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02/05/2024 | FRANCE | N°23/04873

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 02 mai 2024, 23/04873


N° RG 23/04873 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X56S
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







29A

N° RG 23/04873 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X56S

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[H] [Y] veuve [P], [G] [P]

C/

[S] [P] veuve [M]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A.
Maître Jean philippe LE BAIL de la SCP D’AVOCATS JEAN-PHILIPPE LE BAIL



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 02 M

AI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonct...

N° RG 23/04873 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X56S
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

29A

N° RG 23/04873 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X56S

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[H] [Y] veuve [P], [G] [P]

C/

[S] [P] veuve [M]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A.
Maître Jean philippe LE BAIL de la SCP D’AVOCATS JEAN-PHILIPPE LE BAIL

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 02 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 21 Mars 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Ollivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEURS :

Madame [H] [Y] veuve [P]
née le 04 Octobre 1952 à LOME (TOGO) (TOGO)
de nationalité Française
30 rue de Caudéran
Résidence Parc d’Ormoy
33110 LE BOUSCAT

représentée par Maître Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Monsieur [G] [P]
né le 03 Janvier 1954 à CAUDÉRAN (33200)
de nationalité Française
43 impasse des Platanes
33127 SAINT JEAN D’ILLAC
N° RG 23/04873 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X56S

représenté par Maître Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSE :

Madame [S] [P] veuve [M]
née le 20 Décembre 1948 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
18 avenue des Martyrs de la Résistance
33520 BRUGES

représentée par Maître Jean philippe LE BAIL de la SCP D’AVOCATS JEAN-PHILIPPE LE BAIL, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [V] [P] est décédé le 6 août 2014 laissant pour recueillir comme héritier le plus direct son frère [B] [P].

Il avait fait l’objet d’une mesure de curatelle par jugement du 12 janvier 2012, Madame [S] [M], sa nièce ayant été désignée pour exercer cette mission.

Il apparaissait lors de l’ouverture de la succession que Monsieur [V] [P] avait par testament du 1er juin 2012 institué sa nièce [S] [M] en qualité de légataire universel.

Monsieur [B] [P] par le biais d’un mandat général donné à son épouse a contesté ce testament et une plainte pour abus de faiblesse a été déposée le 30 septembre 2014. Monsieur [B] [P] est décédée le 31 juillet 2016 et l’instance pénale a été poursuivie par sa veuve et son fils, une instruction est toujours en cours.

Par assignation du 27 mars 2019 Monsieur [G] [P] et Madame [H] [Y] veuve [P] ont saisi le tribunal judiciaire pour voir prononcer la nullité du testament.

***

Au terme de leurs dernières conclusions déposées le 16 juin 2023 Monsieur [G] [P] et Madame [H] [Y] Veuve [P] sollicitent de :

- Les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes.

En conséquence,

Y faisant droit,

- Prononcer la nullité du testament olographe établi par Monsieur [V] [P] le 1er juin 2012.

-Dire et juger ce testament olographe nul et de nul effet.

-Condamner Madame [M] à payer à Monsieur [G] [P] et à Madame [H] [Y] veuve [P] la somme de 3.500€ chacun en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

-La condamner aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de leur demande ils invoquent l’insanité d’esprit du testateur, ce qui ressort des termes même du testament qui institue Madame [M] légataire universelle “suite au décès de Madame [O]” - qui était une voisine du défunt, mais qui était encore en vie au moment de la rédaction de l’acte, et qui est décédée depuis...

Par ailleurs le défunt était affecté depuis juillet 2021 de la maladie d’Alzheimer ce qui avait justifié son placement sous curatelle, alors que l’intéressé, qui n’avait jamais quitté la maison familiale et était resté à la charge de ses parents présentait en outre un alcoolisme important altérant encore ses facultés. Il n’a dû la constitution d’importantes économies qu’au fait qu’il vivait aux dépens de ses parents.

***

Madame [S] [P] veuve [M] par ses dernières conclusions déposées le 8 juillet 2023 sollicite de voir :

- DIRE ET JUGER Mme [H] [Y] veuve [P] et M. [G] [P] infondés en leurs demandes,
En conséquence :
- DEBOUTER Mme [H] [Y] veuve [P] et M. [G] [P] de l’intégralité de leurs demandes,
- DECLARER valables les dispositions testamentaires rédigées par M. [V] [P] le 1 er août 2014, avec toutes conséquences de droit,
- CONDAMNER Mme [H] [Y] veuve [P] et M. [G] [P] à payer chacun à Mme [S] [P] veuve [M] une somme de 6.000 € sur le fondement de l’ART.700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle précise qu’elle a toujours entretenu des relations constantes avec son oncle qui lui-même était fâché avec son frère [B] depuis le début des années 1980, le défunt n’entretenait aucune relation avec son neveu [G].

Son oncle a fait l’objet d’une mesure de curatelle qui lui a été confiée du fait qu’elle était la seule membre de la famille à être restée proche de lui.

Une plainte a été déposée en 2017 par les demandeurs, une ordonnance de non-lieu définitive est intervenue le 27 septembre 2022.

Elle rappelle qu’aucune disposition légale n’interdit au majeur placé sous curatelle de tester ou même d’instituer son curateur comme légataire universel.

Le certificat établi lors de mise sous curatelle indique que le défunt était diminué par son grand âge mais en état de manifester sa volonté.

Il a de tout temps manifesté l’intention de ne pas gratifier son frère avec lequel il était fâché. Il avait souhaiter faire bénéficier son voisin Monsieur [O] (et non son épouse Madame [O]) de ses dispositions testamentaires, puis, en raison du décès de monsieur [O] en 2012, sa nièce qui était le seul membre de la famille à s’occuper de lui.

Les demandeurs ne rapportant nullement la preuve de l’insanité d’esprit seront en conséquence déboutés de leurs prétentions.

Elle réclame à chacun la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

***

A l’audience du 21 mars, le conseil des demandeurs a sollicité l’autorisation de produire aux débats des pièces extraites du dossier de tutelles dont il a eu connaissance à l’occasion de la procédure pénale et en particulier un certificat médical du Docteur [A] du 8 juillet 2011 et un certificat médical du Docteur [J] du 5 juillet 2011, expliquant que ces pièces avaient été communiquées à l’occasion de la procédure pénale et qu’il ne pouvait en faire communication sans autorisation. Il a précisé que ces pièces avaient été communiquées à la défenderesse qui en connaissait la teneur.

***

Le conseil de la défenderesse a confirmé qu’il connaissait la teneur des pièces et ne s’est pas opposé à la communication, indiquant qu’il sollicitait l’autorisation de déposer une note en délibéré afin d’en commenter la teneur. Les pièces ont été versées le 21 mars 2024

***

Maître [D] a été autorisé à produire les pièces visées ci-dessus et Maître [X] [C] à adresser une note en délibéré avant le 29 mars commentant ces pièces. Sa note a été déposée le 26 mars 2024

DISCUSSION

Selon l’article 901 du Code civil, pour faire une libéralité il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence

Il résulte de ces dispositions que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit, de l’erreur, du dol ou de la violence sur le testateur incombe à celui qui agit en annulation du testament.

En l’espèce il est justifié de ce que le testateur Monsieur [V] [P] a été placé sous le régime de la curatelle renforcée car il présentait une altérité de ses facultés mentales l’empêchant de gérer normalement ses biens et qu’au regard des relations habituelles que celui-ci entretenait avec sa nièce [S] [M] celle-ci a été désignée en qualité de curatrice le 12 janvier 2012 (pièce 1 demandeur).

Monsieur [V] [P] a rédigé le 1er juin 2012 un testament dans les termes suivants :

Moi, [V] [P], suite au décès de Madame B. Je donne en pleine conscience à ma nièce [S] [M] ma maison, 16 avenue du phare à Andernos 33, la totalité de mes assurances vie et tout ce qui m’appartient à ce jour. Ceci sont mes dernières volontés, je révoque toutes mes dispositions testamentaires contraires.

Les demandeurs font valoir que madame [L], voisine et amie du défunt, était toujours vivante, de sorte que la mention de son décès procède d’une erreur, d’une confusion ou d’une orientation induite par la bénéficiaire de ces dispositions.

Ils soulignent que le testateur avait été diagnostiqué ALZHEIMER dès juillet 2011, que son état de santé était particulièrement dégradé du fait d’un alcoolisme ancien, de sorte que le testament doit être annulé en raison de l’altération des facultés mentales et de l’emprise exercée par sa nièce qui s’est présentée comme son unique famille pour être désignée comme curatrice.

Ils observent que le patrimoine du défunt s’est essentiellement constitué du fait que celui-ci a toujours été dépendant de ses parents et a pu ainsi constituer son patrimoine grâce aux sacrifices de ces derniers, de sorte qu’il aurait naturel que ce patrimoine revienne à son frère.

Néanmoins, il ne résulte nullement des termes même du testament une quelconque incohérence démontrant une altération de la volonté du testateur.

La proximité du défunt avec sa nièce justifie que celui-ci ait entendu la gratifier, tandis qu’il est également établi qu’il avait pris ses distances à l’égard de son frère en particulier du fait qu’il lui imputait la vente de l’immeuble familial de Bordeaux ayant conduit à son changement de résidence (attestation de Madame et monsieur [F] pièces 4 et 5).

Le juge pénal a considéré qu’il n’était pas établi que le défunt ait été abusé pour rédiger son testament, rappelant que la personne sous curatelle peut librement tester.

Le certificat médical et le rapport social produits aux débats précisent que si les antécédents font état de troubles du comportement, d’épisodes de confusion, l’intéressé présente au jour de l’examen une vigilance normale un peu ralentie, une intelligence normale, un discours cohérent, un pouvoir d’abstraction un peu abaissé sans trouble attentionnel ni trouble du cours de la pensée (certificat du Docteur [J]) ; le rapport social mentionne un diagnostic de maladie d’ALZHEIMER et note que le seul lien familial est constitué par la nièce, Madame [M].

Ces éléments ne permettent nullement de retenir une insanité d’esprit du testateur dont les facultés pouvaient être altérées par son âge (87 ans) sans qu’il ne soit dans l’incapacité d’exprimer une volonté et de tester, il était cohérent au regard des liens qui l’unissait avec sa nièce et de la distance des relations avec son frère, qu’il gratifie Madame [S] [M] dont il n’est pas démontré qu’elle aurait pu influencer son oncle ou abuser de sa confiance.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande d’annulation, du testament olographe du 1er juin 2012.

L’équité commande d’allouer à Madame [M] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

DÉBOUTE Mme [H] [Y] veuve [P] et M. [G] [P] de l’intégralité de leurs demandes,

DÉCLARE valables les dispositions testamentaires rédigées par M. [V] [P] le 1er juin 2012, avec toutes conséquences de droit,

CONDAMNE Mme [H] [Y] veuve [P] et M. [G] [P] à payer à Mme [S] [P] veuve [M] une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La présente décision est signée par Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/04873
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;23.04873 ?
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