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21/05/2024 | FRANCE | N°22/04625

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 21 mai 2024, 22/04625


N° RG 22/04625 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WV3T
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND



56B

N° RG 22/04625 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WV3T

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.A.R.L. TERRE AQUITAINE SERVICE

C/


S.C.E.A. LATOUR LAGUENS

S.E.L.A.R.L. EKIP





Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SELARL CABINET JACQUES CHAMBAUD
l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 21 MAI 2024
>
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique

Martine GUERRERO Greffier, lors des débats et Pascale BUSATO, Greffier lors du p...

N° RG 22/04625 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WV3T
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

56B

N° RG 22/04625 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WV3T

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A.R.L. TERRE AQUITAINE SERVICE

C/

S.C.E.A. LATOUR LAGUENS

S.E.L.A.R.L. EKIP

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SELARL CABINET JACQUES CHAMBAUD
l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique

Martine GUERRERO Greffier, lors des débats et Pascale BUSATO, Greffier lors du prononcé

DÉBATS

A l’audience publique du 19 Mars 2024

JUGEMENT

Ccontradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE

S.A.R.L. TERRE AQUITAINE SERVICE
4 Rue de la Mairie
33420 CABARA

représentée par Maître Florence BOYE-PONSAN de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, avocats au barreau de LIBOURNE

DÉFENDERESSE

S.C.E.A. LATOUR LAGUENS
7 Château Latour
33540 SAINT MARTIN DU PUY

représentée par Maître Jacques CHAMBAUD de la SELARL CABINET JACQUES CHAMBAUD, avocats au barreau de BORDEAUX
N° RG 22/04625 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WV3T

PARTIE INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. EKIP es qualité de mandataire liquidateur de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, SARL inscrite au RCS DE LIBOURNE sous le numéro 850 568 692
6-7 boulevard Aristide Briand
33500 LIBOURNE

représentée par Maître Florence BOYE-PONSAN de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, avocats au barreau de LIBOURNE

********

EXPOSE DU LITIGE

Exposé des faits et de la procédure

En septembre 2019, la société civile d’exploitation agricole LATOUR LAGUENS (ci-après la « SCEA LATOUR LAGUENS ») a fait appel à la société OBJECTIF BORDEAUX pour des travaux viticoles annuels dans ses vignes.
Entre février 2020 et juin 2020, la société SARL TERRE AQUITAINE SERVICE a effectué divers travaux dans les vignes de la SCEA LATOUR LAGUENS, d’autres travaux étant réalisés par un autre prestataire de service, la société L ET PRESTAT.

Un désaccord étant survenu sur l’ampleur et la qualité des travaux réalisés, le 4 août 2020, la gérante de la société OBJECTIF BORDEAUX a mandaté Monsieur [D] [N] aux fins d’expertise amiable de l’état des parcelles de la SCEA LATOUR LAGUENS et le 14 août 2020, la SCEA LATOUR LAGUENS a mandaté Maître [J] [G], alors huissier de justice au sein de la SCP Isabelle MARCONI MEILLAN-[J] [G], aux fins de constat de l’état des mêmes parcelles.

À la suite de la vaine délivrance, le 25 août 2021, par acte d’huissier de justice à la demande la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, d’une sommation de payer une facture datée du 3 décembre 2020 pour un montant de 39.111,81 euros, la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE a, par acte extrajudiciaire du 9 juin 2022, fait assigner la SCEA LATOUR LAGUENS devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de paiement et indemnisation.

Par jugement du 23 juin 2023 du tribunal de commerce de LIBOURNE, une procédure de liquidation judiciaire simplifiée a été ouverte à l’encontre de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, la SARL EKIP’, prise en la personne de Maître [Z] [I], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

La clôture est intervenue le 6 mars 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2024, la SELARL EKIP’ en qualité de mandataire liquidateur de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE demande au tribunal de :
révoquer l’ordonnance de clôture et ordonner la clôture au jour des plaidoiries,déclarer recevable son intervention volontaire, afin de régulariser la procédure et reprendre pour son compte, ès qualité, l’ensemble des prétentions de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE.déclarer recevable ses demandes, condamner la SCEA LATOUR LAGUENS à lui payer la somme de 39.111,81 euros, condamner la SCEA LATOUR LAGUENS à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,débouter la SCEA LATOUR LAGUENS de ses demandes,condamner la SCEA LATOUR LAGUENS au paiement des dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise amiable, et à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.Au soutien de la révocation de l’ordonnance de clôture, la SARL EKIP’, ès qualité, fait valoir l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE par jugement du tribunal de commerce de LIBOURNE du 23 juin 2023.
Pour s’opposer à la fin de non-recevoir soulevée par la SCEA LATOUR LAGUENS tirée de son défaut de qualité à agir, la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE soutient que la SCEA LATOUR LAGUENS a accepté son intervention par l’intermédiaire de la société OBJECTIF BORDEAUX, qu’elle n’était pas un sous-traitant et qu’il existait une relation contractuelle directe entre elle et la SCEA LATOUR LAGUENS.
Au soutien de sa demande de paiement, la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE fait valoir, au visa de l’article 1103 du code civil, qu’elle a correctement effectué les travaux de levage, épamprage et traitements des vignes de la SCEA LATOUR LAGUENS de février 2020 à juin 2020, y compris sur les 6 hectares de parcelles éloignées du château dont elle n’avait pas connaissance au début de ses travaux, et que par conséquent, la facturation de ces travaux est justifiée. La SARL TERRE AQUITAINE SERVICE ajoute que la SCEA LATOUR LAGUENS a reconnu la réalité des travaux effectués et en a contesté la qualité pour la première fois dans le cadre de la présente procédure, la SCEA LATOUR LAGUENS ayant préalablement simplement demandé à la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE une réduction de sa facturation.
À l’appui de sa demande d’indemnisation, la SARL TERRE AQUITAINE fait valoir un préjudice financier dans sa trésorerie lié au retard de paiement de la SCEA LATOUR LAGUENS.
Pour s’opposer aux demandes reconventionnelles en indemnisation formées par la SCEA LATOUR LAGUENS, la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE fait valoir qu’elle n’a commis aucune faute car la SCEA LATOUR LAGUENS ne démontre pas qu’elle l’avait informée de l’existence des parcelles qui n’ont pas été intégralement traitées et travaillées, parcelles se trouvant à plus d’un kilomètre de la propriété. En outre, la SARL TERRE AQUITAINE fait valoir que ses travaux sur les parcelles attenantes à la propriété sont de bonne qualité et que ses travaux sur les autres parcelles ont permis de limiter la progression des maladies. Enfin, la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE conteste tout lien de causalité avec le préjudice allégué dans la mesure où il n’est pas démontré qu’il n’y a pas eu d’autre intervention, qu’il n’est pas établi que les traitements nécessaires ont été effectués dans l’intervalle par la SCEA LATOUR LAGUENS. Elle ajoute que la production a été affectée par la sécheresse, qui n’est pas imputable à la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, et que les parcelles non intégralement travaillées étaient dans un état défavorable avant ses interventions.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, la SCEA LATOUR LAGUENS demande au tribunal de :
déclarer irrecevable la demande en paiement de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, et débouter la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE de ses demandes,à titre reconventionnel :
condamner la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,condamner la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE à lui payer la somme de 26.262 euros à titre d’indemnisation de la perte de rendement subie, condamner la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de constat d’huissier, et à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.Au soutien de sa fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité à agir de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, la SCEA LATOUR LAGUENS fait valoir qu’il n’existait aucune relation contractuelle directe entre elle et la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, son seul cocontractant étant la société OBJECTIF BORDEAUX. Elle fait en outre valoir qu’en matière de sous-traitance, sauf accord contraire, seules les sociétés initiales contractantes avec le maître d’ouvrage peuvent le facturer, et non le prestataire de service mandaté par le donneur d’ordre. Elle ajoute, au visa des articles 3, 5 alinéa 2 et 13 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, que la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE n’a pas été présentée clairement comme prestataire sous-traitant, ni agréé par la SCEA LATOUR LAGUENS, qui n’a eu connaissance de son intervention qu’après la réalisation des travaux, et que, par conséquent, la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE en tant que sous-traitant occulte ne dispose d’aucune action directe à son encontre en tant que maître de l’ouvrage. Elle soutient enfin que la dirigeante de la société OBJECTIF BORDEAUX, étant la concubine du dirigeant de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, a substitué de manière dolosive le premier prestataire de service qui donnait satisfaction et dont elle facturait les services en qualité d’intermédiaire, par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE qui allait procéder à sa propre facturation directe du client, afin de mettre en place une double facturation indue de la SCEA LATOUR LAGUENS.
À l’appui de sa demande reconventionnelle en indemnisation fondée sur l’article 1240 du code civil, soit sur la responsabilité quasi-délictuelle de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE en l’absence de relations contractuelles, la SCEA LATOUR LAGUENS soutient que le donneur d’ordre, la société OBJECTIF BORDEAUX était informée des travaux à réaliser et des parcelles concernées, et que la société TERRE AQUITAINE a commis une faute professionnelle en ne réalisant que partiellement ceux-ci.

La SCEA LATOUR LAGUENS soutient ainsi que cette faute a conduit à une perte de rendement, soit un préjudice pour elle sur sa rentabilité en hectolitres, calculé par référence à l’année N-2 (2018/2019) dont les conditions météorologiques étaient comparables et chiffré à une baisse de production de 195 hectolitres. La SCEA LATOUR LAGUENS demande la réparation de son préjudice correspondant au remboursement des moyens mis en œuvre sur les 6 hectares de vignes au cours de l’année de production litigieuse 2020/2021 et de la perte de chance des gains espérés sur la production de ces parcelles de 6 hectares.
MOTIVATION
Sur l’intervention volontaire de la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE
En application de l’article 802 du code de procédure civile, les demandes en intervention volontaire sont recevables nonobstant l’ordonnance de clôture.
Par ailleurs, en vertu de l’article 803 du code de procédure civile, « l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; […] Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout ».
En l’espèce, les conclusions d’intervention volontaire de la SARL EKIP’, ès qualité, ont été régularisées le 18 mars 2024, soit après la clôture intervenue le 6 mars 2024.
Il apparait que cette intervention volontaire de la SARL EKIP’, ès qualité, a pour seul objet de reprendre à son compte, ès qualité, les prétentions de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, sans modification de ces prétentions au fond. Dès lors, aucune réouverture des débats n’est nécessaire, le tribunal pouvant statuer immédiatement sur l’ensemble du litige.
En conséquence, l’intervention volontaire de la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, sera déclarée recevable sans qu’il soit besoin de révoquer l’ordonnance de clôture du 6 mars 2024.
Sur la recevabilité des demandes formées par la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE
En application de l’article 789 du code de procédure civile, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : […] 6° Statuer sur les fins de non-recevoir ». Par application de l’article 791 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées distinctes des conclusions au sens de l’article 768 du même code.
En vertu de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité.
En l’espèce, les moyens de la SCEA LATOUR LAGUENS tirés de l’absence de relations contractuelles directes avec la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE et l’absence, sur le fondement du droit de la sous-traitance, d’action directe de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, en qualité de sous-traitant occulte, à son encontre, en qualité de maître de l’ouvrage, tendent à voir déclarer le demandeur irrecevable en ses demandes et s’analysent donc comme soutenant une fin de non-recevoir.
Or, cette fin de non-recevoir n’a pas été valablement soulevée devant le juge de la mise en état, par des conclusions spécifiques, distinctes des conclusions au fond.
En conséquence, la prétention d’irrecevabilité des demandes de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE soulevée par la SCEA LATOUR LAGUENS sera déclarée irrecevable.
Sur la demande de paiement formée par la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE
En application de l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Afin de statuer sur la demande en paiement, il convient de statuer sur l’existence d’une relation contractuelle fondant cette demande.
Sur l’existence de relations contractuelles directes entre les parties
Par application combinée des articles 1359, 1361 et 1363 du code civil, la preuve d’un acte juridique supérieur à 1.500 euros doit se faire par écrit ou, à défaut, commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve, lequel doit émaner d’une partie autre que celle qui l’invoque.
En l’espèce, aucun contrat écrit n’a été établi entre les parties. Il n’est pas plus démontré que la SCEA LATOUR LAGUENS aurait procédé au paiement de factures qui lui auraient été directement adressées par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE pendant la période de février 2020 à juin 2020.
Cependant, il résulte d’un courrier du 27 juin 2020, dont il n’est pas contesté qu’il a été adressé par la SCEA LATOUR LAGUENS, et qui était explicitement adressé à « BORDEAUX OBJECTIF & TERRE AQUITAINE SERVICE » que la SCEA sollicitait « d’arrêter des travaux dans notre vignoble commence (sic) le 24 février 2020 auprès de vos services », ce qui constitue un commencement de preuve de ce que la SCEA LATOUR LAGUENS avait connaissance et avait accepté l’intervention de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE pour lesdits travaux.
Ce courrier est par ailleurs corroboré par les autres éléments produits aux débats qui établissent que la SCEA LATOUR LAGUENS avait connaissance et avait accepté, par l’intermédiaire de la société OBJECTIF BORDEAUX, l’intervention directe de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE.
Ainsi, la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE produit des échanges, via l’application wechat, en avril et juillet 2020, établissant qu’un intermédiaire des propriétaires chinois ([U]) supervisait les travaux de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE et en rendait compte à Madame [R], dirigeante de la SCEA LATOUR LAGUENS.

De même, un courrier du courrier du 12 août 2020 de la SCEA LATOUR LAGUENS à la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, également adressé à « BORDEAUX OBJECTIF & TERRE AQUITAINE SERVICE », réagissait à de précédentes factures adressées directement par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE (factures des 1er avril et 18 mai 2020 relatives aux travaux de taille, tirage, désherbage, broyage des sarments, 3 traitements et pliage des bois) et demandait une rectification de ces factures en raison de travaux seulement partiels sur certaines parcelles et du fait que d’autres factures devaient encore être établies (1er levage, 3 autres traitements et épamprage). Ce courrier démontre de plus fort que la SCEA LATOUR LAGUENS avait en réalité connaissance, dans le détail, des diligences déjà effectuées et devant encore intervenir par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE sur ses vignes.

Au surplus, l’huissier de justice mandaté par la SCEA LATOUR LAGUENS précise expressément dans son procès-verbal de constat du 14 août 2020 « qu’il m’a été exposé par l’intermédiaire de Monsieur [X] – Assistant du Gérant : qu’ils ont confiés (sic) à la Société TERRE AQUITAINE SERVICE situé 4, Place de la Mairie 33420 CABARA le traitement de la totalité des parcelles ainsi que le pliage des vignes, l’épancrage (sic), la levée et les traitements concernant les pieds de vigne situés sur leur domaine. Qu’à ce jour la société SCEA LATOUR LAGUENS m’explique que […] des désordres subsistent sur les parcelles à l’arrière du Château sur une superficie d’environ 6.02 hectares représentant 28 714 pieds inhérent au non traitement et bon entretien des pieds des vignes par les sociétés mandatées » (gras ajouté) : la SCEA LATOUR LAGUENS confirmait à cette occasion avoir mandaté la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE pour ces travaux.

Enfin, la SCEA LATOUR LAGUENS reconnait elle-même avoir eu connaissance dès l’origine de l’intervention d’un autre prestataire de service mandaté par la société OBJECTIF BORDEAUX (la société L ET PRESTAT) pour les autres travaux de taille et de tirage des bois, la SCEA LATOUR LAGUENS s’étant déclarée satisfaite de cette autre intervention. Elle avait donc nécessairement connaissance de la qualité d’intermédiaire de la société OBJECTIF BORDEAUX.
En conséquence, l’existence de relations contractuelles directes entre les parties sera reconnue, rendant inapplicables les dispositions relatives à la sous-traitance et à l’absence de recours direct d’un sous-traitant occulte contre le maître de l’ouvrage dont se prévaut la SCEA LATOUR LAGUENS.
Sur le bien-fondé de la facture litigieuse
Par application combinée des articles 1219 et 1353 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, dans ce cas, celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l’espèce, il revient à la SCEA LATOUR LAGUENS de prouver une faute de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE ou la mauvaise exécution de ses obligations, pour se trouver déchargée de son obligation de paiement.
Sur l’existence de manquements dans l’exécution des travaux par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICEIl convient de constater que la SCEA LATOUR LAGUENS ne démontre pas avoir fourni un plan univoque de l’ensemble des parcelles dès que la société OBJECTIF BORDEAUX a été mandatée, celle-ci n’était au demeurant pas attraite à la cause. Il en résulte qu’aucune faute ne pourra être retenue à son encontre, ou à l’encontre de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE à cet égard pour ne pas avoir effectué dès le début de sa mission les travaux envisagés sur les 6 parcelles non attenantes au château.
S’agissant des modalités de facturation des prestations, abstraction faite de ce que leurs dirigeants respectifs seraient en couple, circonstance parfaitement indifférente en l’espèce, la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE a produit les factures initialement émises ainsi que la facture récapitulative et rectificative émise en décembre 2020 à la demande de la SCEA LATOUR LAGUENS conformément à son courrier du 12 août 2020. Il en ressort qu’aucune double facturation n’a été effectuée par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, les premières factures étant annulées par la facture rectificative, par mention explicite sur celle-ci.
Au surplus, les travaux de taille et de tirage des bois effectués par la société L ET PRESTAT ont été facturés par la société OBJECTIF BORDEAUX le 1er avril 2020 pour un montant de 35.132,40 euros (pièce défendeur n° 2), il n’est pas contesté que la société SARL TERRE AQUITAINE SERVICE n’a établi aucune facture pour ces travaux qu’elle n’a pas réalisé. À cet égard, il est relevé que le règlement quasi-intégral de cette facture par la SCEA LATOUR LAGUENS reste inopérant dans le cadre du présent litige lequel concerne les seules prestations effectuées par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE et les factures de celle-ci.
Enfin, il doit être relevé que le courrier du 27 juin 2020 de la SCEA LATOUR LAGUENS fait valoir des circonstances diverses autres que la qualité des travaux de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, notamment la crise sanitaire, pour solliciter l’arrêt des travaux dans ses vignes et que dans son courrier du 12 août 2020, la SCEA LATOUR LAGUENS a annoncé un règlement de la facture dès que les rectifications demandées auraient été effectuées.
En conséquence, il n’est pas démontré par la SCEA LATOUR LAGUENS de fautes de la part de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE dans l’exécution de ses obligations contractuelles de nature à faire échec au règlement de la facture litigieuse.
Les travaux effectués et facturés par la SARL TERRE AQUITAINEIl est constant que la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE a été chargée des travaux de désherbage, broyage des sarments, pliage des vignes, épamprage et épandage, levage et traitements des pieds de vignes (à l’exclusion de la taille et du tirage des bois confiés à un autre prestataire, la société L ET PRESTAT).
Il n’est pas plus contesté par les parties que s’agissant de 6 parcelles non attenantes au château de la SCEA LATOUR LAGUENS (6 hectares), ces travaux n’ont pas été complètement réalisés par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, étant précisé que s’agissant des 21 hectares de parcelles attenantes au château, la qualité des interventions de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE n’est pas remise en cause.
À cet égard, le courrier de la SCEA LATOUR LAGUENS du 27 juin 2020 mettait en avant diverses causes pour mettre fin aux travaux de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, telle la crise sanitaire globale et des difficultés d’acheminement de trésorerie rendant nécessaire la mise en place d’un échéancier, sans contester le bien-fondé des factures de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE. Le courrier du 12 août 2020 conteste quant à lui, outre l’absence de facture pour certaines prestations, que les précédentes factures aient couvert les parcelles non-attenantes où les travaux n’ont pas été effectués en intégralité.
S’agissant des 6 hectares de parcelles non attenantes, le constat d’huissier produit du 14 août 2020 indique, à la suite de la demande de rectification de facture émanant de la SCEA LATOUR LAGUENS, que :
le pliage a été effectué pour 3 voire 4 parcelles sur 6, représentant 4 à 5,07 hectares sur 6 (67 à 84%),le levage a été effectué sur 1 parcelle sur 6, représentant 1,27 hectare sur 6 (21%),le traitement n’a été effectué sur aucune des 6 parcelles (0%),l’épamprage a été effectué sur 4 à 5 parcelles sur 6, représentant 5 hectares sur 6 (85 voire 87%).À cet égard, la facture litigieuse du 3 décembre 2020 (n°031201) de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, venant en remplacement des précédentes factures des 1er avril (n°10402 ) et 18 mai 2020 (n°180503) selon mention expresse sur la facture litigieuse, (étant par ailleurs relevé que la société TERRE AQUITAINE ne sollicite pas le paiement de la facture du 1er juin 2020 (n°10603) produite par le défendeur et dont les prestations (épamprage et 3 traitements) apparaissent reprises dans la facture du 3 décembre 2020), distingue les divers travaux selon les « surfaces connues » (21 hectares) et les « surfaces découvertes au 1er mai » (6 hectares). Il en résulte que :
le pliage n’est facturé que sur les 21 hectares de « surfaces connues », et non pas sur les 6 hectares de parcelles litigieuses (mention « réalisé en partie non facturé ») alors qu’il a été effectué à 67 voire 84%. Cela représente une réduction de 2.297,12 euros par rapport à la facture initiale du 18 mai 2020,le levage n’est facturé que sur 79.723 pieds, ce qui correspond au nombre de pieds présents sur les 21 hectares de « surfaces connues », et non pas sur les 6 hectares de parcelles litigieuses, alors qu’il y a été effectué à 21%, le traitement est facturé à raison de 8 passages sur les 21 hectares de « surfaces connues », et à raison de seulement 6 passages sur les 6 hectares de parcelles litigieuses, pour la somme de 2.250 euros HT sur les parcelles litigieuses, alors qu’il n’y a pas été effectué,l’épamprage est facturé sur la totalité des 27 hectares, à raison de 150 euros HT par hectare, soit la somme de 900 euros HT sur les parcelles litigieuses, alors qu’il n’y a été effectué qu’à 85 voire 87%.Il résulte de ce qui précède que la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE est bien fondée à réclamer le montant de sa facture litigieuse, déduction faite du montant de 2.250 euros correspondant aux traitements qui n’ont pas été effectués sur les parcelles litigieuses et du montant de 135 euros correspondant à la portion de 15% d’épamprage non effectuée sur les parcelles litigieuses.
En conséquence, la SCEA LATOUR LAGUENS sera condamnée à payer à la SARL TERRE AQUITAINE la somme de 36.726,81 euros.
Sur la demande indemnitaire formée par la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE
En application de l’article 1217 code civil, des dommages-intérêts peuvent toujours s’ajouter aux sanctions demandées par la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, sous réserve de démontrer l’existence d’un préjudice indemnisable en lien avec cette inexécution contractuelle.
En l’espèce, aucun justificatif n’est produit par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE pour démontrer la matérialité du préjudice financier qu’elle allègue en lien avec le retard de paiement de sa facture ayant grevé sa trésorerie. Ce préjudice apparait, en tout état de cause, sans lien avec sa liquidation judiciaire prononcée trois ans après les travaux litigieux et l’émission de la facture faisant l’objet de la présente procédure.
Par conséquent, la demande en indemnisation de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE sera rejetée.
Sur les demandes reconventionnelles de dommages-intérêts de la SCEA LATOUR LAGUENS
En vertu du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, dès lors qu’un dommage est causé par l’inexécution d’une obligation contractuelle, l’action en réparation exercée par le créancier de cette obligation est nécessairement fondée sur le droit de la responsabilité contractuelle.
En l’espèce, la SCEA LATOUR LAGUENS fonde ses demandes indemnitaires sur la responsabilité quasi-délictuelle de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE en vertu de l’article 1240 du code civil.
Or, ce fondement est exclu au regard du principe de non-cumul sus-rappelé et de l’existence de relations contractuelles directes entre les parties.
En tout état de cause, comme retenu précédemment il n’est pas démontré par la SCEA LATOUR LAGUENS que la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE ait commis une faute professionnelle dans l’exécution des travaux qui lui ont été confiés, ni que la faute alléguée ait contribué au préjudice soutenu au regard des autres facteurs conjoncturels allégués par la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE ayant pu contribuer à la perte de productivité des parcelles de la SCEA LATOUR LAGUENS. En outre, et en tout état de cause, les pièces n° 7 à 9 de la SCEA LATOUR LAGUENS produites au soutien de cette prétention indemnitaire seront écartées des débats faute de démonstration de leur production au contradictoire du demandeur, le dernier bordereau de pièces régularisés par voie électronique par la SCEA LATOUR LAGUENS ne visant que ses pièces n° 1 à 6.
Enfin, faute de moyens développés au soutien de la demande indemnitaire à hauteur de 3.000 euros figurant au dispositif des dernières écritures de la SCEA LATOUR LAGUENS, cette demande reconventionnelle ne pourra qu’être rejetée.
Par conséquent, les demandes reconventionnelles en indemnisation de la SCEA LATOUR LAGUENS seront rejetées.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La SCEA LATOUR LAGUENS, qui perd la présente instance, sera condamnée aux dépens, en ce non inclus les frais d’expertise amiable qui ne relèvent pas des dépens tels que définis par l’article 695 du code de procédure civile
Sur les demandes au titre des frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, la SCEA LATOUR LAGUENS, condamnée aux dépens, devra payer à la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, une somme qu’il est équitable de fixer à 3.000 euros, en ce compris les frais d’expertise amiable justifié à hauteur de 1.031,38 euros. Il y a lieu de rejeter la demande de la SCEA LATOUR LAGUENS à ce titre.
Sur l’exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à l’espèce, le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit sans qu’il n’y ait lieu d’en disposer autrement.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
DÉCLARE RECEVABLE l’intervention volontaire de la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande d’irrecevabilité soulevée par la SCEA LATOUR LAGUENS tirée de l’absence de qualité à agir de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE ;
CONDAMNE la SCEA LATOUR LAGUENS à payer à la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE la somme de 36.726,81 euros ;
REJETTE la demande en indemnisation de la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE ;
REJETTE les demandes reconventionnelles en indemnisation de la SCEA LATOUR LAGUENS ;
CONDAMNE la SCEA LATOUR LAGUENS au paiement des dépens, en ce non compris les frais d’expertise amiable ;
CONDAMNE la SCEA LATOUR LAGUENS à payer à la SARL EKIP’, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TERRE AQUITAINE SERVICE la somme de 3.000 euros, en ce compris les frais d’expertise amiable, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la SCEA LATOUR LAGUENS de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE l’exécution provisoire de droit de la présente décision

La présente décision est signée par Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et par Madame Pascale BUSATO, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04625
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-21;22.04625 ?
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