La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2024 | FRANCE | N°24/00592

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 21 mai 2024, 24/00592


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 21 Mai 2024


DOSSIER N° RG 24/00592 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YWYG
Minute n° 24/ 174


DEMANDEUR

Madame [M] [R] [H] [G]
née le 11 Mars 1984 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Nadine DESSANG de la SELARL CDN JURIS, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Monsieur [B] [C] [V]
né le 07 Octobre 1979 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]

représenté par Maître Elena ALTAPARMAKOVA,

avocat au barreau de BORDEAUX


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Gr...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 21 Mai 2024

DOSSIER N° RG 24/00592 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YWYG
Minute n° 24/ 174

DEMANDEUR

Madame [M] [R] [H] [G]
née le 11 Mars 1984 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Nadine DESSANG de la SELARL CDN JURIS, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Monsieur [B] [C] [V]
né le 07 Octobre 1979 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]

représenté par Maître Elena ALTAPARMAKOVA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 09 Avril 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 21 Mai 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 21 mai 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Selon convention de divorce par consentement mutuel contresignée par avocats et enregistrée au rang des minutes de Me [P] le 9 juin 2023, Monsieur [B] [V] et Madame [M] [G] ont divorcé et réglé les conséquences patrimoniales et personnelles de leur séparation notamment en prévoyant l’attribution du domicile conjugal à Monsieur [V] moyennant le versement par ce dernier d’une soulte.

Par acte du 11 décembre 2023, Monsieur [V] a fait délivrer à Madame [G] un commandement de quitter les lieux.

Par requête reçue le 25 janvier 2024, Madame [G] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin d’obtenir un délai pour quitter les lieux.

A l’audience du 9 avril 2024, elle sollicite que le commandement de quitter les lieux soit déclaré nul. A défaut, elle sollicite que sa demande de délais soit déclarée recevable et qu’il lui soit accordé un délai de 3 mois pour quitter les lieux. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation du défendeur aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre le rejet de la demande reconventionnelle de Monsieur [V].

Au soutien de sa demande principale et au visa de l’article L411-1 du Code des procédures civiles d’exécution, elle fait valoir que le commandement de quitter les lieux est nul, aucune décision de justice n’ayant été rendue avant la délivrance de cet acte. Subsidiairement, elle soutient que sa demande de délais de grâce doit être déclarée recevable, la convention de divorce s’assimilant à un titre exécutoire aux termes de l’article L111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, soulignant que la jurisprudence n’interprète pas cet article de façon stricte. Au soutien de sa demande de délais, elle fait valoir qu’elle vit désormais avec son compagnon qui a deux enfants à charge en résidence alternée et que le couple n’a pas jusqu’ici pu trouver d’autre logement adapté. Elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts de Monsieur [V] ainsi qu’à sa demande de pouvoir paraître sur les lieux pour récupérer des affaires compte tenu de leurs relations très conflictuelles et au regard de l’absence de compétence du juge de l’exécution pour faire droit à cette prétention.

A l’audience du 9 avril 2024, Monsieur [V] conclut à l’incompétence du juge de l’exécution pour allouer des délais pour quitter les lieux et au rejet de la demande de délais de Madame [G]. A titre reconventionnel, il sollicite la condamnation de Madame [G] à lui laisser accéder à la parcelle pour récupérer divers objets ou à défaut que la demanderesse soit condamnée sous astreinte à lui remettre ces objets. En tout état de cause, il sollicite la condamnation de Madame [G] à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Monsieur [V] soutient que le juge de l’exécution ne peut allouer des délais qu’après une expulsion judiciairement ordonnée, la convention de divorce contresignée par avocats ne revêtant pas cette qualité. Il conteste toute nullité du commandement de quitter les lieux considérant qu’au plan européen l’accord des ex-époux est constitutif d’une décision judiciaire et à tout le moins d’un procès-verbal de conciliation exécutoire. A titre subsidiaire, il s’oppose à l’accord de tout délai soulignant que Madame [G] ne justifie pas de recherches sérieuses d’un nouveau logement, qu’il a offert d’accueillir ses enfants à son domicile pour faciliter les recherches et ainsi réduire le nombre de personnes devant vivre au domicile. Il souligne la mauvaise foi de Madame [G] qui ne justifie pas de l’absence de rétractation du compromis de vente et de l’accord donné par un établissement bancaire pour financer cet achat. Il fait valoir exposer lui-même des dépenses importantes. Il soutient enfin subir un grave préjudice du fait du maintien dans les lieux de la demanderesse, le contraignant à continuer à acquitter un prêt onéreux alors qu’il expose de nombreuses charges par ailleurs, le conflit autour du départ des lieux ayant rejailli de façon délétère sur sa relation avec ses enfants. Il sollicite enfin le droit de pénétrer sur le terrain dont il, rappelle qu’il est vaste pour accéder aux dépendances de la maison où sont entreposées ses affaires.

Le délibéré a été fixé au 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du commandement pour quitter les lieux en date du 11 décembre 2023

Si l’article L111-3 du Code des procédures civiles d’exécution liste les actes susceptibles d’être qualifiés de titres exécutoires, les dispositions spécifiques de l’article L411-1 du même code prévoient :
« Sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux. »

Cet article limite donc précisément les titres susceptibles de fonder une expulsion au regard des conséquences potentiellement gravement préjudiciables d’un tel acte, justifiant un examen par le juge de la régularité de la procédure. Ainsi un acte notarié ne saurait fonder une telle mesure. Seul une décision de justice ou un procès-verbal de conciliation exécutoire qui par nature est signé par le juge et les parties et permet l’intervention et le contrôle du juge peuvent fonder une telle mesure.

Si cette convention de divorce peut être regardée comme une décision au sens du droit communautaire et du Règlement Bruxelles II ter comme le défendeur l’invoque, il n’en demeure pas moins que cette convention ne peut être considérée comme une décision de justice strictement entendue au sens de l’article L411-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le législateur ayant exigé qu’un juge ait à se prononcer sur le bienfondé de l’expulsion ordonnée. Cet acte ne saurait davantage équivaloir à un procès-verbal de conciliation exécutoire puisque le juge ne l’a pas signé et n’a par définition pas contrôlé son contenu.

Le commandement de quitter les lieux en date du 11 décembre 2023 n’ayant pas été précédé d’une décision de justice au sens du texte précité, il sera déclaré nul et de nul effet, tout comme la totalité de la procédure d’expulsion subséquente.

Sur la demande reconventionnelle

L’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire prévoit : « Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution. »

En l’espèce, il n’est pas contesté que la convention de divorce, si elle est insuffisante à fonder une mesure d’expulsion, est néanmoins constitutive d’un titre exécutoire au sens de l’article L111-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

La demande tendant à être autorisé à reprendre les biens personnels étant prévue par la convention de divorce, la mise en œuvre de ce droit ressort bien de l’exécution forcée de la décision et partant de la compétence du juge de l’exécution.

Toutefois, cette convention prévoit en son article relatif aux vêtements et objets personnels : « Les époux [V]-[G] déclarent être en possession de leurs vêtements et objets personnels et, ce de ce chef, être remplis de leurs droits. » Les objets réclamés dans le cadre de la présente instance sont listés au titre des affaires personnelles de l’époux en page 4 de la convention.

Dès lors Monsieur [V] est présumé être rempli de ses droits et avoir repris la possession de ses affaires. Madame [G] ne conteste toutefois pas l’absence de remise de ces biens dans ses écritures s’opposant simplement à l’accord d’un droit de pénétrer sur les lieux en raison des relations conflictuelles manifestes entre les parties.
Il sera donc fait injonction à Madame [G] de remettre les biens litigieux en les mettant à la disposition de Monsieur [V] dans les meilleurs délais et au plus tard dans le délai d’un mois suivant la signification de la présente décision.

Compte tenu du conflit important opposant les parties et des effets délétères de celui-ci sur les enfants du couple ainsi qu’en témoigne la saisine du juge des enfants, il n’y a pas lieu de prévoir une astreinte, facteur de potentiel conflit supplémentaire.

Sur la demande de dommages et intérêts

L’article 1240 du Code civil fait obligation à celui ayant causé à autrui un dommage de le réparer.

Monsieur [V] fait valoir qu’il a dû renoncer à un projet professionnel et expose de très importantes charges financières en raison du maintien dans les lieux de Madame [G] alors qu’il avait initialement prévu de lui verser une soulte pour lui permettre d’avoir un apport.

Il ressort toutefois de la convention de divorce que Madame [G] est tenue de libérer les lieux ou devra à défaut payer une indemnité d’occupation de 1.000 euros mensuels. Monsieur [V] dispose donc d’ores et déjà de la possibilité de recouvrer les sommes dues à ce titre et de réduire les charges acquittées pour l’ancien domicile conjugal. En tout état de cause, l’attestation versée aux débats quant à la renonciation à son projet professionnel fait état d’une « réflexion sur sa situation personnelle » ce qui ne permet pas d’imputer sa renonciation au maintien dans les lieux de la demanderesse.

En l’absence de preuve du lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice, il sera débouté de sa demande.

Sur les autres demandes

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [V], partie perdante, subira les dépens. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’Exécution, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,

ANNULE le commandement de quitter les lieux délivré le 11 décembre 2023 à Madame [M] [G] à l’initiative de Monsieur [B] [V] ainsi que tous les actes relatifs à la tentative d’expulsion subséquente ;

ENJOINT à Madame [M] [G] de mettre à la disposition de Monsieur [B] [V] les biens suivants dans les meilleurs délais et au plus tard à l’expiration du délai d’un mois suivant la signification de la présente décision :
- le véhicule de marque FORD FUSION immatriculé [Immatriculation 4]
- le véhicule de marque PEUGEOT 807 immatriculé [Immatriculation 3],
- les ruches de format DANDAT, le matériel afférant à ce format (grille, hausse, ruchettes) et le matériel de miellerie,
- ses affaires personnelles entreposées dans les annexes du logement sis [Adresse 1], à charge pour lui de communiquer la liste précise des objets concernés au moins 48h avant de venir les chercher par l’intermédiaire de son conseil ;

DIT n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte ;

DEBOUTE Monsieur [B] [V] de sa demande de dommages et intérêts ;

REJETTE la demande de Madame [M] [G] et de Monsieur [B] [V] fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [B] [V] aux dépens ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel lui-même n’ayant pas d’effet suspensif par application des dispositions de l’article R. 121- 21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 24/00592
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-21;24.00592 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award