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28/05/2024 | FRANCE | N°24/00845

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 28 mai 2024, 24/00845


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 28 Mai 2024


DOSSIER N° RG 24/00845 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YW6A
Minute n° 24/ 183


DEMANDEUR

S.A.S.U. CONNELINK, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 798 958 898, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Maître Caroline FABBRI, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

S.A.S. EXOSENS INTERNATIONAL, venant aux droits de la société PHOTONIS TECHNOLOGIES

, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 534 190 913, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social e...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 28 Mai 2024

DOSSIER N° RG 24/00845 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YW6A
Minute n° 24/ 183

DEMANDEUR

S.A.S.U. CONNELINK, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 798 958 898, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Maître Caroline FABBRI, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A.S. EXOSENS INTERNATIONAL, venant aux droits de la société PHOTONIS TECHNOLOGIES, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 534 190 913, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Laura JACQMIN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Isabelle BOUILLON lors des débats, Géraldine BORDERIE lors de la mise à disposition, Greffières

A l’audience publique tenue le 30 Avril 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 28 Mai 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 28 mai 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 15 novembre 2023, la SAS PHOTONIS a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente en date du 27 décembre 2023. Par acte du 8 janvier 2024, elle a également fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la SASU CONNELINK pour une créance chiffrée à la somme de 9.546,08 euros, cet acte ayant été dénoncé par acte du 12 janvier 2024.

Par acte de commissaire de justice en date du 31 janvier 2024, la SASU CONNELINK a fait assigner la SAS EXOSENS INTERNATIONAL venant aux droits de la SAS PHOTONIS devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir annulée cette saisie-attribution et d’obtenir des délais de paiement.

A l’audience du 30 avril 2024 et dans ses dernières conclusions, la SASU CONNELINK sollicite à titre principal que soit ordonnée la nullité des actes de procédure établis au nom de la société PHOTONIS à savoir : la signification de l’arrêt de cour d’appel du 12 décembre 2023, le commandement aux fins de saisie-vente du 27 décembre 2023, la saisie-attribution du 8 janvier 2024 et la dénonciation de cet acte. Elle sollicite que mainlevée de ces actes soit ordonnée, les frais de ces actes et de cette opération restant à la charge de la défenderesse. A titre subsidiaire, elle sollicite des délais de paiement et en tout état de cause, elle demande la condamnation de la société EXOSENS INTERNATIONAL à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts outre 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Au soutien de ses prétentions et au visa de l’article 117 du Code de procédure civile, la SASU CONNELINK fait valoir que l’ensemble des actes litigieux ont été délivrés par la SAS PHOTONIS postérieurement à sa radiation du RCS suite à sa fusion avec la société EXOSENS alors qu’elle n’avait plus d’existence juridique, ce qui implique leur nullité. A titre subsidiaire, elle fait valoir que sa situation financière ne lui permet pas d’acquitter la dette en une seule fois, alors qu’elle suit actuellement un plan de redressement judiciaire, qu’elle respecte. Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, elle fait valoir que la saisie-attribution a bloqué son compte bancaire et l’a empêché de verser le salaire de plusieurs membres de son personnel dont un a quitté la société de ce fait.

A l’audience du 30 avril 2024 et dans ses dernières écritures, la SAS EXOSENS INTERNATIONAL venant aux droits de la SAS PHOTONIS conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 1.440 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La société EXOSENS INTERNATIONAL souligne que la publication au BODACC de la radiation du RCS de la société PHOTONIS a été effectuée le 12 décembre 2023 soit la veille de la signification de l’arrêt d’appel servant de titre exécutoire. Elle fait valoir que la demanderesse est de mauvaise foi en se prévalant de la nullité de ces actes alors qu’elle n’ignore rien des condamnations mises à sa charge et de son réel créancier. A titre subsidiaire et si la présente juridiction ne devait pas retenir la nullité des actes litigieux, elle conclut au rejet de la demande de délais de paiement soulignant que dans les faits la demanderesse a déjà bénéficié de larges délais sans procéder à un paiement même partiel. Elle fait valoir que cet échelonnement est voué à l’échec, la société CONNELINK ne respectant pas le plan de redressement dont elle bénéficie déjà. Elle conclut enfin au rejet de la demande de dommages et intérêts, soulignant que le blocage du compte invoqué provient d’un avis à tiers détenteur délivré par l’administration fiscale pour une dette de TVA et ne lui est donc pas imputable. Elle souligne que la demanderesse ne démontre pas son préjudice et souhaite en réalité voir sa dette compensée nonobstant la décision judiciaire. Elle fait valoir que le départ du salarié imputé par la demanderesse au défaut de paiement de salaire résulte de plusieurs impayés de salaires antérieurs aux actes d’exécution forcée qu’elle a fait diligenter.

L’affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

La SASU CONNELINK conteste la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 31 janvier 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 8 janvier 2024 avec une dénonciation effectuée le 12 janvier 2024. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 12 février 2024.

Elle justifie en outre de l’envoi et de la réception du courrier recommandé en date du 31 janvier 2024 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution.
La demanderesse doit donc être déclarée recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

- Sur la nullité des actes délivrés par la SAS PHOTONIS

L’article 117 du Code de procédure civile dispose :
« Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. »

En l’espèce, il est constant que la société PHOTONIS a été radiée du RCS le 8 décembre 2023, cette formalité ayant été publiée au BODACC des 11 et 12 décembre 2023. Il est également acquis que la chronologie des actes délivrés par la SAS PHOTONIS s’établit comme suit :
- signification de l’arrêt du 15 novembre 2023 le 12 décembre 2023
- signification d’un commandement aux fins de saisie-vente le 27 décembre 2023
- réalisation d’une saisie-attribution par acte du 8 janvier 2024, dénoncée par acte du 12 janvier 2024.

Il est donc constant que l’ensemble de ces actes ont été délivrés au nom d’une personne morale qui était dépourvue de toute personnalité juridique. Cette irrégularité ne saurait être régularisée et fait grief à la société CONNELINK qui a été privée de la possibilité d’identifier précisément son créancier alors qu’elle était en relation d’affaires avec la société PHOTONIS avant la fusion de cette dernière avec la société EXOSENS INTERNATIONAL.

Il y a donc lieu de prononcer la nullité de l’ensemble des actes susvisés délivrés à tort au nom de la SAS PHOTONIS. La mainlevée de la saisie-attribution sera également ordonnée et l’ensemble des frais relatifs à ces actes sera imputé à la société EXOSENS INTERNATIONAL.

La demande subsidiaire en délais de paiement ne sera donc pas évoquée, l’article 510 du Code de procédure civile exigeant en tout état de cause préalablement à l’accord de délais de grâce, la signification d’un commandement de payer ou d’un acte de saisie, lesquels viennent tous d’être annulés.

- Sur la demande de dommages et intérêts

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie. »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.

En l’espèce, la demanderesse ne justifie d’aucun paiement même partiel effectué auprès de sa créancière, pas plus qu’elle n’établit avoir sollicité amiablement des délais de paiement pour se libérer de sa dette. La mise en œuvre de mesures d’exécution forcée par la défenderesse était donc parfaitement légitime, l’erreur commise sur le bénéficiaire des actes ainsi délivrés ayant déjà donné lieu à l’annulation des actes, constitutive d’une sanction conséquente.

En tout état de cause, la SASU CONNELINK verse elle-même aux débats la notification d’un avis à tiers détenteur délivré par le pôle recouvrement spécialisé de la Gironde aux deux établissements bancaires détenant ses comptes pour un montant de 11.344 euros. Or, l’acte de saisie-attribution du 8 janvier 2024 mentionne un solde bancaire de 11.981,10 euros et la réservation d’une somme de 3.844,27 euros au titre de l’avis à tiers détenteur. La SASU CONNELINK ne justifie pas par ailleurs, du solde de ses autres comptes bancaires, permettant à la présente juridiction de vérifier qu’elle était dépourvue de tout moyen de payer les salaires de ses collaborateurs, ce qui ne ressort du reste que de ses déclarations et n’est étayé par aucune pièce versée aux débats.

A ce titre, Monsieur [T], salarié de la société CONNELINK, indique dans un mail adressé au mandataire en charge du plan de redressement, qu’il a perçu son salaire de novembre 2023 le 11 décembre 2023 et n’a pas perçu son salaire de décembre 2023. Or, la saisie-attribution critiquée est intervenue le 8 janvier 2024 donc postérieurement à ces difficultés de paiement et sa réalisation n’est donc pas le motif du départ de ce salarié, déjà en litige avec son employeur.

La SASU CONNELINK n’établit donc pas en quoi la mesure de saisie-attribution, pratiquée, dont le principe était légitime bien que la forme n’ait pas été respectueuse du droit en vigueur, l’a empêché de payer ses salariés, a induit le départ de l’un d’entre eux et plus globalement lui a causé préjudice, alors que sa qualité de débitrice est incontestable.
Sa demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SAS EXOSENS INETRNATIONAL, partie perdante au principal, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée par acte du 8 janvier 2024 sur les comptes bancaires de la SASU CONNELINK à la diligence de la SAS EXOSENS INTERNATIONAL venant aux droits de la SAS PHOTONIS TECHNOLOGIES et dénoncée par acte du 12 janvier 2024, recevable ;
ANNULE les actes suivants délivrés par la SAS PHOTONIS à la SASU CONNELINK:
- acte du 12 décembre 2023 portant signification de l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 15 novembre 2023
- acte du 27 décembre 2023 portant signification d’un commandement aux fins de saisie-vente
- acte du 8 janvier 2024 portant réalisation d’une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la SASU CONNELINK
- acte du 12 janvier 2024 dénonçant la saisie-attribution réalisée par acte du 8 janvier 2024 sur les comptes bancaires de la SASU CONNELINK ;
DIT que les frais relatifs à ces actes seront supportés par la SAS EXOSENS INTERNATIONAL venant aux droits de la SAS PHOTONIS TECHNOLOGIES ;
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par acte du 8 janvier 2024 sur les comptes bancaires de la SASU CONNELINK à la diligence de la SAS EXOSENS INTERNATIONAL venant aux droits de la SAS PHOTONIS TECHNOLOGIES et dénoncée par acte du 12 janvier 2024, aux frais de cette dernière ;
REJETTE toutes les autres demandes de la SASU CONNELINK ;
CONDAMNE la SAS EXOSENS INTERNATIONAL venant aux droits de la SAS PHOTONIS TECHNOLOGIES à payer à la SASU CONNELINK la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS EXOSENS INTERNATIONAL venant aux droits de la SAS PHOTONIS TECHNOLOGIES aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 24/00845
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;24.00845 ?
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