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16/04/2024 | FRANCE | N°23/03588

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 16 avril 2024, 23/03588


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 16 Avril 2024


DOSSIER N° RG 23/03588 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XXKV
Minute n° 24/ 133


DEMANDEUR

Monsieur [L] [D]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]

représenté par Maître Eugénie RESSIE de la SELAS DE SERMET, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Madame [S] [Y]
née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Adresse 4]

(bénéficie d’une aide juridictionn

elle Totale numéro C33063-2023-004426 du 30/10/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
représentée par Maître Claire DELOIR...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 16 Avril 2024

DOSSIER N° RG 23/03588 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XXKV
Minute n° 24/ 133

DEMANDEUR

Monsieur [L] [D]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]

représenté par Maître Eugénie RESSIE de la SELAS DE SERMET, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Madame [S] [Y]
née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Adresse 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C33063-2023-004426 du 30/10/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
représentée par Maître Claire DELOIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 19 Mars 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 16 Avril 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 16 avril 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 6 avril 2018 et d’un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 31 mars 2022, Madame [S] [Y] a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [L] [D] par acte en date du 22 mars 2023, dénoncée par acte du 24 mars 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 14 avril 2023, Monsieur [D] a fait assigner Madame [Y] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée partielle de cette saisie et la consignation du solde sur un compte séquestre.

A l’audience du 19 mars 2024 et dans ses dernières conclusions, Monsieur [D] sollicite à titre principal le rejet des demandes de Madame [Y], et que soit ordonnée à titre conservatoire la mainlevée partielle de la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes bancaires à hauteur de 5.600 euros. A titre subsidiaire, il sollicite que soit ordonnée la consignation à hauteur de la somme de 5.600 euros du solde de la saisie pratiquée auprès de la Caisse des dépôts et consignation dans l’attente de l’issue de l’instance au fond en restitution qu’il a engagé. En tout état de cause, il sollicite que la défenderesse soit condamnée aux dépens et au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

A titre principal, il fait valoir qu’il dispose d’une apparence de créance et que le recouvrement de celle-ci est menacé justifiant que la saisie-attribution diligentée par Madame [Y] soit cantonnée. Il indique en effet être créancier d’une somme de 5.600 euros soulignant que son action en recouvrement de cette somme n’est pas prescrite et qu’il ne saurait s’agir d’une libéralité. Subsidiairement, il sollicite que cette somme soit consignée dans l’attente de la décision du juge aux affaires familiales saisi sur renvoi de la juridiction de proximité d’Arcachon de la répétition de cette somme indue. Il s’oppose à toute demande de dommages et intérêts soulignant que son action est au contraire bien fondée au regard de l’encaissement du chèque litigieux par Madame [Y].

A l’audience du 19 mars 2024 et dans ses dernières écritures, Madame [Y] conclut à l’irrecevabilité de la demande de sursis à statuer présentée par Monsieur [D] dans ses précédentes conclusions. A titre principal, elle conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de Monsieur [D] aux dépens et au paiement d’une somme de 1.000 euros de dommages et intérêts outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

In limine litis, elle soutient que la demande de sursis à statuer n’a pas été présentée avant toute défense au fond et doit donc être déclarée irrecevable. Sur le fond, elle conteste que les conditions de la saisie conservatoire soient réunies, soulignant que l’action en paiement est prescrite et que l’encaissement du chèque initialement destiné à Monsieur [D] doit s’analyser en une libéralité sur laquelle il ne saurait revenir. Elle souligne qu’il n’existe par ailleurs aucune menace de recouvrement de cette créance. Elle conteste toute compensation en l’absence d’une dette exigible. Sur la demande de consignation, elle considère que celle-ci doit être réalisée auprès de la Caisse des dépôts et consignation et non auprès du compte de la bâtonnière de l’ordre des avocats de [Localité 5]. Elle souligne que l’action intentée par le demandeur est abusive et lui cause un préjudice moral conséquent.

L’affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur le sursis à statuer

Cette demande n’a pas été soutenue à l’audience ou dans les dernières écritures du demandeur qui définissent le périmètre du litige dont est saisie la présente juridiction. Le juge de l’exécution n’étant pas saisi d’une telle demande, il n’y a pas lieu à statuer sur ce point.

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Monsieur [D] a assigné Madame [Y] en son domicile élu auprès de la SELARL de commissaires de justice MONS-VAL, ayant instrumenté dans le cadre de la saisie-attribution critiquée. Cette-dernière a donc été par ce biais avisée de la contestation et il y a lieu de déclarer cette dernière recevable.

- Sur la demande de mainlevée partielle à titre conservatoire

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

Les articles L511-1 et L511-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoient : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire. »

« Une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles. »

L’article R511-1 du même code prévoit que la demande d’autorisation préalable est formée par requête.

Monsieur [D] justifie avoir introduit une instance au fond afin de voir statuer sur la répétition de la somme qu’il considère avoir été indûment perçue par Madame [Y]. Il ne dispose donc pas d’un titre exécutoire pour recouvrer cette somme et doit par conséquent solliciter l’autorisation du juge de l’exécution avant de procéder à une saisie conservatoire. La forme prescrite pour le recueil de cette autorisation est précisément prévue par le texte qui dispose qu’il s’agit d’une requête, une demande par simple voie de conclusions n’étant pas prévue.

La demande de Monsieur [D] tendant à voir pratiquée une saisie conservatoire par cantonnement de la saisie-attribution diligentée par Madame [Y] est donc irrecevable.

- Sur la demande de consignation

L’article R221-20 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :

« Les sommes en espèces peuvent être saisies à concurrence du montant de la créance du saisissant. Elles sont séquestrées entre les mains de l'huissier de justice.
Il en est fait mention dans l'acte de saisie lequel indique, en outre, à peine de nullité, que le débiteur dispose d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'acte pour former une contestation devant le juge de l'exécution du lieu de la saisie qui est désigné dans l'acte.
En cas de contestation, à défaut d'ordonner le versement au créancier ou la restitution au débiteur, le juge de l'exécution en ordonne la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations.
A défaut de contestation dans le délai imparti, les sommes sont immédiatement versées au créancier. Elles viennent en déduction des sommes réclamées. »

En l’espèce, compte tenu de l’existence d’une procédure au fond, d’une contestation sérieuse tendant à la qualification de libéralité et afin d’éviter une nouvelle mesure conservatoire, il y a lieu d’ordonner la consignation de la somme litigieuse de 5.600 euros auprès de la Caisse des dépôts et consignation.

- Sur la procédure abusive

L’article 1240 du Code civil sanctionne l’action en justice exercée avec légèreté ou une mauvaise foi équipollente au dol.

Madame [Y] indique que l’action diligentée par Monsieur [D] est abusive car elle était en droit de refuser la compensation proposée amiablement par ce dernier. Celui-ci a agi pour faire valoir son droit au regard de la mesure de saisie pratiquée et d’une reddition complexe des comptes dans un contexte de séparation conjugale. Sa demande n’est donc pas abusive, Madame [Y] ne justifiant en tout état de cause d’aucun préjudice.

La demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [D], partie perdante au principal, subira les dépens. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile compte tenu de la décision de consignation.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DIT que la contestation de la saisie-attribution diligentée par Madame [S] [Y] sur les comptes bancaires de Monsieur [L] [D] par acte du 22 mars 2023 et dénoncée par acte du 24 mars 2023 est recevable ;
DIT que la demande tendant à l’octroi d’un cantonnement de saisie à titre conservatoire présentée par Monsieur [L] [D] est irrecevable ;
ORDONNE la consignation de la somme de 5.600 euros auprès de la Caisse des dépôts et consignation, cette somme étant prélevée sur le produit de la saisie-attribution diligentée par Madame [S] [Y] sur les comptes bancaires de Monsieur [L] [D] par acte du 22 mars 2023 et dénoncée par acte du 24 mars 2023 ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts de Madame [S] [Y] ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [L] [D] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/03588
Date de la décision : 16/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-16;23.03588 ?
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