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30/04/2024 | FRANCE | N°22/01773

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 30 avril 2024, 22/01773


N° RG 22/01773 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLWU
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







63B

N° RG 22/01773 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLWU

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[I] [G], [D] [G]

C/

S.C.P. [K] [H] [J]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELAS ELIGE BORDEAUX
la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 AVRIL 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats e

t du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fon...

N° RG 22/01773 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLWU
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

63B

N° RG 22/01773 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLWU

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[I] [G], [D] [G]

C/

S.C.P. [K] [H] [J]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELAS ELIGE BORDEAUX
la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 AVRIL 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 19 Mars 2024 sur rapport de Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEURS :

Monsieur [I] [G]
né le 06 Février 1960 à LIBOURNE (33500)
de nationalité Française
12 lieu-dit Berbillot
33710 SAINT CIERS DE CANESSE

représenté par Maître Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Monsieur [D] [G]
né le 22 Novembre 1963 à LIBOURNE (33500)
de nationalité Française
43 avenue de Libourne
33870 VAYRES

représenté par Maître Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

N° RG 22/01773 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLWU

DEFENDERESSE :

S.C.P. d’avocats [K] [H] [J]
5 rue Saint Louis
BP 237
86006 POITIERS CEDEX

représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Saisi d’une demande de dissolution judiciaire du GFA “ Romain [G]” sur le fondement de l’article 1844-7, 5e du code civil pour mésentente entre associés, formée par MM. [E] et [Z] [G] et Mme [F] [G] à l’encontre de leurs co-associés, MM [I] et [D] [G], le tribunal de grande instance de Bordeaux, par jugement en date 16 décembre 2014 rectifié le 27 janvier 2015, a fait droit à cette demande et a désigné la SELARL MALMEZAT PRAT en qualité de liquidateur amiable du GFA, le tout avec exécution provisoire. (Jugement non produit aux débats)

La cour d’appel de Bordeaux a confirmé cette décision par arrêt en date du 10 novembre 2016. (Arrêt non produit aux débats)

Par arrêt du 9 janvier 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif que la cour d’appel s’est déterminée par des motifs impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société et a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Poitiers.

Par arrêt en date du 15 septembre 2020, la cour d’appel de Poitiers a prononcé la caducité de la déclaration de saisine formée par MM [I] et [D] [G], représentés par la SCP GALLET-ALLERIT-[J] au motif que cette déclaration de saisine n’a pas été signifiée au liquidateur du GFA, la Selarl Malmezat-Prat, seul habile à le représenter en vertu du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 27 janvier 2015 l’ayant désigné sous exécution provisoire.

Par exploit en date du 3 mars 2022, MM. [D] et [I] [G] ont fait assigner la SCP GALLET-ALLERIT-[J] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux en responsabilité pour faute professionnelle.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 31 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé complet des moyens développés, MM. [I] et [D] [G] demandent au tribunal, de:

- juger et engagée la responsabilité contractuelle de la SCP [K] [H] [J] en raison de la faute commise dans son mandat judiciaire,

- de la condamner à réparer la perte de chance subie par MM [I] et [D] [G];

- d’estimer cette perte de chance à 90 %,

- de leur accorder solidairement une provision de 150 000 euros au titre de cette perte de chance et de surseoir à statuer, s’agissant de la fixation définitive du préjudice, jusqu’à la clôture de la liquidation du GFA et l’attribution définitive des biens de la succession,

- de condamner la SCP [K] [H] [J] au paiement de cette somme et aux entiers dépens ainsi que 7 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- d’assortir la décision de l’exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé complet des moyens développés, la SCP [K] ALLERIT WAGNER demande au tribunal de:

- débouter MM [I] et [D] [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- les condamner in solidum à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 février 2024.

MOTIVATION

Dans le cadre de cette action en responsabilité, la faute de l’avocat de nature à faire obstacle à la défense des intérêts de MM [I] et [D] [G] n’est pas contestée et n’est pas contestable puisque l’erreur dans la signification de la déclaration de saisine de la cour de renvoi a entraîné une caducité si bien que cette juridiction n’a pu statuer dans ce litige relatif à la dissolution du GFA.

En matière de responsabilité professionnelle d’avocat, il incombe au demandeur à l’action en responsabilité de démontrer qu’il n’aurait pas subi le dommage invoqué, en l’absence de la faute imputée au défendeur. Le lien causal, qui est un élément autonome de la responsabilité, doit ainsi être établi par le demandeur. Le rapport de causalité doit être certain et l’existence réelle du lien de causalité doit pouvoir être caractérisé.

Par ailleurs, en matière de responsabilité d’avocat, le préjudice est constitué d’une perte de chance d’une issue favorable d’un litige.

Si une perte de chance même minime est indemnisable, conformément au droit commun, il appartient au demandeur d’apporter la preuve de l’existence de son préjudice.

La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

S’agissant de la perte de chance d’une issue favorable d’une action judiciaire, il est nécessaire qu’existe une probabilité de succès de l’action judiciaire non exercée par la faute de l’avocat. Le demandeur doit donc démontrer qu’il avait des chances, non de voir un juge connaître de son action ou de son recours, mais d’obtenir satisfaction dans ses demandes, de sorte que le préjudice née de la perte d’une chance d’avoir pu soumettre son litige à une juridiction ne peut être constitué que s’il est démontré que l’action qui n’a pu être engagée présentait une chance même minime de succès, et le juge ne peut rejeter la demande en réparation d’une perte de chance sans caractériser l’absence de toute probabilité de l’événement concerné.

En l’espèce, la demande indemnitaire est contestée et les parties s’opposent, d’une part, sur les chances de succès de MM. [I] et [D] [G] devant la cour de renvoi qui défendaient à l’action en dissolution du GFA et, d’autre part, sur le lien de causalité avec les postes de préjudices allégués.

Sur les chances de succès devant la cour d’appel de renvoi

moyens des parties

MM. [G] soutiennent que la perte de chance d’obtenir une réformation de la décision de dissolution par la cour d’appel de renvoi peut être évaluée à 90 %.

Ils font valoir que devant la cour d’appel de renvoi, l’argumentation de fond des demandeurs à la dissolution n’avait pas évolué de manière significative par rapport à celle développée devant le cour d’appel de Bordeaux, aucun élément nouveau n’étant avancé, ni pièce nouvelle produite. Or, ils plaident que ces motifs, qui ont convaincu initialement la cour d’appel de Bordeaux, ont ensuite été jugés insuffisants par la Cour de cassation pour caractériser que le fonctionnement de la société était paralysée. Ils en déduisent qu’il est raisonnable de considérer que la cour de renvoi se serait alignée sur la position de la Cour de cassation et qu’il existait donc de bonnes chances pour que la dissolution du GFA ne soit pas confirmée.

Ils rétorquent à l’argumentation développée par la SCP d’avocats défenderesse qu’elle imagine une argumentation non développée par les demandeurs à la dissolution dans leurs différentes conclusions, relative au non paiement des fermages par la SCEA VIGNOBLES ROMAIN [G] qui serait constitutif, selon la SCP d’avocats d’un manquement par un associé à ses obligations au sens de l’article 1844-7 du code civil.

Ils soutiennent que cette argumentation non développée par les demandeurs à la dissolution ne peut entrer dans le champs de l’appréciation des chances de succès devant la cour de renvoi.

De surcroît, ils contestent la pertinence de cette argumentation en faisant valoir qu’à l’issue du litige qui a opposé un tiers, à savoir la SCEA, au GFA aux termes duquel la qualité de fermier de la SCEA a finalement été reconnue dans un arrêt du 25 novembre 2021, le fermage a été payé et distribué aux associés, ainsi qu’en témoigne le dernier procès verbal d’assemblée générale du GFA.
En outre, ils opposent que la question du paiement des fermages relève d’une obligation du fermier, soit de la SCEA et non de l’associé si bien qu’elle ne peut caractériser un manquement à une obligation de l’associé découlant du pacte social.
Ils objectent, enfin, que le litige entre le GFA et le fermier, tiers à la société, n’a aucun effet sur le fonctionnement du GFA et n’entraîne pas la paralysie de ses organes sociaux, laquelle n’est pas démontrée par la SCP d’avocats.

La SCP [K] [H] [J] soutient, au contraire, que la défense à la demande de dissolution du GFA n’avait aucune chance de prospérer devant la cour de renvoi, devant laquelle l’argumentation des demandeurs à la dissolution était bien plus développée que celle soutenue antérieurement.

Elle considère que les chances d’obtenir la réformation étaient inexistantes, du moins tout à fait réduites compte tenu de l’argumentation développée au sujet des motifs de dissolution du GFA Romain [G], rappelant l’historique des litiges opposant les deux branches de la famille [G], la dissolution judiciaire d’une autre société civile ROMAIN [G] pour mésentente , et arguant d’une vacance de gérance avec une impossibilité d’y remédier en raison de l’hostilité des deux groupes d’associés égalitaires, l’absence de gérant depuis plus d’un an étant une cause légale de dissolution de la société civile. Elle ajoute que les imprimés fiscaux établis par M. [D] [G], en usurpant la qualité de gérant qu’il n’a plus depuis 2005, n’ont pas suffi à combles les graves irrégularités dans les obligations de gérant.

Elle plaide également que, contrairement à ce qui est soutenu par MM [G], le GFA ne fonctionnait pas conformément à son objet social dès lors que le groupement ne louait pas ses actifs agricole par un bail à ferme à long terme.

Elle conclut enfin à un dysfonctionnement majeur résultant de la carence de la gérance et de la mésentente des associés ayant conduit à la perte définitive pour la période de 2006 à 2008 des fermages ou contrepartie qui auraient du être réglée au GFA, observant que cet élément de fait n’avait pas été évoqué devant la cour d’appel de Bordeaux. Elle observe qu’avant la création de la SCEA en août 2008, les exploitants étaient MM. [I] et [D] [G], en leur nom propre, qui ont ensuite été les seuls associés de la SCEA, si bien qu’il est évident qu’au sein du GFA le litige a eu un impact considérable sur la mésentente entre les deux branches.

La SCP d’avocat conclut qu’en plus d’une mésentente avérée des associés, l’inexécution par MM [I] et [D] [G] du versement des loyers en qualité de prétendus exploitants des terres ont gravement entravé le fonctionnement du GFAsi bien que la cour d’appel de renvoi aurait pu s’emparer du débat relatif à ce dysfonctionnement.

Sur ce

Il y a lieu de rappeler les motifs de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 2019 :

“Vu l’article 1844-7 5e du code civil

(...)

Attendu que pour prononcer la dissolution du GFA, l’arrêt retient que M. [D] [G], désigné premier gérant de celui-ci lors de sa constitution en 1990, ne démontre pas avoir tenu d’assemblée générale entre cette date et 2004, ni avoir soumis aux associés un rapport sur les opérations et les comptes de la société, un bilan ou des projets de résolution, ni encore avoir dressé un inventaire annuel du passif et de l’actif, seules les déclarations relatives aux revenus perçus par le GFA au cours des années 2014 et 2015 étant versées au débat; qu’il relève que, lors de l’assemblée générale du 8 juillet 2005, le gérant n’a pas été reconduit dans ses fonctions, faute de majorité; qu’il ajoute que cette situation est inextricable, chaque branche de la famille possédant la moitié des parts sociales;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.”

Les motifs de cassation portaient donc sur un défaut de base légale de la dissolution du GFA au regard des critères de l’article 1844-7 5e du code civil en ce que ceux retenus par la cour d’appel de Bordeaux étaient impropres à caractériser les obstacles au fonctionnement normal du GFA.

Il y a lieu de constater que devant la Cour d’appel de renvoi, les conclusions des demandeurs à la dissolution, produites par la SCP [K] [H] [J] (pièce 1 de la SCP /: “conclusions devant la cour d’appel de Poitiers, signifiées le 29 octobre 2019") s’employaient à démontrer que les conflits entre associés des deux branches familiales empêchaient le fonctionnement normal de la société :
- en développant une argumentation relative à l’impossibilité de prendre des décisions sociales résultant de la répartition égalitaire des droits entre les associés en conflit (page 17 à 20), étayée de références jurisprudentielles et doctrinales; cette argumentation ayant été ajoutée par rapport à celle développées dans les conclusions soumises à la Cour d’appel de Bordeaux (produites par les demandeurs en pièce 6),
- en objectant que la société ne fonctionnait pas conformément à son objet social faute d’établissement d’un bail à ferme à long terme conforme aux statuts,
- en relevant le défaut d’encaissement de loyers sur la période de 2006 et 2008 pour cause de prescription ainsi que la condamnation judiciaire au paiement d’une indemnité d’occupation pour la période de 2009 à 2015 démontrant l’absence de paiement durant cette période.

S’il n’est pas produit les conclusions que MM [I] et [D] [G] entendaient opposer aux demandeurs à la dissolution, il est constant que l’argumentation devant la Cour de renvoi des demandeurs à la dissolution s’était étayée pour tenir compte des motifs de cassation afin de caractériser une paralysie du fonctionnement du GFA.

Le débat devant la cour d’appel de renvoi aurait donc du donner lieu à une appréciation par cette juridiction des éléments débattus, au moins par les demandeurs à la dissolution, dont les écritures peuvent être appréciées par le présent tribunal.

Il ne peut être admis, à la simple lecture de l’arrêt de la Cour de cassation, que la Cour de renvoi aurait nécessairement réformé les décisions prononçant la dissolution du GFA et il appartenait à la cour d’appel de renvoi d’apprécier à nouveau les moyens de faits et de droit qui lui étaient soumis, de manière sérieuse, construite et argumentée, pouvaient caractériser une paralysie du GFA.

Compte tenu de cette nécessaire nouvelle appréciation de la Cour d’appel, il convient de retenir que la chance de succès d’obtenir une réformation de la dissolution du GFA était de 50 %.

Sur les préjudices invoqués et leur lien de causalité:

moyens des parties

MM. [D] et [I] [G] demandent une provision de 150 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice et que le tribunal ordonne le sursis à statuer pour la fixation définitive de leur préjudice jusqu’à la clôture de la liquidation du GFA et l’attribution définitive des biens de la succession.

Ils concluent que leur préjudice est constitué :

- du montant des frais engagés pour défendre à l’action en dissolution en pure perte, ajoutant ceux exposés dans la présente procédure pour un montant de 55 000 euros,

- d’une somme provisionnelle de 100 000 euros constituée des frais de dissolution ( coûts de la réalisation des actifs immobiliers de l’ordre de 59 860 euros et émoluments du liquidateur judiciaire depuis sa désignation en 2014 qui auraient pu être mis à la charge des demandeurs à la dissolution); ils concluent que si ces frais seront supportés par le GFA, les associés les supporteront à proportion de leur participation à hauteur de 50 % du capital social; ils opposent que cette demande ne se heurte pas aux limites de l’action ut singuli alors que le préjudice dont ils demandent réparation n’est pas un préjudice que la société aurait subi et dont elle aurait obtenu réparation.

La SCP [K] [H] [J] conclut, en premier lieu, au rejet des demandes au titre des honoraires d’avocat exposés dans les procédures antérieures à celle conduite devant la cour d’appel de renvoi pour laquelle elle était postulante, faute de lien de causalité entre ces frais qu’ils ont nécessairement dus exposer en défense à la demande de dissolution et alors que même en cas de succès de leur opposition à la dissolution, ils n’auraient pas obtenu la condamnation de leur adversaire à leur rembourser une telle somme, aucune demande n’étant formée à ce titre dans leurs dernières écritures, invoquant en outre la pratique habituelle des juridictions en matière d’octroi d’indemnité.

En second lieu, la SCP [K] [H] [J] oppose s’agissant des frais de dissolution, les limites de l’action ut singuli, qui empêche l’associé de se prévaloir d’un préjudice qui n’est que le corollaire de celui subi par la société et qui exclut toute action individuelle lorsque le préjudice invoqué est la dépréciation des titres ou de l’insuffisance de bénéfices distribués.

Elle ajoute que les honoraires du liquidateur auraient été dus en tout état de cause sans aucune garantie que les demandeurs à la dissolution auraient pu être condamnés à leur remboursement.

Elle conteste enfin le lien de causalité entre ces frais et la faute qui lui ait imputée.

Elle conclut également au rejet de la demande de sursis à statuer et répond enfin sur un préjudice lié à la perte de la propriété des terres prétendument exploités chiffré à 78 000 euros mais qui n’est plus soutenu dans les dernières conclusions de MM [D] et [I] [G].

Sur ce

S’agissant du remboursement des honoraires d’avocats pour les procédures antérieures à celle conduite devant la cour d’appel de renvoi, il convient de relever que les factures produites sont établies pour la grande majorité au nom de la SC des vignobles Romain [G]. Les demandeurs, peu importe leur participation dans cette société, ne peuvent se prévaloir d’un préjudice personnel au titre de ces facturations. Les demandes indemnitaires sont donc rejetées s’agissant des factures établies au nom de la SC des vignobles Romain [G].

S’agissant de la facture de la SCP SEVAUX MATHONET du 12 janvier 2017 établie au nom de MM [I] et [D] [G] à hauteur de 3600 euros et de celle de la SCP [K] [H] de 600 euros en date du 18 avril 2019 au nom de M. [D] [G] , seule la dernière, qui correspond à un honoraire exposé en pure perte pour la procédure devant la cour d’appel de renvoi, paraît présenter un lien de causalité direct avec la faute incriminée.

Les honoraires ( dela SCP SEVAUX MATHONET) exposés dans les procédures antérieures étaient nécessaires et utiles à la défense de MM [D] et [I] [G]. Ils n’ont pas été exposés en pure perte ainsi qu’ils l’affirment.

En cas de succès de la défense à la demande de dissolution devant la cour de renvoi, les demandeurs auraient pu demander une indemnité à ce titre. Cependant, il n’est pas démontré qu’ils avaient formé une demande à ce titre, leurs conclusions au fond devant la cour de renvoi n’ayant pas été produites dans le cadre de cette instance. Il n’est donc pas établi l’existence réelle et certaine de la perte de chance d’avoir pu recouvrer au moins partiellement ces honoraires. La demande au titre des honoraires de la SCP SEVAUX MATHONET est donc rejetée.

La demande indemnitaire n’est donc justifiée qu’à hauteur des honoraires de 600 euros facturés à M. [D] [G]. L’indemnité se limitera à 300 euros à son profit compte tenu du coefficient des chances de succès de l’action de 50 %.

S’agissant du préjudice allégué au titre des frais de dissolution prétendument constitué de frais au titre de droits de mutation sur les terres agricoles et au titre du coût d’acte notarié, il est admis que si ces frais venaient à être exposés dans le cadre de la cession des actifs, ils seraient supportés par le GFA et non directement par MM. [I] et [D] [G].

Il en est, de même pour les honoraires du liquidateur.

S’agissant des frais de dissolution, la présente action en responsabilité professionnelle est dirigée à l’encontre de l’avocat des associés donc un tiers au GFA.

En principe, l’associé ne peut pas agir personnellement en responsabilité contre l’auteur d’un dommage causé à la société, cette action étant entre les mains des représentants légaux de cette dernière, sauf s’il établit l’existence d’un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société , que ce préjudice soit causé par un dirigeant ou par un tiers (Com 9 décembre 2014 n° 13-21.557 dans une espèce concernant une action responsabilité contre un avocat)

En reconnaissant que les “frais de dissolution” seront payés par la société mais qu’ils les supporteront à proportion de leur participation à hauteur de 50 % dans le GFA dans la mesure où ces frais seront prélevés par préférence sur l’actif social, MM. [I] et [D] [G] reconnaissent implicitement qu’ils ne demandent pas réparation d’un préjudice personnel et distinct de celui du GFA puisque le préjudice qu’ils allèguent n’est que le corollaire de celui de la société et revient à solliciter un préjudice tenant à la perte de la valeur de leur titre qui n’est pas distinct de celui subi par la société ( Com 16 avril 2017, N°15-20.054).

En conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes indemnitaires formées par MM. [I] et [D] [G] au titre des frais de dissolution ainsi que leur demande de sursis à statuer jusqu’à l’issue de la liquidation du GFA alors que le préjudice invoqué ne constitue pas un préjudice personnel et direct en lien avec la faute invoquée à l’encontre de l’avocat.

De même, la demande de sursis à statuer jusqu’à l’attribution définitive des biens de la succession sera rejetée, le principe du préjudice prétendument subi par MM. [I] et [D] [G] du fait de la dissolution du GFA dans le cadre de liquidation de la succession n’étant pas établi ni caractérisé.

Sur les demandes annexes

Par mesure d’équité, les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

- DIT que la perte de chance de succès devant la cour d’appel de renvoi, suite à la faute de la SCP [K] [H] [J] est de 50% ;

- CONDAMNE la SCP [K] [H] [J] à payer à M. [D] [G] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts,

- REJETTE le surplus des demandes indemnitaires,

- REJETTE la demande de sursis à statuer jusqu’à la clôture de la liquidation du GFA et jusqu’à l’attribution définitive des biens de la succession,

- REJETTE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE la SCP [K] ALLERIT WAGNER aux dépens,

- RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01773
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;22.01773 ?
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