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28/05/2024 | FRANCE | N°24/02221

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 28 mai 2024, 24/02221


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 28 Mai 2024


DOSSIER N° RG 24/02221 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y3BD
Minute n° 24/ 184


DEMANDEUR

S.A.S.U. LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 352 565 519, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Maître Thierry LACOSTE de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEURS

S.A.S. HAUSSMANN FAMILLE, immatriculÃ

©e au RCS de Libourne sous le n° 383 990 405, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adr...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 28 Mai 2024

DOSSIER N° RG 24/02221 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y3BD
Minute n° 24/ 184

DEMANDEUR

S.A.S.U. LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 352 565 519, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Maître Thierry LACOSTE de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

S.A.S. HAUSSMANN FAMILLE, immatriculée au RCS de Libourne sous le n° 383 990 405, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 1]

S.A.S. PIERRE JEAN LARRAQUE, immatriculée au RCS de Libourne sous le n° 408 231 231, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 1]

représentées par Maître François FRASSATI de la SELARL FORWARD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Isabelle BOUILLON lors des débats, Géraldine BORDERIE lors de la mise à disposition, Greffières

A l’audience publique tenue le 30 Avril 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 28 Mai 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 28 mai 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Par un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 1er décembre 2023, la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON été condamnée à payer à la SAS HAUSSMANN FAMILLE la somme de 145.869 euros et à la SAS PIERRE-JEAN LARRAQUE la somme de 118.800 euros outre la somme de 3.500 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Ce jugement a été signifié par acte du 15 janvier 2024. Les sociétés HAUSSMANN FAMILLE et PIERRE-JEAN LARRAQUE ont interjeté appel de cette décision par acte du 19 janvier 2024.

Par ordonnance du 8 décembre 2023, la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON a bénéficié de l’ouverture d’un mandat ad hoc puis d’une procédure de conciliation judiciaire par ordonnance du 22 mars 2024, Maitre [A] étant désigné pour effectuer ces deux missions.

Les sociétés HAUSSMANN FAMILLE et PIERRE-JEAN LARRAQUE ont fait diligenter plusieurs saisies-attributions par actes du 20 février 2024, dénoncées par actes du 6 mars 2024.

Par acte de commissaire de justice signifié le 14 mars 2024, la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON a fait assigner les sociétés HAUSSMAN FAMILLE et PIERRE-JEAN LARRAQUE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de se voir allouer un délai de grâce.

A l’audience du 30 avril 2024 et dans ses dernières conclusions, la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON sollicite un report de la dette à 12 mois, le rejet des demandes reconventionnelles des défenderesses et qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens.

Au soutien de ses prétentions, la demanderesse fait valoir qu’elle est dans l’impossibilité de régler la créance issue de la condamnation du 1er décembre 2023 au regard de sa situation financière. Elle soutient qu’elle avait demandé au cours de l’instance devant le tribunal de commerce à ce que l’exécution provisoire soit écartée sans succès et souligne que la saisine du premier président pour obtenir cette suspension n’est pas un préalable obligatoire. Elle indique enfin ne pas avoir sollicité de délais de paiement lors de l’instance au fond car elle ne s’attendait pas à être condamnée et ne disposait alors pas des éléments comptables justifiant cette demande.

Elle soutient rencontrer d’importantes difficultés financières ayant impliqué l’intervention d’un mandataire et la mise en œuvre d’une procédure de conciliation judiciaire, soulignant que les défenderesses ont refusé tout échelonnement dans ce cadre. Elle s’oppose à toute demande de dommages et intérêts soulignant qu’elle ne fait pas preuve de résistance abusive mais est dans l’impossibilité de payer et conclut au rejet de la demande tendant à la fixation d’une astreinte pour le même motif.

A l’audience du 30 avril 2024 et dans leurs dernières écritures, les sociétés HAUSSMANN FAMILLE et PIERRE-JEAN LARRAQUE concluent au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse à exécuter les causes du jugement sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du terme de la procédure de conciliation judiciaire ou à compter de la signification de la présente décision et ce pendant une durée de 60 jours. Elles sollicitent également la condamnation de la demanderesse au paiement d’un somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, outre les dépens et le paiement d’une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les défenderesses soutiennent, au visa de l’article 1343-5 du Code civil, que la demanderesse ne fonde sa demande sur aucun élément probant en ne communiquant pas le rapport du mandataire ad hoc ou le dernier bilan de la société, les bilans antérieurs témoignant d’une excellente année 2022, la baisse de chiffre d’affaires l’année suivante n’étant que la résultante d’un retour à la normale. Elles soulignent que la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON aurait dû demander l’absence d’exécution provisoire à la juridiction du fond ou à tout le moins des délais de paiement et en tout état de cause, la suspension de l’exécution provisoire, le juge de l’exécution ne pouvant être investi d’une telle compétence au terme de l’article R121-1 du Code des procédures civiles d’exécution. Elles fontt valoir qu’elles n’ont, à aucun moment, été associées aux discussions durant l’exécution du mandat ad hoc ou de la conciliation judiciaire et qu’il ne peut donc leur être fait grief d’avoir refusé une solution d’aménagement amiable de la dette. Elles soulignent enfin l’inutilité d’une telle mesure, la demanderesse ne démontrant pas en quoi l’accord d’un délai de 12 mois lui permettrait d’acquitter sa dette. A titre reconventionnel, elles sollicitent que la condamnation soit assortie d’une astreinte afin de garantir son exécution et que la demanderesse soit condamnée au titre de sa résistance abusive.

L’affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur les délais de paiement

L’article 1343-5 du Code civil dispose :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »

Il est constant que ces dispositions, distinctes de l’article 524 du Code de procédure civile, ne donnent aucun caractère obligatoire à une saisine préalable aux fins de suspension de l’exécution provisoire. Le jugement du tribunal de commerce du 1er décembre 2023 fait par ailleurs bien mention de la demande de la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON tendant à ce que l’exécution provisoire ne soit pas ordonnée.

Aucun prérequis procédural ne fait donc obstacle à l’examen de la demande de délais de grâce par la présente juridiction, compétente pour en connaître.

Au soutien de sa demande de délais, la demanderesse verse aux débats l’ordonnance de désignation d’un mandataire ad hoc en date du 8 décembre 2023 précisant que la demanderesse ne fait pas état d’une cessation des paiements mais souhaite négocier des accords avec les créanciers pour restructurer sa dette et reconstituer sa trésorerie. Elle fournit également un courrier de Me [A] daté du 20 février 2024 indiquant que « sur la base des projections communiquées, l’exécution de la décision concernant le litige LARRAQUE pourrait mettre en péril la poursuite de l’activité et ne pourrait probablement conduire la société à s’orienter vers une procédure collective ». Elle verse aux débats son bilan pour l’exercice arrêté au 31 octobre 2023 ainsi qu’un courrier de son expert-comptable annexé à l’étude prévisionnelle d’exploitation et de trésorerie, laquelle n’est pas versée aux débats.

Par note en délibéré autorisée et reçue le 30 avril 2024, la demanderesse verse enfin l’ordonnance désignant un conciliateur et prononçant la suspension provisoire des poursuites en date du 22 mars 2024 au motif d’une baisse du chiffre d’affaires, de l’existence de saisies-attribution dont les créanciers refusent tout échéancier et au regard des négociations engagées avec les partenaires bancaires dans le cadre du mandat ad hoc.

Force est de constater que la demanderesse ne justifie par aucune pièce de l’association des défenderesses aux négociations nouées dans le cadre du mandat ad hoc ou de la conciliation judiciaire, pas plus que d’un refus exprès d’allouer des délais de paiement dans le cadre de l’exécution de la condamnation litigieuse, ce qui n’établit du reste pas davantage en creux, que cette demande ait été formalisée auprès des créancières.

Elle ne fournit en définitive aucun élément actualisé autre que les conclusions du mandataire et de son expert-comptable faisant état de la fragilité de la trésorerie mais également de différentes mesures de nature à permettre la continuité de l’activité. Le courrier de l’expert-comptable établit en outre le caractère exceptionnel de la baisse de chiffres d’affaires subies en 2023 imputable à une crise générale de la filière viticole. Aucun élément prévisionnel chiffré n’est fourni à l’appui des déclarations de l’expert-comptable. Le rapport du mandataire qui aurait permis à la présente juridiction d’apprécier la précarité du concours bancaire invoqué par la demanderesse n’est pas davantage versé aux débats, tout comme des éléments sur la situation actuelle de cette négociation en cours dans le cadre de la conciliation judiciaire.

Les seuls éléments probatoires chiffrés fournis se limitent au bilan arrêté au 31 octobre 2023, ce qui ne permet en aucun cas au juge de l’exécution d’apprécier la situation actuelle et future de la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON et l’utilité de l’accord d’un report de la dette à 12 mois.

En l’absence de ces éléments justificatifs, la demande de délais de grâce sera rejetée.

- Sur la résistance abusive

L’article L121-3 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « Le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive. »

La SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON fait valoir un certain nombre de difficultés financières l’ayant conduite à solliciter le soutien d’un mandataire pour amorcer des négociations avec ses créanciers notamment bancaires. La présente saisine ne saurait s’analyser en une résistance à l’exécution, la demanderesse étant en droit de solliciter un délai de grâce au vu du montant des condamnations prononcées.

La résistance abusive n’est dès lors pas caractérisée, pas davantage que le préjudice que les défenderesses invoquent subir.

- Sur l’astreinte

L’article L131-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose : « Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. »

Ainsi que cela a été démontré supra, la demanderesse a sollicité le concours d’un mandataire pour restructurer son endettement et n’a pas fait montre d’une résistance abusive. Le prononcé d’une astreinte ne ferait qu’aggraver le montant de la créance, l’objectif étant au contraire de favoriser le paiement de celle-ci. La nécessité et l’opportunité du prononcé d’une astreinte ne sont donc pas démontrées et cette demande sera rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON, partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON de sa demande de délais de grâce ;
DEBOUTE la SAS HAUSSMANN FAMILLE et la SAS PIERRE-JEAN LARRAQUE de leurs demandes tendant à l’octroi de dommages et intérêts ainsi qu’à la fixation d’une astreinte ;
CONDAMNE la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON à payer à la SAS HAUSSMANN FAMILLE et à la SAS PIERRE-JEAN LARRAQUE la somme unique de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SASU LA HAUTE COUTURE DU VIN BY JEAN GUYON aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 24/02221
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;24.02221 ?
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