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30/05/2024 | FRANCE | N°20/05352

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 30 mai 2024, 20/05352


N° RG 20/05352 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UQYJ
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND





50A

N° RG 20/05352 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UQYJ

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[Y] [N] épouse [U],
[I] [U]

C/

S.A.R.L. EQUIPALINE, S.E.L.A.S. HKNS HORSE VET











Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SAS DROUOT AVOCATS
la SELARL KPDB INTER-BARREAUX
Me Stéphanie LACREU




TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT D

U 30 MAI 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Angélique QUESNEL, Juge


Greffier, lors des débats et du prononcé
Pas...

N° RG 20/05352 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UQYJ
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

50A

N° RG 20/05352 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UQYJ

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[Y] [N] épouse [U],
[I] [U]

C/

S.A.R.L. EQUIPALINE, S.E.L.A.S. HKNS HORSE VET

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SAS DROUOT AVOCATS
la SELARL KPDB INTER-BARREAUX
Me Stéphanie LACREU

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Angélique QUESNEL, Juge

Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Mars 2024
Délibéré au 30 mai 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

DEMANDEURS :

Madame [Y] [N] épouse [U]
née le 28 Mars 1979 à L’UNION (31240)
de nationalité Française
110b Route de Longages
31410 NOE

représentée par Me Sébastien HERRI, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, Me Stéphanie LACREU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant

Monsieur [I] [U]
né le 25 Juillet 1977 à MURET (31600)
de nationalité Française
110b Route de Longages
31410 NOE

N° RG 20/05352 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UQYJ

représenté par Me Sébastien HERRI, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, Me Stéphanie LACREU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant

DÉFENDERESSES :

S.A.R.L. EQUIPALINE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
1 Le Ros Est
33730 PRECHAC

représentée par Maître Anne-sophie VARGUES de la SAS DROUOT AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Me Nicolas MASSON, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE, avocat plaidant

S.E.L.A.S. HKNS HORSE VET prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
Lieu dit “Lavergne”
81210 ROQUECOURBE

représentée par Maître Philippe ROGER de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

******

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants et procédure :
Le 13/11/2019, Mme et M. [U] (ci après “les acquéreurs”) ont fait l'acquisition d'un cheval nommé UMPEC DE LELO auprès de la SARL EQUIPALINE (ci après “le vendeur”) au prix de 6 000 € TTC, en vue de participer à des compétitions de sauts d'obstacles (ci-après “CSO”).

La veille de cet achat, l’acquéreur a fait appel au Docteur [K] [J] de la SAS HKNS HORSE VET (ci après le “vétérinaire”).

Peu après l'acquisition, l’acquéreur a constaté une boiterie intermittente, puis sévère du cheval acquis.

Le 06/01/2020, le Docteur [V] [R] a examiné le cheval et a constaté une lésion évocatrice d'une fracture incomplète non déplacée ancienne non stabilisée.

Le 20/01/2020, l’acquéreur a adressé une lettre recommandée au vendeur, ainsi qu’au vétérinaire, afin d'obtenir un dédommagement estimant ne plus pouvoir utiliser le cheval en compétition.

Par acte introductif d'instance du 08/07/2020, les époux [U] ont assigné la SARL EQUIPALINE et la SAS HKNS HORSE VET et ont demandé en avant dire droit une mesure d'expertise, outre au fond la résolution de la vente et diverses indemnisations.

Par ordonnance du 1er juin 2021, le Juge de la Mise en état près le Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise sur l'équidé.

Le Docteur [H], Expert Judiciaire désigné en dernier, a rendu son rapport d'expertise le 17 juin 2022.

Le vendeur et le vétérinaire ont constitué avocat et ont fait déposer leurs conclusions.

L'ordonnance de clôture est en date du 6/03/2024.

Les débats s’étant déroulés à l’audience collégiale du 21/03/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 30/05/2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

PRÉTENTIONS DES DEMANDEURS, les acquéreurs:
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25/05/2023 et reprises à l'audience, les demandeurs sollicitent du Tribunal :
- A titre principal de prononcer la nullité de la vente du cheval sur le fondement d’un vice du consentement, puis subsidiairement la résolution judiciaire de la vente sur les fondements successifs de fautes du vendeur et du vétérinaire, puis de vice caché affectant le cheval, puis de sa non-conformité,
- Sur la base de chacun de ces fondements, il demande la restitution du prix de vente (6.000€), la condamnation solidaire du vendeur et du vétérinaire à l’indemniser des frais engagés (7.679,49€), ainsi que d’un préjudice moral (2.000€), outre les dépens et frais irrépétibles (4.500€).

Les acquéreurs indiquent avoir fait l’acquisition du cheval en vue de procéder à la compétition CSO ; aussi, la capacité du cheval de procéder à de telles compétitions CSO serait entrée dans le champ contractuel ; alors que dès le 6 janvier 2020, soit moins de deux mois après la vente, le cheval aurait souffert de boiterie sévère et d'une déformation osseuse due à une fracture ancienne - donc préexistante à la vente - non stabilisée, boiterie qui rendrait impossible toute compétition et plus largement toute utilisation standard du cheval qui ne peut porter un cavalier en l'état.

Ils soutiennent qu’il ressort du rapport d’expertise que l’expert conclut à l'existence d'un traumatisme antérieur à la vente, résultant de l'exploitation antérieure du cheval, point essentiel qui leur aurait été caché ; alors que selon l’expert cette lésion serait un élément important, substantiel, qui aurait dû être porté à la connaissance des acquéreurs ; et alors que pèserait sur le vendeur professionnel une présomption irréfragable de connaissance du vice caché, son éventuelle ignorance serait alors imputable à sa propre négligence.

Ils ajoutent que l'expert conclut que le vétérinaire intervenu juste avant la vente aurait dû porter la lésion à la connaissance des acquéreurs. Ils en déduisent que le vétérinaire avait les éléments permettant d'identifier une lésion qu'il aurait dû porter à leur connaissance, son éventuelle ignorance serait alors, ici aussi, imputable à sa propre négligence.

Les acquéreurs en concluent qu’en raison de cette réticence dolosive du vendeur et du vétérinaire, ces derniers les auraient dolosivement amené à conclure le contrat de vente, ce qui engagerait leurs responsabilités contractuelles respectives ; alors qu’en présence d'une erreur sur les qualités substantielle du cheval vendu, le contrat de vente devrait être annulé pour vice du consentement et le prix d'achat leur être restitué outre les indemnisations de leurs frais et préjudice moral.

A titre subsidiaire, sur la base des mêmes faits causaux, ils soutiennent que le vendeur aurait commis une faute contractuelle, une violation de l'obligation d'information pesant sur lui, en conservant le silence sur ces caractéristiques essentielles du cheval objet de la vente.

Ils font valoir que l’expertise a conclu que le vendeur devait signaler les problèmes de carrière et de santé rencontrés préalablement par le cheval ; alors qu’une présomption irréfragable de connaissance du vice caché affectant la chose vendue pèserait sur le vendeur professionnel ; il devrait être présumé avoir eu connaissance des lésions présentées par le cheval.

Ils soulignent que le vétérinaire aurait eu les éléments permettant d'identifier une lésion qu'il aurait dû porter à sa connaissance, son éventuelle ignorance serait imputable à sa propre négligence et en ne portant pas ces informations à leur connaissance, il aurait commis une faute engageant sa responsabilité.

Puis sont invoqué les dispositions de l’article 1641 et suivants s’agissant d’un vice caché.
Enfin, l’article L. 217-3 du code de la consommation trouverait selon eux à s’appliquer s’agissant d’un cheval qui serait affecté d'une lésion susceptible d'évolutions imprévisibles diminuant son usage et sa valeur, qui le rend non conforme à la destination contractuellement prévue.

Les mêmes conséquences de restitutions du prix de vente et d’indemnisations sont invoquées à l’identique pour chacun des fondements juridiques.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le vendeur :

Dans ses dernières conclusions en date du 19/09/2023 le vendeur demande au tribunal de :
REJETER l'ensemble des demandes des consorts [U] ;
DECLARER que le cheval vendu est apte à sa destination comme le relève l'expert,
DECLARER que la société EQUIPALINE a rempli ses devoirs d'information,
DECLARER irrecevable les consorts [U] en leurs demandes fondées sur les articles 1641 et suivants du Code Civil.
EN CONSEQUENCE,
DECOUTER Monsieur et Madame [U] de l'intégralité de leurs demandes,
CONDAMNER les consorts [U] à régler la somme de 1.000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice d'image ;
CONDAMNER les consorts [U] à régler à la SARL EQUIPALINE la somme de 5 000 € en application de de l'article 700 du Code de procédure civile ;
LES CONDAMNER aux entiers dépens.

Le vendeur fait valoir que la vente des animaux serait régie par l'article L. 213-1 du code rural et de la pêche maritime et les dispositions réglementaires prises en application de celui-ci.
Qu’ainsi, l'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques serait régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de ce code, sans préjudice ni de l'application des articles L. 217-1 à L. 217-6, L. 217-8 à L. 217-15, L. 241-5 et L. 232-2 du code de la consommation ni des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol ; alors que la présomption prévue à l'article L. 217-7 du même code n'est pas applicable aux ventes ou échanges d'animaux domestiques.

S’agissant de la demande d’annulation de la vente, il affirme qu’aucun élément permettrait de démontrer une quelconque connaissance de sa part d’un "vice", qu’il avait connaissance de la prétendue pathologie du cheval, qu’il aurait caché cet élément en vue de concrétiser la vente. Par ailleurs, il ne pouvait donner l'information, alors que le vétérinaire n'aurait pas non plus jugé utile en raison de l'observation clinique du cheval de le mentionner comme un élément de risque ; alors que le dol ne se présumerait pas et devrait être prouvé par l’acquéreur.

De plus, il soutient que l'expert affirmerait que d’une part, la lésion postérieure à l'achat serait d'origine traumatique et postérieure à la vente, et que d’autre part, si le vendeur devait signaler les problèmes de carrière et de santé rencontrés préalablement par le cheval, c’était à condition qu'il en ait eu connaissance ; alors que l’expert conclurait que rien ne permettrait d'affirmer que le vendeur avait connaissance d'une boiterie antérieure à la vente.

S’agissant du motif de défaut d’information, il fait valoir que selon l'article L 213-1 du code rural, il appartiendrait à l'acheteur de rapporter la preuve de la préexistence et de l'existence ou la connaissance d'un vice antérieur à la vente ; alors que l’acquéreur aurait fait l’acquisition d’un cheval en parfaite connaissance de cause, les radiographies n'étant pas parfaites comme le relève le Docteur [J], tout en précisant l'absence d'expression cliniques. Par ailleurs, l’acquéreur aurait concrétisé la transaction après avoir recueilli un deuxième avis de son vétérinaire habituel, il aurait été ainsi informé d'un potentiel risque, mais aurait décidé de le prendre; compte tenu du prix attractif du cheval.

S’agissant du fondement de l’existence d’un vice caché, le vendeur soulève une irrecevabilité de l’action en ce qu’en application de l'article L. 213-1 du code Rural, pour que les articles 1641 et suivants du code civil puissent trouver application, il faudrait que les parties aient conventionnellement convenu d'appliquer les dits articles ; alors qu’aucun élément ne permettrait de retenir cette option, ce d'autant que l’acquéreur n’aurait pas argué de cette convention contraire.

Sur le fond, il prétend que l’expert conclurait que le cheval serait cliniquement apte à reprendre l'entraînement pour du CSO, que postérieurement à la vente, le cheval a présenté une boiterie associée au développement d'une lésion vivement inflammatoire localisée au même endroit ; alors que la boiterie du cheval qui est apparue plusieurs mois après la vente, et après avoir participé à des compétitions, aurait une cause postérieure à la vente, et n'aurait pas de lien avec la lésion ancienne et stabilisée.

S’agissant des demandes indemnitaires, elles devraient être ramenées à de plus justes proportions en raison de l'usage qui a été fait du cheval ; alors que les autres demandes devraient être rejetées dès lors que ces dépenses auraient été faites en tout état de cause dès lors que l’acquéreur aurait eu un cheval.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le vétérinaire :

Dans ses dernières conclusions en date du 10/03/2023 le vétérinaire demande au tribunal de:
Dire et juger qu'aucune faute professionnelle n'est démontrée à l'encontre de la Société HKNS HORSE VET,

Dire et juger qu'aucun manquement à son obligation d'information ne peut être reproché à la Société HKNS HORSE VET,
Dire et juger que la responsabilité civile professionnelle de la Société HKNS HORSE VET ne peut être engagée,
En conséquence,
Rejeter l'intégralité des demandes indemnitaires des époux [U] à l'encontre de la Société HKNS HORSE VET.
Condamner les époux [U] à payer à la Société HKNS HORSE VET la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le vétérinaire intervenu la veille de la vente soutient qu’il est tenu à une obligation de moyens, c'est-à-dire qu'il doit donner des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science, que dès lors, il convient de prouver la faute du praticien avant d'engager sa responsabilité.

Il rappelle la jurisprudence selon laquelle une faute ne peut se déduire de la seule absence de réussite de l'acte médical et de l'apparition d'un préjudice, lequel peut être en relation avec l'acte médical pratiqué, sans pour autant l'être avec une faute ; alors qu’une erreur de diagnostic, ou un retard de diagnostic ne constituent pas en soi des fautes de nature à engager la responsabilité du vétérinaire, dès lors qu'elles ne résultent pas d’une méconnaissance des règles de bonnes pratiques professionnelles.

Il affirme avoir mis tout en œuvre pour apporter des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science, voire au-delà de ses obligations en matière de visite préalable d'achat.

L’expert s’il retient que la lésion radiographique de l'antérieur gauche préexistait à la vente et n'était pas signalée par lui, conclurait cependant qu’il n'aurait commis aucune faute dans la mesure où il aurait respecté le protocole d'usage pour le type du cheval, son utilisation envisagée et son prix.

Le vétérinaire n’aurait pas l'obligation de déceler l'intégralité des défauts ou maladies cachées de l'animal, ni de quantifier de manière précise le risque lorsqu'il donne son pronostic. Il prétend que faire peser de telles obligations s'apparenterait à une obligation de résultat
.
Il ajoute que l’expert a relevé que même s’il avait détecté cette anomalie, ses conclusions auraient été les mêmes sur l'aptitude du cheval à l'activité de compétition CSO, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, car selon l’expert la corrélation entre les deux lésions n'est pas établie de manière certaine.

S’agissant des demandes indemnitaires, il soutient que si l’acquéreur avait renoncé à la vente en raison de l’état du cheval, le vendeur aurait été redevable de ces frais liés à la boiterie de l'équidé et ces frais seraient donc supportés par le vendeur professionnel, si sa responsabilité à l'égard de l’acquéreur était retenue.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’irrecevabilité de la fin de non recevoir soulevée devant la composition de jugement en violation a la compétence exclusive du Juge de la mise en état

Il résulte de l'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, que le juge de la mise en état, de sa désignation à son dessaisissement, a le pouvoir exclusif pour statuer sur les fin de non-recevoir ; cette rédaction s'applique, selon l'article 55, II, du décret, aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 01 janvier 2020.

Par ailleurs, il est constant que lorsque la demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance s'entend de la date de délivrance de l'assignation.

En l'occurrence, l'instance a été introduite par assignation délivrée le 8/07/2020, de sorte que seul le juge de la mise en état devait connaître d’une fin de non-recevoir soulevée par l’acquéreur.

Or, le vendeur soulève une fin de non recevoir tirée des dispositions de l'article L. 213-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui dispose que les articles 1641 et suivants du code civil ne peuvent trouver application que si les parties avaient conventionnellement convenu d'appliquer les dits articles. Il y aurait ainsi violation de la procédure exclusive du code rural faute pour les parties d'y avoir dérogé.

En conséquence, cette fin de non-recevoir soulevée par le vendeur sera déclarée irrecevable.

Sur les demandes en nullité et en résolution de la vente

Les acquéreurs demandent à titre principal la nullité de la vente en faisant valoir les vices de leur consentement. Subsidiairement, ils se fondent sur la responsabilité contractuelle du vendeur et à titre infiniment subsidiaire, ils se prévalent de la garantie des vices cachés.

Il a été jugé, en application de la règle “Specialia generalibus derogant”, que lorsque l’action dirigée contre un contrat repose sur l’allégation d’un vice ayant affecté le bien objet du contrat, l’action en garantie des vices cachés doit primer sur toutes autres actions, notamment celle fondée sur un vice du consentement en raison d’une erreur sur la chose.

Il convient dès lors d’examiner en premier lieu si les critères légaux de la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés sont remplis.

Sur la demande de résolution de la vente au titre de la garantie des vices cachés

Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Par ailleurs, l'article 1643 du Code civil dispose que le vendeur est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connus.

La mise en œuvre de l'action suppose la démonstration, à la charge du demandeur, non seulement de l'existence d'un vice rendant le véhicule impropre à son usage, mais également nécessite d'établir que le vice existait antérieurement à la vente ou à la livraison ou encore que le vice existait déjà en germe.

En l’espèce, les demandeurs partent du postulat selon lequel le cheval UMPC DE LELO vendu le 13/11/2019 par la SARL EQUIPALINE, aurait été affecté - dès avant la vente, et nonobstant un compte rendu de visite d’achat n’ayant mis en évidence aucune difficultés d’ordre médical dressé par la SAS HKNS HORSE VET (vétérinaire) - d’une lésion à l’une de ses jambes, qui n’aurait pas été portée à leur connaissance et qui aurait entraîné une boiterie sévère un mois après son achat, ce qui ferait obstacle à l’usage pour lequel il aurait été acquis, à savoir de pouvoir participer à l’avenir à des compétitions “CSO”.

Il s’agirait ainsi d’un vice caché, à savoir un antécédent médical, ici une lésion de la face dorsale de la première phalange antérieure gauche, dont le vendeur professionnel devrait être présumé en avoir eu connaissance et dont le vétérinaire aurait omis d’en rapporter, son éventuelle ignorance caractérisant une faute de négligence.

Le Tribunal retient des analyses, avis et conclusions du rapport d’expertise déposé par le Dr [H], expert judiciaire désigné par l’ordonnance du 1/06/2021 du Juge de la mise en état, que :
- au moment de l’expertise, le cheval examiné ne présentait plus de tare, se déplaçait et sautait normalement et était apte à une remise au travail pour utilisation en CSO,
- le vétérinaire avait réalisé une expertise de transaction conforme aux usages qui si elle ne rapportait pas l'existence d'une lésion radiographique osseuse très discrète, cela n’induisait pas pour autant que sa conclusion aurait été différente si le vétérinaire l’avait constaté,
- aucun élément objectif ne permet d'affirmer que le vendeur avait connaissance d'une boiterie antérieure à la vente,
- le cheval a présenté une boiterie postérieurement à la vente suite au développement d'une lésion inflammatoire localisée au même endroit ; alors que la cause traumatique de cette boiterie est postérieure à la vente, sans qu’il n’y ait de corrélation certaine entre les deux lésions.

Il en résulte que le vice caché allégué n’est pas démontré par les acquéreurs.

Sur la demande de nullité de la au titre des vices du consentement (erreur ou dol)
En droit,

- s’agissant du vice du consentement, selon l’article 1130 du code civil :

“L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.”
Selon l’article 1132 du même code:
“L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.”
L’article 1133 de ce code précise que :
“Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.
N° RG 20/05352 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UQYJ

L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité”
Par ailleurs, l’article 1137 du code civil rappelle que :
“Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.”

En l’espèce, il ressort de l’expertise judiciaire mentionnée ci-avant que le postulat de base des acquéreurs, selon lequel le cheval aurait été atteint d’une lésion avant la vente, cause directe de la boiterie, ce qui le rendrait inapte à la compétition CSO ; postulat qui sert de base factuelle à chacun des quatre fondements juridiques qu’il invoque à l’appui de l’ensemble de ses prétentions formulées à l’identique, est contredit par les conclusions de ce rapport d’expertise.
Il en résulte qu’aucune erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue n’est démontrée;
La réticence dolosive n’est pas davantage caractérisée dès lors qu’il n’est pas établi que le vendeur a dissimulé une information portant sur un élément essentiel du cheval.

Sur la demande de résiliation du contrat pour manquements contractuels

A titre liminaire, si les acquéreurs font masse des demandes à l’égard du vendeur et du vétérinaire, il convient de rappeler que le contrat de vente ne lie que le vendeur et les acquéreurs et que l’éventuelle faute du vétérinaire ne peut conduire à la résolution du contrat de vente mais uniquement à l’allocation de dommages et intérêts.
Selon l’article L111-1 du code de la consommation :
“Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l'interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l'existence de toute restriction d'installation de logiciel ; (...)”
L’article L. 111-5 de ce code précise que :
“En cas de litige relatif à l'application des dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 111-4 et L. 111-4-1, il appartient au professionnel de prouver qu'il a exécuté ses obligations.”
Les articles 1227 à 1229 du code civil encadrent l’action en résolution judiciaire consécutive à un manquement contractuel.

- S'agissant de l'action en non conformité prévue au code de la consommation,
selon l'article L217-3 du dit code :
"Le vendeur délivre un bien conforme au contrat ainsi qu'aux critères énoncés à l'article L. 217-5.
Il répond des défauts de conformité existant au moment de la délivrance du bien au sens de l'article L. 216-1, qui apparaissent dans un délai de deux ans à compter de celle-ci. (...) "
L’article L. 217-14 encadre une éventuelle résolution du contrat.

En l’espèce, les acquéreurs reprochent au vendeur de ne pas les avoir informés des problèmes de santé du cheval et que son éventuelle ignorance était imputable à sa propre négligence.
Or, il ressort du rapport d’expertise que Equipaline a pour but d’acheter des chevaux qu’elle revend le plus souvent très rapidement. Lorsqu’elle a acquis le cheval, elle n’a pas procédé à une visite d’achat. La visite effectuée en vue de la vente litigieuse n’ayant conduit à aucune réserve, aucune information particulière ou mise en garde n’avait à être donnée. De plus, s’il existe une lésion ancienne, de faible intensité et non évolutive, l’expert souligne que la corrélation entre cette lésion et la lésion vivement inflammatoire présentée par le cheval postérieurement à l’achat, à l’origine de sa boiterie, n’est pas établie de manière certaine. Dès lors l’existence mêle de problèmes de santé sérieux avant l’achat n’est pas démontrée.
Ainsi, il n’est pas démontré que le vendeur ait eu connaissance de problèmes de santé du cheval préalablement à la vente, aucune faute ne peut lui être imputée.

Sur la responsabilité du vétérinaire

Le vétérinaire a été mandaté par les acquéreurs pour procéder à un examen avant achat. Il est tenu à une obligation de moyen.

L’expert judiciaire souligne que lorsque le docteur [J] a examiné le cheval, celui-ci présentait une bonne locomotion. Il relève que “son compte-rendu ne rapporte pas d’anomalie radiographique de la première phalange de l’antérieur gauche” mais souligne : “alors qu’un examen minutieux de la vue de profil qu’il en avait prise permet d’observer une lésion osseuse très discrète au même endroit”. Néanmoins, “les incidences radiographiques, conformes aux protocoles conseillés dans ce type de transaction, ne permettaient pas la mise en évidence de l’existence de la fêlure. A cette époque, aucune anomalie n’est décelable sur les radiographies de la première phalange droite”. L’expert conclut que si le vétérinaire n’a “pas vu ni signalé les remaniements osseux discrets de la face dorsale de la première phalange antérieure gauche, privant ainsi théoriquement l’acheteur de la possibilité de refuser ou mettre une condition à la vente pour ce motif”, il souligne: “en réalité il n’est pas certain, en présence du tableau clinique et de la locomotion corrects constatés qu’il les auraient considérés comme une anomalie radiographique significative”. Surtout, l’expert conclut que la cause de la boiterie est postérieure à la vente et que la corrélation entre la lésion ancienne et la nouvelle lésion n’est pas établie de manière certaine.

Il en résulte qu’en l’absence de boiterie ou d’autres signes cliniques, la lésion “très discrète, cicatrisée et ancienne” pouvait être considérée, lors de l’examen préalable à l’achat, comme une anomalie mineure par le vétérinaire.

Dès lors, aucun manquement à son obligation de moyen ne peut être retenu.

En conséquence, les acquéreurs seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes, y compris indemnitaires.

Sur la demande reconventionnelle du vendeur tendant à condamner les demandeurs pour atteinte à l’image
Le Tribunal ne peut que constater que cette prétention figurant au dispositif du vendeur ne repose dans ses dernières conclusions sur aucun fondement juridique , aucun développement, ni aucun argument n’est exposé de sorte que la demande ne peut qu’être rejetée.
A toute fin utile il sera rappelé d’une part, que s’il est vrai que toute violation d'un droit essentiel, peut causer à autrui un dommage d'ordre psychologique (moral) consistant en un trouble de jouissance du sentiment de sécurité juridique et le cas échéant en une atteinte à l'honneur du co-contractant, pour autant, il appartient à celui qui l'invoque d'apporter tout élément susceptible de permettre à la juridiction d'en apprécier tant la nature exacte, que le quantum du préjudice qui en découle ; alors que d’autre part, en droit, tout justiciable est en droit de saisir une juridiction d'une demande dirigée contre autrui et que si l'action en justice est susceptible de dégénérer en abus, pour pouvoir caractériser la faute du demandeur, au sens de l'article 1240 du code civil, il incombe à la partie qu invoque l'abus d'action judiciaire de démontrer l'existence d'une intention exclusive de la partie adverse de lui nuire ou encore d'une absence manifeste de perspective de chance pour le demandeur d'obtenir gain de cause en justice ; office que le vendeur ne remplit dans aucun des deux cas.

Sur les autres demandes :
- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l'article 696 du code de procédure civile, en l’espèce les acquéreurs.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.
Le vendeur et le vétérinaire ont engagé des frais pour assurer leurs défenses, une somme de 1.500€ pour chacun d’eux sera retenue.

- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

- DECLARE irrecevable la fin de non-recevoir soulevée tardivemennt par la SARL EQUIPALINE ;

- DÉBOUTE Mme [Y] [U] et M. [I] [U] de leur demande d’annulation de la vente du cheval UMPEC DE LELO intervenue le 13/11/2019 ;

- DÉBOUTE Mme [Y] [U] et M [I] [U] de leurs demandes de résolution de la vente du cheval UMPEC DE LELO intervenue le 13/11/2019 ;

en conséquence,
- DÉBOUTE Mme [Y] [U] et M [I] [U] de leur demande de condamnation de la SARL EQUIPALINE à leur restituer le prix de vente ;

- DÉBOUTE Mme [Y] [U] et M [I] [U] de leurs demandes de condamnations solidaires de la SARL EQUIPALINE et la SAS HKNS VET à leur verser des dommages et intérêts consécutifs ;

par ailleurs,
- DÉBOUTE la SARL EQUIPALINE de sa demande reconventionnelle de condamnation des consorts [U] pour préjudice d’image ;

- CONDAMNE Mme [Y] [U] et M [I] [U] aux entiers dépens ;

- CONDAMNE Mme [Y] [U] et M [I] [U] à payer au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile les sommes suivantes :
- 1.500€ à la la SARL EQUIPALINE,
- 1.500€ à la SAS HKNS VET ;

- RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,

Le présent jugement a été signé par madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par madame Pascale BUSATO, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/05352
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;20.05352 ?
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