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30/05/2024 | FRANCE | N°22/00425

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 30 mai 2024, 22/00425


N° RG 22/00425 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGEJ
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND





56C

N° RG 22/00425 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGEJ

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[G] [B],
[F] [B]

C/

S.A.R.L. ORIGINAL GARAGE, S.E.L.A.R.L. [J],
S.A.R.L. MULTI-TRANSMISSION SERVICES











Grosses délivrées
le

à
Avocats : Me Emmanuel ABI KHALIL
la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES
la SELARL KPDB INTER-BARREAUX


N° RG 22/00425 - N° Portalis DBX6-W-B7G-

WGEJ


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 MAI 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, ...

N° RG 22/00425 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGEJ
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

56C

N° RG 22/00425 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGEJ

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[G] [B],
[F] [B]

C/

S.A.R.L. ORIGINAL GARAGE, S.E.L.A.R.L. [J],
S.A.R.L. MULTI-TRANSMISSION SERVICES

Grosses délivrées
le

à
Avocats : Me Emmanuel ABI KHALIL
la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES
la SELARL KPDB INTER-BARREAUX

N° RG 22/00425 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGEJ

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Angélique QUESNEL, Juge

Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Mars 2024
Délibéré au 30 mai 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

DEMANDEURS :

Monsieur [G] [B]
né le 20 Février 1971 à CARCASSONNE (11000)
de nationalité Française
4 rue du 8 mai 1945
33290 PAREMPUYRE

représenté par Me Emmanuel ABI KHALIL, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Madame [F] [B]
née le 23 Novembre 1971 à CARCASSONNE (11000)
de nationalité Française
4 rue du 8 mai 1945
33290 PAREMPUYRE

représentée par Me Emmanuel ABI KHALIL, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DÉFENDERESSES :

S.A.R.L. ORIGINAL GARAGE prise en la personne de son représentant légal
92 avenue du Médoc
33320 EYSINES

représentée par Maître Philippe ROGER de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

S.E.L.A.R.L. [J] ES QUALITE DE LIQUIDATEUR JUDICIAIRE DE LA SOCIETE MULTI-TRANSMISSION SERVICES (MTS)
Société à responsabilité limitée enregistrée au RCS de BORDEAUX sous le n° 448 619 114 Placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 25 mai 2022 Publié au BODACC les 6 et 7 juin 2022.
123 Avenue Thiers
33100 BORDEAUX

défaillante

S.A.R.L. MULTI-TRANSMISSION SERVICES (MTS) prise en la personne de son représentant légal
8 Rue Jacques Cassard
33950 LÈGE-CAP-FERRET

représentée par Maître Camille COURTET-GOUT de la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

******

FAITS ET PROCEDURE :
Monsieur et madame [B] (ci-après « les époux [B] ») sont propriétaires d’un véhicule VOLVO XC90 D5. Au mois de mai 2019, ils ont confié leur véhicule à la société ORIGINAL GARAGE (ci-après : « Le garagiste ») pour le remplacement d’un joint spi de vilebrequin. La pompe à huile de la boîte de vitesses qui a été démontée pour procéder au remplacement de ce joint a été endommagée lors du remontage par le garagiste, ce qui a causé de difficultés pour réamorcer la pompe de la boîte de vitesses. Le garagiste a alors confié le remplacement de la pompe à huile de la boîte de vitesses à la société MULTITRANSMISSION SERVICES (ci-après « MTS »). Le 9 octobre 2019, le garagiste a finalisé les réparations initialement prévues avec le remplacement du joint spy et a restitué le véhicule aux époux [B].
Au mois d’avril 2020, monsieur [B] a confié une nouvelle fois son véhicule au garagiste en raison de dysfonctionnements de la boîte de vitesses.
Le garagiste n’ayant pas réussi à diagnostiquer la panne, le véhicule a une nouvelle fois été confié à la société MTS qui a émis un devis relatif au remplacement du boîtier hydraulique.
L’intervention a eu lieu et a été payée par les époux [B]. Cette intervention n’a toutefois pas permis de résoudre les dysfonctionnements.
Les époux [B] ont finalement procédé à une déclaration de sinistre auprès de leur assureur de protection juridique. La compagnie ALLIANZ a mandaté un expert, lequel a rendu son rapport le 2 février 2021, concluant à la responsabilité du garagiste et plus subsidiairement à celle de MTS.
La société MTS était elle-même assistée de son expert lors des opérations d’expertise, lequel a établi un rapport le 4 novembre 2020 concluant au fait que la responsabilité de MTS n’est pas engagée.
Les travaux de réparation préconisés par l’expert de l’assurance protection juridique ont été réalisés par la société EUROTRANS, réglés par les époux [B]. Toutefois, après intervention, les désordres sont réapparus. Les opérations d’expertise ont ainsi repris et un complément au rapport d’expertise a été établi le 15 novembre 2021.
Dans ce rapport, l’expert estime la remise en état consistant en un remplacement des faisceaux moteurs et gestion de la boîte de vitesses pour un montant de 4884,30 euros, tandis que la valeur de remplacement du véhicule est estimée à 4500 euros. 
L’expert mandaté par l’assureur du garagiste a rendu son rapport le 23 novembre 2021.
Le garagiste a dédommagé les époux [B] par la remise d’un chèque de 1275,62 euros correspondant à la facture d’EUROTRANS.
Par acte extrajudiciaire du 7 janvier 2022, les époux [B] ont assigné le garagiste devant le tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de le voir condamner, sur le fondement des articles 1104 et 1217 du code civil à leur verser diverses sommes en réparation de leur préjudice et à voir condamner in solidum le garagiste et la société MTS à leur verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte extrajudiciaire du 12 janvier 2022, ils ont assigné la société MTS devant le tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de la voir condamner, sur le fondement des articles 1104 et 1217 du code civil à leur verser la somme de 1327,20 euros au titre du remboursement de la facture du 27 mai 2020 pour le remplacement du boîtier hydraulique et à voir condamner in solidum la société MTS et le garagiste à leur verser 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société MTS a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2022.
Par acte du 16 août 2022, les époux [B] ont assigné en intervention forcée le liquidateur de la société MTS, à savoir la SELARL [J] en vue de voir fixer au passif de la société la somme de 1372,20 euros. Ils demandent en outre de condamner la société MTS à leur payer une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, et d’ordonner l’emploi de cette indemnité et des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Ils ont déclaré leur créance dans le cadre de la procédure collective le 15 juillet 2022.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 mars 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2023, les époux [B] demandent au tribunal :
à titre principal :
De condamner la société ORIGINAL GARAGE à leur verser :
4 500 euros au titre de la perte du véhicule900 euros au titre de la surfacturation constatée par l’expert sur la facture n°2075 du 9 octobre 20191 452,48 euros au titre du remboursement du reste de la facture n°2075 du 9 octobre 2019 pour manquement à l’obligation de résultat du garagiste5805 euros au 01/07/2023 jusqu’à la parfaite exécution de la décision à intervenir à titre de remboursement des frais d’assurance1000 euros à titre de préjudice moralDe fixer au passif de MTS la créance des époux [B] pour un montant de 1327,20 euros
De condamner in solidum les sociétés ORIGINAL GARAGE et MTS à leur payer une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de la procédure civile outre les entiers dépens et ordonner l’emploi de cette indemnité et des dépens en frais privilégiés de procédure collective concernant MTS
A titre subsidiaire :
Ordonner avant dire droit une expertise judiciaire et désigner à cet effet un expert près la cour d’appel de Bordeaux pour identifier l’origine des désordres constatés et préciser le montant des préjudices subis. Au soutien de leurs demandes, les époux [B] exposent que le rapport d’expertise du 2 février 2021, réalisé sur demande de leur assureur, retient un lien de causalité entre l’intervention du garagiste du 9 octobre 2019 et la détérioration de la pompe à huile durant cette intervention consécutive à la détérioration des broches du faisceau électrique des boitiers de gestion électronique et d’un défaut de nettoyage et rinçage du circuit après la détérioration de la pompe à huile expliquant la présence de limailles dans l’huile de la boîte de vitesses, ce lien de causalité ayant été confirmé à l’issue du complément d’expertise du 15 novembre 2021. Ils soulignent que le garagiste ne conteste pas sa responsabilité de sorte qu’il doit être déclaré responsable de leurs préjudices sur le fondement de l’article 1217 du code civil.
S’agissant de l’indemnisation des préjudices et leurs demandes formées contre ORIGINAL GARAGE ; au soutien de leur demande d’indemnisation au titre de la valeur de remplacement, ils exposent que le véhicule n’a pas été remis en état dès lors que le coût estimé des réparations (4884,30 euros) est quasi identique à la valeur de remplacement du véhicule (4500 euros). Ils en estiment qu’il n’y a pas lieu de déduire les frais de sauvetage de 422 euros qui ne sont qu’hypothétiques et corroborés par aucune pièce, aucun épaviste ne s’étant engagé à récupérer le véhicule pour une telle somme et des frais de remorquage pourraient être facturés en sus. Ils demandent à être remboursés des sommes surfacturées par le garagiste sur la facture du 9 octobre 2019, soulignant que l’expert a estimé de 10 heures de main d’œuvre étaient suffisantes alors que 20 heures leur ont été facturées.
Sur le remboursement du reste de la facture du 9 octobre 2019 (hors main d’œuvre), ils soutiennent que l’intervention du garagiste n’a pas permis de régler le problème initial et au contraire a conduit à la détérioration du véhicule ; ils fondent leur demande sur le manquement à son obligation de résultat. Au soutien de leur demande de dommages et intérêts pour privation de jouissance du 31 mai 2019 au 10 octobre 2019 puis du 29 avril 2020 « jusqu’à ce jour », ils se fondent sur les deux rapports considérant que le véhicule est inutilisable et économiquement irréparable et « la jurisprudence en la matière » et demandent une indemnisation correspondant à un millième de la valeur du véhicule par jour, soit 4,50 euros par jour, le montant total étant à parfaire.
Il sollicitent le remboursement des frais d’assurance sur la même période, soulignant qu’ils ont dû s’acquitter du paiement de leurs cotisations malgré immobilisation. Ils sollicitent une indemnité au titre du préjudice moral, exposant que la situation leur a causé des difficultés d’organisation dans leur quotidien et beaucoup de stress et que le garagiste n’a effectué aucune démarche pouvant faciliter un rapprochement amiable.
S’agissant de la demande de remboursement de facture du bloc hydraulique formée à l’encontre de MTS, ils soulignent que l’expert a considéré que l’intervention de remplacement du bloc hydraulique par MTS, qui n’a apporté aucun résultat, « est nulle et non avenue » et l’expert a considéré que sa responsabilité pouvait être recherchée du fait du défaut d’atteinte de résultat suite à son intervention du 27 mai 2020.
Ils soutiennent que son intervention a été inefficace et a engendré des frais inutiles. Ils se fondent sur un arrêt de la Cour de cassation du 6 février 2019 qui a jugé que la réparation effectuée sans efficacité peut être remboursée. Ils soutiennent que la société MTS a manqué à son obligation de résultat et qu’en tant que professionnelle elle devait être seule à même de décider si l’intervention s’avérait nécessaire, la mention « à la demande du client » mentionnée sur le devis étant par ailleurs contestée par monsieur [B].
A titre subsidiaire, ils demandent, sur le fondement de l’article 144 et de l’article 232 du code de procédure civile d’ordonner avant dire droit une expertise judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions du 13 juin 2023, la société ORIGINAL GARAGE s’oppose aux demandes indemnitaires formées par les époux [B] au titre de la surfacturation de main d’œuvre, le remboursement de l’intégralité de la facture du 9 octobre 2019, la privation de jouissance du véhicule, le remboursement des frais d’assurance, le préjudice moral. S’agissant de la demande indemnitaire formée au titre de la perte du véhicule, elle demande à ce que sa condamnation soit limitée à la somme de 4078 euros TTC.
Au soutien de sa défense, qui ne porte que sur les demandes indemnitaires, le garagiste expose que la valeur de sauvetage chiffrée à 422 euros par son expert doit être déduite de la valeur de remplacement du véhicule, que la main d’œuvre de 20 heures facturée correspond au temps passé par les techniciens, que si son intervention a joué un rôle causal dans la survenance des désordres du véhicule, il n’en demeure pas moins que la facture correspond à des prestations réalisées dont il a été tenu compte dans l’évaluation du véhicule ; il en déduit que les époux [B] ne peuvent prétendre à la fois au paiement de la valeur de remplacement et au remboursement de cette facture. Sur la privation de jouissance, la société ORIGINAL GARAGE soutient que les indemnités demandées ne sont pas justifiées par la production de pièces. Sur le remboursement des frais d’assurance, l’obligation de s’assurer est une obligation légale du propriétaire et le coût de cette assurance n’est pas une conséquence directe de la faute du garagiste : il appartenait aux propriétaires de souscrire une assurance en mode « garage » ce qu’ils n’ont pas fait. Il fait enfin valoir que le préjudice moral n’est pas justifié.
Le conseil de la société MTS a conclu au fond par conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2022, soit avant le placement en liquidation judiciaire de la société par jugement du 25 mai 2022.
Aux termes de ces conclusions, la société MTS sollicitait le rejet des demandes formées à son encontre par les époux [B] et leur condamnation à lui verser une somme de 1800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa défense, la société MTS fait valoir que l’obligation de résultat invoquée par les époux [B] ne les dispense pas de faire la démonstration de ce que le préjudice dont ils font état trouve son origine dans la prestation effectuée par le garagiste réparateur et cite de nombreuses jurisprudences. Or, il ressort du rapport d’expertise du 2 février 2021 que les dommages trouveraient finalement leur origine dans les faisceaux électriques de la boîte de vitesse et du moteur. Or, l’intervention de MTS est étrangère au remplacement des faisceaux électriques, ce qui explique que l’expert dans son rapport complémentaire ne propose plus de retenir la responsabilité de MTS. Dès lors que la panne du véhicule est étrangère à sa sphère d’intervention, elle devrait être mise hors de cause. Elle souligne également que le véhicule est âgé, avec un kilométrage important et qu’il a fallu plusieurs réunions d’expertise pour finalement identifier l’origine des dysfonctionnements et que MTS n’a jamais été missionnée pour effectuer un audit général de l’état du véhicule.
Le liquidateur judiciaire régulièrement appelé dans la cause n’a pas constitué avocat de sorte que la société MTS n’est plus représentée dans la procédure.

MOTIVATION

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par les époux [B] à l’encontre de la société ORIGINAL GARAGE.La société ORIGINAL GARAGE ne discute pas le principe de l’engagement de sa responsabilité, celle-ci ayant manqué à son obligation de résultat en sa qualité de garagiste. Le litige ne porte que sur les préjudices allégués et leur évaluation.
1.1 Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte du véhicule
En l’espèce, les deux experts mandatés par les compagnies d’assurance des époux [B] et de la société ORIGINAL GARAGE s’accordent pour dire que la valeur de remplacement à dire d’expert (VRDE) s’élève à la somme de 4500 euros, tandis que le coût de réparation du véhicule s’élève à la somme de 4884,30 euros.
Il y a donc lieu de retenir, ce qui n’est pas contesté par les parties, la VRDE qui est inférieure au prix des réparations.
L’expert de la compagnie d’assurance des époux [B] ne s’est pas prononcé sur la valeur de sauvetage, qui correspond aux frais d’évacuation de l’épave. L’expert de la compagnie d’assurance de la société ORIGINAL GARAGE évalue ces frais après « appel d’offre » à la somme de 422 euros TTC, offre faite par le groupe LPA. Si les époux [B] soutiennent que cette somme n’est pas justifiée ni détaillée, il n’en demeure pas moins que les parties s’entendent sur le fait que le véhicule n’est plus en état de rouler, de sorte que celui-ci sera nécessairement évacué par un épaviste. Ils ne produisent pas en réplique d’autre devis montrant que celui retenu par l’expert serait trop onéreux.
Dès lors, il y a lieu de fixer la valeur de remplacement à la valeur de remplacement à dire d’expert, diminuée de la valeur de sauvetage, soit à la somme de 4078 euros TTC et de condamner la société ORIGINAL GARAGE à payer cette somme aux époux [B].
1.2 Sur la demande de remboursement au titre de la facture n°2075 du 9 octobre 2019 pour manquement à l’obligation de résultat du garagiste
Il ressort des éléments de la procédure qu’au mois de mai 2019, les époux [B] ont confié à la société ORIGINAL GARAGE leur véhicule aux fins de remplacer un joint spi de vilebrequin. Au remontage, le garagiste a constaté une difficulté pour réamorcer la pompe de la boîte de vitesse. Après intervention de la société MTS sur la boîte de vitesse (remplacement de la pompe à huile), la société ORIGINAL GARAGE n’a été en mesure de remonter la boîte de vitesse et de remplacer, entre autres, le joint spi de vilebrequin que le 9 octobre 2024. Une nouvelle panne est survenue au mois de mai 2020, monsieur [B] constant des dysfonctionnements au niveau de la boîte de vitesse. En dépit d’une nouvelle intervention de MTS, à la demande de la société ORIGINAL GARAGE, les désordres perdurent.
La société ORIGINAL GARAGE ne remet pas en cause le lien de causalité établi par l’expert de la compagnie d’assurance des époux [B] entre son intervention du 9 octobre 2019 et la détérioration des broches de faisceau électrique des boitiers de gestion électronique. Dans ses conclusions, le garagiste ne conteste pas l’existence d’un lien causal dans la survenance des désordres mais souligne que la facture litigieuse correspond à des prestations effectivement réalisées « dont il a été tenu compte dans l’estimation de la valeur du véhicule », de sorte que les époux [B] ne pourraient demander à la fois le remboursement de la facture et la valeur de remplacement du véhicule.
Toutefois, force est de souligner que les réparations effectuées lors de l’intervention du 9 octobre 2019 ont certes abouti à un changement de divers joints dont le joint spi de vilebrequin mais a surtout conduit à détériorer les broches de faisceau électrique aboutissant finalement à un véhicule non réparable. Dès lors que la facture établie porte sur des réparations ayant occasionné d’autres désordres, il y a lieu de considérer que cette facturation n’est pas fondée.
En conséquence, la société ORIGINAL GARAGE sera condamnée verser la somme de 2 352,48 euros en remboursement de la facture du 9 octobre 2019.
Dès lors que la facture n’est pas fondée, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande liée à la surfacturation de la main d’œuvre qui est comprise dedans.

1.3 Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance
Les époux [B] soutiennent qu’ils ont été privés de la jouissance de leur véhicule entre le 31 mai 2019 et le 9 octobre 2019 (132 jours) puis à compter du 29 avril 2020. Ils sollicitent une somme de 4.50 euros par jour.
En l’espèce, il n’est pas contestable que les époux [B] ont été privés de l’usage de leur voiture pendant 132 jours au titre de la première période mentionnée, cette période correspondant au temps de prise en charge du véhicule par la société ORIGINAL GARAGE et par la société MTS. Plusieurs experts amiables sont intervenus : l’expert de leur compagnie d’assurance a rendu son dernier rapport le 15 novembre 2021, l’expert de la compagnie d’assurance de la société ORIGINAL GARAGE a rendu son rapport le 23 novembre 2021 et l’expert mandaté par l’assureur de la compagnie MTS a rendu son rapport le 4 novembre 2020. Aussi, depuis le 23 novembre 2021, plus aucune opération n’expertise n’a eu lieu. L’assignation en justice de la société ORIGINAL GARAGE est intervenue peu de temps après le dernier rapport d’expertise amiable, soit le 7 janvier 2022. Il ressort des pièces produites, que les parties étaient en mesure de s’entendre sur la valeur à dire d’expert du véhicule à hauteur de 4500 euros. Les discussions portant sur les autres indemnités et la déduction de la valeur de sauvetage ont semble-t-il empêché le versement de cette somme mais il n’est pas établi que les époux [B] se sont heurtés à un refus catégorique de la part du garagiste de leur verser la valeur de remplacement du véhicule pour leur permettre d’en acquérir un autre. En tout état de cause, une provision aurait pu être demandée au juge de la mise en état, le montant de la valeur de remplacement n’étant pas contesté à hauteur de 4178 euros, ce pour limiter le préjudice subi. De plus, il n’est pas précisé à quelles fins ce véhicule était utilisé, s’il l’était à titre principal ou occasionnel, et si les époux bénéficiaient d’un autre moyen de locomotion permettant d’apprécier le préjudice de jouissance effectif.
En conséquence il y a lieu de leur allouer une indemnité au titre du préjudice de jouissance mais de la réduire à hauteur de 3,50 euros par jour entre le 31 mai 2019 et le 10 octobre 2019 (132 jours) puis entre le 29 avril 2020 et le 7 janvier 2022, date de l’assignation (618 jours), soit la somme de 2625 euros.
1.4 Sur la demande de remboursement des frais d’assurance en raison de l’immobilisation du véhicule
L’obligation assurantielle étant obligatoire, que le véhicule soit roulant ou immobilisé, le préjudice lié au paiement de cotisations pour le véhicule litigieux n’est pas lié au manquement l’obligation de résultat de la société ORIGINAL GARAGE.
Il convient de rejeter cette demande.
1.5 Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Les époux [B] ne démontrant pas avoir subi un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité de remplacement et l’indemnité au titre de la privation de jouissance, il y a lieu de rejeter cette demande.
Sur la demande formée à l’encontre de la SELARL [J] es qualité de liquidateur de la société MTS
Les époux [B] soutiennent que la société MTS a manqué à son obligation de résultat dès lors que l’intervention qui a donné lieu à facturation a été parfaitement inefficace.
En application de l’article 1353 du code civil, la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n’est engagée qu’en cas de faute, dès lors que surviennent ou persistent des désordres après son intervention. L’existence d’une faute et celle d’un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumés. En conséquence, il appartient au garagiste de démontrer, pour s’exonérer, qu’il n’a pas commis de faute.
En l’espèce, il est reproché à la société MTS d’avoir procédé au remplacement du bloc hydraulique, alors que le changement d’une telle pièce s’est avéré inutile dans le traitement de la panne, les désordres ayant perduré après le remplacement de cette pièce.
Il ressort du rapport de l’expert amiable mandaté par l’assureur des époux [B] qu’aucun élément technique ne permettait de justifier le remplacement du bloc hydraulique. L’expert mandaté par l’assureur de la société MTS indique dans son rapport que le 26 mai 2020 « MTS informe M. [B] que le bloc hydraulique a été remplacé mais que les désordres persistent (…). »
Plus tard, il est apparu que les désordres provenaient de la détérioration des faisceaux électriques.
Si la société MTS n’est pas à l’origine de cette détérioration, force est de constater que son intervention a été inutile dans la résolution du désordre. A défaut de démontrer qu’elle n’a commis aucune faute dans le choix du remplacement de cette pièce, il y a lieu de constater qu’elle a manqué à son obligation de résultat.
En conséquence, les époux [B] sont bien fondés à demander la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société MTS leur créance pour un montant de 1327,20 euros correspondant à la facture de remplacement du bloc hydraulique.
Il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise judiciaire, qui ne serait pas de nature à apporter un éclairage supplémentaire.

Sur les frais du procès
- Dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la société ORIGINAL GARAGE, qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens.

- Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
au paiement des dépens.

Au vu des circonstances du litige et pour des considerations d’équité, il y a lieu de condamner la société ORIGINAL GARAGE à payer aux époux [B] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il n’y a pas lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MTS une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande formée par la société ORIGINAL GARAGE sur ce fondement doit être rejetée.

N° RG 22/00425 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGEJ

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,
CONDAMNE la société ORIGINAL GARAGE à payer à monsieur et madame [B] les sommes suivantes :
4 078 euros au titre de la perte de leur véhicule,
2 352,48 euros en remboursement de la facture du 9 octobre 2019,
2 625 euros au titre de l’indemnité de jouissance,
DIT n’y a voir lieu de statuer sur la demande en remboursement des frais de main d’œuvre surfacturés au titre de la facture précitée du 9 octobre 2019,
REJETTE les demandes formées au titre des frais d’assurance et du préjudice moral,
REJETTE la demande d’expertise,
CONDAMNE la société ORIGINAL GARAGE à supporter les dépens,
CONDAMNE la société ORIGINAL GARAGE à verser à monsieur et madame [B] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
REJETTE les demandes formées à l’encontre de la liquidation judiciaire de la société MTS au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile
REJETTE la demande de la société ORIGINAL GARAGE formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Pascale BUSATO, Greffier.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00425
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;22.00425 ?
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