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16/05/2024 | FRANCE | N°22/02913

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 16 mai 2024, 22/02913


N° RG : N° RG 22/02913 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRGX
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND






50D

N° RG : N° RG 22/02913 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRGX

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[T] [N]

C/

S.A. TEMSYS, S.A.S.U. BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE











Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELARL AUSONE AVOCATS
la SELARL GREGORY BELLOCQ
Me Alix GRIZEAU LE MEILLAT



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE
>
JUGEMENT DU 16 MAI 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Pascale BUSATO Greffier, ...

N° RG : N° RG 22/02913 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRGX
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

50D

N° RG : N° RG 22/02913 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRGX

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[T] [N]

C/

S.A. TEMSYS, S.A.S.U. BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELARL AUSONE AVOCATS
la SELARL GREGORY BELLOCQ
Me Alix GRIZEAU LE MEILLAT

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Pascale BUSATO Greffier, lors des débats et Isabelle SANCHEZ, Greffier lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Mars 2024,
Délibéré au 16 mai 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEUR :

Monsieur [T] [N]
né le 26 Février 1955 à ALGERIE
de nationalité Française
21 rue Massenet
33700 MERIGNAC

représenté par Me Alix GRIZEAU LE MEILLAT, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

N° RG : N° RG 22/02913 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WRGX

DEFENDERESSES :

S.A. TEMSYS ( ALD AUTOMOTIVE)
Immeuble Cap West, 15 allée de l’Europe
92110 CLICHY

représentée par Maître Grégory BELLOCQ de la SELARL GREGORY BELLOCQ, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

S.A.S.U. BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE
Parc d’activité MARRON-OUEST, 59 rue Jacques Prévert
33700 MERIGNAC

représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

******

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société TEMSYS, exerçant sous l’enseigne ALD AUTOMOTIVE, a acquis en novembre 2013 auprès de la société BMW horizon un véhicule neuf BMW SERIE 3 GT, immatriculé DA-340-NY.
Dans le cadre d’un contrat de location de longue durée, la société TEMSYS a mis le véhicule à disposition de la société GENERALI France.
Au sein de la société GENERALI, le véhicule a été utilisé par monsieur [T] [N], et entretenu par la société BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE.

Le 18 mai 2017, monsieur [T] [N] a acquis le véhicule, qui présentait un kilométrage de 149.000, auprès de la société TEMSYS moyennant le prix de 14.990 euros.

Le véhicule a subi une panne moteur le 24 février 2020, et a fait l’objet de deux expertises non judiciaires, l’une par la société ACE en juin 2020 à la demande de monsieur [N] et l’autre en août 2020 par le cabinet Lang et associés à la demande de la société BAYERN BORDEAUX.

En l’absence de résolution amiable du litige, par actes délivrés les 21 et 22 avril 2021, monsieur [T] [N] a fait assigner la SA BMW FRANCE et la SASU BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Par ordonnance du 15 février 2022, rectifiée le 25 avril 2022, le juge de la mise en état a prononcé l’irrecevabilité des demandes formées à l’encontre de la société BMW France, sur le fondement de la garantie des vices cachés, au motif de leur prescription.

Par acte délivré le 23 février 2023, monsieur [T] [N] a fait assigner la SA TEMSYS, exerçant sous l’enseigne commerciale ALD AUTOMOTIVE, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’intervention forcée et d’indemnisation de ses préjudices.

La jonction des deux dossiers a été ordonnée par mention au dossier du 15 avril 2022.

La clôture est intervenue le 21 février 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, monsieur [T] [N] demande au tribunal de :

- condamner les société TEMSYS et BAYERN BORDEAUX BY AUTOSPHERE in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, à lui payer les suivantes :
5.779,16 euros correspondant au montant des réparations de remise en état du véhicule,401,54 euros en remboursement de la facture de dépose de la culasse nécessaire aux opérations d’expertise,20.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
- condamner solidairement les société TEMSYS et BAYERN BORDEAUX BY AUTOSPHERE, ou l’une à défaut de l’autre, au paiement des dépens,

- condamner solidairement les société TEMSYS et BAYERN BORDEAUX BY AUTOSPHERE, ou l’une à défaut de l’autre, à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa prétention formée à l’encontre de la société TEMSYS, monsieur [N] fait valoir, à titre principal, que celle-ci est tenue de la garantie des vices cachés sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil. Il prétend rapporter la preuve, par l’expertise amiable ACE corroborée par d’autres pièces, du vice affectant le véhicule constitué par l’usure prématurée de la chaîne de distribution, ce qui a entraîné une panne moteur du fait de la rupture de cette chaine. Il soutient que ce vice lui était caché, qu’il est antérieur à la vente dès lors qu’il est lié à un défaut de fabrication affectant les moteurs fabriqués jusqu’en 2013, et qu’il rend le bien impropre à son usage, le véhicule étant immobilisé du fait de la panne moteur. Sur le manque d’entretien du véhicule qui lui est opposé, monsieur [N] ne conteste pas que les intervalles d’entretien ont été dépassés, mais expose que la voiture a toujours été entretenue dans le réseau BMW et que les dépassements, au surplus légers, sont sans impact sur le vice de construction qui affecte la chaine de distribution, pièce qui doit durer toute la vie d’un véhicule comme prôné par BMW, à la différence d’une courroie de distribution qui nécessite un entretien particulier et un changement. Il sollicite donc en conséquence une réduction du prix d’achat correspondant au montant des réparations de remise en état. Pour le surplus, de ses demandes indemnitaires, il sollicite la condamnation de la société TEMSYS, dont il soutient qu’elle est présumée avoir eu connaissance du vice en sa qualité de vendeur professionnel, d’autant plus que la vente est intervenue après une note du constructeur sur les défauts constatés.

A l’encontre de la société TEMSYS, monsieur [N] soutient à titre subsidiaire, au visa des articles 1240, 1241, 1130, 1131 et 1137 du code civil, que la responsabilité délictuelle de celle-ci est engagée du fait de sa réticence dolosive au motif que celle-ci ne lui aurait pas communiqué une information déterminante de son consentement. Ainsi, monsieur [N] fait valoir que la société TEMSYS, professionnel de l’automobile, était nécessairement informée du défaut affectant le moteur de son véhicule dès lors qu’une note avait été établie par la société BMW en janvier 2015, largement diffusée, plus de deux ans avant la vente et préconisait une intervention en fonction du kilométrage du véhicule. Il indique que la société TEMSYS lui a caché cette défaillance déterminante de son consentement, alors que s’il avait été informé, il n’aurait pas acquis le véhicule. Il prétend que cette faute civile du vendeur justifie l’indemnisation de ses préjudices.

A l’appui de sa demande formée à l’encontre de la société BAYERN BORDEAUX, monsieur [N] prétend, sur le fondement des articles 1147 devenu 1231-1, et 1112-1 du code civil, que celle-ci est défaillante à démontrer qu’elle a respecté son obligation de résultat d’information et de conseil sur tout contrôle ou remise en état nécessaire, et qu’elle a manqué son obligation de suivre les prescriptions du constructeur. La cause de la panne étant selon lui la casse de la chaine de distribution consécutive à une usure prématurée, il soutient que la société BAYERN, qui a toujours réalisé l’entretien du véhicule, aurait dû appliquer les préconisations de la note interne du constructeur. Il indique également avoir sollicité en juin 2019 un diagnostic complet, et que la société BAYERN ne l’a jamais informé du risque d’usure prématurée, ni de la nécessité de réaliser les travaux préconisés par le constructeur, ni de l’importance d’une bonne lubrification et de la qualité de l’huile employée, ni de la nécessité de respecter de manière rigoureuse les intervalles d’entretien. Selon lui, l’argumentation soutenue par la défenderesse sur sa faute est inopérante du fait d’une part de ce manquement à l’obligation de conseil qui n’a pas permis d’attirer son attention, et d’autre part de l’existence d’un vice.

Sur l’évaluation des sommes réclamées à titre indemnitaire à l’encontre des deux défenderesses, monsieur [N] expose justifier des frais de remise en état et de ceux engendrés pour la réalisation des opérations d’expertise. Il indique également subir un préjudice de jouissance compte tenu de l’immobilisation du véhicule depuis le 24 février 2020, préjudice qu’il évalue à 625 euros par mois pendant 32 mois, dès lors qu’il a dû s’organiser avec sa famille pour se faire prêter un véhicule.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2022, la société TEMSYS demande au tribunal :

- à titre principal, de débouter monsieur [N] de ses demandes,

- à titre subsidiaire de :

juger que monsieur [N] a contribué pour moitié à la réalisation de son préjudice,débouter monsieur [N] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,condamner la société BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

- de condamner tout succombant au paiement des dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître BELLOCQ, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

- de condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien du rejet de la demande de monsieur [N] fondée sur la garantie des vices cachés de l’article 1641 du code civil, la société TEMSYS fait valoir que celui-ci ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un vice antérieur à la vente au motif que l’expertise produite n’est ni contradictoire, ni corroborée par d’autres éléments de preuve. Elle soutient que ces éléments produits par monsieur [N] permettent au contraire de lui imputer la panne puisqu’il a systématiquement dépassé le pas d’entretien recommandé. De même, elle soutient que ces éléments ne concernent pas le véhicule litigieux, l’expert n’ayant pas vérifié que la note technique du constructeur de janvier 2015 s’applique au moteur du véhicule.

Au soutien du rejet de la demande de monsieur [N] fondée sur sa responsabilité délictuelle par réticence dolosive, la société TEMSYS prétend que celui-ci, sur lequel repose la charge de la preuve, est défaillant à démontrer l’existence d’une dissimulation intentionnelle, de l’intention dolosive et du caractère déterminant de son consentement de l’information non transmise. La société TEMSYS expose ne pas être un garagiste, mais une société de location longue durée de véhicule, qu’à ce titre elle n’a pas accès aux notes internes des constructeurs, et qu’elle n’a ainsi pas pu avoir d’intention de masquer cette information. Elle explique que monsieur [N] ayant acquis le véhicule lors de son départ de la société GENERALI, sans qu’=il ne soit entre temps restitué à la société TEMSYS, il l’a donc pris dans l’état dans lequel il se trouvait et ne peut dans ces conditions soutenir l’existence d’un dol.

A l’appui de sa demande subsidiaire à l’encontre de monsieur [N], si le tribunal retient sa responsabilité, la société TEMSYS expose que la faute de monsieur [N] constituée par le non-respect des préconisations d’entretien a contribué à la réalisation de sa panne, et donc à son dommage. Elle en conclut que cette faute est de nature à l’exonérer partiellement de sa responsabilité. La société TEMSYS fait également valoir que monsieur [N] ne rapporte pas la preuve du préjudice de jouissance allégué.

Au soutien de sa demande en garantie formée à l’encontre de la société BAYERN, la société TEMSYS fait valoir que celle-ci engage, sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil, sa responsabilité contractuelle pour ne pas avoir appliqué la note du constructeur, alors qu’un entretien a été réalisé le 09 avril 2015, postérieurement à la diffusion de cette note, alors que le véhicule présentait un kilométrage de 66.311, ce qui aurait dû conduire au remplacement du tendeur de chaîne, et ainsi éviter la casse ultérieure de la chaine de distribution.

Dans ses conclusions notifiées le 20 mars 2023, la SASU BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE demande au tribunal :

- à titre principal, de débouter monsieur [N] et la société TEMSYS de l’ensemble de leurs demandes,

- à titre subsidiaire de :

réduire à de plus justes proportions le montant des sommes allouées à monsieur [N] et rejeter sa demande au titre du préjudice de jouissance,dire n=y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,
- en tout état de cause de :

condamner tout succombant au paiement des dépens,condamner tout succombant à lui payer une indemnité de procédure de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société BAYERN BORDEAUX soutient, au visa des articles 1112-1 et 1231-1 du code civil, que la charge de la preuve d’un manquement de sa part à l’obligation d’information et de conseil pèse sur monsieur [N], demandeur à l’instance. Elle fait également valoir que l’obligation de conseil ne s’applique pas aux faits qui sont la connaissance de tous. Or, selon elle, monsieur [N] ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour invoquer un manquement au devoir de conseil, dès lors que nul n’ignore que l’entretien régulier d’un véhicule, qui incombe au propriétaire, est une mesure essentielle à son bon fonctionnement et à la prévention des difficultés. Ainsi, elle fait valoir que la rupture de la chaine de distribution résulte d’un défaut d’entretien, avec un dépassement systématique de l’indicateur de maintenance et non-respect des échéances mentionnées dans le carnet d’entretien. Elle prétend que monsieur [N] avait connaissance de la défaillance dès lors qu’il indique avoir sollicité un contrôle préalable à la panne, ce qui doit conduire à écarter son obligation d’information. La société BAYERN BORDEAUX en conclut que la faute de monsieur [N] est la cause exclusive de son dommage, justifiant l’exonération de sa responsabilité au titre de l’obligation contractuelle de résultat. Elle ajoute que sa dernière intervention sur le véhicule date du 12 juin 2019 pour une recherche de panne sur la boite de vitesse et le démarreur, alors que sa dernière intervention de maintenance date du 4 juillet 2017, un autre garagiste étant intervenu sans que monsieur [N] n’ait donné d’éléments d’identification de celui-ci, ni sur la qualité de l’huile utilisée.
Subsidiairement, la société BAYERN BORDEAUX fait valoir que monsieur [N] ne démontre pas le préjudice dont l’indemnisation est sollicitée, alors qu’il supporte la charge de la preuve conformément aux dispositions de l’article 9 du code civil.

Pour s’opposer à la demande en garantie formée par la société TEMSYS, la société BAYERN BORDEAUX fait valoir que celle-ci ne rapporte pas la preuve d’une faute de sa part, dès lors que le moteur du véhicule litigieux, qui a bénéficié des modifications techniques apportées par le constructeur après 2011, n’est pas concerné par les notes produites qui concernent exclusivement les véhicules produits entre 2007 et 2011.

MOTIVATION

Sur les demandes d’indemnisation formées par monsieur [N]

A l’encontre de la société TEMSYS

Sur le fondement de la garantie des vices cachés

En vertu de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L’acquéreur qui soutient l’existence d’un vice caché est tenu d’en rapporter la preuve. A cette fin, il peut se fonder sur une expertise non judiciaire, laquelle doit toutefois être soumise au débat contradictoire et corroborée par d’autres éléments pour permettre d’établir l’existence du défaut allégué.

En l’espèce, il résulte de l’expertise réalisée par la société auto expertise conseil en juin et en août 2020, au cours de laquelle la société TEMSYS n’a pas été convoquée, mais qui a été soumise à la discussion contradictoire des parties dans le cadre de la présente instance, que le véhicule a subi une casse de la chaine de distribution consécutive à son usure prématurée.
Il appartient à monsieur [N] de démontrer le défaut, à savoir l’origine de cette usure prématurée afin de pouvoir solliciter la mise en œuvre de la garantie des vices cachés.
Or, l’expert indique que Ale type de moteur équipant le véhicule est connu pour connaitre une défaillance sérielle de la chaîne de distribution@ et que Ale dépassement des intervalles d’entretien augmente les risques de rencontre de cette panne@.
Il se fonde pour cela sur une note interne du groupe BMW datée du 23 janvier 2015 qui a relevé que la chaine de distribution peut s’user prématurément au motif que le tendeur de chaîne peut ne pas compenser l’allongement de la chaine de distribution, l’allongement excessif de la chaine de distribution étant occasionné par le dépassement des intervalles d’entretien et les variations de la qualité d’huile. Cette note a invité les professionnels en charge de l’entretien à procéder à des interventions sur les véhicules concernés en fonction de leur kilométrage au jour de cette intervention.
Toutefois, cette note concerne uniquement certains moteurs à savoir « E6x E8x E9x et N47 », et précise Asuivant sélection des numéros de châssis@.
Or, l’expertise amiable par l’utilisation d’une formulation générale Ale type de moteur équipant le véhicule est connu pour connaitre une défaillance sérielle de la chaîne de distribution@ n=indique nullement le numéro du moteur installé dans le véhicule de monsieur [N], ni s=il correspond à l’un de ceux listés dans la note de la société BMW.
Au surplus, si monsieur [N] produit un justificatif de référence moteur, il en résulte que le moteur de son véhicule est référencé N47T et non N47 comme indiqué dans la note. Il ne peut dès lors en être déduit que le moteur N47T objet du présent litige est concerné par la note du 23 janvier 2015.

Enfin, et en tout état de cause, cette expertise amiable n=est corroborée par aucun autre élément relatif à la détermination du défaut.

En effet, les articles de presse produits par monsieur [N] sont des éléments non suffisamment probants en ce qu’ils sont non spécifiques à son véhicule. Ils ne sauraient dès lors permettre de démontrer que le moteur installé dans son véhicule était effectivement affecté par le défaut reconnu par le constructeur, alors qu’il est soutenu en défense que les moteurs construits en 2013 avaient fait l’objet d’une modification pour remédier au désordre constaté dans la note du 23 janvier 2015. Ces articles sont par ailleurs contredits par les articles de presse produits par la société TEMSYS qui tendent à démontrer que la campagne d’interventions prévue en 2015 ne concerne que les véhicules antérieurs à 2011. Il ne peut dès lors être tiré aucune conséquence des articles de presse produits au débat.

Monsieur [N] ne produit aucune autre analyse technique de son véhicule à l’appui de ses demandes au titre de la garantie des vices cachés.

Dans ces conditions la démonstration de l’existence d’un défaut affectant le véhicule n’est pas faite par monsieur [N], et la demande fondée sur la garantie des vices cachés doit être rejetée, sans qu’il ne soit besoin d’examiner les autres critères de cette garantie.

Sur le fondement de la responsabilité délictuelle

En vertu de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En application de ce texte, la partie qui rapporte la preuve de l’existence d’une réticence dolosive définie à l’article 1137 du code civil comme la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie, peut obtenir l’indemnisation du préjudice en résultant.

En l’espèce, il ne résulte d’aucun élément du dossier que la société TEMSYS, qui n’est pas un garagiste mais un loueur de véhicule, ni membre du réseau BMW, ait été informée de l’existence de la note du 23 janvier 2015.
Il n’est pas non plus démontré qu’elle a intentionnellement caché cette note à monsieur [N] lors de l’acquisition du véhicule en 2017, ce d’autant qu’il n’est pas contesté que cette vente a eu lieu alors que monsieur [N] était déjà en possession du véhicule dans le cadre de son activité professionnelle depuis plusieurs années, et que la société TEMSYS, qui confiait son entretien à un garagiste professionnel, n’en a pas repris possession avant la vente.

La preuve d’une réticence dolosive n’étant pas rapportée, la responsabilité civile de la société TEMSYS ne saurait être retenue à ce titre.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de débouter monsieur [N] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société TEMSYS, ce qui rend sans objet la demande en garantie formée par cette dernière à l’encontre de la société BAYERN BORDEAUX.

A l’encontre de la société BAYERN BORDEAUX

En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. En application de ce texte, le professionnel garagiste est tenu d’une obligation d’information et de conseil à l’égard de son client, dont il doit démontrer qu’il s’est acquitté.

En l’espèce, comme indiqué précédemment, il ne résulte pas des éléments du dossier que le moteur installé dans le véhicule appartenant à monsieur [N] était concerné par la campagne d’intervention prévue dans la note BMW du 23 janvier 2015. Il ne peut ainsi être reproché à la société BAYERN BORDEAUX de ne pas avoir informé monsieur [N] de la nécessité de réaliser un entretien régulier et de ne pas avoir envisagé avec lui les solutions préconisées dans cette note lors de l’intervention du mois de juin 2019.
S’agissant des interventions antérieures (avril 2015, avril 2016 et janvier 2017), monsieur [N] n’était pas encore propriétaire du véhicule, il n’a pas lui-même confié le véhicule à la société BAYERN BORDEAUX qui était mandatée par la société TEMSYS. Il ne peut dès lors de ce fait rechercher sa responsabilité sur un fondement contractuel.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de débouter monsieur [T] [N] de sa demande indemnitaire formée à l’encontre de la société BAYERN BORDEAUX.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

- Dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n=en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, monsieur [T] [N], perdant l’instance, il sera condamné au paiement des dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître BELLOCQ, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

- Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. [...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l=équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

En l’espèce, monsieur [T] [N], tenu au paiement des dépens, sera condamné à payer à la SAS BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE et à la SA TEMSYS chacune la somme de 1.500 euros.

- Exécution provisoire

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, aucun élément du dossier ne commande de l’écarter, et il convient par conséquent de dire n=y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déboute monsieur [T] [N] de l’intégralité ses demandes formées à l’encontre de la SA TEMSYS et de la SASU BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE ;

Condamne monsieur [T] [N] au paiement des dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître BELLOCQ ;

Condamne monsieur [T] [N] à payer à la SA TEMSYS la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne monsieur [T] [N] à payer à la SASU BAYERN BORDEAUX BASSIN BY AUTOSPHERE la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute monsieur [T] [N] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du présent jugement ;

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/02913
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;22.02913 ?
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