somme de 11 520 € TTC versées en exécution du contrat, outre la somme de 1 000 € de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

À titre infiniment subsidiaire, elle conclut au prononcé de la résiliation du contrat du 2 avril 2021 aux torts exclusif la société prestataire pour mauvaise exécution de ses obligations, avec sa condamnation à lui payer une somme de 6 000 € TTC versée pour la réalisation du site Internet et de la charte graphique, et demande de juger que le solde des versements effectués par elle (5 520 €) restera acquis à la société prestataire pour les prestations effectuées non contestées, outre condamnation à payer la somme de 1 000 € de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1231–1 du code civil, ainsi qu’en tout état de cause la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture rendue le 8 janvier 2024.

Motifs de la décision:

La société cliente oppose à la demande de la société prestataire un premier moyen de défense tiré de l’absence de tentative préalable de règlement amiable du litige.

Sur ce point, le tribunal ne peut que constater, d’une part, que la demande relève pas du champ d’application des dispositions de l’article 750–1 du code civil qui rendent obligatoire pour certains contentieux une tentative préalable à peine d’irrecevabilité et, d’autre part, que ce moyen de défense des pouvoirs exclusifs du juge de la mise en état quand il est soulevé par une partie, de sorte que je premier moyen sera écarté et la demande déclarée recevable.

Sur le fond, la société cliente prétend que le contrat signé entre les parties les 2 avril 2021 est entaché de nullité en raison de vice du consentement, en faisant valoir avoir été victime d’un dol dès lors que la société prestataire pour emporter sa conviction s’est prévalue sur sa proposition commerciale personnalisée pour le château Sipian de fausses références avec les sociétés Minuty et [P] [D] alors qu’elle-même prend le vignoble Minuty, rosé de Provence réputé, comme modèle depuis des années, d’où le caractère déterminant de cette référence pour son consentement ce que n’ignorait pas la société prestataire qui lui a laissé croire travailler avec cette dernière, outre l’usage de manœuvres déloyales pour remporter son consentement.

En réponse, la société prestataire fait valoir que la brochure dont se prévaut la société cliente n’est pas produite aux débats et qu’à aucun moment les sociétés Minuty et [P] [D] ne sont mentionnées comme clientes de la société prestataire sur son compte Instagram.

En outre, elle prétend que la mission qui lui a été confiée porte sur la création d’une image et d’une campagne de communication, de sorte que les deux références précitées ne sauraient avoir été déterminantes au consentement de la société cliente pour développer son image.

Selon le premier alinéa de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour le contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

En l’espèce, la société cliente produit en pièce 9 un document sous la forme d’une brochure intitulée “Quantum production-la créativité au service de la performance-projet de digitalisation Château Sipian Médoc”, composé de plusieurs pages dont l’une intitulée “nos références” parmi lesquelles “[P] [D]” et “Minuty”.

Elle produit également un échange d’e-mails du 21 septembre 2020 et du 5 octobre 2020 avec son imprimeur relativement à des papiers d’étiquette qu’utilise Minuty pour créer ses propres étiquettes.

L’extrait Pappers du registre national du commerce et des sociétés du 25 juillet 2022, produit aux débats, mentionne que la société Quantum production a pour activité principale “conseils en communication et marketing tous supports, toutes activités d’agence de publicité” et le contrat de prestation de services litigieux prévoit au titre de l’objet de la prestation une mission de “production de contenus visuels et graphiques, community management, gestion de projet et gestion des campagnes publicitaires payantes.”

La société prestataire produit en pièce 10 une image de son compte Instagram il ne fait aucune référence aux sociétés Minuty et [P] [D].

Les pièces produites ne permettent pas de caractériser un dol au sens de l’article précité qui serait imputable à la société prestataire et dont la preuve incombe à la société cliente à défaut de démontrer que les références aux deux sociétés précitées, notamment la société Minuty, ont été un élément déterminant de son consentement, outre l’absence de preuves objectives de manœuvres dolosives imputable à la société prestataire, alors que la brochure produite mentionne d’autres références que les deux références invoquées par la société cliente.

Il s’ensuit que ce premier moyen de défense sur le fond tiré de l’existence d’un dol sera écarté.

À titre infiniment subsidiaire, la société cliente s’oppose à la société prestataire sur l’imputation de la résolution du contrat du 2 avril 2021, chaque partie rejetant la faute sur l’autre à l’origine de la rupture, la société prestataire faisant valoir le défaut de paiement des factures et une résolution unilatérale sans motif grave décidé et notifié par la société cliente, cette dernière invoquant une mauvaise exécution des obligations contractuelles de la société prestataire en soutenant lui avoir vendu du rêve.

La société QUANTUM PRODUCTION produit en pièce 6 un courrier recommandée du 7 février 2022 par lequel la société cliente l’informe que huit mois après le début des prestations, le constat d’un échec s’impose, en invoquant le site Internet et reprochant le coût exorbitant de 6 000 € pour deux pages de façade et quatre pages vides, en comparaison de ce que propose la concurrence, en ajoutant qu’il y avait une relation de confiance mais que la déception est grande et les résultats catastrophiques.

De même, elle reproche dans ce même courrier que les contenus Instagram originaux au début sont devenus “lamdas” depuis bien longtemps, outre qu’aucun événement n’a été mené à son terme ainsi que d’autres reproches concernant la newsletter et le site qui n’est plus en références sur Google.

Il est également mentionné que si la société cliente ne nie pas avoir des torts, en ayant manqué de temps pour accompagner la société prestataire, elle fait valoir que la situation sanitaire lui a fait finalement plus de mal qu’elle ne pensait sur le plan financier et sur l’emploi du temps.

Le courrier se termine par un paragraphe rappelant que le prix de la prestation du site Internet et de la community management est trop élevée pour la prestation rendue, avec mention qu’au vu du travail global fourni depuis décembre 2021 il serait cohérent d’arrêter la facturation à fin novembre et de proposer un avoir conséquent sur le site Internet, avec mention que la société cliente préfère mettre un terme à cette collaboration pour laquelle personne ne semble motivé pour travailler dans une ambiance productive, la société s’engageant à régulariser deux factures de retard (n°63 et n°69) plus la moitié de la facture du 15 novembre au 15 décembre 2021 (n°84).

En réponse à ce courrier de rupture, la société prestataire, par l’intermédiaire de son conseil, adresse par lettre recommandée du 28 février 2022 un courrier de cinq pages rappelant les conditions contractuelles et l’absence de paiement des factures depuis octobre 2021, en invoquant le caractère irrégulier, infondé et fautif de la résiliation unilatérale 7 février 2021, avec une réponse à chacun des points évoqués dans le courrier du 7 février, et valant mis en demeure de régler la somme de 15 420 € TTC correspondant à cinq factures ( n° 62,63, 69,84, 89), outre celles courant jusqu’au terme du contrat.

Le contrat litigieux du 2 avril 2021 contient un article huit relatif au changement de circonstances qui stipulent la possibilité de renégocier le contrat en cas de changement de circonstances imprévisibles rendant l’exécution excessivement onéreuse ainsi que la possibilité en cas d’échec de renégociation de convenir de la résolution du contrat ou de demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation, et l’article neuf traite du cas de force majeure.

En l’espèce, force est de constater qu’aucune des dispositions contractuelles n’a été appliquée par la société cliente concernant la résiliation unilatérale par courrier du 7 février 2022 dès lors qu’elle invoque, dans les conditions rappelées ci-dessus, des prestations devenues trop importantes et une absence de résultats.

Selon l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, l’a été imparfaitement et peut notamment provoquer la résolution du contrat prévu par les articles 1224 à 1228 du même code. L’article 1224 prévoit que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification de créancier au débiteur ou d’une décision de justice.Selon l’article 1226, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification et, sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable, la mise en demeure mentionnant qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Force est également de constater que la lettre de résiliation unilatérale à l’initiative de la société cliente ne relève d’aucune des hypothèses précitées, à défaut de clause résolutoire ou de mise en demeure préalable, outre l’absence d’élément objectif de nature à caractériser une inexécution suffisamment grave, dès lors que la société s’est limitée à invoquer des défaillances dans les résultats, y compris en invoquant la situation sanitaire et qui ne peut relever le cas de force majeure au sens de l’article du code, outre que cette dernière n’est pas invoquée par lettre de résolution unilatérale.

Par ailleurs, c’est à bon droit que la société de prestations fait valoir qu’elle est soumise à des obligations de moyens et non de résultat, de sorte que la société cliente ne rapporte pas la preuve de manquement contractuel suffisamment grave au sens de l’article 1224 pour justifier d’une résiliation aux torts exclusifs de la société prestataire, alors qu’elle a pris l’initiative de rompre unilatéralement les relations contractuelles, hors les conditions de l’article 1226 précité.

Il s’ensuit qu’il sera fait droit au prononcé de la résolution du contrat du 2 avril 2021 avec effet au 7 février 2022.

Concernant l’indemnisation de la société de prestation, cette dernière fait valoir que la société cliente a reconnu dans ses écritures que le site Internet a été créé avec la conception du logo et conteste qu’une charte graphique sur les polices d’écriture existait déjà de sorte qu’elle prétend être en droit de demander la condamnation de cette société à lui payer outre la somme de 4 140 € reconnu à la société cliente au titre des factures n° 63,69 et 84 de 1380 € chacune, mais également six autres factures (n° 62,89, 127,100 28,129 et 130) émises de septembre 2021 au 20 avril 2022 pour un montant de 9 900 €, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 février 2022.

Selon l’article 1231–1 du Code civil, invoqué par la société de prestation, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il ressort des explications ci-dessus rappelées que la rupture unilatérale est imputable à la société cliente laquelle s’est abstenue de payer les factures supplémentaires réclamées pour la somme de 9 900 €de sorte qu’il sera fait droit à la demande, d’où la société cliente sera condamnée à payer la somme totale de 14 040 €.

La société cliente, déboutée de l’ensemble de ces chefs de demande, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à la société de prestations une somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Le tribunal,

DÉCLARE recevable la demande de la société Quantum production,

CONDAMNE la société civile du Château Sipian à payer à la société Quantum production une somme de 14 040 € avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2022,

DÉBOUTE la société civile du Chateau Sipian de l’ensemble de ses chefs de demande,

CONDAMNE la société civile du Chateau Sipian aux dépens ainsi qu’à payer à la société Quantum Production une somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent jugement a été signé par madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/07209
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;22.07209 ?
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