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02/05/2024 | FRANCE | N°21/08128

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 02 mai 2024, 21/08128


N° RG 21/08128 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6FM
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE





71F

N° RG 21/08128 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6FM

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.C.I. DU CARNOET, S.C.I. MCV, [W] [T], [D] [P] épouse [T]

C/


S.D.C. DE LA RESIDENCE CARNOET 1

[Z] [F] veuve [M]





Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELARL BERNADOU AVOCATS
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES
la SELARL ROSSIGNOL



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

>JUGEMENT DU 02 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré

Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge
Statuant à Juge Unique

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administr...

N° RG 21/08128 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6FM
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE

71F

N° RG 21/08128 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6FM

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.C.I. DU CARNOET, S.C.I. MCV, [W] [T], [D] [P] épouse [T]

C/

S.D.C. DE LA RESIDENCE CARNOET 1

[Z] [F] veuve [M]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELARL BERNADOU AVOCATS
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES
la SELARL ROSSIGNOL

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 02 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré

Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge
Statuant à Juge Unique

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 21 Mars 2024,

JUGEMENT :

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEURS :

S.C.I. DU CARNOET
Domaine de Bernadon
33550 HAUX

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

S.C.I. MCV
40 rue Capdeville
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Monsieur [W] [T]
né le 24 Octobre 1950 à RIVIERE SAAS ET GOURBY (40180)
de nationalité Française
9 place Saint Pierre
33000 BORDEAUX

N° RG 21/08128 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V6FM

représenté par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Madame [D] [P] épouse [T]
née le 13 Août 1952 à TURGOT PLAGE (ALGERIE)
de nationalité Française
9 place Saint Pierre
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDEUR :

S.D.C. DE LA RESIDENCE CARNOET 1 représenté par son syndic, la SAS AJP NOUVELLE AQUITAINE, sise 12 place du Maréchal Foch à LESPARRE MEDOC (33340)
38 quai du Capitaine Allègre - 17 boulevard de la Plage
33120 ARCACHON

représenté par Maître Lionel BERNADOU de la SELARL BERNADOU AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

PARTIE INTERVENANTE :

Madame [Z] [F] veuve [M]
née le 31 Mars 1935 à BEGLES (33130)
Résidence Carnot
38 quai du Capitaine Allègre
33120 ARCACHON

représentée par Maître Marie ROSSIGNOL de la SELARL ROSSIGNOL, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DU LITIGE
La SCI DU CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W] [T], Madame [D] [P] épouse [T] sont propriétaires de différents lots au sein de la copropriété située 38 quai du Capitaine Allègre – 17 boulevard de la Plage à Arcachon.
Contestant la validité de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021, la SCI DU CARNOET, la SCI MCV et les époux [T] ont, par acte du 21 octobre 2021, fait assigner le Syndicat des copropriétaires de la résidence CARNOET I représenté par son syndic en exercice, la société AJP NOUVELLE AQUITAINE, aux fins d’annulation de ladite assemblée à titre principal et d’annulation, à titre subsidiaire, des résolutions n°83, 85, 87 et 89 de l’assemblée générale, pour abus de majorité.
Madame [Z] [F] veuve [M] est intervenue volontairement à la procédure par conclusions du 5 août 2022.
Par ordonnance du 29 août 2022, le juge de la mise en état a, en outre, déclaré irrecevable la demande d’annulation de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021, faute de qualité pour agir des demandeurs, et déclaré recevable leur demande tendant à obtenir l’annulation des résolutions n°30, 32, 44, 45, 49, 51, 53, 54, 56, 58, 79, 81, 83, 85, 87 et 89 de ladite assemblée.
Par ordonnance du 26 juin 2023, le juge de la mise en état a constaté le désistement d’incident par le Syndicat des copropriétaires de la résidence CARNOET1 et rejeté la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la mise en état est intervenue le 7 mars 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2024, la SCI du CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W]-[K] [T] et Madame [D] [P] épouse [T] demandent au tribunal :
A titre principal :
l’annulation de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021.
A titre subsidiaire :
l’annulation des résolutions n°30, 32, 44, 45, 49, 51, 53, 54, 56, 58, 79, 81, 83, 85, 87, 89 de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021.
A titre infiniment subsidiaire :
l’annulation des résolutions n°83, 85, 87, 89 de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021.
En tout état de cause
la condamnation du Syndicat des copropriétaires de la Résidence CARNOET I à payer à la SCI du CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W]-[K] [T] et Madame [D] [P] épouse [T] la somme de 5 000 euros au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux dépens de l’instance.
Au soutien de leur demande principale et subsidiaire, les demandeurs font valoir, sur le fondement des articles 7 et 28 du décret du 17 mars 1967 et de l’article 22 de l’ordonnance du 25 mars 2020, que l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021 s’est tenue alors que le syndic ne disposait plus de mandat pour convoquer et tenir cette assemblée. En réponse au moyen des défendeurs leur opposant l’ordonnance du juge de la mise en état du 29 août 2022 les déclarant irrecevables à demander l’annulation de l’assemblée générale du 28 juillet 2021 faute de qualité pour agir, ils invoquent cette même ordonnance qui les déclare fondés à demander l’annulation des résolutions n°30, 32, 44, 45, 49, 51, 53, 54, 56, 58, 79, 81, 83, 85, 87, 89 en qualité d’opposants.
En réponse au moyen concluant au fait que le défaut de mandat du syndic n’est invocable qu’à l’égard de l’entière assemblée générale, ils font valoir que les défendeurs ne le justifient pas et s’agissant du moyen selon lequel les demandeurs ont approuvé la nomination du syndic lors de cette assemblée générale, ils rétorquent que cette nomination ne valait que pour l’avenir.
Au soutien de leur demande infiniment subsidiaire, les demandeurs font valoir que certaines résolutions ont été adoptées au moyen d’un abus de majorité. A cet égard, ils exposent que l’assemblée générale du 28 juillet 2021 a voté favorablement pour les résolutions n°83, 85, 87, 89 rédigées exclusivement en faveur de Madame [Z] [F] veuve [M] par son conseil alors qu’elle disposait avec son fils de six pouvoirs et que ces résolutions portent atteinte aux intérêts des autres copropriétaires.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2024, le syndicat des copropriétaires de la résidence CARNOET 1 demande au tribunal :
-le débouté de l’ensemble des demandes formulées par la SCI du CARNOET, la SCI MCV et Monsieur [W]-[K] [T] et Madame [D] [P] épouse [T]
-la condamnation de la SCI du CARNOET, la SCI MCV et Monsieur [W]-[K] [T] et Madame [D] [P] épouse [T] à leur payer chacun la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre leur condamnation aux dépens de l’instance.
En réponse à la demande d’annulation de l’assemblée générale du 28 juillet 2021, le syndicat des copropriétaires de la Résidence CARNOET se fonde sur l’article 794 du code de procédure civile pour exposer que cette demande est irrecevable en ce qu’elle a déjà été tranchée par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 29 août 2022 les déclarant irrecevable faute de qualité pour agir.
En réponse à la demande d’annulation des résolutions n°30, 32, 44, 45, 49, 51, 53, 54, 56, 58, 79, 81, 83, 85, 87 et 89 à raison de défaut de mandat du syndic, le défendeur expose que ce moyen n’est invocable qu’à l’égard de l’entière assemblée. Il fait également valoir que les demandeurs ont approuvé le renouvellement du mandat du syndic lors de cette assemblée générale.
En réponse à la demande d’annulation des résolutions n°83, 85, 87, 89 pour abus de majorité, le syndicat des copropriétaires de la Résidence CARNOET fait valoir, sur le fondement de l’article 22 du 10 juillet 1965, que les demandeurs ne rapportent pas la preuve que les résolutions auraient été adoptées par abus de majorité. Ils exposent que les résolutions contestées ont été adoptées dans les mêmes conditions que les autres, qu’elles n’ont pas été adoptées dans l’intérêt exclusif de Madame [Z] [F] veuve [M] et que les intentions de vote des copropriétaires représentées ont été respectées par les mandataires.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2023, Madame [Z] [F] veuve [M] demande au tribunal de :
-déclarer recevable l’intervention de Madame [Z] [F] veuve [M] au soutien des intérêts du Syndicat des copropriétaires de la Résidence LE CARNOET,
-débouter la SCI du CARNOET, la SCI MCV et Monsieur [W]-[K] [T] et Madame [D] [P] épouse [T] de l’ensemble de leurs demandes,
- condamner la SCI du CARNOET, la SCI MCV et Monsieur [W]-[K] [T] et Madame [D] [P] épouse [T] à payer à Madame [Z] [F] veuve [M] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux entiers dépens.
Au soutien de sa demande de recevabilité de son intervention volontaire, Madame [Z] [F] veuve [M] expose sur le fondement des articles 328 et 330 du code de procédure civile que les demandeurs sollicitent l’annulation de résolutions qui la concernent directement, de sorte qu’elle justifie d’un intérêt légitime à intervenir volontairement au soutien des prétentions du défendeur principal.
En réponse à la demande subsidiaire d’annulation des résolutions n°30, 32, 44, 45, 49, 51, 53, 54, 56, 58, 79, 81, 83, 85, 87, 89 de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021, Madame [Z] [F] veuve [M] conclut que les demandeurs ont consenti à la nomination du syndic lors de cette assemblée. S’agissant de la demande d’annulation de la résolution n°30, la défenderesse fait valoir que celle-ci doit être rejetée pour défaut de qualité à agir puisque la SCI MCV et Monsieur [W]-[K] [T] n’ont pas la qualité d’opposant.
En réponse à la demande d’annulation des résolutions n°83, 85, 87, 89 pour abus de majorité, Madame [Z] [F] veuve [M] soutient, sur le fondement de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965, que les demandeurs n’apportent pas la preuve de cet abus. Elle fait valoir que les pouvoirs qui lui ont été conférés ainsi qu’à son fils ne sont pas constitutifs de l’abus de majorité, que les intentions des propriétaires représentés ont bien été respectées et que toutes les résolutions ont été adoptées dans les mêmes conditions. Elle expose enfin que les résolutions qui la concernaient ont eu pour seul effet de régulariser une situation créée par les assemblées antérieures. 
MOTIVATION
A titre liminaire, il convient de préciser que l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 août 2022 a déjà constaté l’intervention volontaire de Madame [Z] [F] veuve [M] par conclusions du 5 août 2022.
Sur la demande principale d’annulation de l’assemblée générale du 28 juillet 2021 pour défaut de mandat du syndic de copropriété :
Aux termes de l’article 789-6 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
L’article 794 du même code dispose que les décisions du juge de la mise en état n’ont pas l’autorité de la chose jugée au principal, à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, les fins de non-recevoir, les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée pour statuer sur une fin de non-recevoir.
L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité (…) ».
Saisi par le syndicat des copropriétaires du CARNOET par conclusions d’incidents, le juge de la mise en état, par une ordonnance du 29 août 2022, a déclaré irrecevable la demande d’annulation de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021 en raison de l’absence de qualité pour agir de la SCI MCV, la SCI DU CARNOET et de Monsieur [W]-[K] [T] et Madame [D] [P] épouse [T], qui avaient voté en faveur de certaines résolutions.
Conformément aux dispositions du code de procédure civile, les parties ne sont plus recevables à soulever cette fin de non-recevoir au cours de la même instance, l’ordonnance de mise en état disposant de l’autorité de la chose jugée.
La demande d’annulation de l’assemblée générale du 28 juillet 2021 pour défaut de mandat du syndic sera donc rejetée.
Sur la demande subsidiaire d’annulation des résolutions n°30, 32, 44, 45, 49, 51, 53, 54, 56, 58, 79, 81, 83, 85, 87, 89 pour défaut de mandat du syndic de copropriété :
A titre liminaire, aux termes de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 « les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée ».
En l’espèce, dans son ordonnance en date du 29 août 2022, le juge de la mise en état a déclaré les demandeurs recevables à solliciter l’annulation des résolutions n°30, 32, 44, 45, 49, 51, 53, 54, 56, 58, 79, 81, 83, 85, 87, 89 de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 juillet 2021 en ce qu’ils avaient la qualité d’opposants.
Dès lors, le moyen formulé par Madame [Z] [F] veuve [M] selon lequel la SCI MCV et Monsieur [T] ne dispose pas de la qualité à agir pour solliciter l’annulation de la résolution n°30 est inopérant. De même, le moyen avancé par le Syndicat des copropriétaires de la Résidence CARNOET selon lequel les demandeurs ne peuvent solliciter la nullité de l’assemblée générale que dans son intégralité est infondé.
Aux termes des articles 7 et 28 du décret de 19 mars 1967, l’assemblée générale est convoquée par le syndic, celui-ci pouvant être à nouveau désigné par l’assemblée générale.
Il résulte de ces dispositions qu’il appartient au syndic de convoquer l’assemblée générale avant l’expiration de son mandat, à défaut de quoi l’assemblée générale encourt la nullité. La date qui est prise en compte pour constater l’expiration du mandat du syndic est celle de la lettre de convocation des copropriétaires à l’assemblée générale.
En l’espèce, la résolution n°6 du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires en date du 19 juin 2019 mentionne que le mandat du syndic court jusqu’au 30 juin 2020.
L’article 22 de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux contrats de syndic de copropriété dispose que « le contrat de syndic qui a expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juillet 2020 inclus est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d’effet intervient au plus tard le 31 janvier 2021 ».
Aussi, aux termes de cet article, le mandat du syndic de propriété courait jusqu’au 31 janvier 2021, date butoir avant laquelle la lettre de convocation aurait dû être envoyée.
Si la lettre de convocation à l’assemblée générale du 28 juillet 2021 est produite par le défendeur, aucune mention de la date de convocation ne figure sur celle-ci, de sorte que la preuve du défaut de mandat de syndic à la date de la convocation n’est pas rapportée.
Sur la demande infiniment subsidiaire d’annulation des résolutions n°83, 85, 87, 89 pour abus de majorité
L’article 25 de loi du 10 juillet 1965 dispose qu’en copropriété, les décisions sont prises à la majorité lors des assemblées générales, au cours desquelles chaque copropriétaire pèse plus ou moins dans les votes selon ses tantièmes personnels.
L’abus de majorité dans les assemblées générales de copropriété consiste à utiliser la majorité obtenue lors d’une assemblée générale de copropriétaires dans un intérêt autre que l’intérêt collectif ou dans un intérêt qui lui est contraire, il peut s’agir d’un intérêt personnel, de l’intérêt exclusif du groupe majoritaire au détriment du groupe minoritaire, d’une rupture de l’équilibre entre les copropriétaires, ou enfin d’une décision prise dans l’intention de nuire.
Il appartient aux copropriétaires, demandeurs à la nullité fondée sur l'abus de majorité, de rapporter la preuve de celui-ci.
En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation des résolutions 83, 85, 87 et 89 en raison d’un abus de majorité en ce qu’elles ont été adoptées dans l’intérêt exclusif de Madame [Z] [F] veuve [M] alors que celle-ci disposait, avec son fils, de six pouvoirs.
Il résulte de l’étude des pièces versées au dossier que, suite à un litige entre les parties portant sur des lots attribués à la défenderesse, l’ordonnance de référé en date du 3 décembre 2018 a désigné un expert aux fins, notamment, d’établir un état descriptif de division en tenant compte des appropriations des parties communes et de la valorisation des lots correspondants. Le rapport d’expertise du 17 avril 2020 a procédé a cette mission et a constaté la création d’une superficie habitable et l’occupation de parties communes au niveau du toit-terrasse par la défenderesse.
La résolution n°83 avait pour intention de faire voter aux copropriétaires l’état descriptif de division et le nouveau règlement de copropriété tel qu’établi par ce rapport et ce faisant, d’ acter les modifications survenues au sein de la copropriété au bénéfice de Madame [Z] [F] veuve [M]. Les résolutions 85, 87 et 89 avaient pour effet d’entériner cette évolution.
S’il ne peut être discuté que le vote portant régularisation d’une occupation par Madame [Z] [F] veuve [M] lui est favorable, il ne peut s’en déduire qu’il serait contraire aux intérêts collectifs de la copropriété, le vote d’un nouvel état de division et d’un nouveau règlement de copropriété permettant de modifier la répartition des charges de copropriété en fonction de l’occupation des lieux, ce qui est favorable à la collectivité des copropriétaires.
De plus, le procès-verbal de l’assemblée générale au cours de laquelle ces résolutions ont été votées montre que toutes les résolutions contestées ont été adoptées à la majorité des 2/3 avec 14 voix pour et 4 voix contre. La circonstance que Madame [Z] [F] veuve [M] et son fils disposaient de six pouvoirs ne permet pas de caractériser l’abus de majorité, d’autant que la défenderesse fournit les attestations des copropriétaires ayant voté en faveur de ces résolutions,
qui confirment le respect de leurs intentions de vote.
Par ailleurs, les demandeurs avaient, par l’intermédiaire de leurs conseils, soumis une résolution au vote qui consistait à céder à Madame [Z] [F] veuve [M] les lots litigieux pour la somme de 494 263 euros, correspondant à la valorisation des lots tel qu’issue de l’expertise judiciaire. Celle-ci a été rejetée à la majorité des 2/3 avec seulement 4 voix pour.
Dès lors, la preuve de l’abus de majorité n’est pas rapportée par les demandeurs. Ils seront ainsi déboutés de leur demande d’annulation des résolutions n°83, 85, 87 et 89 sur ce fondement.

Sur les mesures de fin de jugement
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La SCI du CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W] [T], Madame [D] [P] épouse [T] qui succombent à l’instance seront condamnés aux entiers dépens.
Sur les demandes au titre des frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La SCI du CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W] [T], Madame [D] [P] épouse [T] seront, en outre, condamnés à payer au Syndicat des copropriétaires de la résidence CARNOET 1 la somme de 1 000 euros et à payer à Madame [Z] [F] veuve [M] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à l’espèce, les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Il sera rappelé l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal
- DEBOUTE la SCI DU CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W] [T], Madame [D] [P] épouse [T] de l’ensemble de leurs demandes,
- CONDAMNE la SCI DU CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W] [T] et Madame [D] [P] épouse [T] à payer au Syndicat des copropriétaires de la résidence CARNOET I la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- CONDAMNE la SCI DU CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W] [T] et Madame [D] [P] épouse [T] à payer à Madame [Z] [F] veuve [M] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- CONDAMNE la SCI DU CARNOET, la SCI MCV, Monsieur [W] [T], Madame [D] [P] épouse [T] aux entiers dépens,
- RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision.
La présente décision est signée par Madame DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge et Madame AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/08128
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;21.08128 ?
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