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21/05/2024 | FRANCE | N°23/10100

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 21 mai 2024, 23/10100


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 21 Mai 2024


DOSSIER N° RG 23/10100 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YP4Q
Minute n° 24/ 171


DEMANDEUR

S.A.S.U. TIC TACOS, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 917 906 471, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Maître Yoann DELHAYE, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Monsieur [U] [G]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6]
demeurant [Adres

se 4]
[Localité 2]

représenté par Maître Sylvie HADDAD de la SELARL IMPACT AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX


COMPOSITION DU TR...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 21 Mai 2024

DOSSIER N° RG 23/10100 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YP4Q
Minute n° 24/ 171

DEMANDEUR

S.A.S.U. TIC TACOS, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 917 906 471, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Maître Yoann DELHAYE, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Monsieur [U] [G]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 2]

représenté par Maître Sylvie HADDAD de la SELARL IMPACT AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 09 Avril 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 21 Mai 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 21 mai 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [U] [G] a fait diligenter sur les comptes bancaires de la SASU TIC TACOS une saisie conservatoire par acte du 28 septembre 2023. Cet acte a été dénoncé à la SASU TIC TACOS par acte du 2 octobre 2023.

Par acte de commissaire de justice signifié le 30 novembre 2023, la SASU TIC TACOS a fait assigner Monsieur [G] afin de voir ordonnée la mainlevée de la mesure conservatoire.

A l’audience du 9 avril 2024 et dans ses dernières conclusions, la SASU TIC TACOS sollicite que la nullité de la saisie conservatoire soit prononcée et que mainlevée en soit ordonnée. Elle demande la condamnation de Monsieur [G] à lui verser la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts outre les dépens et la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la demanderesse fait valoir que le procès-verbal de saisie doit être déclaré nul en ce qu’il ne comporte pas de décompte précis de la créance qu’il est censé garantir conformément à l’article R523-1 du Code des procédures civiles d’exécution. Elle conteste l’existence d’une créance fondée en son principe considérant que les loyers réclamés ont été versés entre les mains du mandataire du bailleur puis sur un compte séquestre en raison de l’absence de communication d’un compte bancaire où virer les sommes dues. S’agissant des charges, elle conteste les sommes réclamées en l’absence de justificatifs permettant la régularisation des avances payées et au regard de l’interdiction de revente de l’électricité faite aux particuliers. Elle conteste également la saisie conservatoire effectuée au titre des frais liés à la prestation de recouvrement et de l’acte de saisie, saisis hors de toute autorisation judiciaire. Elle conteste par ailleurs l’existence d’une menace pour le recouvrement de la créance soulignant qu’aucune mise en demeure ne lui a été adressée avant la réalisation de la saisie, qu’aucune réponse ne lui a été faite quand elle a informé le bailleur de la séquestration des loyers et au regard de l’opposition formée par le bailleur sur la distribution du prix de vente du fonds de commerce constituant une garantie suffisante pour ce dernier. Elle soutient enfin que la saisie pratiquée est abusive et lui a causé un préjudice au regard du blocage de ses comptes bancaires.

A l’audience du 9 avril 2024 et dans ses dernières écritures, le défendeur conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts outre les dépens et le paiement d’une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [G] soutient que l’imprécision du décompte n’est pas une cause de nullité de la saisie et que les sommes réclamées sont bien dues. Il souligne que les plaintes exposées par le locataire relativement à l’installation électrique n’ont fait l’objet d’aucune demande judiciaire et ne sauraient faire obstacle au recouvrement des loyers et charges. Il conteste avoir accepté un quelconque séquestre et souligne le caractère révocable de celui-ci, qui ne saurait donc constituer un séquestre judiciaire. Il précise qu’en conséquence, le paiement entre les mains d’un tiers ne peut être considéré comme libératoire. Il soutient enfin que la mauvaise foi de la demanderesse est établie alors qu’elle reste débitrice de nombreux loyers impayés du fait de la carence de son cessionnaire depuis la réalisation de la saisie conservatoire.

L’affaire a été mise en délibéré au 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire

L’article R523-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers.
Cet acte contient à peine de nullité :
1° L'énonciation des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
2° L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3° Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
4° La défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
5° La reproduction du troisième alinéa de l'article L. 141-2 et de l'article L. 211-3. »

Il est constant que seule l’absence totale de décompte constitue une cause de nullité, un décompte même sommaire étant suffisant.

En l’espèce, le procès-verbal de saisie en date du 28 septembre 2023 comporte bien un décompte mentionnant les sommes réclamées au titre des loyers et charges et au titre des frais. Le procès-verbal n’encourt donc aucun grief de nullité.

- Sur la saisie conservatoire

L’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire. »

Deux conditions cumulatives sont donc imposées par ce texte pour la prise d’une mesure conservatoire : l’existence d’une apparence de créance et une menace sur son recouvrement.

Il est constant qu’une apparence de créance est suffisante et que celle-ci doit seulement être vraisemblable et son montant peut être fixé de façon provisoire. La menace pour le recouvrement de la créance peut quant à elle être fondée sur la situation objective du débiteur ou résulter d’une appréciation des conséquences subjectives de son attitude.
La charge de la preuve de la réunion de ces conditions repose sur la partie se prévalant de la qualité de créancier.

En l’espèce, le courrier du 6 novembre 2023 produit par la demanderesse en pièce 15 établit que Monsieur [G] a formé opposition au paiement du prix de vente de fonds de commerce cédé par la SASU TIC TACOS à la société KASA. Cette cession est intervenue pour une somme de 10.000 euros ainsi qu’en atteste l’acte de cession versé aux débats.

Monsieur [G] dispose donc d’une garantie suffisante pour garantir la créance qu’il évalue dans le courrier matérialisant cette opposition, à environ 6.500 euros. Par ailleurs, la SASU TIC TACOS justifie du versement de trois loyers de 650 euros sur le compte CARPA de son conseil. Sans qu’il revienne à la présente juridiction de statuer sur le bien-fondé de la mise sous séquestre des loyers, force est de constater que ces sommes étaient disponibles sur le compte CARPA au 3 octobre 2023, date du relevé et que le bailleur en a été informé par courrier recommandé du 27 juillet 2023.

Monsieur [G] ne démontre donc pas l’existence d’une menace pesant sur le recouvrement de sa créance. Il y a donc lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire diligentée sur les comptes bancaires de la SASU TIC TACOS.

- Sur l’abus de saisie

La demande de la SASU TIC TACOS s’analyse en réalité en une demande de dommages et intérêts pour saisie abusive, cette dernière étant demanderesse à la présente instance et ne pouvant dès lors pas reprocher à Monsieur [G] une action en justice abusive.

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie. »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.

En l’espèce, il ressort des échanges entre les parties des relations commerciales dégradées et un litige ancien quant au dispositif de fourniture d’électricité. Il n’est dans ce contexte pas surprenant que Monsieur [G] ait souhaité voir garantir ses droits, la saisie étant intervenue avant l’opposition à la distribution du prix de vente du fonds de commerce.

L’abus de saisie n’est donc pas démontré et la demande de dommages et intérêts sur ce fondement sera rejetée.

- Sur l’abus du droit d’agir

L’article 1240 du Code civil permet de réprimer l’abus du droit d’agir en justice quand celui-ci est exercé avec une mauvaise foi équipollente au dol ou une intention de nuire.

La SASU TIC TACOS, qui a vu sa demande principale aboutir, n’a pas diligenté une action abusive en sollicitant à bon droit la mainlevée de la mesure de saisie conservatoire. La demande de dommages et intérêts du défendeur sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [U] [G], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
REJETTE la demande d’annulation du procès-verbal de saisie conservatoire en date du 28 septembre 2023 sur les comptes bancaires de la SASU TIC TACOS à la diligence de Monsieur [U] [G] ;
ORDONNE la mainlevée de la saisie conservatoire réalisée par acte du 28 septembre 2023 sur les comptes bancaires de la SASU TIC TACOS à la diligence de Monsieur [U] [G] ;
REJETTE les demandes de dommages et intérêts des deux parties ;
CONDAMNE Monsieur [U] [G] à payer à la SASU TIC TACOS la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [U] [G] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/10100
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-21;23.10100 ?
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