La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2024 | FRANCE | N°23/09828

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 16 avril 2024, 23/09828


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 16 Avril 2024


DOSSIER N° RG 23/09828 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YPAZ
Minute n° 24/ 143


DEMANDEURS

Monsieur [W] [V]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6]
Elisant domicile au Cabinet de Maître André-Pierre VERGÉ
[Adresse 5]
Madame [I] [O]
née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 7] (ROUMANIE)
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître André-Pierre VERGÉ, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Organisme FGTI, Fonds d

e garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions
dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Maître Philippe LECO...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 16 Avril 2024

DOSSIER N° RG 23/09828 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YPAZ
Minute n° 24/ 143

DEMANDEURS

Monsieur [W] [V]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6]
Elisant domicile au Cabinet de Maître André-Pierre VERGÉ
[Adresse 5]
Madame [I] [O]
née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 7] (ROUMANIE)
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître André-Pierre VERGÉ, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Organisme FGTI, Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions
dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Denis LATRÉMOUILLE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 26 Mars 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 16 Avril 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 16 avril 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant de deux jugements du tribunal correctionnel de Bordeaux en date des 11 janvier 2013 et 9 novembre 2018, le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (ci-après FGTI) a fait diligenter une saisie-attribution entre les mains de la Douane française pour recouvrir une créance à l’encontre de Monsieur [W] [V] pour un montant de 88.019,39 euros par acte en date du 23 octobre 2023, dénoncée par acte du 30 octobre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 22 novembre 2023, Monsieur [W] [V] et Madame [I] [O] ont fait assigner le FGTI devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 26 mars 2024, les demandeurs sollicitent que les pièces versées aux débats par le FGTI la veille de l’audience soient déclarées irrecevables et que les moyens développés dans les écritures du FGTI soient également déclarées irrecevables. Sur le fond, ils sollicitent que la saisie pratiquée soit annulée et que soit ordonnée la mainlevée de cette mesure. Ils sollicitent également la condamnation du FGTI aux dépens et à leur payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au visa des articles 135 et 16 du Code de procédure civile, les demandeurs soulèvent la communication tardive des pièces et conclusions adverses la veille de l’audience alors qu’il avait été précisé lors du précédent renvoi que le dossier serait plaidé. Sur la saisie-attribution, ayant démontré que leur contestation est recevable, les demandeurs soutiennent que l’action en exécution du jugement rendu le 11 janvier 2013 est prescrite. Ils font également valoir que cette créance n’est pas exigible dans la mesure où le FGTI avait accepté d’allouer à Monsieur [V] des délais de paiement pour apurer sa dette. Ils soutiennent que les sommes saisies appartiennent à Madame [O] et ne peuvent donc être saisies pour apurer une dette de Monsieur [V]. Enfin, ils font valoir que la créance du FGTI n’est pas précisément établie et ne distingue pas entre les sommes dues.

A l’audience du 26 mars 2024, le FGTI sollicite que la saisie-attribution soit validée à hauteur de 89.639,21 euros et que les demandeurs soient déboutés de l’ensemble de leurs prétentions. Il demande à ce qu’ils soient en outre condamnés aux dépens et au paiement d’une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le FGTI fait valoir que la saisie pratiquée est régulière dans la mesure où le jugement du 11 janvier 2013 a vu ses causes régulièrement acquittées par Monsieur [V] au travers des échéances du plan d’apurement qu’il acquitte. Il conteste tout caractère contraignant dans le protocole d’accord fixant de plan de remboursement, soulignant qu’il ne l’empêche pas de recouvrir les sommes qui lui sont dues par la voie d’un recouvrement forcé. Il conteste la preuve par Monsieur [V] de l’absence de propriété des fonds saisis et sollicite que sa créance soit fixée à la somme actualisée de 89.639,21 euros.

Par note en délibéré autorisée reçue le 29 mars 2024, le fonds de garantie conclut à la recevabilité des pièces et conclusions communiquées.

L’affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité des pièces et conclusions du FGTI

Les articles 135 et 16 du Code de procédure civile disposent :
« Le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile. »
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »

Il est constant que l’affaire a fait l’objet de trois renvois, le dernier de ces renvois ayant été accordé sous réserve d’être le dernier. Le FGTI a communiqué ses écritures et ses 20 pièces la veille de l’audience à 16h07 par RPVA. Ces pièces consistent principalement en des échanges de courriers dont disposent par définition Monsieur [V] ainsi que des procès-verbaux de signification de décision de justice et de saisies, également connues du demandeur ainsi que d’un décompte actualisé.

La procédure devant le juge l’exécution est néanmoins orale et il était loisible aux demandeurs de répondre aux moyens soulevés par le FGTI dans ses écritures à l’audience, le contradictoire étant ainsi respecté. Ils pouvaient également solliciter un renvoi à bref délai pour avoir le temps de prendre connaissance des pièces et y répondre.
Compte tenu du type de pièces communiquées, des moyens soulevés qui tendent à répondre aux moyens des demandeurs, il y a lieu de déclarer l’ensemble des pièces et moyens recevables à l‘exception de la demande d’actualisation de la créance et du décompte produit en pièce 20, ces éléments nécessitant une vérification approfondie des demandeurs qui avaient du reste sollicité avant l’audience l’établissement d’un tel décompte en vain.

- Sur la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »

« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Monsieur [V] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 22 novembre 2023 alors que le procès-verbal de saisie date du 23 octobre 2023 avec une dénonciation effectuée le 30 octobre 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 30 novembre 2023.

Monsieur [V] justifie du courrier recommandé en date du 22 novembre 2023 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution.
Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

- Sur la nullité de la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

- Sur la prescription

L’article L111-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa. »

Le FGTI justifie de l’envoi d’un premier courrier en date du 6 juin 2013 réclamant le paiement de la dette liée au jugement du 11 janvier 2013, puis d’une mise en demeure du 15 juillet 2013 puis d’un dernier rappel en date du 26 août 2013. Seul un courrier du 20 mai 2022 évoque ensuite le paiement d’une somme globale de 62.860,98 euros. Toutefois aucun détail des sommes intégrées dans ce calcul n’est versé aux débats de telle sorte qu’il est impossible pour la présente juridiction de vérifier que les sommes visées par le jugement du 11 janvier 2013 sont incluses, la fongibilité invoquée ne pouvant permettre de contourner le principe de la prescription.

En l’absence de tout acte d’exécution forcée concernant cette décision de justice avant le 11 janvier 2023, il y a lieu de considérer que l’action en recouvrement de cette créance est prescrite, les sommes concernées n’étant donc plus exigibles.

Dès lors, le procès-verbal de saisie-attribution en date du 23 octobre 2023 en vue du recouvrement d’une somme globale de 88.019,39 euros porte au moins partiellement sur le recouvrement d’une créance prescrite qu’il est impossible d’identifier et pour laquelle le FGTI ne fournit aucun décompte distinct.

Le procès-verbal de saisie-attribution doit donc être déclaré nul et la mainlevée de la saisie-attribution ordonnée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Le FGTI, partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE irrecevables la demande du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions tendant à voir fixée sa créance à la somme de 89.639,21 euros ainsi que le décompte de créance arrêté au 26 février 2024 versé en pièce 20 ;
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée auprès des Douanes françaises à la diligence du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions à l’encontre de Monsieur [W] [V] par acte du 23 octobre 2023 dénoncé le 30 octobre 2023 recevable ;
ANNULE le procès-verbal de la saisie-attribution pratiquée auprès des Douanes françaises à la diligence du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions à l’encontre de Monsieur [W] [V] par acte du 23 octobre 2023 dénoncé le 30 octobre 2023 ;

ORDONNE mainlevée de la saisie-attribution pratiquée auprès des Douanes françaises à la diligence du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions à l’encontre de Monsieur [W] [V] par acte du 23 octobre 2023 dénoncé le 30 octobre 2023 ;
CONDAMNE le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions à payer à Monsieur [W] [V] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/09828
Date de la décision : 16/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-16;23.09828 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award