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16/05/2024 | FRANCE | N°21/02573

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 16 mai 2024, 21/02573


N° RG : N° RG 21/02573 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VKXV
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND






53F

N° RG : N° RG 21/02573 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VKXV

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


Société LEASECOM

C/

[Y] [X], Société MATECOPIE











Grosses délivrées
le

à
Avocats :
Me Adeline CORNIC
la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 16 MAI 2024
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COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Pascale BUSATO Greffier, lors des débats et Isabelle SANCHE...

N° RG : N° RG 21/02573 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VKXV
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

53F

N° RG : N° RG 21/02573 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VKXV

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

Société LEASECOM

C/

[Y] [X], Société MATECOPIE

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
Me Adeline CORNIC
la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Pascale BUSATO Greffier, lors des débats et Isabelle SANCHEZ, Greffier lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Mars 2024,
Délibéré 16 mai 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 780 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
Premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE :

Société LEASECOM
19 rue Leblanc
Immeuble Ponant bât. A
75015 PARIS

représentée par Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

N° RG : N° RG 21/02573 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VKXV

DEFENDERESSES :

Madame [Y] [X]
8 rue de Chantegrue
33125 HOSTENS

représentée par Me Adeline CORNIC, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Société MATECOPIE prise en la personne de la SELARL LAURENT MAYON en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société domicilié a 54 cours Georges Clémenceau-33000 Bordeaux , prise en la personne de son représentant légal
240 rue Jean Mermoz
33320 EYSINES

défaillant

******

FAITS ET PROCEDURE

Le 5 octobre 2015, la société LOCAM a conclu avec Madame [Y] [X], qui exerce l’activité d’orthophoniste libéral, un contrat de location d’un photocopieur multifonction Olivetti MF 3100 fourni par la société MATECOPIE , moyennant un coût de 570 € HT par trimestre (684 euros TTC). La société MATECOPIE a alloué une participation commerciale de 3690 euros TTC.

Le 4 mai 2018, la société LEASECOM a conclu avec madame [X] un contrat de location pour un nouveau photocopieur OLIVETTI MF 3504. A la même date, la société MATECOPIE a établi un bon de commande de ce photocopieur et a conclu avec madame [X] un contrat de maintenance pour celui-ci, outre un contrat de rachat/reprise du précédent photocopieur pour un montant de 11 439 euros. Le loyer mensuel de ce nouveau photocopieur était de 1572 euros HT par trimestre pendant 21 mois.

Le photocopieur a été livré par la société MATECOPIE le 18 mai 2018.

La société MATECOPIE a été placée en liquidation judiciaire le 5 février 2020.

Madame [X] a cessé de verser les loyers à compter du 1er août 2020, la société MATECOPIE n’effectuant plus la maintenance.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 25 mai 2020, madame [X] a dénoncé, vainement, à la société LEASECOM la caducité du contrat de location du fait de la cessation de la maintenance du matériel et de son impossibilité d’utiliser le matériel hors d’usage. La société LEASECOM n’a pas davantage donné suite à la mise en demeure adressée pour dénoncer la nullité des contrats litigieux qui procédaient à des pratiques commerciales agressives et dolosives. Elle indique avoir ensuite cessé de payer les loyers et n’a pas régularisé les loyers impayés après mise en demeure de la société LEASECOM au regard de la caducité et de la nullité des contrats.
Le 15 février 2021, le juge du tribunal judiciaire de Bordeaux chargé des contentieux de la protection et de la proximité, saisi d’une requête en injonction de payer, a enjoint madame [X] [Y] de payer à la société LEASECOM une somme de 20 226,40 en principal avec intérêts au taux légal à compter de la décision au titre de factures impayées dans le cadre d’un contrat de location d’un photocopieur.
Le 23 mars 2021, le conseil de madame [X] a formé opposition à cette ordonnance d’injonction de payer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Par exploit d’huissier de justice en date du 23 mai 2022, madame [X] a assigné en intervention forcée la SELARL Laurent MAYON es qualité de liquidateur judiciaire de la société MATECOPIE, aux fins de dire le jugement à venir commun à la société MATECOPIE, annuler les contrats signés le 4 mai 2018 entre madame [X], la société MATECOPIE et la société LEASECOM au motif que ceux-ci sont interdépendants et qu’ils forment une seule opération économique, condamner la société LEASECOM à lui rembourser les sommes indûment payées en exécution du contrat nul, ordonner la restitution immédiate du photocopieur aux frais exclusifs de la société LEASECOM, à titre subsidiaire, constater la caducité du contrat de location avec LEASECOM à compter du 5 février 2020, date de la liquidation judiciaire et de la cessation d’activité du fournisseur MATECOPIE, débouter la société LEASECOM de toute demande à son égard, la condamner à lui verser une somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts, la condamner à lui verser une somme de 2500 euros au titre des dépens et condamner la société MATECOPIE à la relever indemne de toute condamnation prononcée à son encontre.
Cette intervention forcée a été jointe au dossier principal.
La SEARL MAYON, es qualité de liquidateur judiciaire de la société MATECOPIE, n’a pas constitué avocat. 

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, la société LEASECOM demande au tribunal de :
-débouter madame [X] de l’intégralité de ses demandes,

- constater la résiliation du contrat de location par le jeu de la clause de résiliation portant sur le photocopieur OLIVETTI 1 MF 3504,
- la condamner au paiement de la somme de 22 060,40 euros arrêtée au 6 novembre 2020, augmentée des intérêts au taux légal multiplié par 3, jusqu’à règlement complet, en ce compris la somme de 1 886,40 euros TTC au titre des sommes impayées au titre de la résiliation et la somme de 20 174 euros au titre de l’indemnité de résiliation, dont le montant correspond aux loyers à échoir HT (18 340 euros) et la pénalité de 10% (1834 euros),
A titre subsidiaire, si le tribunal ne prononçait pas la nullité du contrat,
-ordonner à madame [X] de restituer à ses frais le photocopieur sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du jugement, exclusivement à la société LEASECOM au lieu choisi par cette dernière, ou à toute personne désignée par la société LEASECOM,
-débouter madame [X] de toute demande de restitution des loyers et à défaut la condamner au paiement d’une somme équivalente aux loyers restitués (3652,20 euros) au titre de l’indemnité de jouissance du matériel mis à sa disposition,
-ordonner la compensation des sommes qui pourraient être dues entre madame [X] et la société LEASECOM
En tout état de cause,
-ordonner à madame [X] de restituer à ses frais le matériel objet du contrat de location en bon état d’entretien et de fonctionnement sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du jugement à intervenir, exclusivement à la société LEASECOM au lieu choisi par cette dernière, ou à toute personne désignée par la société LEASECOM,
-dans l’hypothèse où madame [X] ne restituerait pas le matériel objet du contrat de location, autoriser la société LEASECOM ou toute personne que la société se réserve le droit de désigner à appréhender le matériel objet du contrat de location en quelque lieu qu’il se trouve pour en prendre possession en ses lieu et place, les frais d’enlèvement et de transport incombant exclusivement à madame [X], au besoin avec le concours de la force publique,
-la condamner à lui verser une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner à supporter les dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société LEASECOM expose que madame [X] a, dans le cadre de son activité d’orthophoniste, souhaité se doter d’un photocopieur, qu’elle a financé sous la forme d’un contrat de location longue durée, conclu avec la société LEASECOM le 4 mai 2018. Le 18 mai 2018, la locataire a signé un procès-verbal de livraison-réception et la société LEASECOM lui a adressé un échéancier valant facture. Elle expose avoir constaté qu’à compter du 1er août 2020, la locataire a cessé de régler les loyers. Le 22 octobre 2020, elle lui a adressé une mise en demeure rappelant qu’à défaut de paiement, le contrat de location serait résilié de plein droit conformément aux stipulations de l’article 8 des conditions générales. A défaut pour la locataire d’avoir régularisé sa situation, le contrat a été résilié à ses torts exclusifs à compter du 6 novembre 2020.

La société LEASECOM indique que madame [X] fait un amalgame entre la société LEASECOM et la société MATECOPIE. Néanmoins, le contrat de location du 4 mai 2018 n’a pas été signé par la société MATECOPIE mais par la société LEASECOM. Si la société MATECOPIE et madame [X] ont des relations contractuelles, celles-ci sont étrangères à la société LEASECOM.
S’agissant de la demande de madame [X] tendant à prononcer la nullité des contrats signés avec MATECOPIE et LEASECOM, elle souligne d’abord que la relation contractuelle entre le fournisseur (MATECOPIE) et le locataire est différente de celle entre le bailleur (LEASECOM) et le locataire. S’agissant des pratiques commerciales douteuses, elle soutient que la réunion des conditions cumulatives posées par l’article L. 221-3 du code de la consommation n’est pas démontrée (contrat conclu hors établissement, nombre de salariés inférieur ou égal à 5, le contrat ne doit pas entrer dans le champ de l’activité principale du professionnel), de sorte qu’en qualité de professionnel, elle ne peut se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation. Elle estime en tout état de cause que madame [X] ne rapporte pas la preuve de pratiques commerciales agressives, aucun stratagème de la part du fournisseur ou du loueur n’étant démontré. S’agissant du vice du consentement allégué pour dol, elle soutient qu’elle n’a jamais consenti aux modalités contractuelles fixées entre la société MATECOPIE et madame [X] et soutient en tout état de cause que les conditions du dol ne sont pas démontrées. Elle soutient que si le tribunal devait néanmoins prononcer la nullité, il lui faudrait constater, sur le fondement de l’article 1182 du code civil que madame [X] a renoncé à se prévaloir de la nullité dès lors qu’elle a exécuté volontairement, pendant 2 ans, son contrat de location, tout comme tous les contrats la liant à MATECOPIE.
S’agissant de la supposée caducité du contrat en raison de la liquidation judiciaire de la société MATECOPIE, elle soutient que la seule ouverture de la procédure collective n’entraîne pas, en application de l’article L. 641-11-1 du code de commerce, de droit la résiliation ou la résolution des contrats, et il lui incombait de mettre en demeure le liquidateur de prendre partie sur la poursuite du contrat, comme le prévoit l’article L. 641-11-1 du code de commerce, ce qu’elle n’a pas fait. Le contrat de maintenance n’ayant pas disparu, il ne peut y avoir de caducité du contrat de location.
Elle conteste par ailleurs que les contrats soient interdépendants dès lors que les conditions cumulatives de l’article 1186 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, ne sont pas remplies. Elle indique ne pas avoir donné son consentement à l’opération d’ensemble en cause. Si elle a été informée du fait que la société MATECOPE fournissait le matériel, tel que mentionné dans le contrat de location, il n’en demeure pas moins que le loueur est un tiers aux contrats signés entre madame [X] et MATECOPIE, laquelle n’est pas non plus signataire du contrat de location. De plus, il ne ressort d’aucune disposition contractuelle que la société LEASECOM aurait été informée des conditions contractuelles prévoyant une participation commerciale à l’issue des 21 premiers mois d’exécution. Elle conteste en outre l’allégation selon laquelle la prestation commerciale versée par la société MATECOPIE à madame [X] aurait été en réalité financée par elle. Elle conteste le fait que le coût de la maintenance ait été inclus dans les loyers.

Elle ajoute que madame [X] ne démontre pas que l’exécution de plusieurs contrats était nécessaire à la réalisation de l’opération d’ensemble, ni que l’exécution du contrat de location soit devenue impossible du fait de la disparition de l’un des autres contrats, dès lors que le prestataire défaillant dans son obligation de maintenance aurait pu se voir substituer une autre société.
S’agissant de ses demandes, elle soutient qu’elles sont fondées en raison de la résiliation du contrat du fait des impayés de loyers et du fait que la locataire a conservé par devers elle l’équipement loué. A titre subsidiaire, il est demandé de ne pas faire droit à la demande de madame [X] tendant à la restitution des loyers par la société LEASECOM car elle a bénéficié du matériel pendant plusieurs années. Une restitution de ces loyers équivaudrait à un enrichissement sans cause. Elle sollicite dans le cas où il serait fait droit à une telle demande de lui allouer une indemnité de jouissance du matériel mis à sa disposition d’un montant équivalent.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2023, madame [X] demande au tribunal :
- d’annuler les contrats signés le 4 mai 2018 par elle, la société MATECOPIE et la société LEASECOM en ce qu’il procèdent de pratiques commerciales abusives,
- de les annuler en ce qu’ils procèdent de manœuvres dolosives sans lesquelles elle n’aurait pas contracté et qui l’ont manifestement trompée sur la portée de son engagement,
- de condamner la société LEASECOM à lui rembourser les sommes indûment payées en exécution d’un contrat nul de location de photocopieur du 4 mai 2018 pour 3652,20 euros, déduction faite de la participation commerciale versée à la conclusion du contrat de 11 439 euros,
-d’ordonner la restitution immédiate du photocopieur aux frais exclusifs de la société LEASECOM
A titre subsidiaire,
- de constater la caducité du contrat de location avec la société LEASECOM à compter du 5 février 2020, date de la liquidation judiciaire et de la cessation de l’activité du fournisseur MATECOPIE
-de débouter la société LEASECOM de toute demande de paiement contre madame [X]
En tout état de cause
-de condamner la société LEASECOM à lui verser la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral résultant des pratiques commerciales agressives et des manœuvres dolosives exercées à son encontre,
- de débouter la société LEASECOM et la société MATECOPIE de l’intégralité de leurs demandes
- de condamner la société LEASECOM à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à supporter les dépens.
Elle expose que le contrat litigieux du 4 mai 2024 est un contrat tripartite, qui s’inscrivait dans une opération économique portant sur la fourniture et la maintenance d’un photocopieur par la société MATECOPIE, à son bénéfice, la société LEASECOM intervenant en qualité de loueur de ce photocopieur. Elle indique que le 4 mai 2018, sur démarchage de la société MATECOPIE, madame [X] a signé avec cette société, sur son lieu d’exercice professionnel, un bon de commande pour un copieur multifonctions OLIVETTI, un contrat de maintenance du matériel, un contrat intitulé « rachat de matériel » venant déguiser une participation commerciale de 11 439 euros et un contrat de location avec la société LEASECOM pour laquelle MATECOPIE agissait comme mandataire apparent. La participation commerciale a été réglée par la société MATECOPIE, qui a racheté à madame [X] son précédent photocopieur, également fourni par la société MATECOPIE. Elle souligne s’être engagée une nouvelle fois avec la société MATECOPIE car celle-ci avait respecté son précédent engagement, et qu’elle lui proposait une participation commerciale plus importante. Entretemps, MATECOPIE avait changé de partenaire financier, la société LEASECOM ayant remplacé la société LOCAM. Elle explique que le 1er contrat, qui devait courir jusqu’au mois de janvier 2021 a été soldé à la conclusion du 2e contrat, en mai 2018, sans qu’aucune intervention de sa part ne soit requise ni qu’elle soit inquiétée par la société LOCAM. Par jugement du 5 février 2020, la société MATECOPIE a été placée en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité, de sorte qu’elle n’a plus assuré la maintenance.
Elle soutient que le contrat de location, le contrat de fourniture du photocopieur et le contrat de rachat de matériel conclus avec la société LEASECOM et la société MATECOPIE sont interdépendants, ceux-ci étant concomitants et s’inscrivant dans une même opération économique. Elle rappelle qu’en application de deux arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation du 17 mai 2013, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance. Elle soutient que l’interdépendance vient du fait que la société MATECOPIE a manifestement agi en qualité de mandataire, le commercial de la société MATECOPIE ayant sur lui des imprimés de contrat de location pré remplis au nom de la société LEASECOM, le bon de commande du matériel auprès de MATECOPIE et le contrat de location souscrit auprès de LEASECOM mentionnaient tous les deux le même nombre de mensualités et le même montant, les contrats ont tous été signés le même jour. Elle soutient que la société LEASECOM justifie dans ses pièces du montant versé à la société MATECOPIE et que le montant de 32 994 euros ne peut correspondre au prix du photocopieur qui doit se situer autour de 2000 euros. Elle en déduit que la société LEASECOM maintient en réalité une opacité sur les liens avec la société MATECOPIE qui laisse présumer qu’elle avait connaissance de l’opération dans son ensemble, y compris la participation commerciale versée à la formation du contrat, qu’elle a financée. Elle ajoute que le contrat intitulé « rachat » de matériel est bien opposable à la société LEASECOM dès lors que ce contrat sert à déguiser une pratique commerciale agressive et dolosive, destinée à tromper madame [X] sur la portée de son engagement et obtenir son consentement au contrat de location, ce d’autant que le rachat n’est pas possible puisque le matériel détenu par cette dernière en vertu du précédent contrat était loué.

Elle soutient que tous les contrats sont entachés de nullité car ils procèdent de pratiques commerciales agressives en violation des dispositions du code de la consommation (L. 121-6 et L. 132-10 du code de la consommation) dont elle doit bénéficier en sa qualité d’orthophoniste libérale, ce contrat n’entrant pas dans le champ de son activité principale (L. 221-3 du même code).
Elle soutient que la pratique commerciale agressive est caractérisée par le fait pour la société MATECOPIE, mandataire apparente de la société LEASECOM, d’offrir à madame [X] une somme d’argent très importante en échange d’un engagement contractuel de sa part et l’engagement de MATECOPIE de faire évoluer le matériel à partir du 21e mois. Elle soutient que sans la participation commerciale de MATECOPIE, elle n’aurait pas contracté.
Elle ajoute que les contrats sont nuls en raison des pratiques dolosives utilisées pour obtenir son consentement. Elle estime que la participation financière déguisée sous forme de rachat de matériel avec promesse d’obtenir un nouveau matériel après 21 mois de location caractérisent des manœuvres dolosives dès lors qu’en procédant ainsi, la société MATECOPIE lui faisait croire que les mensualités étaient bien plus faibles et qu’elle pourrait se libérer de son engagement contractuel avant le terme du 1er juillet 2023 comme cela avait été le cas pour le premier contrat.
En conséquence de la nullité, elle demande à ce que le photocopieur soit restitué aux frais exclusifs de la société LEASECOM ce d’autant que la restitution avait été proposée dès le 10 juillet 2020. Elle demande à ce que la société LEASECOM lui restitue les loyers versés déduction faire des 11 439 euros versés par la société MATECOPIE. Subsidiairement, elle estime qu’en application de l’article 1186 du code civil, le contrat de location devra être déclaré caduc à compter de la liquidation judiciaire de la société MATECOPIE, du fait de l’interdépendance des contrats. Elle estime par ailleurs avoir subi un préjudice moral considérable lorsqu’elle a découvert avoir été trompée. Elle s’est sentie humiliée par la procédure diligentée à son encontre et a subi l’angoisse d’avoir mis en péril son activité professionnelle dont les ressources sont insuffisantes pour assumer ce photocopieur au coût mensuel de 628,80 euros.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de condamnation en paiement au titre de la résiliation du contratMadame [X] oppose à cette demande la nullité du contrat de location en raison de pratiques commerciales abusives et de pratiques dolosives imputables à la société MATECOPIE, et demande par extension la nullité des autres contrats conclus avec la société MATECOPIE en raison de leur interdépendance.

1.1 Sur le caractère interdépendant des contrats conclus le 4 mai 2018.
En application des deuxième et troisième alinéas de l’article 1186 du code civil, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.
Dans un arrêt du 10 janvier 2024 (n° 22-20.466), la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que madame [X] a signé le 4 mai 2018 un contrat de rachat/reprise avec la société MATECOPIE concernant son ancien matériel. Le même jour, elle a signé un contrat de location d’un photocopieur de marque OLIVETTI MF 3504, le loueur étant la société LEASECOM, le fournisseur étant la société MATECOPIE. Le même jour encore, elle a signé le bon de commande de ce photocopieur auprès de la société MATECOPIE et souscrit un contrat de maintenance auprès de cette société.
Quatre contrats en rapport avec le photocopieur ont donc été signés le même jour, au même endroit (à Coutras). Trois contrats sur quatre concernent directement la société MATECOPIE et un seul concerne madame [X] et la société LEASECOM mais tous permettent la réalisation d’une opération économique unique, soit la mise à disposition d’une photocopieuse entretenue. La société LEASECOM avait nécessairement connaissance de l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'elle a donné son consentement à son financement, étant souligné qu’il importe peu que le loueur ait été expressément informé ou non de la participation financière apportée par le prestataire.
Bien que madame [X] l’évoque dans ses écritures, elle ne sollicite pas l’application des dispositions de l’article 1186 du code civil en ce qu’elles permettent de déclarer caducs les contrats interdépendants du fait de la disparition de l’un d’eux.
Elle se prévaut pour chacun d’eux de leur nullité en se fondant sur deux moyens, les pratiques commerciales abusives et le dol, qui entachent l’ensemble des contrats du fait de leur interdépendance.
1.2 Sur la demande de nullité des quatre contrats en raison de pratiques commerciales abusives

1.2.1 Sur le champ d’application des dispositions du code de la consommation relatives aux pratiques commerciales abusives.

Les pratiques commerciales dites abusives sont définies à l’article L. 121-7 du code de la consommation. Selon l’article L. 132-10 de ce code, en vigueur depuis le 1er juillet 2016 “Le contrat conclu à la suite d'une pratique commerciale agressive mentionnée aux articles L. 121-6 et L. 121-7 est nul et de nul effet.”

En application de l’article L. 221-3 du même code, les dispositions précitées sont applicables aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

En l’espèce, madame [X] exerce la profession d’orthophoniste libéral. Les trois contrats conclus avec la société MATECOPIE ont été conclus à Coutras, hors établissement de la société MATECOPIE dont le siège est à EYSINES. Si le contrat de location conclu avec la société LEASECOM mentionne qu’il a été signé à Paris, soit le lieu du siège de cette société, force est de constater que cette mention, prérédigée sur le contrat, ne peut correspondre à la réalité dès lors que ce contrat est daté du même jour que les trois autres signés à Coutras. En outre, le tampon apposé de la société MATECOPIE comme fournisseur du photocopieur donne à penser que ce contrat a été signé en même temps et au même moment que les trois autres, par l’intermédiaire du représentant de la société MATECOPIE.
Par ailleurs, si un orthophoniste peut être amené à utiliser un photocopieur à l’occasion de son activité professionnelle, la location d’un photocopieur par un tel professionnel exerçant en cabinet libéral n’entre pas dans le champ de son activité principale, laquelle consiste à prévenir, repérer et à traiter des troubles de la voix, de la parole et du langage chez des enfants ou des adultes, au moyen de consultations. Enfin, la fiche INSEE de la locataire montre que celle-ci n’emploie pas de salariés.

Le Tribunal en déduit que les dispositions protectrices du code de la consommation sont applicables à la locataire, laquelle est donc en droit d’invoquer une éventuelle pratique commerciale agressive.

1.2.2 Sur la démonstration de l’existence d’une pratique commerciale agressive au préjudice de la locataire

Aux termes de l’article L. 121-7 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016 :
« Sont réputées agressives au sens de l'article L. 121-6 les pratiques commerciales qui ont pour objet : (…)7° De donner l'impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait : /-soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent ;/ -soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de l'argent ou de supporter un coût. »

En l’espèce, les quatre contrats litigieux (commande, maintenance, contrat de rachat/reprise et location) ont tous été signés le même jour, sur démarchage d’un représentant de la société MATECOPIE. Sur le contrat de rachat/reprise, le prestataire a indiqué à la locataire que le matériel pourrait évoluer après 21 mois, qu’il solderait le contrat en cours au renouvellement de celui-ci et qu’il y avait une possibilité de réengagement sur 24,36 ou 63 mois, avec un « rachat identique pour besoin identique ». Il s’est avéré que cette aide financière, qui avait pour objectif de convaincre la locataire de s’engager, n’était toutefois pas calée sur la durée du contrat de location mais était d’une durée inférieure (21 mois pour la reprise, contre 21 trimestres pour le contrat de location).

Cette promesse de participation financière de la part du fournisseur du photocopieur, pour un photocopieur qu’il a lui-même vendu au loueur a conduit madame [X] à s’engager au titre des quatre contrats litigieux, étant souligné que le contrat de maintenance ne mentionnait par ailleurs aucun prix, ce qui renforce le caractère unitaire de l’opération commerciale. Ainsi, madame [X] a pu déduire de cette promesse qu’en s’engageant, elle bénéficierait d’un photocopieur et de sa maintenance à un prix intéressant alors qu’il n’en est rien si le prestataire cesse sa participation sans qu’elle puisse s’y opposer.

Cette pratique peut ainsi être qualifiée de pratique commerciale agressive.

1.2.3 Sur la nullité des quatre contrats interdépendants

Selon l’article L. 132-10, en vigueur depuis le 01 juillet 2016 “Le contrat conclu à la suite d'une pratique commerciale agressive mentionnée aux articles L. 121-6 et L. 121-7 est nul et de nul effet.”

La pratique commerciale abusive est retenue et concerne nécessairement les quatre contrats conclus le même jour et participant à la même opération.

En réplique, la société LEASECOM soutient que madame [X], en s’acquittant des loyers pendant plus de deux années, aurait renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat.

Aux termes du troisième alinéa de l’article 1182 du code civil : « L’exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité vaut confirmation ».

En l’espèce, le loueur ne démontre pas que sa locataire, lorsqu’elle payait les loyers, avait déjà connaissance de la cause de nullité, qui au cas présent ressort d’une pratique commerciale agressive qui ne lui a été révélée que lorsque la société MATECOPIE n’a pas renouvelé sa participation commerciale et a cessé la maintenance. Il n’y a donc pas confirmation de l’acte nul.

Il y a lieu en conséquence de prononcer la nullité des quatre contrats interdépendants. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le moyen de nullité tiré du dol.

1.2.4 Sur les conséquences de la nullité du contrat de location

Le contrat de location étant nul, la demande formée par la société LEASECOM au titre des indemnités de résiliation sera rejetée.

Il y a lieu d’examiner la demande de Madame [X] au titre du remboursement des sommes indûment payées en exécution du contrat nul, déduction faite de la participation commerciale versée à la conclusion du contrat par la société MATECOPIE.

Aux termes de l’article 1352-3 du code civil, issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016
N° RG : N° RG 21/02573 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VKXV

“La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée./ La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.”

La nullité faisant disparaître le contrat, celui-ci est réputé n’avoir jamais existé. En conséquence, les parties doivent être remises dans la situation initiale.

Le tribunal ordonnera en conséquence la restitution des loyers, déduction faite des 11 439 euros de participation commerciale perçue par la locataire, soit la somme de 3 652,20 euros.

Toutefois, il n’est pas contesté que madame [X] a bénéficié du photocopieur pendant plus de deux années. Dès lors, il y a lieu de la condamner à verser au loueur la somme de 3 652,20 euros à titre d’indemnité de jouissance du matériel. La compensation des créances sera ordonnée.

Le contrat de location étant nul du fait de pratiques commerciales abusives, la restitution du matériel doit également être ordonnée, aux frais du loueur.

En cas de refus de restituer, la locataire sera soumise à une astreinte de 20€ par jour à compter de la constatation de son refus selon les modalités précisées dans le dispositif du présent jugement.

Sur la demande d’indemnité au titre du préjudice moral

Aux termes de l’article 1240 du code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
En l’espèce, s’il a été retenu que le loueur avait nécessairement connaissance de l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il avait consenti au financement, il n’est en revanche pas démontré qu’il ait eu une exacte connaissance de la pratique agressive sanctionnée ci-dessus, laquelle ne ressort que des seuls agissements de la société MATECOPIE, non visée par cette demande. La locataire sera déboutée de cette demande.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

- Dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la société LEASECOM succombant, elle sera condamnée aux dépens.

- Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
au paiement des dépens.

Au vu des circonstances particulières du litige, il apparaît équitable de condamner la société LEASECOM à verser à madame [X] une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

- REÇOIT l’opposition formée par madame [X] [Y] contre l’ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Bordeaux chargé des contentieux de la protection et de la proximité du 15/02/2021, cette opposition mettant à néant cette ordonnance ;
- PRONONCE la nullité des quatre contrats souscrits par Madame [X] le 4 mai 2018 portant sur le rachat de matériel, la mise à disposition, le financement, la maintenance d’une photocopieuse OLIVETTI MF 3504, moyennant paiement d’un loyer auprès de la société LEASECOM ;
- ORDONNE à madame [Y] [X] la restitution du photocopieur aux frais exclusifs de la société LEASECOM,
-DIT que la société LEASECOM devra contacter madame [X] en vue de la restitution du matériel dans le délai d’un mois suivant signification du présent jugement,
- DIT que si la restitution n’a pas lieu le jour convenu par les parties du fait de madame [X], une astreinte provisoire de 20 euros par jour est fixée à compter de la constatation du refus de madame [X] d’y procéder, pour une durée maximale de trente jours ;
- CONDAMNE la société LEASECOM à rembourser à madame [Y] [X], la somme de 3 652,20 euros au titre des loyers indûment versés ;
- CONDAMNE madame [Y] [X] à payer à la société LEASECOM la somme de 3 652,20 euros à titre d’indemnité de jouissance du dit matériel ;
- ORDONNE la compensation entre ces deux créances réciproques ;
- DÉBOUTE madame [Y] [X] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral ;

- DÉBOUTE la société LEASECOM de ses demandes de paiement en exécution d’un contrat de location nul ;
- CONDAMNE la société LEASECOM aux entiers dépens ;
- CONDAMNE la société LEASECOM à payer à la madame [Y] [X] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- REJETTE la demande de la société LEASECOM sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire.
Le présent jugement a été signée par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02573
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.02573 ?
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