La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/05/2024 | FRANCE | N°22/06225

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 14 mai 2024, 22/06225


N° RG 22/06225 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W2MQ
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







74A

N° RG 22/06225 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W2MQ

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[M] [N]

C/

[U] [R], [X] [E] épouse [R]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Luc MANETTI de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX
Me Philippe DE FREYNE




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 14 MAI 2024

C

OMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,

Madame Hassna AHMA...

N° RG 22/06225 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W2MQ
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

74A

N° RG 22/06225 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W2MQ

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[M] [N]

C/

[U] [R], [X] [E] épouse [R]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Luc MANETTI de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX
Me Philippe DE FREYNE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 14 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 02 Avril 2024 sur rapport de Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEUR :

Monsieur [M] [N]
né le 02 Février 1934 à BLANQUEFORT (33290)
de nationalité Française
2 bis rue Thiers
33730 VILLANDRAUT

représenté par Me Philippe DE FREYNE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDEURS :

Monsieur [U] [R]
né le 18 Octobre 1935 à VILLANDRAUT (33730)
de nationalité Française
2 rue Thiers
33730 VILLANDRAUT

N° RG 22/06225 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W2MQ

représenté par Maître Luc MANETTI de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Madame [X] [E] épouse [R]
née le 27 Octobre 1940 à BEGLES (33130)
de nationalité Française
2 rue Thiers
33730 VILLANDRAUT

représentée par Maître Luc MANETTI de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [N] est propriétaire des parcelles cadastrées AC n°625 626 627 624 622 et 284 situées lieudit “La Magdaleine” à VILLANDRAUT (33730).

M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R] sont propriétaires des parcelles voisines cadastrées section AC n°281 282 283 332 et 333.

Sur la parcelle AC n°625 se trouve une cour donnant sur la rue Rémusat, au niveau de laquelle M. [M] [N] a fait installer un portail le 17 septembre 2021.

M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R] revendiquant la propriété indivise, ou à tout le moins un droit de passage sur cette parcelle, dont M. [M] [N] conteste l’existence, il a fait citer les époux [R], par acte du 27 juillet 2022, devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX.
Par conclusions incidentes notifiées le 13 septembre 2023, M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R] ont sollicité une mesure d’expertise, aux fins pour l’essentiel, de recherche l’existence d’une indivision, outre l’origine de la constitution de la servitude en cause et son ancienneté. M. [M] [N] s’est opposé à cette demande, qui a été rejetée par ordonnance du juge de la mise en état du 19 janvier 2024, au motif qu’une mesure d’expertise n’a pas vocation à suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 6 février 2023, M. [M] [N], au visa des dispositions des articles 685-1 682 et 647 du code civil, demande au tribunal de :
condamner les époux [R] à enlever leur raccordement de canalisation des eaux usées en provenance de leur parcelle AC 283 sur les canalisations de M. [N] sur la parcelle cadastrée 625 sous astreinte de 150 euros par jour de retardjuger qu’il n’existe pas de passage sur la parcelle cadastrée AC n°625 sur la commune de VILLANDRAUT au profit de la parcelle AC 283 sur la commune de VILLANDRAUT à titre infiniment subsidiaire autoriser M. [M] [N] à fermer son portail à condition de remettre une clef au propriétaire de la parcelle AC 283condamner M. [U] [R] et Mme [X] [R] à verser à M. [M] [N] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civilecondamner les défendeurs en tous les dépens y compris les frais d’huissier et d’investigations.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 28 février 2024, M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R], au visa des dispositions des articles 815-9 686 du code civil et 514-1 du code de procédure civile demandant au tribunal de :
à titre principaldire et juger que M. [U] [R], Mme [X] [R] et M. [N] sont propriétaires indivis de la cour présente sur la parcelle cadastrée section AC n°625ordonner la modification du cadastre pour faire apparaître ladite cour, à séparer du bâtiment présent sur la parcelle cadastrée section AC n°625, qui demeure la seule propriété de M. [N]débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusionsordonner la publication à la conservation des Hypothèques du présent jugement aux frais partagés entre les défendeursà titre subsidiairereconnaître que les actes de 1849 1883 1990 établissent l’existence d’une servitude de passage et de canalisation grevant le fonds servant cadastré section AC n°625 uniquement sur la partie cour et au bénéfice des fonds dominants cadastrés section AC n°281 282 283 332 333débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusionsen toute hypothèseécarter l’exécution provisoire de la décision à intervenircondamner M. [N] à verser à M. et Mme [R] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 12 mars 2024.

MOTIVATION

I-Sur les demandes principales

Les parties s’opposent à titre principal sur la propriété de la parcelle n°625 (A), et à titre subsidiaire sur l’existence d’un droit de passage et de canalisation sur celle-ci au profit du fond des époux [R] (B).

A- Sur la propriété de la parcelle n°625

M. [M] [N] se prétend propriétaire exclusif de la parcelle n° 625 constituée d’une cour, en vertu de son titre de propriété du 28 juillet 1998.
Les époux [R] produisent deux actes notariés du 4 mars 1849 et du 17 janvier 1883 dont ils déduisent que la cour en cause constitue depuis des temps immémoriaux la propriété indivise des riverains.

SUR CE

En application des dispositions de l’article 544 du code civil, la propriété d’un bien se prouve par tous moyens (Cass.3ème civ , 28 mars 2019),les titres comme la possession du bien, constituant des présomptions de propriété, dont l’appréciation de la valeur respective relève du pouvoir souverain des juges du fond.

En vertu de l’article 2261 du code civil, la possession n’est établie que si elle est continue et non interrompue, paisible, publique non équivoque et à titre de propriétaire.

Aux termes de l’article 815 du code civil, l’indivision est constituée lorsque plusieurs personnes sont titulaires de droits identiques sur la même chose.

En l’espèce, seul M. [M] [N] dispose d’un titre permettant d’établir son droit de propriété sur la parcelle n°625 querellée.

En effet, s’il se déduit de l’acte de vente du 4 mars 1849 que la parcelle litigieuse a été pour partie la propriété indivise des propriétaires précédents, il apparaît que cette indivision a pris fin suivant acte de partage notarié du 25 janvier 1867, mentionné dans la donation partage du 17 janvier 1883.

De plus, aucun des actes postérieurs versés au débats n’en fait mention. Ainsi, le titre du 17 janvier 1883, de même que celui des défendeurs, font état, non pas d’un droit de propriété indivis, mais d’un droit de passage dans la cour au profit de leur fonds, sans précision sur son assiette.

Enfin, les époux [R] ne se prévalent ni d’acte matériel d’occupation, ni d’intention de se conduire en propriétaires, manifestant l’exercice d’une possession réelle, M. [M] [N] affirmant sans être contredit, que les défendeurs ne passent jamais par la cour en cause, et ne participent pas à son entretien.

Il y a donc lieu de dire que M. [M] [N] est propriétaire de la parcelle n°625 et de rejeter l’ensemble des demandes des époux [R] de ce chef.

B- Sur la servitude de passage

M. [M] [N] soutient que les défendeurs ne sauraient bénéficier d’une servitude conventionnelle, à défaut de titre en ce sens, ni d’une servitude légale, faute d’enclave, leur fonds disposant d’un accès à la voie publique par la rue Thiers, de sorte que le passage pédestre par la rue Rémusat ne se justifierait plus.

M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R] font valoir l’existence d’une servitude conventionnelle, soit d’un droit de passage et de canalisation au profit de leur fonds, en se fondant sur leur propre titre, ainsi que sur ceux de 1849 et de 1883, soulignant qu’il importe peu que le titre du demandeur n’en fasse pas mention.

SUR CE

L’article 688 du code civil dispose que : “(...)Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l’homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables.”

Aux termes de l’article 691 du code civil, “les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s’établir que par titres.
La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir (...).”

La servitude conventionnelle suppose un accord de volonté entre les propriétaires originels du fonds servant et du fonds dominant sur la création de cette servitude, qui est ensuite opposable aux propriétaires successifs.

C’est pourquoi il constant que l’existence d’une servitude conventionnelle au profit d’un fonds dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du propriétaire du fonds servant (Civ.3° 9 juillet 2003 n°01-13879) ou de ses auteurs, que le seul titre du propriétaire du fonds dominant ne peut suffire à prouver.

En l’espèce, sont produits aux débats deux titres émanant des propriétaires du fonds servant, celui du 4 mars 1849, et celui de M. [M] [N].

Au terme de l’acte de vente du 4 mars 1849, il est prévu que le terrain est “grevé d’un droit de passage pour aboutir au jardin de Meynard”. Or, cette désignation dépourvue d’assiette expresse est trop imprécise pour consacrer une servitude. En outre, rien ne permet de considérer qu’elle concorde avec celle dont se prévalent les défendeurs, leur titre et celui du 17 janvier 1883, étant à cet égard tout aussi vagues, évoquant respectivement “un droit de passage sur le terrain commun au nord qui le sépare de la route de Préhaies et droit aussi au puits sur ledit communal” et “une entrée par servitude depuis la rue Rémusat”.

Quant au titre de M. [M] [N], il comporte la clause de style suivante, dont il ne saurait être déduit l’existence d’une servitude de passage :“L’acquéreur supportera les servitudes passives apparentes ou occultes continues ou non pouvant grever ces biens, le tout à ses risques et périls et sans recours contre le vendeur, et sans que la présente clause puisse donner à qui que ce soit plus de droit qu’il n’en aurait en vertu de titres réguliers ou de la loi”.

Par conséquent, les époux [R], qui échouent à rapporter la preuve de la servitude de passage litigieuse, seront déboutés de leur demande et condamnés sous astreinte, comme il est dit au dispositif, à enlever leur raccordement de canalisation des eaux usées sur les canalisations de la parcelle n°625.
II- Sur les demandes accessoires

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R], parties perdantes, supporteront la charge des dépens, et seront condamnés à payer à M. [M] [N] la somme de 1.500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.   
         
L’article 514 du code de procédure civile, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2020, dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire. En application des dispositions de l’article 514-1 du code de procédure civile, l’exécution provisoire sera écartée, compte tenu de la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

- DIT que M. [M] [N] est seul propriétaire de la parcelle sise commune de VILLANDRAUT lieudit La Magdeleine cadastrée AC n°625,

- DÉBOUTE M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R], de leur demande tendant à voir reconnaître que la parcelle sise commune de VILLANDRAUT lieudit La Magdeleine cadastrée AC n°283 dont ils sont propriétaires, bénéficie d’une servitude de passage et de canalisation sur la parcelle sise sur la même commune et le même lieudit, cadastrée AC n°625 ayant comme propriétaire M. [M] [N],

- ORDONNE à M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R], d’enlever leur raccordement de canalisation des eaux usées en provenance de leur parcelle cadastrée AC n°283 sur les canalisations de M. [M] [N] sur la parcelle cadastrée AC n° 625, dans un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement et passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard pendant une durée maximum de 3 mois,

- CONDAMNE M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R], à régler à M. [M] [N] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-CONDAMNE M. [U] [R] et Mme [X] [E] épouse [R] aux entiers dépens,

- ECARTE l’exécution provisoire,

- REJETTE toutes les autres demandes.

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/06225
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;22.06225 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award