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30/05/2024 | FRANCE | N°22/01902

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 30 mai 2024, 22/01902


N° RG 22/01902 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WKWX
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE

PARTAGE NOTAIRE EXPERTISE



28A

N° RG 22/01902 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WKWX

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[B] [FD]

C/


[F] [FD], [A] [FD]



Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Mathieu GIBAUD de la SAS DELTA AVOCATS
Me David DUMONTET


2 CCC au Service des Expertises

1CCC au Président de la chambre départementale des Notaires de la Gironde (par courriel)
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORD

EAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 30 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré

Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
Statuant à Juge...

N° RG 22/01902 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WKWX
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE

PARTAGE NOTAIRE EXPERTISE

28A

N° RG 22/01902 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WKWX

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[B] [FD]

C/

[F] [FD], [A] [FD]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Mathieu GIBAUD de la SAS DELTA AVOCATS
Me David DUMONTET

2 CCC au Service des Expertises

1CCC au Président de la chambre départementale des Notaires de la Gironde (par courriel)
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré

Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
Statuant à Juge Unique

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 11 Avril 2024,

JUGEMENT :

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEUR :

Monsieur [B] [FD]
né le 18 Août 1950 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
199 rue Notre Dame
33000 BORDEAUX

représenté par Me David DUMONTET, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDEURS :

Madame [F] [FD]
née le 25 Janvier 1966 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
56 avenue de la Marne
33520 BRUGES

représentée par Maître Mathieu GIBAUD de la SAS DELTA AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

N° RG 22/01902 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WKWX

Monsieur [A] [FD]
né le 25 Novembre 1967 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
14 route de la Chaise, domaine des Graves, A2
33450 MONTUSSAN

représenté par Maître Mathieu GIBAUD de la SAS DELTA AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [E] veuve [ZV] est décédée le 3 janvier 2019 à Bordeaux (33) laissant pour lui succéder :
-son fils M. [B] [FD], issue d’une première union avec M.[KR] [FD] dissoute par divorce
-ses deux petits enfants venant en représentation de leur père [R] [FD] issu de la même union prédécédé:
-M. [A] [FD]
-Mme [F] [FD].

De son vivant Mme [E] avait :
- fait donation le 18 décembre 2001 à son fils [B] [FD] d’un bien immobilier sis 12 rue Flèche à Bordeaux,
- souscrit le 11 février 2002 un contrat d’assurance vie PREDICA avec désignation de Mme [F] [FD] et à défaut de son frère [A] [FD] en qualité de bénéficiaire,
-établi un testament olographe en date du 5 octobre 2003, instituant Mme [F] [FD] en qualité de légataire universelle,
-fait donation le 9 mai 2008 à Mme [F] [FD] et à M. [A] [FD] de la nue-propriété de la moitié d’un immeuble de rapport sis 53-55 rue de Barreyre à Bordeaux, lequel a été vendu les 27 et 28 novembre 2011 et le prix partagé entre la donatrice et les donataires au prorata de leurs droits respectifs.

Le règlement de la succession de Mme [E] a été confié à Maître [M] [C], notaire à Bordeaux.

Selon la déclaration établie le 3 janvier 2019, la succession se compose à l’actif de divers avoirs bancaires, arrérages de la CARSAT et de deux créances l’une contre l’EHPAD Terre Nègre qui hébergeait Mme [E] depuis le 20 avril 2017, l’autre contre VIASANTE MUTUELLE, et au passif des frais d’obsèques.

Reprochant à Mme [F] [FD], désignée curatrice de Mme [U] [E] du 12 juillet 2017 au 26 avril 2018 et à son conjoint M. [I] [H] d’avoir commis des abus de faiblesse au préjudice de Mme [E] entre le 22 février 2012  et le 21 février 2018, M. [B] [FD] a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction de Bordeaux le 17 mai 2019. Le 25 juin 2021 le juge d’instruction en charge de l’information a rendu une ordonnance de non lieu.

Puis, invoquant le blocage des opérations successorales du fait du refus de Mme [F] [FD] de rapporter à la succession des primes versées sur l’assurance vie, de la donation dont aurait bénéficié le fils de celle-ci, M. [W] [H], et d’une bague de valeur donnée par sa mère, M. [B] [FD] a par actes distincts en date 21 février 2022 et 10 mars 2022, assigné Mme [F] [FD] et M. [A] [FD] aux fins de voir ordonner un partage judiciaire et les rapports qu’il sollicite.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 octobre 2023 et auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens, M. [B] [FD]demande au tribunal au visa des articles 815 et suivants du code civil, 1360 du code de procédure civile et L 132-13 du code des assurances de :
-ordonner la liquidation partage de la succession de Mme [E],
-désigner pour se faire le Président de la chambre des notaires avec faculté de délégation sous la surveillance d’un juge commissaire,
-dire que le rapport de l’immeuble donné sis 55 rue Barreyre à Bordeaux doit s’effectuer sur la base de sa valeur au jour de la cession et non du prix de vente, soit en l’espèce 1.230.000 euros, ou désigner un expert pour déterminer la valeur réelle de cet immeuble à la date de sa cession au mois d’octobre 2011,
-ordonner le rapport à hauteur de 240.000 euros sans que ce rapport ne puisse être inférieur à 166.000 euros, des primes versées sur le contrat d’assurance vie PREDICA, eu égard à leur caractère excessif, ou à tout le moins révélateur d’une intention libérale déguisée,
-ordonner le rapport de la somme de 50.000 euros versée à M. [W] [H],
-ordonner le rapport de la bague donnée par Mme [E] à Mme [F] [FD] sous réserve de son évaluation à dire d’expert, à la somme de 10.000 euros,
-dire que le rapport dù par M. [B] [FD] au titre de la donation reçue de Mme [E] sera de 65.553,80 euros,
-condamner Mme [F] [FD] aux entiers dépens et à verser à M. [B] [FD] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par RPVA le 12 décembre 2023 auxquelles il convient également de renvoyer pour l’exposé de l’argumentaire, Mme [F] [FD] épouse [H] et M. [A] [FD] entendent voir:
-ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [U] [E] veuve [ZV],
-désigner pour se faire le Président de la Chambre Départementale des Notaires de la Gironde avec faculté de délégation,
-débouter M. [B] [FD] du surplus de ses demandes,
-ordonner le rapport de la donation du 18 décembre 2001 dont a bénéficié M. [B] [FD], à sa valeur au jour du partage, ou à titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire pour déterminer la valeur réelle de l’immeuble au jour de sa cession le 18 décembre 2001 et au jour le plus proche du partage,
-dire n’y avoir lieu à exécution provisoire,
-condamner M. [B] [FD] au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été établie le26 mars 2024.

MOTIVATION

1-SUR L’OUVERTURE DES OPÉRATIONS DE COMPTES, LIQUIDATION ET PARTAGE

Selon l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention. L’article 840 du même code rappelle que le partage n’est fait en justice que lorsqu’au moins un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer, ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévu aux articles 836 et 837.

Il résulte de l’acte de notoriété et déclaration de succession versés au débat que Mme [U] [E] veuve [ZV] est décédée le 3 janvier 2019 à Bordeaux, laissant pour lui succéder :
-son fils [B] [FD] bénéficiaire de la succession à hauteur de 1/3 en pleine propriété,
-ses deux petits enfants venant en représentation de leur père prédécédé M.[R] [FD] premier fils de la de cujus :
-Mme [F] [FD] , instituée par ailleurs légataire universelle en vertu d’un testament olographe du 5 octobre 2003, bénéficiaire de la succession à hauteur de 3/6ème en pleine propriété,
-M. [A] [FD] bénéficiaire de la succession à hauteur de 1/6ème en pleine propriété.

Ces héritiers, bénéficiaires de droits de même nature sont donc en indivision sur le patrimoine successoral qui se compose, selon la déclaration de succession communiquée, à l’actif , de divers avoirs bancaires, arrérages de la CARSAT et de deux créances l’une, contre l’EHPAD Terre Nègre qui hébergeait Mme [E] depuis le 20 avril 2017, l’autre, contre VIASANTE MUTUELLE, et au passif des frais d’obsèques.

Les parties souhaitent sortir de l’indivision . Elles justifient de l’impossibilité à parvenir à un partage amiable malgré les tentatives en ce sens, de sorte qu’il sera fait droit à leur demande conjointe d’ouverture des opérations de comptes liquidation et partage judiciaire de la succession de Mme [U] [E] veuve [ZV].

Eu égard à la complexité des opérations successorales en lien avec un contexte familial particulièrement conflictuel, il sera désigné un notaire pour procéder aux opérations sus-ordonnées ainsi que demandé par les parties, et selon mission détaillée au dispositif.

Conformément à leur demande conjointe également, et vu l’absence d’accord sur le nom du notaire à commettre, il convient, en application de l’article 1364 du code de procédure civile de désigner Monsieur le Président de la Chambre départementale des notaires de la Gironde avec faculté de délégation à tous notaire de sa chambre à l’exception de Maître [M] [C], notaire à Bordeaux déjà vainement intervenu dans les opérations de partage ainsi que tous membres de son office .

2-SUR LES POINTS DE DÉSACCORDS

A- la valeur du rapport à la succession de la donation du 9 mai 2008

Aux termes d’un acte notarié reçu le 9 mai 2008 par Maître [Y], notaire à Bordeaux, Mme [U] [E] a donné à Mme [F] [FD] et à M. [A] [FD] la moitié en nue-propriété d’un immeuble lui appartenant situé 53-55 rue Barreyre à Bordeaux cadastré section RH n°70. Cet immeuble élevé d’un rez-de chaussée et de deux étages avec vaste chai attenant d’une contenance de 6 a 20 ca était composé d’un appartement occupé par Mme [E] et de 5 appartements et locaux commerciaux donnés à bail. Au jour de la donation ce bien était évalué en pleine propriété à 513.000 euros par référence à l’expertise réalisée par M. [P], expert foncier à Bordeaux.

Selon acte notarié dressé les 27 et 28 octobre 2011 par Maître [X] notaire à Bordeaux avec la participation de Maître [Y], Mme [U] [E], Mme [F] [FD] et M. [A] [FD] ont vendu l’immeuble du 53-55 rue Varreyre à Bordeaux à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX aux prix de 513.000 euros. Le produit de cette vente a été réparti entre la donatrice et la donataire au prorata de leurs droits respectifs sur l’immeuble :
-pour Mme [E] propriétaire d’1/2 en pleine propriété et de 1/2 en usufruit: 333.450 euros,
-pour Mme [F] [FD] propriétaire d’1/4 en nue propriété : 89.775 euros,
-pour M. [A] [FD] propriétaire d’1/4 en nue propriété : 89.775 euros.

Il n’est pas discuté que la donation dont a bénéficié le 9 mai 2008 Mme [F] [FD] et M. [A] [FD] est rapportable à la succession au sens de l’article 843 du code civil ; le débat portant sur la valeur du rapport.

Ainsi au visa de l’article 860 du code civil M. [B] [FD] soutient que le rapport doit être de la valeur vénale réelle du bien donné au jour de son aliénation qui ne correspond pas au prix auquel le bien a été vendu en octobre 2011. Il considère sous évalué le prix de vente de l’immeuble par référence à l’expertise réalisée le 6 avril 2020 par M. [O] à sa demande qui évalue la valeur vénale dudit bien à la date de son rapport à 1.230.000 euros eu égard notamment aux possibilités d’aménagement l’immeuble offertes par le PLU. A titre subsidiaire, il sollicite l’organisation d’une expertise pour déterminer la valeur réelle de l’immeuble au jour de sa vente.

Les défendeurs considèrent fantaisiste l’estimation non contradictoire par M. [O] de la valeur du bien immobilier objet de la donation du 9 mai 2008 soutenant que ledit bien a été vendu à sa valeur prenant en compte son état médiocre et que le prix maximal que pourrait rapporter l’immeuble à l’acquéreur n’est que supputation ; ils font ainsi valoir que le projet de logements sociaux et participatifs d’envergure invoqué devrait prendre place sur 6 parcelles et non sur le seul immeuble objet de la donation du 9 mai 2008.

L’article 860 du code civil dispose que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage d’après son état à la date de la donation.
Si le bien est aliéné avant le partage, ont tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation; Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à la date de l’acquisition. [...]
Le tout sauf stipulation contraire dans l’acte de donation.

En l’espèce, le bien immobilier objet de la donation du 9 mai 2008 a été aliéné les 27 et 28 octobre 2011 soit avant le partage, sans justification du remploi des fonds pour l’acquisition d’un autre bien, de sorte que pour fixer la valeur du rapport il doit être tenu compte de la valeur en toute propriété du bien donné à l’époque de l’aliénation faute de stipulation contraire dans l’acte de donation.

Il est constant qu’en cas d’aliénation du bien à titre onéreux c’est la valeur du bien au temps de celle-ci et non pas son prix qui forme le montant du rapport.

Dans son rapport d’expertise du 6 avril 2010, soit 17 mois avant l’aliénation litigieuse, M. [O] expert immobilier mandaté par M. [B] [FD], a fixé la valeur vénale de l’ensemble immobilier situé 55 rue Barreyre à Bordeaux à la date de son rapport, à 1.230.000 euros et ce, après avoir relevé les caractéristiques favorables du bien à savoir la localisation du terrain dans un quartier prisé, sa viabilité, sa bonne dimension et ses deux accès sur rue, et retenu au titre des caractères défavorables, le mauvais état d’entretien de l’immeuble. Il a également pris en compte le potentiel de l’immeuble offrant à un promoteur la possibilité d’y aménager des logements ou locaux commerciaux neufs avec parking, générateurs de recettes conséquentes en cas de vente et ce, sous réserve des éléments qu’il n’a pu vérifier à savoir l’absence d’insectes xylophages, la bonne résistance du sous sol et l’absence d’amiante.

Les défendeurs ne versent au débat aucun élément permettant de contredire cette évaluation et établissant que le prix de 513.000 euros auquel l’ensemble immobilier a été vendu les 26 et 27 octobre 2011 correspond à la valeur vénale du bien à cette date. Le rapport de M. [P] expert foncier qui a évalué à ce prix le bien deux ans plus tôt préalablement à la donation précitée n’étant pas communiqué.

Le fait que la valeur du bien immobilier sis 53-55 rue Barreyre à Bordeaux ait augmentée de 120 % en seulement deux ans (mai 2008 à avril 2010) interroge, nonobstant l’augmentation des prix de l’immobilier sur Bordeaux.

Compte tenu de l’écart très important entre le prix de vente du bien et la valeur vénale du bien immobilier du 53-55 rue Barreyre à Bordeaux proposée par M. [O], des points qu’il n’ a pu vérifier, du caractère non contradictoire de cette expertise et des critiques émises à son encontre, il convient, préalablement à la fixation de la valeur du rapport de la donation du 9 mai 2008 d’ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer la valeur du bien donné au jour de son aliénation.

L’expertise sera confiée à M. [Z]  [T]-[N], expert judiciaire près la Cour d’appel de Bordeaux selon mission détaillée au dispositif et la provision à valoir sur la rémunération de ce technicien sera mise à la charge de M. [B] [FD] qui a suggéré cette expertise.

B-le rapport à la succession des primes d’assurances vie PREDICA

Le 11 février 2002 Mme [U] [E] a souscrit auprès de PREDICA un contrat d’assurance vie CONFLUENCE 5 avec désignation de Mme [F] [FD] et à défaut de son frère [A] [FD], en qualité de bénéficiaire.

Au décès de Mme [E] le montant de l’assurance vie était de 217.261 euros revenant à Mme [F] [FD] avant déduction des droits de mutation d’un montant de 35.227 euros ainsi que cela résulte de la déclaration de succession.

M. [B] [FD] entend voir rapporter à la succession les primes versées au titre du contrat d’assurance PREDICA soit 240.000 euros ou a minima 166.000 euros (correspondant au montant des primes versées après la vente de l’immeuble rue Barreyre à Bordeaux) au motif principal , du caractère excessif de ces primes et à titre subsidiaire, en ce que le contrat souscrit constitue une donation déguisée.

a- le caractère manifestement excessif des primes versées

Aux termes de l’article L.132-12 du code des assurances, “Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré”.

L’article L. 132-13 du code des assurances dispose par ailleurs que : “Le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.”

Il résulte de ces dispositions que les contrats d’assurance-vie sont par principe exclus de la succession et que le capital versé au jour du décès en vertu d’une assurance vie n’est jamais rapportable ou réductible, seules le sont les primes versées par le souscripteur lorsqu’elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur. Un tel caractère devant s’apprécier au moment du versement, au regard de l’âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, ainsi que de l’utilité du contrat pour celui-ci.

Il résulte des pièces versées au débat qu’au titre du contrat d’assurance vie PREDICA souscrit le 11 février 2002, Mme [U] [E] a versé 240.000 euros de primes dont les suivantes qui sont essentiellement critiquées :
- le 11 février 2002 une prime initiale de 23.000 euros,
-le 6 mars 2009 une prime de 41.000 euros,
-le 20 janvier 2012 une prime de 125.000 euros,
-le 17 octobre 2016 une prime de 40.000 euros.

A titre liminaire, il convient d’indiquer qu’à la date des versements de ces primes Mme [U] [E] qui était retraitée et âgée de 75 ans en 2002, 81 ans en 2009, 85 ans en 2012 et 89 ans en 2016 était une femme autonome avec des idées claires, ne présentant aucun troubles psychiques patents ni altération de ses capacités intellectuelles cognitives ainsi qu’établi par l’expertise judiciaire réalisée par le docteur [V] le 18 février 2021, à la demande du juge d’instruction en charge d’instruire la plainte de M. [B] [FD] pour abus de faiblesse. Le docteur [V] datant l’altération des facultés mentales de Mme [E] après son accident du 15 mars 2017. Il n’est pas plus établi qu’aux dates de versement des primes litigieuses, Mme [E] était atteinte d’une pathologie laissant craindre son son décès à court délai.

Il n’est versé au débat par M. [B] [FD] aucune pièce justifiant des ressources et capacités financières de Mme [E] avant le 1er janvier 2012.

Il n’est donc pas établi que lors du versement de la prime de 23.000 euros le 11 février 2002 et de la prime de 41 000 euros le 6 mars 2009 comme lors des petits versements de primes ponctuels réalisés avant le 1er janvier 2012 Mme [U] [E]  ne disposait pas d’une capacité financière suffisante pour verser ces primes, étant au surplus rappelé que jusqu’au 27-28 octobre 2011 Mme [U] [E] percevait les loyers de l’immeuble de rapport du 53-55 rue Barreyre à Bordeaux en qualité de seule propriétaire de l’immeuble jusqu’à la donation du 9 mai 2008 et après cette dateen qualité d’usufruitière.

Les relevés de compte de Mme [E] près la BANQUE POSTALE sur la période du 1er janvier 2012 au 5 juillet 2012, communiqués par le requérant révèlent que celle-ci percevait une pension de retraite CARSAT et une pension de retraite complémentaire ARRCO d’un montant mensuel cumulé de 522,28 euros, et également une allocation logement de la CAF confirmant le fait qu’elle était locataire.

En dépit de ses charges fixes (factures ORANGE, EDF, TRESOR PUBLIC, TELECOM, LOYER), il n’est justifié d’aucun solde débiteur du compte bancaire de Mme  [U] [E] près la banque Postale sur la période communiquée , au contraire les soldes en fin de mois étaient largement créditeurs ( 19.957,91 euros au 31/01/2012, 19.764,31 euros au 28/02/2012, 17.663,97 euros au 30/03/2012, 16.662,88 euros au 30/04/2012, 15.237 euros au 31/05/2012 et 13.413,28 euros au 29/06/2012).

Par ailleurs, ainsi qu’il résulte des pièces produites, Mme [U] [E] disposait d’autres comptes bancaires notamment auprès du CREDIT AGRICOLE dont les relevés sur l’année 2012 ne sont pas communiquées. Elle avait perçu les 27 et 28 octobre 2011 de la vente du bien immobilier du 53-55 rue de Barreyre à Bordeaux une somme de 333.450 euros, et selon la pièce versée au débat par les défendeurs percevait également de la CARSAT depuis le 1er juillet 2001 une pension de réversion mensuelle d’un montant de 361,20 euros en 2018 .

Il s’ensuit qu’elle disposait des capacités financières largement suffisantes pour abonder le contrat d’assurance vie le 20 janvier 2012 à hauteur de la somme de 125.000 euros, ne représentant qu’une partie du produit de la vente immobilière du 27 et 28 octobre 2011, versement qui a nullement mis en péril le financement de ses charges et besoins quotidiens ultérieurs ainsi qu’établi par les relevés de compte Banque Postale.

S’agissant de la situation de Mme [E] au 17 octobre 2016 date du versement de la prime de 40.000 euros.

Certes, il est versé au débat un relevé du compte de Mme [E] près la BANQUE POSTALE établissant une baisse des soldes en octobre et novembre 2016. Toutefois ceux-ci restaient encore largement créditeurs, soit 7.380,93 euros le 27 octobre 2016 et 6.596,30 euros le 30 novembre 2016 déduction faite de ses charges fixes. Par ailleurs, il résulte de la synthèse du compte chèque de Mme [E] près le CREDIT AGRICOLE qu’au 4 novembre 2016 ce compte présentait un solde créditeur conséquent soit de 23.886,58 euros malgré le prélèvement de la prime de 40.000 euros effectué le 17 octobre 2016. Le versement de la prime du 17 octobre 2016 n’a donc pas obéré la situation financière de Mme [E] qui disposait de facultés financières largement suffisantes pour financer ses besoins quotidiens tout en abondant son assurance vie étant par ailleurs titulaires d’autres comptes de rapport auprès du CREDIT AGRICOLE (CODEBIS, LIVRET A, LDD, LEP, COMPTE TITRES) ainsi qu’il résulte de la déclaration de succession même s’il n’est pas justifié des soldes au 17 octobre 2016.

Enfin , il ne peut être soutenu que le contrat d’assurance vie PREDICA souscrit, et les primes versées n’avaient pas d’utilité pour Mme [E] au seul motif de son âge avancé. Comme rappelé plus haut elle était en parfaite santé à la date du versement de ces primes avec une espérance de vie encore d’une bonne dizaine d’années, ( elle est d’ailleurs décédée 17 ans après la souscription du contrat) et avait intérêt à faire fructifier d’abord les revenus locatifs de l’immeuble rue Barreyre à Bordeaux, puis le produit de sa vente pour s’assurer un complément de retraite et financer son éventuel hébergement en maison de retraite ou EHPAD en fin de vie, et ce, sur un placement dont elle ne disposait pas encore lui assurant, hormis, sa rentabilité la faculté d’effectuer des retraits si nécessaire ce qui est le propre de l’assurance vie souscrite.

Il n’est donc pas s démontré par M. [B] [FD] le caractère exagéré des primes versées Mme [E] par rapport à ses facultés ce qui conduit au rejet de la demande de rapport des primes versées sur ce fondement.

b-sur la donation déguisée

M. [B] [FD] considère , à titre subsidiaire et au visa de l’article 894 du code civil, que les primes versées sur l’assurance vie PREDICA par Mme [E] révèlent son intention libérale de se dépouiller au profit des bénéficiaires ce qui constitue une donation rapportable.

Les défendeurs réfutent le dépouillement allégué invoquant la consistance du patrimoine successoral et la possibilité pour Mme [E] qui ne souffrait d’aucune altération de ses facultés mentales à la date des versements de révoquer la clause bénéficiaire et de disposer des fonds versés sur l’assurance vie.

L’article 894 du code civil dispose que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donateur qui l’accepte.

Le contrat d’assurance vie peut être re-qualifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.

En l’espèce, et ainsi que souligné par les défendeurs et résulte des développements précédents, Mme [E] ne s’est nullement dépouillée de sa fortune par la souscription et alimentation du contrat d’assurance vie PREDICA dès lors que seule une partie de ses fonds ont été placés sur l’assurance vie et qu’elle a disposé toute sa vie durant de fonds suffisants sur ses divers comptes pour faire face à ses besoins ; à son décès ses avoirs bancaires s’élevaient encore à plus de 100.000 euros selon les éléments reportés sur la déclaration de succession.

Les versements de primes connus du tribunal ont été étalés sur 14 années soit du 11  février 2002 au 17 octobre 2016. Le solde de l’assurance vie au décès de Mme [E] (217.261,11 euros) était inférieur au montant des primes versées (240.000 euros) ce qui établit que celle-ci a effectué des retraits sur ce placement et qu’elle avait encore la libre disposition des fonds qui n’étaient donc pas immobilisés. Le dernier versement est intervenu 3 ans avant le décès de Mme [E], ce qui lui laissait un délai suffisant non seulement pour effectuer tous retraits utiles comme pour modifier la clause bénéficiaire, d’autant qu’il n’est pas discuté que de son vivant ni Mme [F] [FD], ni M. [A] [FD] n’avaient accepté la clause bénéficiaire, que Mme [E] disposait de toutes ses facultés mentales jusqu’au 15 mars 2017 ainsi que rappelé plus haut, et qu’à compter de l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux du 26 avril 2018 elle était placée sous la curatelle renforcée de Mme [LX], mandataire judiciaire, et disposait encore (n’étant pas placée sous tutelle) des facultés suffisantes pour modifier la clause bénéficiaire assistée de sa curatrice.

L’aléa quant au bénéficiaire du placement demeurant, et les sommes placées sur l’assurance vie ne représentant qu’une partie du patrimoine de Mme [E] et n’étant pas immobilisées, il ne peut être considéré que par la souscription et alimentation de l’assurance vie PREDICA Mme [E] s’est dépouillée irrévocablement au profit de Mme [F] [FD] et à défaut de M. [A] [FD].

Il n’y a donc pas lieu de re-qualifier l’assurance vie en donation déguisée rapportable.

C-le rapport à la succession de la somme versée à [W] [H]

M. [B] [FD] demande le rapport à la succession de la somme de 50.000 euros virée le 6 mai 2016 à [W] [H] fils de Mme [F] [FD] depuis le compte de Mme [E] en se prévalant à la fois d’une donation potentiellement réductible et d’un usage à des fins personnelles d’une procuration bancaire dont aurait bénéficié Mme [F] [FD] sur ce compte.

Il est constant que l’héritier ne doit rapport que ce qui lui a été personnellement donné. Mme [F] [FD] ne saurait donc être tenue au rapport des donations consenties par la de cujus à [W] [H], lequel n’est pas plus tenu au rapport en application de l’article 847 du code civil qui dispose que les dons et legs fait au fils de celui qui se trouve successible à l’époque de l’ouverture de la succession, sont toujours fait avec dispense de rapport.

Si une donation a été faite à [K] [FD] celle-ci est uniquement sujette à réduction, or une telle demande ne saurait prospérer en l’absence de ce donataire sur la procédure ainsi que souligné par les défendeurs.

L’héritier qui a fait en vertu d’une procuration des retraits sur le compte du défunt doit rendre compte de l’utilisation de ces fonds. A défaut de démontrer l’intention libérale du titulaire du compte, il incombe au mandataire de démontrer que les fonds qu’il a appréhendé par le biais d’une procuration ont été utilisés dans l’intérêt du mandant, à défaut les sommes doivent être restituées et donc rapportées à la succession en cas de décès du titulaire du compte.

Si M. [D] [ZV], dernier époux de Mme [E] avait consenti le 3 janvier 1996 à [F] [FD] une procuration sur le compte de dépôt n° 00714054000 près le Crédit Agricole ainsi qu’il résulte de l’acte versé au débat, cette procuration donnée par [D] [ZV], fut-ce sur un compte joint avec son épouse, a nécessairement pris fin au décès de [D] [ZV], dont la date n’est pas connue mais qui était déjà intervenu depuis plusieurs années au 6 mai 2016 puisque sur l’acte de donation du 18 décembre 2001 Mme [E] est déjà portée “veuve [ZV]”.

Il n’est versé au débat aucune procuration consentie par Mme [E] à Mme [F] [FD] sur ses comptes bancaires.

Si rien n’établit que le virement de la somme de 50.000 euros effectué le 6 mai 2016 depuis le compte de Mme [E] au profit de [W] [H] a été réalisé par Mme [F] [FD] plutôt que par sa mère, Mme [F] [FD] ne conteste pas que la somme de 50.000 euros débitée le 6 mai 2016 n’avait pas à être supportée par Mme [E] puisqu’elle justifie que son époux M. [I] [H] a remboursé cette somme à Mme [E] par remise d’un chèque de 50.000 euros débité du compte de celui-ci le 22 septembre 2016 et enregistré au crédit du compte Crédit Agricole de Mme [E] le 23 septembre 2016.

Il ne saurait donc y avoir rapport par Mme [F] [FD] d’une somme restituée à la titulaire du compte bien avant son décès.

D-le rapport à la succession de la bague donnée à [F] [FD]

M. [B] [FD] sollicite le rapport à la succession par Mme [F] [FD] d’une bague qui, eu égard à sa grande valeur qui pourrait atteindre 10.000 euros et en l’absence de précision sur la cause du don, ne saurait constituer au sens de l’article 852 du code civil un cadeau d’usage qui lui permettrait d’écarter le principe du rapport.

Mme [F] [FD] fait valoir que pour ses 40 ans, Mme [E] lui a effectivement offert la bague de fiançailles de sa propre grand mère . Elle considère qu’il s’agir d’un cadeau d’usage non rapportable.

En application de l’article 852 du code civil, les présents d'usage sont exclus du rapport, sauf volonté contraire du disposant. Pour recevoir cette qualification, le don doit, premièrement, avoir été fait à l'occasion d'un événement où il est d'usage de consentir une donation (anniversaire, mariage, fiançailles, étrennes, réussites aux examens...), deuxièmement, le don doit être d'une valeur modique compte tenu de la fortune du disposant. Celui qui demande à voir qualifier de présents d'usage la remise d’un bien doit dont établir à l'occasion de quel événement et selon quel usage a été fait un tel cadeau. Le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.

En l’espèce, il n’est versé au débat aucune pièce de nature à vérifier la valeur de la bague reçue de sa grand-mère par Mme [F] [FD] . Celle-ci n’allègue pas plus que ladite bague serait de faible valeur pécuniaire.

Par ailleurs, force est de constater que Mme [F] [FD] ne rapporte pas plus la preuve qui lui incombe de ce que la bague litigieuse lui a été offerte à l’occasion de son 40 ème anniversaire. En effet, Mme [JK] [J] ex- belle fille de Mme [E] veuve [ZV] dans son attestation en date du 13 février 2018, affirme uniquement que celle-ci lui a confié il y a plusieurs années soit 10 ans environ, qu’elle avait donné sa bague à sa petite fille Mme [FD] [F] qui lui était très dévouée, et laisse plutôt entendre que la bague a été offerte en récompense de l’aide apportée, ce qui contredit le présent d’usage.

Dans ces conditions Mme [F] [FD] devra rapporter à la succession de Mme [E] la bague de fiançailles que lui a donné sa grand mère et ce en nature, ou en valeur après estimation par tout expert ou commissaire priseur désigné par le notaire.

E- la valeur du rapport au titre de la donation du 18 décembre 2001

Selon acte notarié dressé le 18 décembre 2001 par Maître [RG], Mme [U] [E] veuve [ZV] a fait donation en avancement d’hoirie à son fils [B] [FD] et avec interdiction sa vie durant d’aliéner, de la pleine propriété d’un bien immobilier situé 12 rue Flèche à Bordeaux sur 3 niveaux composé de deux appartements l’un au premier étage le second au deuxième étage avec terrain,, le tout cadastré section RH n° 98 et d’une contenance de 16 a 53 ca évalué à la date de la donation 65.553,08 euros.

M. [B] [FD] a divisé le bien immobilier en 11 lots avec établissement le 7 février 2002 d’un règlement de copropriété et état descriptif de division.

Selon actes distincts dressés par Maître [L] notaire à Bordeaux le 26 avril 2002, et après renonciation de Mme [E] à l’interdiction d’aliéner, M. [B] [FD] a vendu à :
-la SCI LODA dont son épouse [G] [S] était la gérante statutaire, les lots n°2, 3, 6, 7 8 et 9 de la copropriété au prix de 30.489,80 euros,
-la SCI ARROW dont son épouse [G] [S] était la gérante statutaire, les lots n° 1, 4, 5 ,10 et 11 de la copropriété au prix de 35.063,27 euros.

Les défendeurs font valoir à titre reconventionnel, que par la vente de l’immeuble 12 rue Flèche à Bordeaux aux deux sociétés dont il est cogérant, M. [B] [FD] a ainsi détourné la règle prévue à l’article 925-2 du code civil pour échapper à une évaluation au plus proche du partage de la donation qui lui a été consentie le 18 décembre 2001, et limiter ainsi le montant du rapport à la succession. Ils sollicitent donc à titre, principal que la valeur du rapport au titre de cette donation soit fixée à sa valeur la plus proche du partage et non celle à la date de la donation ou à titre subsidiaire que soit ordonnée une expertise pour déterminer la valeur réelle de l’immeuble au jour de la cession du 18 décembre 2021 et au jour le plus proche du partage .

M. [B] [FD] indique qu’en application de l’article 860 du code civil faute de remploi des fonds provenant des ventes du bien donné, la donation doit être rapportée à la valeur du bien au jour de son aliénation soit 65.553,08 euros, ainsi que retenu par le notaire (et non 65.553,80 euros tel que demandé suite à une erreur de plume). Il précise qu’il n’était pas le gérant des SCI LODA et ARROW lors de la vente des lots à ces deux sociétés, et qu’il n’est pas démontré son intention frauduleuse à l’occasion de la vente de l’immeuble. Il réfute toute fictivité des deux sociétés acquéreurs, précisant s’être réellement départi de ses droits sur ledit bien , puisqu’il ne dispose que de l’usufruit de 10 parts sur 11, ses deux enfants disposant chacune de la nue-propriété de 5 parts et son conjoint d’1 part en pleine propriété. Il indique avoir procédé à cette vente dans une logique de transmission patrimoniale à ses enfants.

Il ne saurait se déduire de la seule vente par M. [B] [FD] de l’immeuble donné à deux SCI familiales 5 mois à peine après la donation, la volonté de celui-ci de frauder aux dispositions légales applicables au rapport successoral. En effet, il ressort des statuts de la SCI LODA et de la SCI ARROW qu’à la date de la vente à celles-ci de l’immeuble rue Flèche à Bordeaux, M. [FD] n’en était pas le gérant ni le seul associé, et qu’il ne disposait que de parts en usufruit dans les deux sociétés . Il s’est donc bien départis de ses droits en pleine propriété sur l’immeuble au profit des deux sociétés ; l’opération ayant visiblement plus une finalité de transmission de son patrimoine à ses 2 enfants investis de la nue propriété de 5 parts sociales chacun, et de son épouse détentrice d’1 part sociale en pleine propriété.

En application des dispositions de l’article 860 du code civil déjà cité plus haut seules applicables au rapport de la donation du 18 décembre 2001, en l’absence de remploi du produit de la vente du bien donné dans une nouvelle acquisition immobilière, la valeur du rapport est celle du bien à la date de son aliénation.

L’immeuble rue Flèche à Bordeaux a été vendu le 26 avril 2022 au prix de 65.553,07 euros ce qui qui correspond à la valeur réelle du bien telle qu’évaluée au jour de la donation soit 65.553,08 euros . Le bien ayant été vendu 5 mois à peine après la donation, l’absence d’évolution de la valeur réelle du bien n’est pas incohérente et en tout cas n’est remise en doute par aucune pièce, qui justifierait de recourir à une expertise.

Dans ces conditions il convient de dire que le rapport du par M [B] [FD] au titre de la donation qui lui a été consentie le 18 décembre 2001 par Mme [E] est de 65.553,80 euros.

3-SUR LES DEMANDES ANNEXES

Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et l’équité, tenant à la nature familiale du litige conduit au rejet des demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de l’espèce justifient d’écarter l’exécution provisoire dont est assortie de plein droit la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

ORDONNE l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [U] [E] veuve [ZV] décédée le 3 janvier 2019 à Bordeaux (33),

DESIGNE pour y procéder Monsieur le Président de la Chambre départementale des notaires de la Gironde avec faculté de délégation à tout notaire de cette chambre, à l’exception de Maître [M] [C], notaire à Bordeaux ainsi que de tous membres de son office .

DIT qu’en cas d’empêchement du notaire désigné, le Président de la Chambre des Notaires procédera lui même à son remplacement à la requête de la partie la plus diligente,

DIT qu’il appartiendra notamment au notaire désigné de dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable et les droits de chacun d’eux conformément aux dispositions de l’article 1368 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le notaire désigné devra accomplir sa mission d'après les documents et renseignements communiqués par les parties et d'après les informations qu'il peut recueillir lui même,

RAPPELLE que le notaire pourra si nécessaire s’adresser aux centres des services informatiques cellules FICOBA et FICOVIE qui seront tenus de lui communiquer l’ensemble des informations qu’il réclame,

RAPPELLE qu'en cas d'inertie d'un indivisaire, un représentant au copartageant défaillant pourra être désigné en application des dispositions des articles 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile,

DIT qu'en application de l’article 1372 du code de procédure civile, si un acte de partage amiable est établi et signé entre les parties, le notaire en informera le juge commis qui constatera la clôture de la procédure,

RAPPELLE qu'en cas de désaccord, le notaire délégué dressera un procès verbal de difficultés où il consignera son projet d'état liquidatif et les contestations précises émises point par point par les parties à l'encontre de ce projet, lequel sera transmis sans délai au juge commis,

RAPPELLE que le notaire devra achever ses opérations dans le délai d’un an suivant sa désignation, sauf suspension prévue par l’article 1369 du code de procédure civile ou délai supplémentaire sollicité dans les conditions de l’article 1370 du code de procédure civile,

COMMET le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en qualité de juge-commis pour surveiller les opérations à accomplir,

PRÉALABLEMENT

-ORDONNE une mesure d’expertise et commet pour y procéder M. [T]-[N] [Z] 15 RUE ALBERT LAURENSON 33600 PESSAC Port. :07.81.10.54.86 Mèl : [Z][T]@laposte.net avec pour mission de :
-convoquer et entendre les parties après avoir pris connaissance des éléments du dossier et après s’être fait remettre toutes pièces utiles à l’exercice de sa mission,
-visiter le bien immobilier sis 53-55 rue Barreyre à Bordeaux (33) cadastré section RH n° 70 d’une contenance de 6a 20ca
-indiquer la vénale réelle de ce bien au jour de son aliénation soit les 27 et 28 octobre 2011 en tenant compte de l'environnement, la configuration, la composition et l'état de l’immeuble et des éléments concernant l'état du marché immobilier dans la région à cette date,
- de façon générale, donner toute indication utile à la solution du litige,
- établir un pré-rapport et, deux mois avant la date prévue pour le dépôt du rapport définitif, le communiquer aux parties en leur enjoignant de formuler, dans le délai d'un mois suivant cette communication, leurs observations et dires récapitulatifs.

RAPPELLE que l’ expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,

RAPPELLE que l’ expert ne pourra recueillir l'avis d'un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu'il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêt avec elles,

DIT que si l’ expert entend, au cours de ces opérations, solliciter une consignation complémentaire, il devra en communiquer le montant au juge chargé du contrôle de l'expertise, et ce, après avoir 15 jours auparavant consulté les parties qui devront elles-mêmes communiquer à l'expert et au juge chargé du contrôle de l’expertise leurs observations dans les 10 jours suivant réception de cette information,

DESIGNE pour suivre l’expertise, le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux,

DIT qu'à l'occasion du dépôt de son rapport d'expertise définitif, l’expert devra, 10 jours avant d'en faire la demande auprès du magistrat chargé du contrôle de l'expertises, communiquer l'évaluation définitive de ses frais et honoraires aux parties, et ce, afin de permettre à ces dernières de formuler toutes observations utiles auprès du juge chargé du contrôle des expertises,

DIT que l’expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire, dans le délai de 5 mois suivant la date de la consignation, sauf prorogation accordée par le magistrat chargé du contrôle de l'expertise, et ce, sur demande présentée avant l'expiration du délai fixé,

DIT que l'expert qui souhaite refuser sa mission en informera le service des expertises dans les 15 jours suivant la notification de la décision, sans autre avis du greffe.

FIXE à 3 000 € le montant de la provision que devra consigner au titre de cette expertise M. [B] [FD] par chèque ou virement auprès du régisseur d’Avance et de Recettes du tribunal Judiciaire de Bordeaux dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque,

DIT que l’expert pourra commencer ses opérations sur justification du récépissé du versement de la provision délivrée par le régisseur aux parties consignataires, à moins que le magistrat chargé du contrôle lui demande par écrit de le commencer immédiatement en cas d'urgence,

ORDONNE le rapport à la succession par Mme [F] [FD] épouse [H] de la bague qui lui été donnée par Mme [U] [E] veuve [ZV], en nature ou en valeur après estimation par tout expert ou commissaire priseur désigné par le notaire,

FIXE à la somme de 65.553, 08 euros la valeur du rapport du par M. [B] [FD] au titre de la donation qui lui a été consentie par Mme [U] [E] veuve [ZV] le 18 décembre 2001,

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes plus amples et contraires y compris celles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

ECARTE l’exécution provisoire de la présente décision.

La présente décision est signée par Madame COLOMBET, Vice-Présidente et Madame AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01902
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;22.01902 ?
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