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28/05/2024 | FRANCE | N°23/02643

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 28 mai 2024, 23/02643


N° RG 23/02643 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XVXU
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND



50G

N° RG 23/02643 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XVXU

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[O] [X]

C/


[H] [C]







Grosses délivrées
le

à
Avocats : Me Dominique LAPLAGNE
Me Elodie VITAL-MAREILLE



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 28 MAI 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

J

ean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ, Greffier lors des débats et Pascale BUSATO, Greffier lors du prononcé


DÉBATS

A l’audience publique du 26 Mars 2024

JUGEMENT

Contradict...

N° RG 23/02643 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XVXU
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

50G

N° RG 23/02643 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XVXU

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[O] [X]

C/

[H] [C]

Grosses délivrées
le

à
Avocats : Me Dominique LAPLAGNE
Me Elodie VITAL-MAREILLE

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 28 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ, Greffier lors des débats et Pascale BUSATO, Greffier lors du prononcé

DÉBATS

A l’audience publique du 26 Mars 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE

Madame [O] [X]
née le 10 Septembre 1973 à PARTHENAY (79200)
de nationalité Française
3 boileau
33430 MARIMBAULT

représentée par Me Elodie VITAL-MAREILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

Madame [H] [C]
née le 22 Juin 1993 à BAYONNE (64100)
de nationalité Française
610 Chemin Hargin Karriba
64990 VILLEFRANQUE

représentée par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX
N° RG 23/02643 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XVXU

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :

Selon un compromis de vente dressé devant notaires en date du 27 avril 2022, Mme [O] [X] (ci-après “le vendeur”) a vendu à Mme [H] [C] ( ci-après “l’acquéreur”) un studio à usage d'habitation située au 75 cours de la Somme à BORDEAUX (33800), moyennant le prix de 80.000 €.

L’acquéreur a versé le dépôt de garantie stipulé au compromis, d'un montant de 4.000 € auprès de Maître [T], notaire du vendeur.

La signature de l'acte de vente devait intervenir au plus tard le 29 juillet 2022.

Malgré la levée de toutes les conditions suspensives visées par le compromis, l'acte de vente n'a pas été régularisé en raison de la carence de Madame [C], constatée au procès verbal de carence dressé par M° [T] le 19 septembre 2022 ; l’acquéreur ayant préalablement fait l’objet d’une sommation d’avoir à comparaître devant notaire délivrée par voie d’huissier le 9 septembre précédent.

Par LR/AR en date du 16/11/2022, le conseil du vendeur a mis en demeure l’acquéreur de procéder au paiement de la clause pénale stipulée au compromis pour un montant de 8.000€.

Procédure :

Par assignation délivrée le 23/03/2023, le vendeur à fait assigné l’acquéreur devant le Tribunal judiciaire de BORDEAUX aux fins de condamnation au paiement de la clause pénale, outre l’indemnisation de ses préjudices.

Il convient de préciser que depuis cette assignation :
L’acquéreur a constitué avocat et fait déposer des conclusions.
L'ordonnance de clôture est en date du 18/03/2024.
Les débats s’étant déroulés à l’audience du 26/03/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 28/05/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le vendeur, Mme [X] :

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13/06/2023 et reprises à l'audience, le demandeur sollicite du Tribunal de :
DECLARER l'action de Madame [X] recevable et bien fondée
DEBOUTER Madame [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En conséquence,
CONDAMNER Madame [C] au paiement de la somme de 8.000 € au titre de la clause pénale du compromis de vente de l'immeuble du 27 avril 2022, en décomposant le paiement comme suit :
AUTORISER Maître [T], notaire, à libérer la somme de 4.000 € séquestrer au profit de Madame [X].
CONDAMNER Madame [C] au paiement de la somme de 4.000 €
CONDAMNER Madame [C] au paiement de la somme de 1.500 € au titre du préjudice pécuniaire subi par Madame [X]
CONDAMNER Madame [C] au paiement de la somme totale de 814,57 € au titre des dépenses supportés par Madame [X] décomposées comme suit :
o67,03 € au titre de la sommation d'avoir à comparaître devant notaire
o125 € au titre de l'établissement du PV de carence
o162,68 € au titre des charges de copropriété réglé le 17/08/2022
o167,86 € au titre des charges de copropriété réglé le 28/10/2022
o200 € au titre de la taxe foncière pour la période août-décembre 2022
o92 € au titre de l'assurance du logement pour la période août-décembre 2022
CONDAMNER Madame [C] au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens
ORDONNER n'y avoir lieu à suspension de l'exécution provisoire.

Mme [X] soutient que - les conditions suspensives du compromis ayant été réalisées, le terme fixé pour la signature de l’acte de vente ayant été dépassé, l’acquéreur ayant été sommé d’avoir à comparaître devant notaire afin de régularisation de la vente en forme authentique - elle serait en droit d’obtenir d’une part, le paiement complet de la clause pénale avec libération par le notaire séquestre du dépôt de garantie versé en son étude et d’autre part, l’indemnisation tant d’une perte financière résultant d’un prix de vente moindre quelques mois plus tard que les frais et charges en lien avec cette “mévente”.

Elle affirme que la clause pénale ne serait pas exagérée, ne couvrant que partiellement son préjudice financier réel précité et qu’elle ne pourrait être tenu pour comptable de l’existence d’une loi encadrant les loyers et d’un défaut d’information sur celle-ci ; alors que l’équilibre entre loyers et échéance du prêt consenti pour l’acquisition n’aurait pas eu un caractère contractuel. Elle rappelle que l’acquéreur disposait de son propre notaire au compromis de vente.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, l’acquéreur, Mme [C] :

Dans ses dernières conclusions en date du 22/06/2024, le défendeur demande au tribunal de:
DEBOUTER, à titre principal, Madame [O] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
LIMITER, à titre subsidiaire, la condamnation de Madame [H] [C] à la somme de 1 euro au titre de la clause pénale ;
CONDAMNER, en toute hypothèse, Madame [O] [X] à payer à Madame [H] [C] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens de l'instance lesquels seront recouvrés directement par Maître Dominique Laplagne, Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
DIRE n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [C] ne conteste pas s’être abstenue de régulariser la vente devant notaire.

Pour s’opposer aux demandes du vendeur, elle prétend que l’imminence d’une loi encadrant les loyers aurait mis en péril le strict équilibre financier qui aurait dû résulter entre le coût des échéances du prêt obtenu auprès de sa banque d’une part, et d’autre part, le montant des loyers qu’elle aurait été amenée à percevoir suite à l’acquisition conçue comme un investissement devant s’autofinancer.

Elle forme donc le reproche tant à l’agent immobilier ayant mis en relation les parties que du notaire [T], tous deux mandataires du vendeur, de ne pas l’avoir informé “des conséquences de la loi en cours”.

Elle demande au juge en application des dispositions de l’article 1231-5 du Code civil de réduire à un euro la clause pénale, estimant qu’aucun préjudice financier serait démontré, la minoration du prix de vente ultérieur résulterait de la seule prise en compte de l’encadrement des loyers.

En outre les demandes indemnitaires seraient contraires à la clause pénale.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'application de la clause pénale du compromis de vente

En droit, selon l’article 1103 du code civil “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”.. Il résulte de ce texte, qu’a contrario, ce qui n’a pas été convenu ne s’impose pas aux contractant.

Selon l’article 1193 du même code “Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.”

Alors que les articles 1156, 1157, 1158 et 1162 du Code civil invitent le juge à interpréter les clauses d’un contrat lorsque celles-ci ne se suffisent pas à elles mêmes.

Le compromis de vente stipule :
" Au cas où l'une quelconque des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie à titre de pénalité conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du Code civil (anciens articles 1152 et 1226), une somme de 8.000 € ".

Cette clause a force de loi entre les parties, sauf application, le cas échéant des disposition de l’article 1231-5 du même code qui autorise le juge à réduire le montant de la sanction contractuelle, étant rappelé que celle-ci est indépendante de la caractérisation d’un préjudice.
En l’espèce, l’acquéreur fonde son refus de réaliser devant notaire la vente au seul motif de ne pas avoir été informé par l‘agent immobilier et le notaire du vendeur des conséquences des effets de la loi d’encadrement des loyers sur le financement de l’acquisition.

Par lettre recommandée du 16/11/2022, le vendeur, par l'intermédiaire de son Conseil, a mis en demeure l’acquéreur de lui verser le montant de la clause pénale.

Réponse du Tribunal :

A supposer même que l’acquéreur ait démontré - bien que ne figurant nullement au compromis de vente - que son impérieux souhait d’équilibrer échéances du prêt et loyers était entré dans le champ contractuel, le Tribunal constate que l’acquéreur ne rapporte pas avoir tenté de trouver avec le vendeur une solution à ses craintes. Refusant par ailleurs de réponde aux diverses sollicitations de l’agent immobilier, comme cela résulte de l’attestation de ce dernier ; ce qui tend à démontrer que l’acquéreur ne se sentait pas en légitime posture de refus, caractérisant pour le moins une absence de démonstration de bonne foi de sa part.

Le Tribunal relève par ailleurs que “ la loi en cours” d’encadrement des loyers résulte en fait - s’agissant d’un bien immobilier situé à Bordeaux - du Décret n°2021-1145 du 2/09/2021 qui a mis en oeuvre pour Bordeaux l’encadrement des loyers prévu par la loi n°2018-1021 du 23/11/2018. Or, nul étant censé ignoré la loi ; force est de constater que le compromis de vente du 27/04/2022 est intervenu postérieurement à ces textes légaux et réglementaires (et non pas entre la date du compromis et celle de la réitération prévue), de sorte que l’acquéreur ne peut légitimement faire le reproche à quiconque de ne pas en avoir été informé ; alors qu’en outre il était assisté au compromis de vente par son propre notaire.

De surcroît, le Tribunal constate qu’aucune projection financière n’est produite et que la supposée rupture d’équilibre financier avancée ne repose que sur les seules allégations, non étayées d’un chiffrage précis, de l’acquéreur, qui ne remplit pas ainsi la charge de la démonstration qui lui incombe.

S’agissant du montant de la clause pénale, la stipulation d’un montant de 10% n’apparaît pas au tribunal comme étant “manifestement excessive”. Il sera fait droit à la demande à hauteur de 8.000€.

Sur les demandes indemnitaires

- sur la perte financière tenant à l’écart de prix de vente

Le vendeur forme une demande d’indemnisation d’une supposée perte financière qui résulterait du fait que son bien a été vendu pour un prix 70.500 €, soit un prix inférieur de 9.500 € à celui qui avait été convenu avec Madame [C], il prétend que son préjudice financier ne saurait être inférieur à la somme de 9.500 €, soit une différence de 1.500 € entre le montant de la clause pénale et le préjudice subi.

Réponse du Tribunal :

Ce préjudice doit s’analyser en une perte de chance de ne pas avoir pu vendre son bien au même prix que celui initialement convenu avec l’acquéreur défaillant ; or, cet écart peut résulter de plusieurs facteurs, dont celui d’une crise immobilière qui s’installe, d’une urgence à vouloir vendre, ou encore d’une inadéquation avec le prix du bien avec ses caractéristiques propres. Une perte de chance de 50% sera retenue, ramenée toutefois au montant de la demande, soit 1.500€

- sur les autres demandes d’indemnisations

Le vendeur demande à être indemnisé par l’acquéreur défaillant des préjudices suivant :
- 67,03 € au titre de la sommation d'avoir à comparaître devant notaire
- 125 € au titre de l'établissement du PV de carence
- 162,68 € au titre des charges de copropriété réglé le 17/08/2022
- 167,86 € au titre des charges de copropriété réglé le 28/10/2022
- 200 € au titre de la taxe foncière pour la période août-décembre 2022
- 92 € au titre de l'assurance du logement pour la période août-décembre 2022
Soit un total de : 814,57 €

Réponse du Tribunal :

Le principe de ces préjudices est admis car en lien direct du manquement contractuel de l’acquéreur, leur quantum est limité et justifié, il y sera fait droit pour 814,57 €.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, ici l’acquéreur, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense. Une somme de 1.000 € sera retenue.

- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter, l’acquéreur ne rapportant pas précisément les arguments au soutien de sa demande.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX,

- CONDAMNE Mme [H] [C] à payer à Mme [O] [X] la somme globale de 10.314,57€ (8.000 + 1.500 + 814,57) ;

- AUTORISE Maître [T], notaire séquestre, à libérer la somme de 4.000 € au profit de Mme [X], la dite somme venant alors en déduction de la somme pré-citée ;

- CONDAMNE Mme [H] [C] aux entiers dépens ;

- CONDAMNE Mme [H] [C] à payer à Mme [O] [X] la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- REJETTE la demande tendant à voir écarter l'exécution provisoire ;

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.

Le présent jugement est signé par monsieur Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président et par madame Pascale BUSATO, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N° RG 23/02643 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XVXU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02643
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;23.02643 ?
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