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16/05/2024 | FRANCE | N°20/04477

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 16 mai 2024, 20/04477


N° RG 20/04477 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UNUT
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND





53L

N° RG 20/04477 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UNUT

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[D] [M] née [N], [M] [B]

C/

CAISSE D’EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES











Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SARL AHBL AVOCATS
la SELAS JULIEN PLOUTON



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 MAI 2024


COMPOSITION DU TRI

BUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier

DÉBA...

N° RG 20/04477 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UNUT
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

53L

N° RG 20/04477 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UNUT

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[D] [M] née [N], [M] [B]

C/

CAISSE D’EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SARL AHBL AVOCATS
la SELAS JULIEN PLOUTON

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Mars 2024
Délibéré au 16 mai 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

DEMANDERESSES :

Madame [D] [M] née [N]
née le 21 Novembre 1965 à SAINT CLOUD (92210)
de nationalité Française
371 cours de la Somme
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Madame [M] [B]
née le 25 Août 1991 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
371 cours de la Somme
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
N° RG 20/04477 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UNUT

DÉFENDERESSE :

CAISSE D’EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES
1 PARVIS CORTO MALTESE CS 31271
33076 BORDEAUX CEDEX

représentée par Maître Benjamin HADJADJ de la SARL AHBL AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

******

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants

M [C] [M], sa fille [B] [M] et sa compagne Mme [D] [N] (par la suite devenue son épouse) ont participé à l’acquisition de deux biens immobiliers au moyen de plusieurs concours financiers accordés par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance.

La première opération patrimoniale a porté sur un bien valorisé à 600.000€, situé au 317 Cours de la Somme à Bordeaux. M [C] [M] s’est porté acquéreur de l’usufruit et il a obtenu le 10/07/2012 un prêt (n°9057353) de 264.000 €. Sa fille, [B] [M] s’est portée acquéreur de la nue propriété de ce bien et à cette fin a obtenu, également le 10/07/2012, deux prêts : l’un (n°9057252) de 124.718 € et l’autre (n° 9057253) de 180.000 €. M [C] [M] s’est porté “caution hypothécaire” de ses droits sur le bien pour les deux prêts et sa fille, Mme [B] [M] a été désignée en qualité de “caution” sur le prêt souscrit par son père, par engagement de la même date.

La seconde opération patrimoniale a porté sur l’acquisition de la pleine propriété et de travaux sur un bien situé 121 Cours de l’YSER à Bordeaux. La SCI MSA a souscrit le 24/02/2014 un prêt (n° 9359780) de 385.113,61€. A titre de garanties, outre un privilège de prêteur de deniers, en date du même jour, les associés de la SCI : M [C] [M], Mme [D] [N] et Mme [B] [M] ont apporté leur caution personnelle, chacun pour un montant différent.

A la suite du décès de M [C] [M], le 12/03/2019, Mme [N], veuve [M], s’est rapprochée de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance qui l’a informée de l’absence de garantie décès couvrant ces prêts, les cotisations d’assurance mentionnées aux contrats ayant trait à la seule couverture du risque décès de Mme [B] [M].

Madame [D] [M] et Madame [B] [M] ont adressé le 22/01/2020 une mise en demeure à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes tendant à décharger tant l’indivision successorale, que Mme [B] [M] de toute obligation découlant des prêts.

Procédure

Par acte d’huissier signifié en date du 15/06/2020, transmise au greffe le 24/06/2020, Mmes [D] [N], veuve [M] et [B] [M] ont fait assigner la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX.

Le défendeur a constitué avocat en date du 26/06/2020 et faisait déposer des conclusions.

En cours de procédure, le 30/08/2022, l’immeuble du 317 cours de la Somme a été vendu par sa propriétaire Mme [B] [M]. Les crédits afférents ont fait l’objet de remboursements anticipés, aucun solde restant dû à la banque.

Après un renvoi à la mise en état opéré à l’audience du 19/10/2022, l'ordonnance finale de clôture est en date du 21/02/2024.

Les débats s’étant déroulés à l’audience du 7/03/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 16/05/2024.

PRÉTENTIONS DES DEMANDEURS, Mmes [N] et [M] :

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4/04/2023, les demandeurs sollicitent du Tribunal de :
PROCÉDER à une vérification d'écriture sur les actes suivant :
- Acte de cautionnement prétendument signé par [C] [M] le 21 février 2014 en garantie du prêt n°9359780 souscrit par la SCI MSA (pièce n°5)
- Avis de conseil sur un produit d'assurance du 29 mai 2012 (pièce n°10)
En conséquence,
PRONONCER la nullité du cautionnement du 21 février 2014 souscrit par [C] [M] en garantie du prêt n°9359780 souscrit par la SCI MSA le 21 février 2014
CONSTATER le manquement de la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charente à son devoir de conseil s'agissant du prêt n°9057353 conclu le 28 juin 2012
CONDAMNER en conséquence la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charente à verser au profit de l'indivision successorale née du fait du décès d'[C] [M] la somme de 75.651 euros correspondant au capital restant dû au jour de la mise en demeure du 22 janvier 2020, assortie des intérêts au taux légal à compter de ladite mise en demeure
CONSTATER la disproportion de l'engagement de caution pris par Madame [B] [M] et de Madame [D] [N] [M] en garantie du prêt n°9359780 souscrit par la SCI MSA le 21 février 2014 au regard de leurs revenus
ORDONNER en conséquence la décharge de Madame [B] [M] et de Madame [D] [N] épouse [M] de leur engagement de caution à l'égard du prêt n°9359780 souscrit par la SCI MSA le 21 février 2014
CONDAMNER la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charente à verser à Madame [B] [M] et à Madame [D] [N] épouse [M] la somme de 3.000 euros chacune au titre de l'article 700 du CPC
CONDAMNER la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charente aux entiers dépens
DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir

Les demandeurs exposent que les opérations de crédit seraient affectées de plusieurs faux en écritures - laissant supposer qu’ils émanent de la main de M [X] intervenu dans les opérations en qualité de courtier - s’agissant tant de l’avis de conseil, que de l’acte de cautionnement de [B] [M] pour les prêts de l’acquisition du 317 cours de la Somme (2012) et de celui de son père [C] [M] pour le prêt souscrit par la SCI MSA en 2014 pour le 121 Cours de l’Yser (2014).

En raison de la vente du bien du 317 Cours de la Somme, de l’apurement des crédits consentis et du désistement sur les faux qui leurs sont relatifs, il ne reste en litige que ceux relatifs au document “avis conseil” pour l’assurance du prêt pour ce bien ainsi que l’acte de cautionnement de M [C] [M] pour le prêt consenti à la SCI MSA en 2014.

Ils font valoir que la banque aurait manqué, en violation avec l’article L.521-4 du Code des assurances, à son obligation de conseil relatif à l’assurance décès du prêt de 2012 car aucune information préalable à la conclusion du contrat de prêt n’aurait été communiquée à [C] [M] concernant l'assurance, si ce n'est au sein même du contrat de crédit où il serait mentionné une assurance décès-invalidité mentionnant une garantie à hauteur de 100% ; compte tenu de son ambiguïté, il aurait été induit en erreur sur la portée de cette garantie. La pratique de l’assureur de la banque de n’assurer les emprunteurs que jusqu’à leur 70 ans serait par ailleurs sans incidence sur l’obligation de conseil.

Ils ajoutent que ce défaut de conseil est également caractérisé par un manquement de contrôle de la réception par l’emprunteur d’une information complète sur l’assurance décès, faute de ne pas avoir vérifier que la signature de ce dernier n’était pas falsifié comme prétendu.

Au visa de l’article L. 341-4 du Code de la consommation, ils invoquent également, la disproportion des cautionnements souscrits en 2014 pour le prêt n° 9359780 consenti à la SCI MSA au regard de la situation respective de [B] [M] et de Mme [N], veuve [M], la première étant étudiante, la seconde sans emploi, alors que la situation financière de l'emprunteur s'apprécierait au jour de la conclusion du contrat de prêt et qu’il ne devrait pas être tenu compte des éléments postérieurs tels les événements familiaux et professionnels. Ils indiquent que [B] [M] était alors âgée de 20 ans et ne disposait que de revenus très modestes liés à son statut d’étudiante en alternance. La déclaration d’ISF produite par la banque concernerait le couple [M] avec son ex épouse d’alors, soit Mme [V] et non pas Mme [N]. Ils en déduisent des manquements aux obligations du prêteur vis à vis de cautions personnelles non averties au regard de leurs situations respectives ; La sanction de ce manquement serait la “décharge totale” selon une jurisprudence évoquée par les défendeurs (COM, 28/03/2018, n° 2012-008940).

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE :

Dans ses dernières conclusions en date du 2/01/2023 le défendeur demande au tribunal de :
Donner acte à la CAISSE D'EPARGNE en ce qu'elle renonce à se prévaloir du cautionnement personnel et solidaire régularisé le 10/07/2012 par Mademoiselle [B] [M] en garantie du Prêt n°9057353 souscrit par son Père.
Donner acte à la CAISSE D'EPARGNE en ce qu'elle s'en remet, sur la vérification d'écriture sollicitée, à l'appréciation du Tribunal.
Sur le surplus des demandes formulées par Madame [D] [M] et Mademoiselle [B] [M], les débouter intégralement.
Condamner in solidum Madame [D] [M] et Mademoiselle [B] [M] au paiement d'une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

La Caisse d’Epargne et de Prévoyance soutient que :

- Sur la nullité de l'acte de cautionnement consenti par Mademoiselle [B] [M] en garantie du Prêt n°9057353 souscrit par son père afin d'acquérir l'usufruit du bien sis 317 Cours de la Somme à BORDEAUX, elle ne conteste pas l’existence de différence majeures de calligraphie et elle renonce à se prévaloir du cautionnement personnel et solidaire régularisé le 10/07/2012 par Mademoiselle [B] [M] en garantie du Prêt n°9057353 souscrit par son père, en raison du fait que le prêt a été remboursé suite à la vente du bien et que le cautionnement serait ainsi privé d’effet juridique.

- Sur la nullité de l'acte de cautionnement souscrit par Monsieur [C] [M] en garantie du Prêt n°9359780 (21/02/2014) consenti à la SCI MSA, les documents de comparaison produits par les demandeurs n'auraient rien de probant, alors que la signature portée par Monsieur [M] sur le compromis de vente serait similaire à celle portée sur l'acte de cautionnement ; elle s'en remet, sur la vérification d'écriture sollicitée, à l'appréciation du Tribunal.

- Sur la nullité pour fausse signature de l'avis de Conseil relatif à l'assurance du Prêt n°9057353 souscrit par Monsieur [M] afin d'acquérir l'usufruit du bien sis 317 Cours de la Somme à BORDEAUX, rien ne permettrait de conclure à une fausse signature ; elle s'en remet, sur la vérification d'écriture sollicitée, à l'appréciation du Tribunal.

- Sur la mise en jeu de la responsabilité de la CAISSE D'EPARGNE pour manquement à son obligation de Conseil en matière d'assurance décès, Monsieur [M] aurait été, du seul fait de son âge (67 ans au moment de la souscription), non assurable (la garantie spécifique “GPA3" ne pouvant être souscrite qu’avant les 65 ans de l’emprunteur) ; alors qu'il n'existerait aucune ambiguïté dans l’offre de prêt n°9057353 car à la section assurance pages 1 et 2, seule Mlle [B] [M] serait mentionnée.

- Sur la disproportion des cautionnements souscrits dans le cadre du Prêt n°9359780 consenti à la SCI MSA, elle soutient qu’il appartiendrait à la caution qui oppose au créancier le caractère disproportionné de son engagement de le prouver et selon l’article L.341-4 code de la consommation, il doit exister une disproportion manifeste de l'engagement de caution au jour de la conclusion de ce contrat : la preuve incombant à la caution. Elle ajoute que si la condition première est remplie, il convient de vérifier la seconde condition à savoir si au jour de l'action en paiement, le patrimoine de la caution ne lui permet pas de faire face à son obligation. Les demandeurs seraient défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe, ceux-ci ne produiraient aucun justificatifs de leur situation patrimoniale actuelle. Elle produit une déclaration de succession qui ferait apparaître le bénéfice de deux contrats d’assurance vie pour une somme de 338.000€ ; elle souligne qu’il ne pèserait sur la banque aucune obligation de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, selon une jurisprudence citée par elle (COM 13/09/2017, N° 15-20294).

Bien que ne faisant plus l’objet d’une demande en raison du remboursement des crédits concernés, la banque développe dans ses conclusions les arguments selon lesquels :

- s’agissant du cautionnement consenti par Monsieur [M] en garantie des prêts n°9057252 et n°9057253 consentis à sa fille aux fins d'acquérir la nue-propriété de l'immeuble sis 317 Cours de la Somme 33000 BORDEAUX, ce serait un cautionnement hypothécaire et cet acte, nécessairement notarié, aurait été régularisé concomitamment à l'acquisition du bien immobilier.

- s’agissant du devoir de mise en garde de la Banque dans le cadre du financement octroyé à Mademoiselle [M], prêts n°9057252 et n°9057253 aux fins d'acquérir la nue propriété de l'immeuble sis 317 Cours de la Somme 33 000 BORDEAUX, il serait de jurisprudence constante que les établissements de crédit ne sont jamais tenus d'un devoir de conseil, que ce soit au profit des emprunteurs profanes ou des emprunteurs avertis. Le devoir de mise en garde imposerait au banquier d'attirer l'attention des emprunteurs sur les risques liés à l'endettement résultant du prêt souscrit tout en respectant le principe de non-ingérence dans les affaires de son client, il doit seulement mettre en garde ou alerter sur les risques encourus par le crédit souscrit. La Cour de cassation distinguerait l'étendue du devoir de mise en garde selon la nature profane ou avertie de l'emprunteur. que si [B] [M] ne peut être qualifiée d'emprunteur averti, en revanche, son père aurait dicté/orienté son choix d'investissement, si bien que la compétence de l'un aurait profité à l'autre ; alors qu'il n'y aurait pas eu en l'espèce crédit excessif, ce qui serait exclusif de tout manquement de la CAISSE D'EPARGNE car pour caractériser l'existence d'un crédit excessif, il faut démontrer que les charges d'emprunt ne peuvent être assumées au regard des ressources déclarées et des actifs possédés par l'emprunteur, alors qu'en l'espèce Mlle [M] bénéficierait d'un actif net d'endettement supérieur à 600.000 € .

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le sort des demandes de donner acte et autres demandes ne constituant pas des prétentions

Le tribunal rappelle à titre liminaire qu'il n'a pas à statuer sur les demandes de "donner acte" ou "constater" de "déclarer" ou de "juger" qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles demandes ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d'une prétention dans la partie "discussion" des conclusions.

Le Tribunal n'est saisi que par le dispositif

En droit, l'article 768 du CPC dispose notamment que : "Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion".

Les demandeurs évoquent dans la motivation de leurs conclusions, à titre subsidiaire de leur demande principale visant à ce que le Tribunal procède directement à la vérification d'écriture, la désignation d'un expert judiciaire en graphologie et à surseoir à statuer dans l'attente du rapport de l'expert ; sans pour autant reprendre cette hypothèse dans le dispositif de leurs conclusions, qui seul saisit le Tribunal, il n'y a donc pas lieu d'y statuer en application de l'article sus-visé.

Le Tribunal n’est en conséquence saisi que d’une demande de vérification d’écriture, mais peut toujours ordonner une mesure d’expertise s’il l’estime nécessaire au vu des pièces produites par les parties.

Sur la demande de vérification d’écriture

Aux termes de l’article 1373 du code civil:

“La partie à laquelle on l'oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers ou ayants cause d'une partie peuvent pareillement désavouer l'écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu'ils ne les connaissent. Dans ces cas, il y a lieu à vérification d'écriture.”

Aux termes de l’article 287 du code de procédure civile :

“Si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.”

L’article 288 du même code prévoit en outre que :

“Il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture”

Il appartient au juge, saisi d'un incident de vérification d'un écrit nécessaire à la solution du litige, lorsqu'il estime que les documents versés aux débats ne lui permettent pas d'affirmer que l'acte dont une partie dénie l'écriture émane bien de cette partie, de lui enjoindre de produire tout document de comparaison lui paraissant nécessaire, et, s'il y a lieu, de lui faire composer sous sa dictée, des échantillons d'écriture, ainsi que d'ordonner toutes autres mesures prévues en cas d'incident de vérification. Et, sauf à inverser la charge de la preuve, il ne peut statuer au fond qu'après avoir retenu que l'acte émane bien de la partie qui l'a désavoué.

En premier lieu, le demandeur prétend que la mention obligatoire et la signature figurant sur l’acte de cautionnement émis par la banque ne seraient pas de la main d’[C] [M], en conséquence de quoi la nullité du cautionnement prétendument souscrit par M [C] [M] en garantie du Prêt n°9359780 (21/02/2014) consenti à la SCI MSA devrait être prononcée. Il est demandé de procéder à une vérification d’écriture.

Il ressort des pièces produites que la signature de M [C] [M] figurant sur le compromis de vente du 11/04/2012 (dernière page, pièce 3, défendeur) recueillie dans un office notarial en un seul exemplaire, avec remise à la caissière de l’office de la somme versée en garantie (page 7) est similaire en plusieurs points avec celle querellée figurant sur l’acte de cautionnement.

De plus, il ne résulte pas de la comparaison effectuée par le Tribunal de la signature et de la mention manuscrite portées à l’acte cautionnement du 24/02/2014 (pièce 5, demandeur) avec les pièces de comparaison produites (pièce 17), un discordance manifeste.

Dès lors, sans qu’il y a ait lieu d’ordonner la production de pièces de comparaison supplémentaires ou une expertise, il y a lieu de constater que l’acte désavoué émane bien de M [C] [M].

En second lieu, le demandeur prétend que la signature figurant sur “l’avis de conseil” émis par la banque ne serait pas celle d’[C] [M], de sorte qu’il ne serait pas démontré qu’il ait été pleinement informé des possibilités de souscrire une assurance décès destinée à prendre en charge le montant du capital restant dû en cas de survenance de son propre décès, ce qu’il adviendra pourtant.

Il résulte des pièces produites que la signature de M [C] [M] figurant sur le compromis de vente du 11/04/2012 recueillie chez un notaire en un seul exemplaire (dernière page, pièce 3, défendeur) présente des similitudes avec celle querellée. De plus, il ne résulte pas de la comparaison effectuée par le Tribunal de la signature apposée sur “l’avis de conseil relatif à un produit d’assurance” (pièce 10, demandeur) avec celles produites (pièce 17, un discordance manifeste.

Dès lors, sans qu’il y a ait lieu d’ordonner la production de pièces de comparaison supplémentaires ou une expertise, il y a lieu de constater que l’acte désavoué a bien été signé par monsieur [M].

Sur la demande de nullité de l’acte de cautionnement de M [C] [M] en garantie du prêt de 2014

L’acte de cautionnement ayant été signé par Monsieur [M], la demande de nullité motivée par l’existence d’une fausse signature attribuée à ce dernier doit être écartée.

Sur la demande d’indemnisation de la succession à hauteur du capital restant dû pour cause de manquement au devoir de conseil de la banque

Le document d’information a été signé par monsieur Monsieur [M].

En outre, il résulte également des conditions particulières du prêt souscrit par M [C] [M] le 29/06/2012, en page deux qu’au paragraphe “ASSURANCES” ne figure clairement que le seul nom de “Mlle [B] [M]”, de sorte que l’emprunteur ne pouvait pas se méprendre sur l’absence de toute garantie portant sur son “risque décès”. A ce titre le Tribunal constate que le paraphe “Am” posé juste en face de cette mention présente de fortes similitudes avec celles figurant aux pages du compromis de vente réalisé dans un office notarial pour la même opération immobilière.

Enfin, compte tenu de l’âge de M [C] [M] au moment du prêt souscrit en 2012, soit 67 ans, ainsi que de la durée du dit prêt: trois années de “préfinancement” suivi de dix années d’amortissement, soit sur treize années ce qui portait l’âge du souscripteur en fin de remboursement de prêt à 80 ans, le Tribunal estime que la banque n’avait aucune obligation de rechercher et donc de proposer ou encore de suggérer une assurance décès dont l’existence apparaît des plus illusoire sur le marché des assurances dites “garanties emprunteurs” ; étant par ailleurs rappelé que c’est de l’intérêt même du banquier que de faire souscrire à l’emprunteur une garantie décès, laquelle lui profite en première ligne puisque les sommes lui sont usuellement versées directement par l’assureur.

L’emprunteur ne pouvait donc ignorer cette situation, alors même qu’il procédait à l’acquisition du bien immobilier en usufruit, laissant à sa fille [B] [M] l’acquisition de la nue propriété ; démontrant ainsi que l’éventualité de son décès avait bien été envisagée par lui.

Les demandeurs seront également déboutés de cette demande.

Sur le caractère disproportioné du cautionnement souscrit par Mme [D] [N] et Mlle [B] [M] dans le cadre du Prêt n°9359780 consenti à la SCI MSA

En droit, selon l’article L341-4 du code de la consommation alors applicable (devenu L332-1) :
“Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.”

Ainsi, il convient d’apprécier cette éventuelle disproportion dans un premier temps au moment où est apporté l’acte de cautionnement, puis le cas échéant, d’apprécier à nouveau la situation au moment où cet engagement est appelé par le créancier de l’obligation principale.

En l’espèce, s’agissant de l’appréciation par le Tribunal d’une supposée disproportion manifeste entre l’engagement des deux cautions et leurs biens et revenus, s’il apparaît qu’effectivement, aux vues des pièces produites, les revenus quasi inexistants des deux cautions ne leur permettaient pas de les honorer avec ces ressources là, en revanche les cautions ne démontrent pas que leurs patrimoines respectifs au moment de leurs actes de cautionnement ne les mettaient pas en position de pouvoir les honorer. Or, c’est à la caution qui invoque la dite disproportion manifeste d’en apporter l’entière preuve, ce que - s’agissant de leurs patrimoines d’alors - elles ne font pas.

En outre s’agissant de leur capacité à honorer leurs engagements de cautions au moment où elles sont toutes deux “appelées” par la banque, créancier de ces engagements, le Tribunal relève que :

- s’agissant de l’appréciation de la situation financière précise que le Tribunal peut et doit retenir, l’engagement de caution étant une obligation continue (et non pas instantanée), le “moment où celle-ci est appelée” doit s’apprécier de celui compris entre la première demande d’en être dispensé et la date à laquelle l’engagement cesse (par quelque moyen que ce soit), soit au cas particulier, la ou les situations comprises entre la saisine du Tribunal et sa décision).

- s’agissant de Mme [D] [N], son engagement de caution porte en fait sur la somme de 150.194,31 € (et non pas le montant total de l’emprunt, pièce n°5, demandeur) ; son patrimoine est constitué de sa part dans la succession (établie à hauteur de 1.069.455 € net) de son époux décédé, [C] [M], soit la somme de 629.642 € (pièce 18, demandeur), outre d’une part, le bénéfice de deux contrats d’assurance-vie que M [C] [M] avait souscrit à son profit pour un montant total de 348.176€ (page 6, pièce 18 demandeur) et d’autre part, ce qu’il lui revient de sa part dans la SCI MAS qui détient encore un appartement sur trois du bien financé par l’emprunt de 304.718€ dont les engagements de caution sont querellés. Il n’existe donc pas de disproportion entre son engagement de caution et le patrimoine de Mme [N].

- s’agissant de Mlle [B] [M], son engagement de caution porte en fait sur la somme de 50.064,77 € (et non pas le montant total de l'emprunt, pièce n°5, demandeur) ; son patrimoine est constitué de sa part dans la succession (établie à hauteur de 1.069.455 € net) de son père décédé, [C] [M], soit la somme de 187.956 € (pièce 18, demandeur), outre la donation reçue de son père en 2009 pour 900.000 € (même document), ainsi que le solde résultant de la vente du 317 Cours de la Somme intervenue le 30/08/2022 (vendu 870.873€, moins 211.382 € de remboursement des crédits correspondants), soit la somme nette de 659.491 €. Aussi, à l’évidence, le patrimoine de Mlle [B] [M] - faute pour elle de démontrer que celui-ci aurait entre temps entièrement fondu - lui permettra, le cas échéant, de faire face à son engagement de caution accordé à hauteur de 50.064,77 €.

C’est pourquoi les demandeurs seront également déboutés de ces demandes.

Sur les autres demandes

- sur les dépens,

En application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens seront supportés par les demandeurs qui succombent.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense. Compte tenu de la longueur de la procédure et du renvoi à la mise en état, les demandeurs seront condamnés à verser au défendeur la somme de 2.500 €.

- sur la demande d’exécution provisoire,

L’exécution provisoire est de droit, il n’y a pas lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS
Le Tribunal,

- CONSTATE que l’acte de cautionnement du 21/02/2014 et l’avis de conseil du 29 mai 2012 désavoués ont été signés par M. [M],

en conséquence,

DÉBOUTE les demandeurs de leur demande de nullité de cet acte de cautionnement souscrit par M [C] [M] ;

DÉBOUTE les demandeurs de leurs demandes de condamnation de la banque à verser à l’actif de la succession de M [C] [M] la somme correspondant au capital lui restant dû au moment de la mise en demeure pour cause d’un supposé manquement à son obligation de conseil ;

DÉBOUTE les demandeurs de leurs demandes d’être déchargés de leurs engagement de caution à l’égard du prêt souscrit par la SCI MSA le 21/02/2014 ;

CONDAMNE in solidum Mme [D] [N], veuve [M], et Mlle [B] [M] aux dépens ;

CONDAMNE in solidum Mme [D] [N], veuve [M], et Mlle [B] [M] à payer à la SA Caisse d’Epargne et de Prévoyance Poitou Charente la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le présent jugement a été signé par madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Pascale BUSATO.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/04477
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;20.04477 ?
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