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21/05/2024 | FRANCE | N°23/00671

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 21 mai 2024, 23/00671


PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

PARTAGE NOTAIRE - EXPERTISE

28A

N° RG 23/00671 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XMLS

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[I] [E] veuve [L]

C/

[M] [A]-[L], [H] [L], [F] [L], [W] [L]


Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Amandine CLERET
Maître Laeticia CADY de la SELAS GAUTHIER-DELMAS
Me Jean-marie PUYBAREAU


2 CCC au Service des Expertises

Copie délivrée
le
au
Président de la chambre départementale des Notaires de la Gironde (par courriel)

T

RIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Pré...

PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

PARTAGE NOTAIRE - EXPERTISE

28A

N° RG 23/00671 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XMLS

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[I] [E] veuve [L]

C/

[M] [A]-[L], [H] [L], [F] [L], [W] [L]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Amandine CLERET
Maître Laeticia CADY de la SELAS GAUTHIER-DELMAS
Me Jean-marie PUYBAREAU

2 CCC au Service des Expertises

Copie délivrée
le
au
Président de la chambre départementale des Notaires de la Gironde (par courriel)

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 09 Avril 2024 sur rapport de Patricia COLOMBET, Vice-Présidente, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSE :

Madame [I] [E] veuve [L]
née le 10 Janvier 1932 à SAINTE CROIX DU MONT
de nationalité Française
Lieudit Laborie
33410 SAINTE CROIX DU MONT

représentée par Maître Laeticia CADY de la SELAS GAUTHIER-DELMAS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDEURS :

Madame [M] [A]-[L]
née le 07 Juillet 1958 à SAINTE CROIX DU MONT (33410)
de nationalité Française
10 rue du Dobropol
75017 PARIS 17

défaillant

Madame [H] [L]
née le 13 Juin 1954 à SAINTE CROIX DU MONT (33410)
de nationalité Française
11 le Bourg Sud
33210 SAINT PIERRE DE MONT

représentée par Me Amandine CLERET, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Monsieur [F] [L]
né le 16 Mai 1975 à POISSY (78498)
de nationalité Française
7 rue Laurent Fignon
Résidence Opus Verde batiment L appartement 302
33140 VILLENAVE D’ORNON

défaillant

Madame [W] [L]
née le 27 Août 1955 à SAINTE CROIX DU MONT (33410)
de nationalité Française
8 Les feuillets Les Bruyères du Crécy
58300 AVRIL SUR LOIRE

représentée par Me Jean-marie PUYBAREAU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

EXPOSE DU LITIGE

M. [P]-[U]-[S] [L] et Mme [I] [E] se sont mariés le 12 septembre 1953 après avoir souscrit un contrat de mariage de communauté réduite aux acquêts stipulant au profit du conjoint survivant un avantage matrimonial lui conférant l’usufruit de la moitié des biens communs revenant au conjoint prédécédé.

M. [P] [L] est décédé le 23 octobre 2019 laissant pour lui succéder:
-Mme [I] [E] son conjoint survivant dont il était séparé depuis 1983 sans dissolution du lien matrimonial, bénéficiaire de l’option prévue à l’article 757 du code civil au titre de ses droits légaux,
-les 4 enfants issus de leur union :
-Mme [H] [L], légataire de la totalité des biens du défunt situés à Saint Pierre de Mons et composant sa succession en vertu d’un testament olographe établi le 8 juin 2001 par [P] [L],
-M. [F] [L],
-Mme [W] [L]
-Mme [M] [A] [L].

L’actif de la succession de [P] [L], ouverte devant Maître [V], notaire à Bordeaux se compose de sa part dans la communauté comprenant divers mobiliers, liquidités et un bien immobilier situé à Saint Rémy de Provence, et de biens propres comprenant du mobilier et la maison d’habitation avec mobilier de Saint Pierre de Mons objet du legs du 8 juin 2001.

Au terme d’un acte reçu par Maître [V] le 20 juillet 2020, Mme [I] [E] a signé une déclaration d’option pour l’usufruit de la totalité des biens de la succession aux termes des dispositions de l’article 757 du code civil.

Par la suite, Mme [E] veuve [L] s’est prévalue de la nullité de l’option exercée le 20 juillet 2020, de l’absence de prise en compte de son avantage matrimonial, de son souhait d’opter pour le quart en pleine propriété de la succession de son époux, de l’utilisation des liquidités lui revenant pour payer les droits de succession de ses enfants et d’un problème de valorisation incomplète du bien légué à Mme [H] [L].

Invoquant l’absence de réponse de Maître [V] à ses demandes et l’impossibilité de parvenir à un accord entre les héritiers sur les difficultés soulevées, et donc sur le partage , Mme [E] veuve [L] a par actes distincts en date des 9 , 10 et 20 janvier 2023 assigné Mme [M] [A]-[L], Mme [H] [L], Mme [W] [L] et M. [F] [L] devant la présente juridiction afin de voir, ordonner le partage judiciaire de la communauté ayant existé avec [P] [L] et de la succession de celui-ci et trancher les difficultés opposant les héritiers.

Par conclusions notifiées par RPVA le 15 novembre 2023 et auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens Mme [I] [E] veuve [L] demande au tribunal au visa des articles 815 , 840, 757, 758-5, 777, 922, 924, 924-2 et 825 du code civil ainsi que des articles 1360 et suivants et 232 et suivants du code de procédure civile de :
-ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux [E]-[L] et de la succession de [P] [L],
-désigner pour y procéder le Président de la Chambre des notaires de la Gironde avec faculté de délégation, à l’exception de tous notaires déjà intervenus dans le dossier à quelque titre que ce soit, en ce compris Maître [Y] [V] et Maître [R], sous la surveillance d’un juge du siège,
-désigner un expert avec pour mission de fixer la valeur des biens suivants à la date du décès et à la date la plus proche du partage :
-un bien immobilier consistant en une maison d’habitation avec dépendances séparées comprenant un garage réhabilité en partie à usage d’habitation, petite cour et avec terrain constructible attenant situé Le Bourg Sud à Saint Pierre de Mons cadastré B 25, B 28 à B30,
-un bien immobilier (maison d’habitation) situé 1 avenue Gabriel Saint René Taillandier à Saint Rémy de Provence et cadastré AM 39,
-juger que les frais d’expertise seront employés en frais privilégiés de partage,
-donner mission au notaire commis de procéder à la réduction des libéralités et de chiffrer l’éventuelle indemnité de réduction qui sera due par la légataire Mme [H] [L],
-juger que Mme [E] est créancière de la somme de 87.149 euros utilisée pour régler les droits de succession, dette personnelle de chacun des héritiers dans les proportions suivantes :
- créance contre Mme [H] [L] : 52.670 euros,
- créance contre Mme [W] [L] : 11.493 euros,
- créance contre M. [F] [L] à hauteur de 11.493 euros,
- créance contre Mme [M] [A]-[L] : 11.493 euros,
-déclarer nulle l’option du 20 juillet 2020 signée par Mme [I] [E],
-juger que Mme [I] [E] opte pour le quart en pleine propriété de la succession de [P] [L],
-à défaut et subsidiairement, juger que l’usufruit successoral résultant de l’acte d’option du 20 juillet 2020 au bénéfice de Mme [E] s’exercera sur les biens propres du défunt objet du legs particulier, et par voie de capitalisation sur la nue-propriété des biens communs dépendant de la succession,
-condamner Mme [H] [L] à verser à Mme [I] [E] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
-rejeter les plus amples demandes formées par Mme [H] [L] et Mme [W] [L].

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 23 janvier 2024 auxquelles il convient également de renvoyer pour l’exposé de l’argumentaire, Mme [W] [L] entend voir sur le fondement des articles 815 , 840, 757, 777, 922, 924, 924-2, 825 et 1135 du code civil ainsi que des articles 1360 et suivants et 232 et suivants du code de procédure civile :
- ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de feu [P] [L],
-désigner pour y procéder le Président de la Chambre des notaires de la Gironde avec faculté de délégation, sous la surveillance d’un juge commis,
-désigner un expert avec pour mission de fixer la valeur du bien immobilier 1 avenue Gabriel Saint René Taillandier à Saint Rémy de Provence et cadastré AM 39 à charge pour Mme [I] [E] veuve [L] de faire l’avance des frais d’expertise,
-rejeter la demande de créance de 87.149 euros formulée par Mme [I] [E] veuve [L],
-déclarer valide l’acte d’option du 20 juillet 2020 signé par Mme [I] [E] veuve [L],
-condamner Mme [I] [E] veuve [L] à verser à Mme [W] [L] la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la requérante aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 30 janvier 2024, auxquelles il convient aussi de renvoyer pour l’exposé des moyens, Mme [H] [L] demande au tribunal au visa des articles 758-5, 758-6 et 761 et suivants du code civil mais également de l’article 1359 du code de procédure civile de :
-ordonner l’ouverture des opérations de comptes liquidation et partage du régime matrimonial ayant existé entre les époux [E]-[L] ainsi que de la succession de [P] [L],
-commettre un juge du siège pour suivre les opérations de liquidation et partage et faire son rapport en cas de difficultés,
-désigner Maître [R] notaire pour procéder auxdites opérations et à défaut un notaire désigné par le tribunal ou le Président de la Chambre des notaires pour y procéder avec faculté de délégation,
-juger qu’en cas d’empêchement des juge et notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance sur requête à la demande de la partie la plus diligente,
-désigner un expert près la Cour d’Appel d’Aix en Provence avec pour misison d’estimer le bien immobilier consistant en une maison d’habitation située 1 avenue Gabriel Saint René Taillandier à Saint Rémy de Provence cadastré AM 39, à la valeur du décès de [P] [L] et à la date la plus proche du partage,
-dire que l’expert devra convoquer les parties et se faire remettre tous documents utiles à sa mission d’expertise, qu’il devra déposer un pré-rapport avec faculté pour les parties de formuler des dires dans un délai d’un mois, puis un rapport définitif dans les 4 mois de la décision à intervenir,
-dire que les frais de cette expertise seront employés en frais privilégiés de partage et mettre à la charge de chacun une provision équivalente à titre provisoire
-débouter Mme [E] de sa demande d’expertise judiciaire pour estimer le bien situé à Saint Pierre de Mons 11 le Bourg Sud et cadastré section B 25, B 28 à B 30,
-juger que ce bien est évalué à une somme de 350.000 euros au jour du décès et au jour du jugement,
-si une expertise de ce bien était ordonnée, désigner M. [N] expert judiciaire pour y procéder avec pour mission d’estimer le bien immobilier situé à Saint Pierre de Mons 11 le Bourg Sud et cadastré section B 25, B 28 à B 30 au jour le plus proche du partage et dire que les frais de cette expertise seront à la charge exclusive de Mme [E],
-juger que les droits du conjoint survivant ne pourront s’exercer en usufruit que sur la moitié des biens communs revenant à M. [L] et sur les biens propres du de cujus, sauf ceux légués par ce dernier à Mme [H] [L],
-donner acte à Mme [H] [L] qu’elle ne s’oppose pas à restituer la créance de Mme [I] [E] pour la somme de 52.670 euros utilisée pour le paiement des droits de succession à titre conservatoire et dire qu’elle lui sera restituée lors du partage,
-débouter Mme [E] veuve [L] de toutes ses autres demandes,
-condamner la requérante aux entiers dépens de la procédure et au paiement de la somme de 2.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] [A]-[L] et M. [F] [L] n’ont pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été établie le 15 mars 2024.

MOTIVATION

1-SUR LA DEMANDE CONJOINTE D’OUVERTURE DES OPÉRATIONS DE COMPTES, LIQUIDATION ET PARTAGE

Selon l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention. L’article 840 du même code rappelle que le partage n’est fait en justice que lorsqu’au moins un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer, ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévu aux articles 836 et 837.

Il convient de rappeler que M. [P] [L] est décédé le 23 octobre 2019 laissant pour lui succéder:
- Mme [I] [E] son conjoint survivant, avec lequel il était marié sous contrat de mariage de communauté réduite aux acquêts
- les 4 enfants issus de leur union : [H] [L], [F]  [L], [W] [L] et [M] [A] [L].

Il résulte de la déclaration de succession, que le patrimoine de [P] [L] à son décès se composait à l’actif de sa part dans la communauté comprenant divers mobiliers, liquidités et un bien immobilier situé à Saint Rémy de Provence, et de biens propres comprenant du mobilier et la maison d’habitation avec mobilier de Saint Pierre de Mons objet d’un legs consenti à sa fille-[H] par testament olographe du 8 juin 2001.

Indépendamment des droits successoraux du conjoint survivant qui sont discutés, il existe a minima une indivision entre le conjoint survivant détenteur de la moitié des biens communs en pleine propriété et les 4 enfants coïndivisaires détenteurs de droits en nue-propriété sur l’autre moitié de la communauté dépendant de la succession.

Les héritiers constitués souhaitent sortir de l’indivision, mais ne sont pas parvenus à un accord sur un partage amiable malgré les tentatives à cette fin, de sorte qu’il convient, d’ordonner, conformément à leur demande conjointe l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Mme [I] [E] et [P] [L] et de la succession de celui-ci.

La succession étant composée de biens soumis à publicité foncière il y a lieu de désigner un notaire pour procéder à ces opérations, selon mission détaillée au dispositif.

Vu le désaccord des parties sur le choix du notaire, il convient en application de l’article 1364 al 2 du code de procédure civile, de désigner le président de la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation et de remplacement, à l’exclusion de Maître [Y] [V] notaire à Bordeaux vainement intervenu dans les opérations successorales et de Maître [Z] [R], notaire à Cadillac, qui a reçu le testament olographe du 8 juin 2001, ainsi que de tous membres de leurs offices.

2- SUR LES POINTS DE DÉSACCORD

A- sur l’option du conjoint survivant

Au terme d’un acte reçu par Maître [V] le 20 juillet 2020, Mme [I] [E] en sa qualité de conjoint survivant, bénéficiaire de l’option prévue à l’article 757 du code civil au titre de ses droits légaux, a signé une déclaration par laquelle elle a opté pour l’usufruit de la totalité des biens de la succession de son époux.

Mme [E] demande à titre principal, que cet acte d’option soit déclaré nul . A titre subsidiaire, elle entend voir juger que l’usufruit résultant de ladite option s’exerce sur les biens propres du défunt objet du legs particulier et par voie de capitalisation sur la nue propriété des biens communs dépendant de la succession.

a- sur la demande de nullité de l’acte d’option du 20 juillet 2020

Mme [E] entend voir déclarer nul l’acte d’option du 20 juillet 2020 sur le fondement de l’article 777 du code civil .Elle fait valoir qu’insuffisamment conseillée par Maître [V], à l’encontre duquel elle se réserve le droit d’agir en responsabilité, elle a commis une erreur sur l’étendue des droits dont elle croyait bénéficier au terme de cette option . Elle expose qu’en exécution de l’avantage matrimonial stipulé au contrat de mariage elle bénéficiait déjà des droits pour lesquels elle a opté et que la succession de son époux ne comportait que des droits en nue-propriété de sorte qu’elle a opté pour des droits inexistants. Elle ajoute que l’assiette des droits en usufruit sur la succession est dérisoire, de sorte que si elle en avait eu connaissance elle n’aurait pas opté pour l’usufruit universel mais bien pour un quart en pleine propriété de la succession option beaucoup plus avantageuse pour elle. A ce titre, elle considère erroné le calcul opéré par [H] [L] pour démontrer le contraire rappelant qu’il est établi sur la base d’un projet liquidatif qui n’a pas tenu compte de l’avantage matrimonial de Mme [E] puisque la part de communauté revenant à la succession de [P] [L] a été évaluée en pleine propriété alors qu’elle ne pouvait l’être qu’en nue-propriété. Elle entend donc voir juger qu’en application de l’article 757 du code civil elle opte pour un quart en pleine propriété sur la succession de son époux.

Les défenderesses entendent quant à elles voir valider l’option exercée par leur mère dans l’acte du 20 juillet 2020 au profit d’un usufruit de l’universalité de la succession de [P] [L].
Mme [W] [L] faisant valoir que la requérante ne démontre pas que le choix de l’option incriminée résulte d’une erreur et encore moins d’une erreur substantielle seule de nature à entraîner la nullité de l’acte d’option. Elle considère que l’erreur invoquée ne peut porter que sur la rentabilité économique potentielle du choix de l’option qui est inopérante à vicier le consentement et ajoute que la requérante est mal fondée à invoquer le manquement du Maître [V] à son obligation de conseil, notaire choisi par ses soins et contre lequel elle n’a engagé aucune action en responsabilité.
Mme [H] [L] expose également que la requérante ne justifie pas d’une erreur déterminante de son consentement tel qu’exigé par l’article 1130 du code civil. Elle considère que contrairement aux allégations de la requérante, l’option choisie ne lui conférait pas les mêmes droits que ceux de l’avantage matrimonial, l’assiette de l’usufruit n’étant pas la même ; l’usufruit successoral conférant des droits plus étendus en ce qu’il a pour assiette à la fois des biens communs et des biens propres. Mme [H] [L] fait valoir que le choix de l’option du quart en pleine propriété aurait été moins avantageux pour Mme [E] que l’usufruit car en application de l’article 758-5 du code civil ces droits s’exercent en toute propriété sur la quotité disponible laquelle est amputée du legs objet du testament de 2001.Elle soutient par ailleurs que Mme [E] a exercé l’option du 20 juillet 2020 de manière éclairée par acte authentique dressé par le notaire qu’elle avait choisi qui a rappelé les dispositions du contrat de mariage et a donné à Mme [E], comme aux autres héritiers toutes les informations utiles.

L’article 757 du code civil relatif aux droits légaux du conjoint survivant, dispose que, si l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux, et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux.

En l’espèce, suite au décès de son époux [P] [L], Mme [I] [E] disposait, en vertu de ces dispositions, de la faculté d’opter soit pour l’usufruit de la totalité des biens de son époux existant à son décès, soit de la propriété d’un quart de ces biens, tous les enfants du défunt étant issus des deux époux.

Aux termes de l’acte authentique dressé le 20 juillet 2020 par Maître [V] notaire à Bordeaux, revêtu de la signature de l’ensemble des héritiers, Mme [I] [E] a déclaré opter “pour l’usufruit de la totalité des biens de la succession aux termes de l’article 757 du code civil.”

Si en vertu de l’article 777 du code civil l’erreur est une cause de nullité de l’option exercée par l’héritier, il est constant en application des règles de droit commun de l’article 1130 du code civil, régissant les vices du consentement, qu’il incombe à celui qui entend obtenir l’annulation d’un acte sur ce fondement, de rapporter la preuve d’abord de la réalité de l’erreur invoquée, ensuite que sa méprise porte sur une qualité substantielle et enfin quelle a eu un caractère déterminant de son consentement.

En l’espèce, les affirmations de Mme [E] selon lesquelles elle s’est mépris sur l’étendue de ces droits en optant pour l’usufruit de la totalité de la succession de son époux ne sont étayées par aucun élément.

En effet, il ressort des mentions portées à l’acte authentique d’option du 20 juillet 2020, d’une part, que le notaire Maître [V] a rappelé aux héritiers signataires, dont Mme [E], que celle-ci bénéficiait d’un avantage matrimonial lui conférant l’usufruit de la moitié des biens communs revenant à son conjoint prédécédé en vertu du contrat de mariage du 11 septembre 1953 (clause retranscrite littéralement), et que d’autre part, elle bénéficiait en plus, des droits légaux de l’article 757 du code civil sur la succession de son époux selon son choix exclusif de soit un quart en toute propriété soit de la totalité en usufruit.

En effet, l’avantage matrimonial n’étant pas une libéralité, en l’absence, comme en l’espèce, d’enfants non issus des deux époux, il n’a pas à s’imputer sur les droits successoraux du conjoint survivant et peuvent se cumuler avec ces derniers.

Mme [E] était donc informée lors de l’exercice de l’option critiquée de l’ensemble de ses droits.

Par ailleurs, lors de la signature de l’option critiquée elle était manifestement en possession du projet de déclaration de succession établi par le notaire et adressé aux parties fin avril 2020 , portant évaluation de ses droits en cas de choix de l’option de l’usufruit de la totalité de la succession.

Or, elle ne justifie pas avoir sollicité du notaire un chiffrage de ses droits en cas d’option d’un quart en pleine propriété de la succession de son époux et rien ne permet d’affirmer en l’absence d’étude chiffrée de la requérante qui a la charge de la preuve, que l’option du quart en pleine propriété cumulée avec l’avantage matrimonial était plus avantageux pour Mme [E] que l’option choisie. Il convient en effet de rappeler que l’option du quart en pleine propriété ne s’étend pas aux biens légués ainsi que rappelé à l’article 758-5 du code civil .Il n’est pas plus établi que l’option de l’usufruit de la totalité de la succession lui ait été présentée comme la plus avantageuse ce qui l’aurait déterminé à la choisir.

Au surplus, et contrairement aux allégations de Mme [E] l’assiette de l’usufruit sur la succession de son époux est plus large que celle de l’usufruit conféré par l’avantage matrimonial et qui ne porte que sur la communauté. Il est en effet constant que l’assiette de l’usufruit successoral légal comprend non seulement la quotité disponible mais également la réserve des descendants. La succession comportant des biens propres de M. [L], Mme [E] ne peut sans se contredire soutenir qu’elle bénéficiait déjà des droits pour lesquels elle a opté (usufruit de toute sa part de communauté) tout en considérant à titre subsidiaire que les biens propres de son époux mêmes ceux légués, sont inclus dans l’assiette de l’usufruit pour lequel elle a opté.

En toute hypothèse, ainsi que relevé par les défenderesses, l’erreur alléguée porte sur la rentabilité économique potentielle du choix de l’option qui est inopérante au sens de l’article 1136 du code civil à vicier le consentement au sens des articles 1130 et 777 du code civil précités.

b- sur l’assiette sur laquelle s’exerce l’option du 20 juillet 2020

A titre subsidiaire, et à défaut d’annulation de l’acte d’option du 20 juillet 2020, Mme [E] entend voir juger que l’usufruit résultant de ladite option s’exerce sur les biens propres du défunt objet du legs particulier et par voie de capitalisation sur la nue propriété des biens communs dépendant de la succession. Elle précise que l’usufruit doit nécessairement être capitalisé puisque son assiette ne peut porter que sur des biens communs en nue-propriété, tandis que l’usufruit sur les biens propres de son époux légué à sa fille [H], ne prive pas la légataire de ses droits en nue -propriété sur celui-ci ni de la jouissance dudit bien immobilier sous forme d’un bail que pourrait lui consentir la requérante.

Mme [H] [L] conclut au rejet de la demande subsidiaire. Elle expose à titre liminaire, que la capitalisation de l’usufruit ne peut résulter que de l’accord unanime des héritiers auxquels le tribunal ne peut se substituer. En toute hypothèse, elle fait valoir que le contrat matrimonial limite l’assiette de l’avantage matrimonial aux biens communs, de sorte que l’usufruit de sa mère ne s’aurait porter sur les biens propres du défunt dont grande partie lui ont été légués sauf à remettre en cause la volonté du de cujus de permettre à sa fille [H] d’occuper le bien. Elle ajoute que l’article 767 du code civil dans sa version applicable à la date du testament olographe de 2001 disposait que l’assiette légale de l’usufruit successoral ne portait pas sur les biens légués règle reprise à l’article 757 en vigueur du code civil ; les biens légués n’étant plus existants au décès du de cujus.

-sur la capitalisation de l’usufruit du conjoint survivant

L’article 761 du code civil dispose que par accord entre héritiers et le conjoint, il peut être procédé à la conversion de l’usufruit du conjoint en un capital.

Il est constant qu’en application de ces dispositions, en l’absence d’accord des héritiers, l’usufruit du conjoint survivant ne peut être converti par le juge en capital fut-ce à la demande de celui-ci ; la conversion de l’usufruit en capital ne pouvant se faire qu’à titre amiable.

Vu le désaccord des héritiers constitués sur la capitalisation de l’usufruit de Mme [E] sur la succession de son époux, celle-ci ne peut être ordonnée.

-sur l’exercice de l’usufruit sur les biens propres du de cujus objet du legs particulier

Si le contrat matrimonial limite l’assiette de l’avantage matrimonial consenti à Mme [E] aux biens communs en revanche, l’option légale choisie par celle-ci concerne l’usufruit sur la totalité des biens de la succession aux termes de l’article 757 du code civil.

L’article 757 du code civil précise que l’usufruit successoral porte sur la totalité des biens existants sans préciser toutefois en quoi consistent ces biens existants.

L’article 922 al 2 du même code inclut dans la masse de calcul de la quotité disponible, les biens légués dans les biens existants.

Mais en application de l’article 758-5 al 2 du code civil les biens dont le prédécédé a disposé par acte entre vifs, comme par acte testamentaire sont toutefois expressément exclus de l’assiette des droits en toute propriété du conjoint survivant.

S’agissant de l’assiette des droits du conjoint survivant en usufruit, pour lequel il n’existe pas de dispositions légales spécifiques concernant les biens légués, il convient, ainsi que retenu par la doctrine majoritaire (P. CATALA, A. M. LEROYER, F. GEMIGNANI et G. BONNET, N. LEVILLAIN) de distinguer la nature du legs. Ainsi le legs hors part successorale ne saurait faire partie de l’assiette de l’usufruit du conjoint survivant car il manifeste une volonté d’exclure le conjoint de la part du disposant , en revanche, le conjoint survivant peut exercer son usufruit légal sur les biens légués avec clause de rapport, car sauf volonté manifeste contraire, ce legs n’a pas vocation à avantager mais seulement à répartir les biens du testateur.

L’article 843 al 2 du code civil dans sa version applicable à la date du testament du 8 juin 2001 (dont le principe est repris par la version actuelle de l’article) disposait en effet que les legs faits à un héritier sont réputés faits par préciput et hors part (devenu hors part successorale), à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.
Aux termes de son testament olographe du 8 juin 2001 M. [P] [L] écrit qu’il lègue à sa fille aînée [C] [L] :
“en toute propriété la totalité des biens situés à St Pierre de Mons qui composeront ma succession au jour de mon décès, par imputation d’abord sur sa réserve, et si nécessaire sur la quotité disponible de ma succession.”

En prévoyant l’imputation du legs d’abord sur la réserve et si nécessaire sur la quotité disponible, M. [P] [L] a clairement exprimé sa volonté de consentir à sa fille [H] un legs à titre d’avance sur sa part successorale et non hors part successorale.

Le testament ne porte par ailleurs aucune mention établissant la volonté du testateur de priver son conjoint survivant de tous droits sur le bien légué.

Il s’ensuit que le legs consenti à [H] [L], même sur des biens propres de son père, est inclus dans l’assiette de l’usufruit successoral du conjoint.

En conséquence, l’usufruit sur la succession de Mme [E] s’exercera sur la part de communauté revenant à son époux, mais également sur ses biens propres y compris ceux légués à sa fille [C] le 8 juin 2001.

B-sur la demande d’expertise judiciaire

Mme [E] sollicite l’estimation par voie d’expertise judiciaire , d’une part du bien immobilier dépendant de la communauté et sis à Saint Rémy de Provence à sa valeur à la date du décès et au plus près du partage. Les défenderesses ne s’opposent pas à cette demande seule la charge de l’avance de la rémunération de l’expert fait débat.

D’autre part, Mme [E] sollicite la désignation d’un expert pour évaluer à la date du décès et au jour le plus près du partage le bien immobilier de Saint Pierre de Mons objet du legs consenti à [H]. Les défenderesses s’y opposent.
Au soutien de sa demande d’expertise Mme [E] fait valoir que les différentes expertises de ce bien ne prennent pas en compte sa contenance exacte et notamment une annexe à la maison à savoir un garage exploité à usage d’habitation d’une superficie de 200 m2 et générateur d’une incontestable plus value non pris en compte lors de la fixation de la valeur de l’immeuble. Elle ajoute que les défenderesses n’établissent en rien l’absence de constructibilité du terrain ni de l’état d’enclave et qu’il est nécessaire d’obtenir une estimation actualisée du bien du fait de l’évolution du marché. Elle s’oppose à la valorisation du bien à la somme de 350.000 €.
[H] [L] indique que le bien de Saint Pierre de Mons a été évalué garage inclus en 2020 par M. [N] au prix de 350.000 euros , qu’à la date de son expertise et aujourd’hui encore ce garage est impropre à son usage ayant été détruit par un incendie survenu en 2018 du vivant de [P] [L] et reconstruit avec des malfaçons de sorte qu’une procédure judiciaire est en cours contre les constructeurs. Elle ajoute qu’aucune plus value n’est acquise pour la reconstruction de cette dépendance qui n’est pas habitable et dont le jardin est enclavé. Les défenderesses considèrent donc que l’estimation de l’immeuble de Saint Pierre de Mons à la date du décès a donc bien été réalisée, tandis que [H] verse au débat une estimation récente par une agence immobilière qui confirme l’absence d’évolution de la valeur du bien depuis l’expertise [N] ce qui rend inutile toute nouvelle expertise et justifie de retenir comme valeur vénale du bien 350.000 euros. A titre subsidiaire , si une expertise des deux biens devaient être ordonnée elle entend voir mis à la charge de Mme [E] l’avance des frais de celle-ci

-sur le bien immobilier indivis situé à Saint Remy de Provence (13)

Ce bien indivis dépendant de la communauté ayant existé entre les époux [E] -[L] et pour moitié de la succession de [P] [L], a été évalué le 25 janvier 2020 par l’expert mandaté par Mme [M] [A] [L] à la somme de 1.183.000 euros. Compte tenu de l’ancienneté de cette évalutation et vu l’accord des parties, il convient de procéder à une nouvelle estimation de ce bien à sa valeur à la date du décès de [P] [L] et à la date la plus proche du partage.

Cette mission sera confiée à Mme [G]-[K] [T], Expert près la Cour d’appel d’Aix en Provence selon mission détaillée au dispositif.

La rémunération de cet expert sera financée aux frais avancés de Mme [E], demanderesse initiale à cette mesure d’instruction et les frais définitifs employés en frais privilégiés de partage.

2-sur le bien immobilier de Saint Pierre de Mons (33) appartenant en propre au de cujus et légué à Mme [H] [L]

Ce bien cadastré section B n° 25,28,29 et 30, a été évalué le 20 mars 2020 par M. [X] [N] expert immobilier à la demande de Maître [V], à une valeur vénale comprise entre 350.000 euros et 390.000 euros. Dans son rapport, M. [N] fait état de la présence d’une annexe à la maison de 200 m2 dont la toiture était en réfection à la date de son expertise, le bâtiment ayant brûlé le 8 avril 2018 de sorte qu’il n’a pu être visité étant inaccessible.

M. [D] expert judiciaire mandaté pour évaluer les désordres affectant les travaux de réfection après sinistre de l’annexe de la maison, confirme dans son rapport du 31 août 2023 que cette dépendance a été détruite lors de du 8 avril 2018 et qu’à la date du décès de [P] [L] soit le 23 octobre 2019 le chantier de reconstruction de l’immeuble était inachevé, les travaux de réfection de la charpente et toiture n’ayant repris que début mai 2020.

Certes [H] [L] verse au débat un avis de valeur actualisé du bien immobilier de Saint Pierre de Mons en date du 5 mai 2023 et émanant de l’agence immobilière IMMOBILIER SUD GIRONDE, qui estime le bien à 350.000 euros après avoir pris en compte la dépendance dans son état à la date de l’avis c’est-à-dire avec un plancher et une toiture neuve et la présence sur l’arrière d’un terrain en zone constructible mais sans accès direct depuis la départementale 224.

Toutefois, cet avis de valeur non contradictoire est contesté y compris s’agissant de l’état d’enclave du terrain situé à l’arrière ce qui justifie d’ordonner une expertise confiée à M. [J] [B], expert près la Cour d’Appel de Bordeaux afin de déterminer la valeur vénale du bien à la date du décès de [P] [L] et à la date la plus proche du partage, et de dire si le terrain attenant est constructible et s’il dispose d’un accès à la voie publique.

La rémunération de cet expert sera financée aux frais avancés de Mme [E], demanderesse initiale à cette mesure d’instruction et les frais définitifs employés en frais privilégiés de partage.

3-SUR LA CRÉANCE AU TITRE DES FRAIS DE SUCCESSION

Mme [E] indique que le 27 avril 2020 Maître [V] a versé un acompte de 87.149 euros au titre des droits de succession dus par les héritiers réservataires qui ont été payés avec des fonds de la communauté lui revenant. Elle sollicite donc la prise en compte dans le cadre des opérations successorales, de sa créance sur chacun des défendeurs à ce titre au prorata de leurs droits respectifs. Elle expose qu’il est suffisamment établi par le projet d’état liquidatif que les fonds utilisé pour payer l’avance des frais de succession étaient des fonds communs, rappelant qu’en toute hypothèse ils sont présumés communs et que la preuve n’est pas rapporté par Mme [W] [L] du caractère propre de ces fonds. Elle ajoute que l’administration fiscale peut recouvrir les droits successoraux sur les fonds de la succession, et que l’héritier propriétaire des fonds ainsi utilisés dispose d’une action récursoire à l’encontre des autres héritiers dont il a fait l’avance des droits.

Mme [H] [L] ne s’oppose pas à cette demande ne contestant pas que l’avance de ses droits successoraux ont été payés avec des fonds de la communauté revenant au conjoint survivant selon un quasi usufruit en application de l’option exercée.

En revanche, Mme [W] [L] ne s’oppose pas à la créance invoquée à son encontre par Mme [E] au titre de l’avance des frais de succession, au motif qu’elle ne rapporte pas la preuve que les liquidités ayant servi au paiement proviennent de la communauté. Elle ajoute qu’elle ne peut rembourser les sommes acquittées par le notaire au titre de l’avance des frais de succession lesquels sont entre les mains de l’administration fiscale.

Il résulte de la déclaration de succession comme de l’article 796-0 bis du code général des impôts, et il n’est pas contesté qu’ en sa qualité de conjoint survivant Mme [E] est exonérée des droits de mutation par décès. En revanche, les héritiers réservataires sont tenus de s’acquitter de ces droits au prorata de leur part respective leur revenant sur la succession au profit du Trésor Public.

Il ressort du compte d’administration de la succession de [P] [L] établi par Maître [V] le 10 janvier 2022, et d’un courriel de ce notaire du 22 avril 2020 que celui-ci a prélevé sur les comptes bancaires du défunt débloqués, la somme de 87.149 euros à titre d’acompte sur les droits de mutations dus par les héritiers réservataires au Trésor Public.

En application de l’article 1402 du code civil tout bien meuble ou immeuble, est réputé acquêt de la communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi.

Les comptes bancaires du défunt sont donc réputés acquêts de la communauté et Mme [W] [L] ne rapporte pas la preuve de ce que les comptes bancaires utilisés par le notaire pour payer au Trésor Public l’acompte sur les droits de mutation appartenaient en propre à [P] [L].

Les fonds communs ayant servi à acquitter l’acompte des droits de mutation dus par les héritiers réservataires dont Mme [E] était propriéaire pour partie et quasi usufruititère en exécution de son avantage matrimonial pour le surplus, celle-ci est bien fondée à se prévaloir à l’encontre de chacun des héritiers d’une créance au titre du paiement par la communauté des sommes dues à titre personnel par chacun d’eux soit selon la déclaration de succession les sommes de :
- 52.670 euros à l’encontre de Mme [H] [L] ,
-11.493 eurosà l’encontre de Mme [W] [L],
-11.493 euros à l’encontre de M. [F] [L]
-11.493 euros à l’encontre de Mme [M] [A]-[L]

Ces créances seront prises en compte dans le cadre des opérations successorales de comptes, liquidation et partage et viendront en déduction de la part revenant à chacun des héritiers réservataires.

4- SUR LES DEMANDES ANNEXES

Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

L’équité conduit par ailleurs au rejet des demandes respective des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La nature de la présente décision justife d’écarter d’office l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

-ORDONNE l’ouverture des opérations de compte , liquidation et partage de la communuaté ayant existé entre Mme [I] [E] épouse [L] et M. [P] [L], et de la succession de celui-ci- décédé le 23 octobre 2019 à Saint Pierre de Mons (33),

-DESIGNE pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision le président de la Chambre des notaires de la Gironde avec faculté de délégation à tout notaire de cette chambre, à l’exception de Maître [Y] [V] notaire à Bordeaux  et de Maître [Z] [R] notaire à Cadillac ainsi que de tous notaires de leurs offices,

DIT qu’en cas d’empêchement du notaire délégué, le président de la Chambre des notaires de la Gironde procédera lui-même à son remplacement à la requête de la partie la plus diligente,

RAPPELLE qu’il appartient au notaire en cas de carence d’un indivisaire de lui faire désigner un représentant légal en application des articles 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le notaire désigné devra accomplir sa mission d’après les documents et renseignements communiqués par les parties et d’après les informations qu’il peut recueillir lui-même, etf aire application si nécessaire des dispositions applicables aux réduction des libéralités,

RAPPELLE que le notaire pourra si nécessaire s’adresser aux centres des services informatiques cellules FICOBA et FICOVIE qui seront tenus de lui communiquer l’ensemble des informations qu’il réclame,

RAPPELLE que le notaire devra achever ses opérations dans le délai d’un an suivant sa désignation par le président de la Chambre des notaires de la Gironde, sauf suspension prévue par l’article 1369 du code de procédure civile ou délai supplémentaire sollicité dans les conditions de l’article 1370 du code de procédure civile,

DESIGNE pour surveiller les opérations le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en qualité de juge commis,

RAPPELLE qu’il appartiendra au notaire désigné, en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par lui, de transmettre au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif,

PRÉALABLEMENT :

-ORDONNE une mesure d’expertise et commet pour y procéder Mme [T] [G]-[K] Expert près la Cour d’appel d’Aix en Provence
Les Bastides de Cézanne II Villa n°4 380 Avenue de Ravanasse 13090 AIX EN PROVENCE Tél : 04.42.52.68.91 Port. : 06.62.27.51.01 Mèl : [T].[K]@gmail.com avec pour mission de :

-convoquer et entendre les parties après avoir pris connaissance des éléments du dossier et après s’être fait remettre toutes pièces utiles à l’exercice de sa mission;
-visiter le bien immobilier sis 1 avenue Gabriel Saint René Taillandier à Saint Rémy de Provence (13) et cadastré AM 39,
-indiquer la vénale de ce bien au jour du décès de [P] [L] survenu le 23 octobre 2019 et au jour le plus près du partage,
- de façon générale, donner toute indication utile à la solution du litige

FIXE à un total de 3 000 € la provision que devra consigner au titre de cette expertise Mme [I] [E] veuve [L] par chèque ou virement auprès du régisseur d’Avance et de Recettes du tribunal Judiciaire de Bordeaux dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque,

DIT que les frais définitifs de cette expertise seront employés en frais de partage,

-ORDONNE une deuxième mesure d’expertise et commet pour y procéder M. [B] [J] expert près la Cour d’appel de Bordeaux 75 RUE CHEVALIER 33000 BORDEAUX Port. : 06.71.24.50.53 Mèl : [B][J]@[J]expertises.f avec pour mission de :
-convoquer et entendre les parties après avoir pris connaissance des éléments du dossier et après s’être fait remettre toutes picèes utiles à l’exercice de sa mission;
-visiter le bien immobilier sis situé Le Bourg Sud à Saint Pierre de Mons (33) cadastré B 25, B 28 à B30,
-indiquer la vénale de ce bien au jour du décès de [P] [L] survenu le 23 octobre 2019 et au jour le plus près du partage,

-dire si le terrain (parcelle B28) est constructible et dispose d’un accès direct sur la vie publique, et si l’ensemble du bien immobilier B25, B28 à B30 est divisible
- de façon générale, donner toute indication utile à la solution du litige

FIXE à un total de 3 000 € la provision que devra consigner au titre de cette expertise Mme [I] [E] veuve [L] par chèque ou virement auprès du régisseur d’Avance et de Recettes du tribunal Judiciaire de Bordeaux dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque,

DIT que les frais définitifs de cette expertise seront employés en frais de partage,

RAPPELLE que chacun des experts sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,

RAPPELLE que chacun des experts ne pourra recueillir l'avis d'un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu'il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêt avec elles,

DIT que si chacun des experts entend, au cours de ces opérations, solliciter une consignation complémentaire, il devra en communiquer le montant au juge chargé du contrôle de l'expertise, et ce, après avoir 15 jours auparavant consulté les parties qui devront elles-mêmes communiquer à l'expert et au juge chargé du contrôle de l’expertise leurs observations dans les 10 jours suivant réception de cette information,
DESIGNE pour suivre l’expertise, le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux,

DIT qu'à l'occasion du dépôt de son rapport d'expertise définitif, chacun des experts devra, 10 jours avant d'en faire la demande auprès du magistrat chargé du contrôle de l'expertises, communiquer l'évaluation définitive de ses frais et honoraires aux parties, et ce, afin de permettre à ces dernières de formuler toutes observations utiles auprès du juge chargé du contrôle des expertises,

DIT que chaque expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire, dans le délai de 5 mois suivant la date de la consignation, sauf prorogation accordée par le magistrat chargé du contrôle de l'expertise, et ce, sur demande présentée avant l'expiration du délai fixé,

DIT que l'expert qui souhaite refuser sa mission en informera le service des expertises dans les 15 jours suivant la notification de la décision, sans autre avis du greffe.

DIT que chacun des experts pourra commencer ses opérations sur justification du récépissé du versement de la provision délivrée par le régisseur aux parties consignataires, à moins que le magistrat chargé du contrôle lui demande par écrit de le commencer immédiatement en cas d'urgence,

DEBOUTE Mme [I] [E] veuve [L] de sa demande tendant à voir déclarer nulle l’option successorale exercée le 20 juillet 2020 pour l’usufruit de la totalité des biens de la succession de [P] [L] et de sa demande subséquente d’option pour le quart en pleine propriété de cette succession,

DEBOUTE Mme [I] [E] veuve [L] de sa demande de capitalisation de son usufruit sur la succession de [P] [L],

DIT que l’usufruit successoral de Mme [I] [E] veuve [L] résultant de l’acte d’option du 20 juillet 2020 s’exercera sur la part de communauté revenant à [P] [L] et sur les biens propres dépendant de sa succession y compris ceux légués à sa fille Mme [H] [L] par testament du 8 juin 2001,

DIT que Mme [I] [E] veuve [L] est créancière de la somme globale 87.149 euros utilisée pour régler l’acompte sur les droits de succession des héritiers réservataires dette personnelle de chacun de ces héritiers dans les proportions suivantes:
- créance contre Mme [H] [L] : 52.670 euros,
- créance contre Mme [W] [L] : 11.493 euros,
- créance contre M. [F] [L] à hauteur de 11.493 euros,
- créance contre Mme [M] [A]-[L] : 11.493 euros,

DIT que ces créances seront prises en compte dans le cadre des opérations successorales de comptes, liquidation et partage et viendront en déduction de la part revenant à chacun des héritiers réservataires,

DEBOUTE les parties de leurs plus amples et contraires demandes y compris sur le fondement de l’article 700 du code de procédue civile,

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage de la communauté et successoral,

ECARTE l’exécution provisoire de la décision.

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00671
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-21;23.00671 ?
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