TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
50D
Minute n° 24/369
N° RG 24/00039 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YUJJ
6 copies
EXPERTISE
GROSSE délivrée
le08/04/2024
àMe Brice CHOLLON
Me Julien LE CAN
Me Isabelle LECOQ
COPIE délivrée
le08/04/2024
au service expertise
Rendue le HUIT AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE
Après débats à l’audience publique du 04 Mars 2024
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.
DEMANDEURS
Monsieur [S] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Isabelle LECOQ, avocat au barreau de LIBOURNE
Madame [B] [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Isabelle LECOQ, avocat au barreau de LIBOURNE
DÉFENDEURS
Monsieur [T] [H]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représenté par Me Julien LE CAN, avocat au barreau de BORDEAUX
Madame [F] [U]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Me Julien LE CAN, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. MECA BV 33, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Brice CHOLLON, avocat au barreau de BORDEAUX
I - FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par actes des 03 et 04 octobre 2023, Monsieur [E] et Madame [P] ont fait assigner Monsieur [H], Madame [U] et la SARL MECA BV 33 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Libourne, afin, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de voir ordonner une expertise de leur véhicule automobile.
Monsieur [E] et Madame [P] exposent qu’ils ont acquis auprès de Monsieur [H] et Madame [U] un véhicule VIANO de marque MERCEDES le 25 février 2022 ; que des désordres sont rapidement apparus ; qu’ils ont alors confié le véhicule au garage SARL MECA BV 33 et envoyé le devis aux vendeurs afin que ces derniers prennent à leur charge les travaux à réaliser ; que les vendeurs ont refusé ; que sans attendre d’ordre de réparation, la SARL MECA BV 33 a réalisé les travaux prévus sans toutefois parvenir à régler les désordres.
Par ordonnance du 07 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Libourne s’est déclaré incompétent et a ordonné le renvoi de l’affaire devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant en matière de référés.
Appelée à l’audience du 05 février 2024, l’affaire a été renvoyée pour échanges de conclusions, puis retenue à l'audience de plaidoiries du 04 mars 2024.
Les parties ont conclu pour la dernière fois :
- Monsieur [E] et Madame [P], le 08 février 2024, par des écritures dans lesquelles ils demandent que soit ordonnée une expertise de leur véhicule, que soit fixée la consignation à valoir sur les honoraires de l’expert qu’ils devront verser et que les défendeurs soient déboutés de toutes demandes contraires ;
- Monsieur [H] et Madame [U], le 05 février 2024, par des écritures dans lesquelles ils sollicient le rejet de la mesure d’expertise, leur mise hors de cause et la condamnation de Monsieur [E] et Madame [P] à leur verser la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris les frais d’exécution ;
- la SARL MECA BV 33, le 27 février 2024, par des écritures dans lesquelles elle sollicite le rejet de la demande de Monsieur [E] et Madame [P] pour absence de motif légitime et leur condamnation à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, y compris ceux de l’instance devant le tribunal judiciaire de Libourne.
La présente décision se rapporte à ces écritures pour un plus ample exposé des demandes et des moyens des parties.
II - MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, “s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé”.
Sur la mise hors de cause de Monsieur [H] et Madame [U] et/ou de la SARL MECA BV 33 :
Monsieur [H] et Madame [U] contestent l’existence d’un motif légitime les concernant et sollicitent leur mise hors de cause en faisant valoir qu’à l’issue de l’expertise amiable diligentée, tant l’expert missionné par l’assureur de Monsieur [E] et Madame [P] que l’expert qu’ils ont missionné ont conclu à l’absence de désordres préexistants à le vente ; qu'en l'absence de vice préexistant à la vente du véhicule, aucune action en vice caché ne peut être initiée à leur encontre de sorte que leur présence à la mesure d'expertise sollicitée n'est pas justifiée et ce d'autant qu'aucune mesure conservatoire n'a été prise par les différents garagistes intervenus sur le véhicule depuis sa vente, empêchant ainsi les constatations sur l'état du véhicule tel qu'il était avant ou lors de la vente.
La SARL MECA BV 33 fait valoir quant à elle qu’elle a procédé à un contrôle de la boîte de transfert mais n’a réalisé aucune réparation de celle-ci ainsi que le mentionne précisément sa facture ; qu’elle a réalisé des travaux sur la boîte de vitesse automatique mais que sa responsabilité civile ne peut pas être retenue puisque son intervention a résolu les défauts ; que, par conséquent, il n’existe pas de motif légitime à voir ordonner une expertise à son contradictoire.
En réponse, Monsieur [E] et Madame [P] soutiennent que les experts amiables ne sont pas parvenus à trouver l’origine des à-coups, qui existent toujours aujourd’hui, et donc le responsable ; que contrairement à ce qu’indiquent les vendeurs, les experts amiables n’ont pas conclu à l’absence de désordres préexistants à la vente du véhicule ; que la SARL MECA BV 33 est intervenue sur la boîte de transfert du véhicule comme le relève le rapport d’expertise amiable ; qu’hormis l’intervention de la SARL MECA BV 33, les autres interventions sur le véhicule n’étaient pas des réparations en lien avec les à-coups ; qu’il est indispensable d’organiser une expertise judiciaire pour trouver l’origine de ce désordre, au contradictoire de Monsieur [H], de Madame [U] et de la SARL MECA BV 33.
Au vu des pièces versées aux débats, et notamment des factures des garagistes intervenus sur le véhicule et du rapport d’expertise amiable, Monsieur [E] et Madame [P] sont fondés à soutenir que la cause de certains désordres reste à ce jour indéterminée, de sorte qu’ils justifient bien d’un motif légitime à voir ordonner une expertise au contradictoire de Monsieur [H] et Madame [U] comme de la SARL MECA BV 33, qui seront déboutés de leur demande de mise hors de cause.
La demande d’expertise
Monsieur [E] et Madame [P], par les pièces qu’ils versent aux débats, justifient d’un intérêt légitime pour obtenir qu’une mesure d’instruction soit, dans les termes et conditions figurant au dispositif de la présente décision, ordonnée au contradictoire des parties défenderesses, sans aucune appréciation des responsabilités et garanties encourues.
L’expertise sera réalisée aux frais avancés des demandeurs, qui ont seuls intérêt à voir la mesure menée à son terme.
Les autres demandes
Les dépens de l’instance seront provisoirement supportés par les demandeurs, qui pourront ultérieurement les inclure dans leur préjudice matériel.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [H], de Madame [U] et de la SARL MECA BV 33 les sommes, non comprises dans les dépens, exposées dans le cadre de l’instance. Leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
III - DÉCISION
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant par une ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe et à charge d'appel;
Vu l’article 145 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu de mettre hors de cause Monsieur [H], Madame [U] et la SARL MECA BV 33 ;
ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder Monsieur [O] [R] [Adresse 6]
Mèl : [Courriel 8] ;
DIT que l’expert procédera à la mission suivante :
– convoquer et entendre les parties, se faire communiquer dans le délai qu'il lui appartiendra de fixer tous documents utiles à l'exercice de sa mission et notamment la citation, les documents relatifs à la mise en circulation du véhicule, aux contrôles techniques, à l'entretien et à l'achat du véhicule de Monsieur [E] et Madame [P],
– donner aux juges tous éléments de nature à établir dans quelles conditions il a été fait acquisition de ce véhicule, préciser notamment si les acheteurs ont eu communication de pièces déterminant de façon précise l'état du véhicule qu'ils se proposaient d'acquérir,
– dire à quelle date le véhicule litigieux a été mis en circulation, décrire l'état de la mécanique et de la carrosserie et préciser le degré d’usure du véhicule lors de son acquisition par rapport à la longévité habituelle de véhicules de même type,
– vérifier si les désordres allégués existent, dans ce cas, en préciser la nature, la localisation, l'importance et la date d'apparition, et dire s’ils sont de nature à rendre le véhicule impropre à son usage,
– donner aux juges du fond tous éléments techniques et de fait leur permettant de déterminer si le vice aujourd'hui constaté existait ou non lors de la vente, dans l'affirmative, donner aux juges du fond tous éléments techniques et factuels leur permettant de dire si ce vice était ou non décelable pour un profane et pouvait ou non être ignoré des vendeurs au moment de la vente,
– dire si le véhicule a fait, avant ou/et après la vente litigieuse, l'objet de réparations et dans l'affirmative, en préciser la nature, l'opportunité et l'efficience,
– rechercher la cause des désordres, en indiquant si les désordres sont dûs à un vice de la mécanique, à la vétusté, à des réparations inappropriées, à un défaut d'entretien, à une utilisation inappropriée du véhicule ou à tout autre cause,
– dire si le prix acquitté est conforme à celui habituellement pratiqué pour un véhicule de même type, de même âge et se trouvant dans un état identique,
– en raison des désordres éventuellement constatés, donner son avis sur le prix actuel d'un tel véhicule, compte tenu du marché,
– donner son avis sur la nature, la durée et le coût des travaux, hors-taxes et TTC, propres à remédier aux désordres constatés, en donnant aux juges du fond tous éléments susceptibles de leur permettre de déterminer l'opportunité économique d'y recourir, et communiquer à cet égard aux parties, en même temps que son pré-rapport, des devis et estimations chiffrées,
– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente, de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer s'il y a lieu les préjudices subis,
– établir un pré-rapport et le communiquer aux parties en leur enjoignant de formuler, avant la date qu'il estimera nécessaire de fixer, et dans tous les cas dans le délai d'un mois suivant cette communication, toutes les observations utiles, et répondre aux observations qui auraient été formulées dans ce délai ;
DIT que l'expert ne pourra recueillir l'avis d'un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu'il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêt avec elles ;
FIXE à la somme de 2 500 euros la provision que les demandeurs devront consigner par virement sur le compte de la Régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (Cf code BIC joint) mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente ordonnance) dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque ;
DIT que l’expert déposera son rapport dans le délai de quatre mois à compter de la consignation ;
DÉSIGNE le juge chargé du contrôle des expertises pour suivre le déroulement de la présente mesure d'instruction ;
DIT que Monsieur [E] et Madame [P] conserveront provisoirement la charge des dépens, sauf à en intégrer le montant dans leur préjudice matériel ;
DÉBOUTE Monsieur [H], Madame [U] et la SARL MECA BV 33 de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.
Le Greffier,Le Président,