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21/05/2024 | FRANCE | N°23/08454

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 21 mai 2024, 23/08454


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 21 Mai 2024


DOSSIER N° RG 23/08454 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YLOF
Minute n° 24/ 170


DEMANDEURS

S.C.I. CAP OCEAN [Localité 6], inscrite au RCS de Bordeaux sous le n° 419263025, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
dont le siège social est [Adresse 4]

non comparante

Madame [U] [H]
née le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 3]

comparante en personne


DEFENDEUR

Madame [Z] [L]
née le

[Date naissance 1] 1981 à [Localité 7]
demeurant Chez M. [E] [L]
[Adresse 5]

représentée par Maître Pierre CASTERA de l’AARPI CASTERA – SASSO...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 21 Mai 2024

DOSSIER N° RG 23/08454 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YLOF
Minute n° 24/ 170

DEMANDEURS

S.C.I. CAP OCEAN [Localité 6], inscrite au RCS de Bordeaux sous le n° 419263025, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
dont le siège social est [Adresse 4]

non comparante

Madame [U] [H]
née le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 3]

comparante en personne

DEFENDEUR

Madame [Z] [L]
née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 7]
demeurant Chez M. [E] [L]
[Adresse 5]

représentée par Maître Pierre CASTERA de l’AARPI CASTERA – SASSOUST, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 09 Avril 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 21 Mai 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 21 mai 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux et du juge judiciaire de Bordeaux en date des 10 mai et 8 juillet 2022, la SCI CAP OCEAN [Localité 6] et Madame [U] [H] ont fait assigner Madame [Z] [L] par acte de commissaire de justice en date du 10 octobre 2023 afin de voir liquidée l’astreinte fixée par ces décisions.

A l’audience du 9 avril 2024 et dans leurs dernières conclusions, les demandeurs sollicitent la liquidation de l’astreinte à hauteur de 3.500 euros et la condamnation de la défenderesse à leur verser cette somme, outre 2.000 euros de dommages et intérêts. Ils demandent également la condamnation de la défenderesse aux dépens et à leur payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Ils demandent enfin à la présente juridiction d’adresser « une sévère semonce à la Commune de [Localité 6] » relativement aux autorisations de construire données qu’ils estiment contraires au PLU.

Au soutien de leurs prétentions, les demandeurs font valoir que nonobstant la suspension des travaux imposée par le tribunal administratif et le juge judiciaire ayant de surcroît prononcé une astreinte, les travaux de construction du lotissement se sont poursuivis, ainsi qu’en témoignent les constats d’huissier et de la police municipale versés aux débats.

A l’audience du 9 avril 2024 et dans ses dernières écritures, Madame [L] conclut à titre principal à l’irrecevabilité et au fond au rejet de toutes les demandes. Elle sollicite reconventionnellement que l’astreinte provisoire soit supprimée, et que les demandeurs soient condamnés à lui verser chacun la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts. En tout état de cause, elle conclut à la condamnation des demandeurs aux dépens et au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse soutient que les demandeurs ne justifient pas d’un intérêt légitime à agir en infraction avec l’article 31 du Code de procédure civile, dans la mesure où ils ne sauraient représenter l’intérêt général en leur seule qualité de voisins. Au fond, elle conteste la poursuite des travaux précisant que seuls sont suspendus les travaux autorisés par le permis de construire excluant ainsi les travaux intérieurs. Elle soutient qu’en tout état de cause les constats et pièces versés aux débats pour établir la continuation des travaux sont antérieurs à la signification de l’ordonnance de référé judiciaire et n’établissent en rien la poursuite des travaux incriminés. Elle s’oppose au paiement de tout dommages et intérêts considérant que les demandeurs s’acharnent à l’encontre de son projet sans raison valable. Reconventionnellement, elle sollicite la suppression de l’astreinte judiciaire considérant que celle-ci est trop vague et vient assortir la décision de référé du juge administratif qui dispose en elle-même de l’autorité de chose jugée, et aurait dû être saisi pour assortir sa décision d’une astreinte. Elle sollicite enfin des dommages et intérêts considérant être victime d’une procédure abusive et faire l’objet d’un véritable harcèlement de la part de ses voisins.

L’affaire a été mise en délibéré au 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

L’article 31 du Code de procédure civile prévoit : « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

Madame [H] et la SCI CAP OCEAN [Localité 6] se prévalent de l’ordonnance de référés des juges administratifs et judiciaires en date des 10 mai 2022 et du 8 juillet 2022, et notamment de cette dernière en ce qu’elle prévoit une astreinte dont ils sollicitent la liquidation. Les demandeurs étaient tous deux demandeurs à l’instance en référé ils justifient donc de leur intérêt à agir à la présente procédure et leur action sera déclarée recevable.

- Sur la demande à l’encontre de la commune de [Localité 6]

Cette demande ne saurait s’analyser en une prétention et il n’y sera donc pas répondu ce d’autant que l’appréciation de la validité des arrêtés contestés est déjà entre les mains du juge administratif saisi.

- Sur la liquidation de l’astreinte

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”

L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.

L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir”.

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère”.

Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d'une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l'atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l'évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.

Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que:
« Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. »

S’agissant d’une astreinte assortissant une obligation de ne pas faire, il appartient au créancier de cette obligation de démontrer l’existence de manquements.

En l’espèce, l’ordonnance de référé du tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 mai 2022 prévoit en son article 1er la suspension de l’exécution des articles 2 et suivants de l’arrêté du 5 janvier 2022 c’est à dire du permis de construire délivré à Madame [L].

L’ordonnance de référé du 8 juillet 2022 rendue contradictoirement, prévoit notamment quant à elle : « ORDONNE à Madame [L] de suspendre les travaux autorisés par arrêté du 5 janvier 2022 faisant l’objet d’une suspension prononcée par ordonnance de référé du 10 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux sous astreinte de 500 euros par infraction constatée. »

Cette ordonnance a été signifiée à Madame [L] par acte du 19 septembre 2023.

Les demandeurs versent aux débats :
- une capture d’écran de téléphone portable représentant une photographie de 6 boites aux lettres datée du 19 mai 2023
- trois captures d’écran de téléphone portable datées des 1 er août 2022, 13 août 2022 et 22 août 2022 montrant des personnes à proximité des maisons construites dont une montre des personnes attablés sous un barnum à l’arrière d’une maison.
- un rapport de constatation du 13 mai 2022 dressé par la police municipale de [Localité 6] venue notifier l’interruption des travaux à Madame [L], constatant la présence de plusieurs entreprises. Ils prennent des photographies des entreprises présentes sur les lieux et recueillent la déclaration de Madame [L] qui indique : « Je vais continuer mes travaux de mise en réseaux de la construction aujourd’hui ».
- un rapport de constatation du 19 juillet 2022 de la police municipale de [Localité 6] constatant la présence d’artisans procédant à des travaux à l’intérieur des bâtiments.

- un rapport de constatation en date du 30 juillet 2022 dressé par la police municipale de [Localité 6] où les policiers constatent la présence d’ouvriers sur le chantier effectuant des travaux à l’intérieur des bâtiments et ce depuis plusieurs jours
- un procès-verbal de constat en date des 27 et 30 mai 2022 ; l’huissier relatant avoir été bousculé et empêché de prendre des photographies par Madame [L] et son compagnon. Ce constat fait état de la présence d’ouvriers travaillant à l’intérieur des bâtiments mais également de la présence d‘une pelle mécanique utilisée pour effectuer des tranchées, ainsi que des travaux réalisés sur les façades
- un constat du 13 juillet 2022 mentionnant la présence de matériaux et de pots de peinture ainsi que d’outillage à proximité d’une façade outre des personnes rentrant et sortant des bâtiments.
- un constat du 18 juin 2022 mentionnant la présence d’une pelle mécanique et de personnes présentes sur le chantier. Un échafaudage a également été installé au droit du mur de Madame [H] avec une plaque de bois positionnée devant la fenêtre de son étage.

La liquidation de l’astreinte suppose que les infractions constatées l’aient été postérieurement à la signification de l’ordonnance de référé soit le 19 septembre 2023, seul cet acte pouvant établir la parfaite connaissance de la débitrice de l’astreinte assortissant l’obligation de ne pas faire et lui signifier l’intention des demandeurs à l’instance de se prévaloir de la décision.

Dès lors, l’ensemble des pièces versées sont antérieures à cette date et ne sauraient utilement établir le manquement à l’obligation de ne pas faire postérieur à la décision de référé. Les demandeurs seront donc déboutés de leurs prétentions relatives à la liquidation de l’astreinte.

- Sur la suppression de l’astreinte

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. »

Les moyens soulevés dans la présente procédure relativement à l’impossibilité pour le juge judiciaire d’assortir d’une astreinte une obligation imposée par le juge administratif ont déjà été tranchées par le juge des référés judiciaire et il n’appartient pas au juge de l’exécution de statuer sur ce point, son seul pouvoir étant d’interpréter les dispositions obscures. Le dispositif de l’ordonnance de référé du 8 juillet 2022 est par ailleurs très clair et ne justifie aucune interprétation.

Dès lors et en l’absence d’une décision de la juridiction administrative statuant sur la légalité de l’arrêté contesté et dont l’exécution est suspendue, il n’y a pas lieu de supprimer l’astreinte prévue par cette décision.

- Sur la résistance abusive

L’article L121-3 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « Le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive. »
Ainsi que cela a été démontré supra, les demandeurs n’établissent pas la commission de manquements par Madame [L] postérieurement à la signification de l’ordonnance de référé du 8 juillet 2022. Ils ne démontrent donc pas en quoi la défenderesse résiste à la bonne exécution de l’ordonnance du juge des référés administratif, pas plus qu’ils ne démontrent subir un préjudice. Ils seront donc déboutés de leur demande.

- Sur l’action abusive

L’article 1240 du Code civil permet de réprimer l’abus du droit d’agir en justice quand celui-ci est exercé avec une mauvaise foi équipollente au dol ou une intention de nuire.

La présente procédure s’inscrit dans le cadre d’un litige de voisinage ayant donné lieu à des débordements constatés tant par la police municipale que l’huissier intervenu pour dresser les constats. L’agressivité manifeste de la défenderesse dans le cadre de ce litige et la réponse judiciaire recherchée par les demandeurs empêchent de qualifier cette action d’abusive. Sa demande sera donc rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Les demandeurs, partie perdante, subiront les dépens et seront condamnés au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE l’action en justice intentée par la SCI CAP OCEAN [Localité 6] et Madame [U] [H] recevable ;
DEBOUTE la SCI CAP OCEAN [Localité 6] et Madame [U] [H] de toutes leurs demandes ;
DEBOUTE Madame [Z] [L] de sa demande de suppression d’astreinte et de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SCI CAP OCEAN [Localité 6] et Madame [U] [H] à payer à Madame [Z] [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI CAP OCEAN [Localité 6] et Madame [U] [H] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/08454
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-21;23.08454 ?
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