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28/05/2024 | FRANCE | N°22/03157

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 28 mai 2024, 22/03157


N° RG 22/03157 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRX6
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND



50D

N° RG 22/03157 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRX6

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[B] [F]

C/


S.A.S. PSA RETAIL FRANCE







Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SAS DELTA AVOCATS
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 28 MAI 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL r>Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ, Greffier lors des débats et Pascale BUSATO, Greffier lors du prononcé


DÉBATS

A l’audience publ...

N° RG 22/03157 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRX6
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

50D

N° RG 22/03157 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRX6

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[B] [F]

C/

S.A.S. PSA RETAIL FRANCE

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SAS DELTA AVOCATS
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 28 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ, Greffier lors des débats et Pascale BUSATO, Greffier lors du prononcé

DÉBATS

A l’audience publique du 26 Mars 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEUR

Monsieur [B] [F]
né le 07 Août 1974 à Angola -Luanda
de nationalité Française
12 rue Georges Pompidou
33400 Talence

représenté par Maître Fernando SILVA de la SAS DELTA AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

S.A.S. PSA RETAIL FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège
PSA RETAIL QUENTIN-YVELINES, 2 Boulevard de l’Europe
78300 POISSY

représentée par Maître Marina RODRIGUES de l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX
N° RG 22/03157 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRX6

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :

Le 20 juillet 2019, les époux [F] (ci-après “le client”) ont acquis, auprès de la société GCA BORDEAUX (ci-après “le vendeur”), un véhicule d'occasion de marque CITROEN, modèle C4 AIRCROSS, immatriculé CB 236 QL, présentant un kilométrage de 134.680 km (ci-aprés “le véhicule”) pour un prix de 12.249,76 € TTC, avec le bénéfice d’une garantie contractuelle de 15 mois.

Le 13 août 2019, un problème est survenu, au Portugal, avec le niveau d'huile moteur du véhicule qui a été solutionné par un garagiste portugais.

Le 27/11/2019, à 139.086 km, à la demande du vendeur, le client a déposé son véhicule, auprès du garage PSA RETAIL MERIGNAC (ci-après “le garagiste”).

Des réparations portant notamment sur le turbo compresseur et les injecteurs ont été effectuées par le garagiste, réglées, le 13/02/2020, par le vendeur dans le cadre de la garantie contractuelle.

A 140.946 km est intervenue la dernière régénération aboutie du filtre à particules (FAP), selon les données recueillies sur le boitier électronique lors des opérations d’expertise du 22/09/202.
Le 8 juin 2020, à 141.102 km, constatant que la fonction Start and Stop du véhicule avait cessé de fonctionner, le client a déposé le véhicule auprès du garagiste, lequel a émis un bon de commande de travaux en date du même jour. Le 10/06/2020, le client a réglé le coût des travaux pour une somme de 197,40 euros TTC au titre d’un “diagnostic - recherche de panne”.

Le 6 juillet 2020, à 141.596 km, constatant que le voyant du filtre à particule (FAP) s'allumait en roulant, le client a confié son véhicule au garagiste. Un bon de commande de travaux a été signé par le client. Le garagiste a alors dressé un devis tendant au remplacement du filtre à particules pour un montant de 3.147,78 € TTC, réparations non prise en compte par la garantie contractuelle du vendeur.
Insatisfait, le client a refusé d’ordonner la réparation visée au devis et a refusé de récupérer son véhicule, lequel est resté chez le garagiste.

Le 17 décembre 2020, le client a assigné le garagiste ainsi que le vendeur afin d’expertise judiciaire et par Ordonnance du 12 juillet 2021, le Président du Tribunal Judiciaire a désigné M [M] (ci-après “l’expert”) en qualité d'expert judiciaire avec mission habituelle.

La réunion d’expertise a eu lieu le 22/09/2021 en présence des parties et de leurs conseils, le 29 novembre 2021, l’expert a déposé son rapport d'expertise.

Par courrier du 22/09/2021, le garagiste a demandé au client de retirer son véhicule sous peine de facturation de frais de gardiennage

Procédure:

Par assignation délivrée le 25/04/2022, le client a assigné le garagiste, la SAS PSA RETAIL FRANCE (devenue par la suite STELLANTIS & YOU FRANCE) à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Il convient de préciser que depuis cette assignation :

Le garagiste a constitué avocat et fait déposer des conclusions.
L'ordonnance de clôture est en date du 13/03/2024.
Les débats s’étant déroulés à l’audience du 26/03/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 28/05/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, M [F], le client :

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8/03/2024 et reprises à l'audience, le demandeur sollicite du Tribunal de :

DECLARER Monsieur [F] recevable et bien fondé en son action,

En conséquence,

ORDONNER le rabat de la clôture au jour des plaidoiries,

DEBOUTER la Société STELLANTIS & YOU FRANCE (anciennement dénommée PSA RETAIL France) de ses demandes fins et conclusions,

CONDAMNER la Société STELLANTIS & YOU FRANCE (anciennement dénommée PSA RETAIL France) au paiement de la somme de 3.147,78 € en réparation du préjudice matériel subi,

CONDAMNER la Société STELLANTIS & YOU FRANCE (anciennement dénommée PSA RETAIL France) au paiement de la somme de 2.113,73 € en réparation du préjudice économique subi,

CONDAMNER la Société STELLANTIS & YOU FRANCE (anciennement dénommée PSA RETAIL France) au paiement de la somme de 27.200 € en réparation du préjudice de jouissance subi,

A titre subsidiaire,

CONDAMNER la Société STELLANTIS & YOU FRANCE (anciennement dénommée PSA RETAIL France) au paiement de la somme de 11.250 € en réparation du préjudice de jouissance subi,
En tout état de cause,

CONDAMNER la Société STELLANTIS & YOU FRANCE (anciennement dénommée PSA RETAIL France) au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la Société STELLANTIS & YOU FRANCE (anciennement dénommée PSA RETAIL France) aux entiers dépens de l'instance en ce compris le coût de l'expert judiciaire s'élevant à la somme de 2.490,79 €,

RAPPELER que l'exécution provisoire est de droit.

Le client soutient que, contrairement à ce que l'expert judiciaire a retenu, les trajets qu'il effectuait pour se rendre de son domicile à son lieu de travail impliquaient 70 km d'autoroute par jour. Ainsi, les conditions d'utilisation du véhicule n'aurait pas entraîné le colmatage du filtre à particule.

Il affirme que le garagiste aurait dû lui recommander une régénération forcée du filtre à particule lors du passage du véhicule au banc de diagnostic le 8 juin 2020 le voyant FAP étant selon lui déjà allumé à cette date.

Aussi il prétend que - à défaut de la responsabilité de plein droit au titre d'une obligation de résultat - la faute du garagiste serait établie, comme l'expert judiciaire l'aurait retenu dans son rapport en indiquant que le garagiste n'aurait pas remédié au voyant d'alerte moteur qui serait resté allumé après colmatage partiel du filtre à particules

Il soutient par ailleurs que le garagiste serait tenu à son encontre une obligation de conseil et qu’en l'espèce si le garagiste lui avait proposé la régénération du filtre à particules lors de son intervention le 8 juin 2020 le désordre survenu au mois de juillet suivant ne se serait pas produit, il soutient donc que le lien de causalité entre le dommage et la faute du garagiste serait avéré.

S'agissant des préjudices il conteste la proposition de l'expert judiciaire tendant à tenter un nettoyage du filtre à particules estimant qu’il ne serait pas garanti que ce procédé soit efficace à terme. A ce titre, il rappelle que le garagiste ce serait opposé fermement à cette solution, refusant d'y procéder par lui même.

Il invoque les préjudices économiques tenant au frais de diagnostic effectué lors de la réunion d'expertise, des coûts d'assurance durant la période d'immobilisation du mois de juillet 2020 au mois de novembre 2021, immobilisation causée en raison de la défaillance du garagiste, ainsi que son préjudice de jouissance qu’il fixe à hauteur d'un devis de location d'un véhicule équivalent pour une somme de 1.700€ par mois, ramenée, à titre subsidiaire, à 250€ par mois selon préconisation de l'expert, tout en affirmant qu'il serait impossible de louer un véhicule de ce style pour une somme de cet ordre.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, STELLANTIS, le garagiste :

Dans ses dernières conclusions en date du 27/06/2023 le défendeur demande au tribunal de :

Juger que la responsabilité de la SAS STELLANTIS & YOU FRANCE ne saurait être engagée en l'absence de faute de celle-ci au titre du colmatage du filtre à particules du véhicule de Monsieur [F], et de lien de causalité entre une prétendue faute et le préjudice dont il se prévaut ;

Débouter en conséquence Monsieur [F] de la totalité de ses demandes, fins et conclusions ;

Juger en tout état de cause que Monsieur [F] ne justifie nullement de ses préjudices ;

Condamner Monsieur [F] à verser à la SAS STELLANTIS & YOU FRANCE une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner Monsieur [F] aux entiers dépens, en ce compris ceux de référé, les honoraires de l'expert judiciaire et ceux de la présente instance, avec distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile, au profit de Maître Marina RODRIGUES, avocat au Barreau de Bordeaux.

Le garagiste affirme que sa responsabilité de plein droit ne peut être engagée en ce que pour pouvoir mettre en œuvre ladite responsabilité le demandeur doit rapporter la preuve que le dommage subi par son véhicule trouve son origine dans la prestation fournie par le garagiste ; alors qu'en l'espèce les désordres à savoir le colmatage n'aurait aucun rapport avec son invention car le filtre à particules ce serait colmaté du seul fait de l'utilisation exclusive du véhicule en zone urbaine par le client. Ainsi, le colmatage n'aurait aucun rapport avec les réparations qu’il avait effectué précédemment à ce colmatage.
Le client ne rapporterait pas plus la preuve d'une faute de sa part car si l'expert a conclu en ce sens ce serait après avoir tenu pour acquis que le voyant fap était allumé lorsque le véhicule a été pris en charge le 8 juin 2020 et que le même voyant serait resté allumé à la sortie des ateliers. Il conteste fermement cette hypothèse. Il affirme que si cela avait été le cas cela aurait été noté sur le bon de commande car le voyant fap est un voyant séparé et que le garagiste aurait alors proposé de diagnostiquer la panne ce qui a été fait le 6 juin 2020 lorsque le véhicule a cette fois été déposé dans ces ateliers pour le motif “voyant FAP s'allume en roulant”. Il s'offusque de ce que on puisse affirmer que le véhicule aurait pu sortir de ses ateliers avec le voyant toujours allumé ; alors que de manière générale un véhicule ne peut sortir du garage avec un voyant allumé, quel que soit le voyant. Il tient pour acquis que le voyant FAP ne se serait allumé qu'au mois de juillet 2020 tel que cela ressortait au mémoire introductif d'instance.
L'expert ne se serait ainsi fié qu’aux seuls dires de Mme [F] alors même que ses déclarations à l'expert seraient pour le moins imprécises et pour certaines inconcevables.

Par ailleurs il conteste le lien de causalité entre la supposée faute et les préjudices invoqués par le client.

Il prétend avoir respecté son obligation de conseil, réaffirmant que selon lui, le 8 juin 2020, le voyant fap n'était pas allumé ; alors qu'au surplus, un garagiste n'aurait aucun intérêt ne serait-ce que financier à minorer la réparation qui doit être effectuée sur le véhicule du client.

S'agissant des demandes de réparation il conteste le principe du poste de préjudice relatif aux frais d'assurance rappelant que l'obligation d'assurance pèse sur tout propriétaire de véhicule, qu'il soit immobilisé ou roulant.

Le garagiste soutien que l'immobilisation du véhicule serait exclusivement imputable au client alors que, dès le 6 juillet 2020, il a proposé son intervention sur le filtre à particules qui aurait mis fin à l’immobilisation et que ce n'est qu'en raison du refus du client que l'immobilisation a perduré.
- - -
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire

- en synthèse, le rapport de l'expert judiciaire (pièce 10, le garage) dit que :

les désordres sur le véhicule consistent en un colmatage actuel du FAP (filtre à particules), le colmatage est la conséquence d'une utilisation du véhicule exclusivement en zone urbaine depuis la régénération réussie du filtre à particules à 140.946 kmLa réparation du garagiste le 10 juin 2020 à consister à procéder à des réinitialisations électriques après le remplacement de la batterie par les propriétaires mais n'a pas remédié au voyant d'alerte moteur qui restait allumé après le colmatage partiel du filtre à particulesl'expert attribue les causes du dommage actuel à savoir le colmatage important du filtre à particule à d'une part l'utilisation exclusive du véhicule en zone urbaine sur de petits trajets sur plusieurs mois entraînant une impossibilité de régénération automatique du filtre à particules et d'autre part la non proposition par le garagiste de la régénération nécessaire du filtre à particules le 8 janvier 2020 alors que le voyant d'alerte fap était allumél'expert fixe le prix actuel du véhicule compte tenu du prix du marché et du défaut constaté à hauteur de 9.000€ TTCl'expert estime que le montant de réparation proposé par le garagiste à hauteur de 3.147€ est acceptable ; toutefois il estime qu'une tentative de nettoyage du FAP pourrait être tentée contre un montant estimé de 200€, au moyen d'un procédé BARDHAL chez des professionnels qui réparent toutes marques de véhicule.Pour répondre aux dires du client, l'expert indique qu'une utilisation du véhicule sur seulement 15 km d'autoroute ne suffit pas pour régénérer un fap alors que le l'utilisateur devrait impérativement effectuer très régulièrement des longs trajets estimés à environ 80 km.
S'agissant de son appréciation sur les préjudice l'expert fait valoir que ceux-ci auraient pu être très fortement réduits si le nettoyage du FAP avait été effectué ou tenté contre un montant de 200€ TTC environ.

- sur le sort des demandes de donner acte et autres demandes ne constituant pas des prétentions

Le tribunal rappelle à titre liminaire qu'il n'a pas à statuer sur les demandes de "donner acte" ou "constater" de "déclarer" ou de "juger" qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles demandes ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d'une prétention dans la partie "discussion" des conclusions.

Sur la demande de révocation de l’Ordonnance de clôture

Cette demande, bien que figurant au dispositif des conclusions de M [F], ne repose sur aucun argument développé ; alors que les dernières conclusions des parties sont en dates respectives des 27/06/2023 et 8/03/2024, soit toutes deux antérieures à l’Ordonnance prononçant la clôture en date du 13/03/2024, de sorte que la demande sans véritable objet ne peut qu’être rejetée.

Sur le manquement du garage ses obligations de résultat et de conseil

En droit, selon l'article 1231-1 du code civil :

"Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure."

En l'espèce, il n’est pas démontré par le client que lorsque qu’il a confié son véhicule au garagiste le 8/06/2020 le tableau de bord de celui-ci indiquait le voyant orange “FAP” allumé, si tel avait était le cas, cette indication essentielle de panne possible aurait été mentionnée au bon de commande (d’intervention). Or, le bon ne fait état, outre l’absence de fonctionnement du “Stop / Start”, que de la mention d’un “voyant diag (diagnostique) reste allumé”, ce qui est différent du voyant “FAP”. A ce titre les déclarations de Mme [F] - selon lesquelles le voyant (lequel ?) serait resté allumé dés le voyage au Portugal jusqu’à l’expertise, sans jamais avoir cessé - sont contredites d’une part, par les termes de l’assignation introductive qui indiquent, après avoir mentionné la restitution du véhicule à la suite de l’intervention par le garagiste le 8 juin : “au mois de juillet 2020, le voyant du filtre à particules (FAP) s’est allumé en roulant”, formulation des faits reprise à l’identique aux dernières conclusions du client (point 10, page 4/13, conclusions du 8/03/2024 et d’autre part par la logique économique qui incite tout réparateur à proposer à son client l’ensemble des réparations justifiées techniquement susceptibles d’accroître le montant de son chiffre d’affaire et de sa marge brute.

Il ne peut donc être reproché au garagiste de ne pas avoir diagnostiqué la nécessité d’une régénération forcée du FAP avant son colmatage total.

Toutefois, il convient de relever que - selon les données recueillies sur le boitier électronique lors des opérations d'expertise du 22/09/202 - au kilométrage 140.946 km est intervenue une “dernière régénération aboutie” du filtre à particules (FAP). La régénération ne peut selon l’expert résulter que : soit d’un régénération automatique en roulant assez longtemps à allure soutenue (plus de 3.000 t/m), soit d’une régénération imposée en garage (à temps, c’est à dire avant que le véhicule ne soit réduit à un mode dégradé ). Or, dans la mesure ou cette dernière hypothèse n’est pas évoquée ni rapportée, il convient de relever que la conduite du client critiquée par l’expert n’a pas pour autant fait obstacle à cette régénération automatique intervenue entre la sortie du garage en février 2020 et le 8/06/2020, exactement 156 km plus tard, de sorte que les dites conditions de conduites ne s’opposaient pas à une prise en charge de la difficulté.

Le garagiste est intervenu le 8/06/2020 avec pour ordre d’investigation la panne évoquée par le client s’agissant du “Stop et Start”, outre le voyant “diag”. Dans la mesure où la panne du “Stop et Start” est l’un des symptômes ou prémices du colmatage du filtre à particules, il appartenait au garagiste d’une part, de procéder à des investigations en ce sens ou à tout le moins de les proposer au client et d’autre part, de conseiller à son client soit de faire-faire une régénération imposée en atelier, soit de lui indiquer ou lui rappeler précisément la méthode de la régénération automatique (en roulant sur plusieurs dizaines de kilomètres en allure soutenue).

Le garagiste ne fait pas la démonstration d’avoir effectuer ces démarches que l’état du véhicule lui imposait, il sera tenu pour responsable.

Sur le lien de causalité avec le dommage

Il est évident que si le garagiste avait les démarches pré-citées auprès de son client en date du 8/06/2020, alors que la carte de gestion électronique n’avait pas encore réduit l’usage du véhicule en mode dégradé, une opération de décalaminage (dé-colmatage) aurait alors empêché le colmatage total du FAP, lequel interdit toute opération de régénération imposée en atelier.

Sur l’indemnisation des préjudices indemnisables :

- sur le préjudice lié à la remise en état du véhicule

Selon l’expert, les régénérations du FAP étant exclues, seul reste comme solution de réparation du dommage actuel (colmatage total du FAP), soit le remplacement du FAP pour un coût de 3.147 €, soit une tentative de nettoyage du FAP par une entreprise spécialisée pour un coût de 200€.

Le client qui a récupéré son véhicule n’indique pas avoir procédé à l’une ou l’autre de ces solutions, de sorte que c’est en terme de perte de chance qu’il convient d’apprécier l’indemnisation du préjudice de réparation qu’il convient ainsi de fixer à hauteur de (3.147 - 200 / 2), soit 1.473,50€.

- s'agissant du remboursement du montant de la facture du garage

Le Tribunal retient que les manquements du garagiste dans l'exécution des prestations ayant conduit à une absence d’obstacle au colmatage total du FAP font peser sur lui l’obligation de rembourser au client le montant de sa facture d’assistance aux opérations d’expertise pour un montant de 240€.
Il sera donc condamné à ce titre.

- s’agissant des frais d’assurance

C’est à juste titre que le défendeur fait valoir que les frais d’assurances résultent d’une obligation légale. Le Tribunal complète en rappelant qu’à partir du moment où le véhicule est confié à un réparateur professionnel, la responsabilité civile qui découle du fait ou de la conduite du véhicule repose sur le seul garagiste et qu’il appartient à ce dernier de s’assurer pour ces risques ; de sorte que le client peut obtenir de son assureur la suspension (sans frais) de sa police d’assurance pendant toute la période d’immobilisation chez le garagiste. Aussi, les cotisations émises et payées par le client pour la période où le véhicule est resté immobilisé chez le garagiste ressortent d’un choix délibéré de l’assuré ou encore de sa négligence.

Il ne peut donc exiger une indemnisation à ce titre.

- s'agissant du préjudice de jouissance

La demande porte sur une période d'immobilisation depuis l’immobilisation en date du 6/07/2020 sur une période de 16 mois.

Le Tribunal ayant retenu la responsabilité du garage pour manquements à ses obligations de résultat et de conseil - retient la période d'immobilisation comprise entre : d'une part, le 6/07/2020, soit à la date de l’intervention fautive du garage, et un mois passé le dépôt du rapport de l'expert judiciaire, soit le 29/12/2021, soit sur 542 jours.

Cette immobilisation résulte de deux causes distinctes:

- d’une part, des manquements contractuels du garagiste sus-visés ayant contribué au colmatage total du FAP,
- d’autre part, du refus du client de procéder à la réparation préconisée par le garagiste dès le 7/07/2020 ou encore de celle préconisée par l’expert d’un nettoyage du FAP de sorte qu’un partage de responsabilité à hauteur de 50/50 sera retenu,

N° RG 22/03157 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRX6

Il convient donc d'indemniser le client pour son préjudice de jouissance à raison de l’immobilisation de son véhicule pour la période retenue, étant précisé qu’il a déclaré à l’expert qu’il disposait d’autres véhicules, à hauteur de 10€ par jour, soit 5.420€ à partagé en deux, soit 2.620 €.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, ici le garagiste, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense. Une somme de 1.000 € sera retenue.

- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX,

- DIT n’y avoir lieu à “rabat de clôture” ;

- CONDAMNE la SAS STELLANTIS & YOU FRANCE (anciennement PSA RETAIL FRANCE) à payer à M [B] [F] la somme de 4.333,50 € en réparation des préjudices subis;

- DÉBOUTE M [B] [F] pour le surplus de ses demandes indemnitaires ;

- CONDAMNE la SAS STELLANTIS & YOU FRANCE aux entiers dépens, ce y compris les frais de l’expertise judiciaire réalisée par M [M] ;

- CONDAMNE la SAS STELLANTIS & YOU FRANCE à payer à M [B] [F] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties ;

La présente décision est signée par monsieur Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président, et par madame Pascale BUSATO, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/03157
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;22.03157 ?
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