La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2024 | FRANCE | N°22/03667

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Ppp contentieux général, 05 avril 2024, 22/03667


Du 05 avril 2024


56Z


SCI/



PPP Contentieux général

N° RG 22/03667 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XLC7







[Y] [C] [L]

C/

Société BATI-CUB












- Expéditions délivrées à


- FE délivrée à


Le 05/04/2024


Avocats : Me Bénédicte DELEU
la SCP MAATEIS
Me Laurence REINER-SACAU





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
Pôle protection et proximité
[Adresse 1]

JUGEMENT EN DATE DU 05 avril 2024



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE : Madame Sandrine SAINSILY-PINEAU, Magistrate

GREFFIER : Madame Françoise SAHORES



DEMANDEUR :

Monsieur [Y] [C] [L]
né le 28 Janvier 1959 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 7]


Représenté par Me Laurence...

Du 05 avril 2024

56Z

SCI/

PPP Contentieux général

N° RG 22/03667 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XLC7

[Y] [C] [L]

C/

Société BATI-CUB

- Expéditions délivrées à

- FE délivrée à

Le 05/04/2024

Avocats : Me Bénédicte DELEU
la SCP MAATEIS
Me Laurence REINER-SACAU

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
Pôle protection et proximité
[Adresse 1]

JUGEMENT EN DATE DU 05 avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE : Madame Sandrine SAINSILY-PINEAU, Magistrate

GREFFIER : Madame Françoise SAHORES

DEMANDEUR :

Monsieur [Y] [C] [L]
né le 28 Janvier 1959 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 7]

Représenté par Me Laurence REINER-SACAU (Avocat au barreau de PARIS)

DEFENDERESSE :

Société BATI-CUB
RCS de Bordeaux n°[Numéro identifiant 6] pris en la personne de son gérant M. [N] [B]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Maître Stéphan DARRACQ de la SCP MAATEIS,
Avocat au barreau de BORDEAUX

DÉBATS :

Audience publique en date du 08 Février 2024

PROCÉDURE :

Articles 480 et suivants du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Monsieur [Y] [C] [L] est propriétaire non occupant d’un appartement situé au rez-de-chaussée de l’immeuble sis au [Adresse 5].

La structure de cet immeuble a été endommagée et l’appartement de Monsieur [Y] [C] [L] a été devasté à la suite de travaux de démolition d’un immeuble mitoyen au mois de mai 2019.

Les travaux de consolidation de l’immeuble ayant été effectués, Monsieur [Y] [C] [L] a décidé d’entreprendre des travaux de réfection de son appartement.

Il a confié la maîtrise d’oeuvre à la SARL HEXAGONE, représentée par Monsieur [J] [R], et la réalisation des travaux à la SARL BATI-CUB, suivant trois devis établis entre le 27 mai 2021 et le 29 mai 2021 :
- devis n° DEV00000708 du 25 mai 2021 d’un montant de 30.540,13 € T.T.C.
- devis n° DEV00000718 du 27 mai 2021 d’un montant de 9.747,55 € T.T.C.
- devis n° DEV00000719 du 29 mai 2021 d’un montant de 5.808,40 € T.T.C.

Chacun des devis mentionne que la réfection structurelle du bâtiment n’est pas comprise et qu’une «intervention est possible début octobre sous réserve de la bonne réception des travaux structurels». Deux devis fixent à 2 mois la durée des travaux, le 3ème prévoyant une durée de 15 jours.

Monsieur [Y] [C] [L] ayant versé des acomptes, la SARL BATI-CUB a établi les factures d’acomptes suivantes :
- FAC00000412 du 3 août 2021 correspondant au devis n° DEV00000718 d’un montant de 2.924,27 €,
- FAC00000413 du 3 août 2021 correspondant au devis n° DEV00000708 d’un montant de 9.162,04 €,
- FAC00000414 du 3 août 2021 correspondant au devis n° DEV00000719 d’un montant de 1.742,52 €.

Par courrier électronique en date du 16 novembre 2021, Monsieur [J] [R] de la SARL HEXAGONE a informé la SARL BATI-CUB de l’accessibilité des «espaces de travail», le chantier pouvant être entamé.

Les travaux ont débuté le 16 décembre 2021.

Par acte de commissaire de justice délivré le 12 décembre 2022, Monsieur [Y] [C] [L] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de ce siège la SARL BATI-CUB, principalement, aux fins de la voir condamner :
- à lui restituer la somme de 4.415 € T.T.C. au titre des devis n° 00000718, 00000719 et 00000708, avec intérêts légaux à compter de la date de l’assignation et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
- à lui restituer les clès de son appartement ainsi que le bip de l’entrée de l’immeuble du [Adresse 5], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement,
- au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers qu’il a subis du fait de ses manquements à ses obligations contractuelles.

A l’appui de ses demandes, il explique que le chantier a été laissé à l’abandon dès le mois de janvier 2022 et qu’il n’a pas eu d’autre choix que de faire appel à une nouvelle entreprise pour effectuer les travaux de réfection de son appartement. Il assure que les acomptes qu’il a payés ont dépassé largement la valeur des travaux, un trop-perçu de 4.415 € ayant été constaté après analyse détaillée des devis et examen des travaux réalisés. Il soutient qu’en dépit de la mise en demeure qu’il lui a adressée, la SARL BATI-CUB n’a pas réalisé les travaux correspondant au moins aux acomptes de 30% qu’il lui a réglés.

Il affirme que la SARL BATI-CUB a manqué à ses obligations contractuelles en mettant un terme unilatéralement au chantier qui lui avait été confié, lui causant un préjudice financier. Il a, en effet, été dans l’impossibilité de remettre son appartement en location à compter du mois de novembre 2022, a été contraint de renoncer aux frais de maîtrise d’oeuvre qu’il avait engagés pour suivre et surveiller le chantier en raison de son coût, a supporté des frais de déplacement pour se rendre à [Localité 8] puisqu’il vit en région parisienne, a supporté les frais de reprise induits par la qualité déplorable des travaux et a engagé des frais d’huissier pour constater l’état du chantier.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 février 2024, au cours de laquelle elle a été retenue, après plusieurs renvois justifiés par la nécessité pour les parties d’échanger leurs pièces et conclusions.

A l’audience, Monsieur [Y] [C] [L], représenté par son conseil, demande au tribunal, sur le fondement des dispositions des articles 1104, 1302, 1231-1 et suivants du code civil :
- de condamner la SARL BATI-CUB à titre de trop-perçu à la restitution de la somme de 4.415 € au titre des devis n° 00000718, 00000719 et 00000708, avec intérêts légaux à compter de la date de l’assignation et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
- de prendre acte de ce qu’il renonce à sa demande de restitution des clés de son appartement ainsi que du bip de l’entrée de l’immeuble du [Adresse 5],
- de condamner la SARL BATI-CUB au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers qu’il a subis du fait des manquements de la SARL BATI-CUB à ses obligations contractuelles, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
- de débouter la SARL BATI-CUB de sa demande de condamnation à son égard au paiement de la somme de 36.709,27 € à titre de perte de gains prévus,
- de débouter la SARL BATI-CUB de sa demande visant à écarter l’exécution provisoire de droit, faute de motif valable,
- plus généralement :
- de déboutter la SARL BATI-CUB de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner la SARL BATI-CUB à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

En défense, la SARL BATI-CUB demande au tribunal, sur le fondement des dispositions des articles 1103 et suivants du code civil :
- de faire droit à ses prétentions,
- de constater son absence de faute rendant impossible l’engagement de sa responsabilité contractuelle,
- en conséquence, de débouter Monsieur [Y] [C] [L] de l’entièreté de ses demandes à son encontre,
- de condamner Monsieur [Y] [C] [L] à lui verser la somme de 36.709,27 € pour rupture unilatérale et brutale du contrat,
- de débouter Monsieur [Y] [C] [L] de sa demande de restitution des clés de son appartement ainsi que du bip de l’entrée de l’immeuble,
- d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir de toutes les condamnations prononcées par le jugement, en principal et intérêt, dommages et intérêts, indemnités de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que pour les dépens, nonobstant appel ou opposition et sans caution,
- de condamner Monsieur [Y] [C] [L] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure comprenant notamment les frais d’exécution dont le droit proportionnel prévu au n°129 du tableau 3-1 annexé à l’article R. 444-3 du code de commerce, dont distraction sera faite au profit de Maître Stéphan DARRACQ représentant la SCP MAATEIS.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

La décision a été mise en délibéré au 5 avril 2024.

Conformément à l’article 467 du code de procédure civile, le présent jugement, susceptible d’appel, sera contradictoire.

MOTIFS :

A titre liminaire, il y a lieu de constater l’abandon par Monsieur [Y] [C] [L] de sa demande de restitution des clés de son appartement ainsi que du bip de l’entrée de l’immeuble du [Adresse 5].

1 - Sur la rupture des relations contractuelles :

L’article 1103 du code civil énonce que «Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits». Il ressort des dispositions de l’article 1104 du même code que «les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public».

Aux termes des dispositions de l’article 1217 du code civil, «la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter».

Monsieur [Y] [C] [L] soutient que la SARL BATI-CUB a abandonné le chantier à la fin du mois d’avril 2022 sans le prévenir et sans prévenir le maitre d’oeuvre. Il souligne que non seulement, elle a débuté le chantier en retard (le 16 décembre 2021 au lieu du début du mois de novembre 2021) et en a accumulé par la suite mais elle a fini par abandonner le chantier dans un état catastrophique, alors que la durée des travaux avait été fixée initialement pour une durée de 2,5 mois.

La SARL BATI-CUB soutient que Monsieur [Y] [C] [L] a procédé au changement des serrures de son appartement l’empêchant d’accéder au chantier, dès le mois de mai 2022, et mettant fin, ainsi, de manière abusive, au contrat conclu. Elle conteste, en outre, le retard qui lui est opposé, le chantier ayant débuté dans un délai raisonnable, soit un mois après avoir été informée de l’accessibilité des lieux. Elle souligne que les travaux ont été suspendus entre le mois de janvier 2022 et le 7 mars 2022 en raison d’une fuite indépendante de sa prestation sur une colonne d’évacuation des parties communes et de la découverte d’amiante sur une tuyauterie en partie commune, justifiant la réalisation par ses soins de travaux de réparation pour le compte du syndicat des copropriétaires, le 7 mars 2022. Elle ajoute que des travaux supplémentaires lui ont été réclamés par Monsieur [Y] [C] [L], lequel n’a validé le devis qu’elle a établi le 17 mars 2022 que le 11 avril 2022, repoussant ainsi la fin du chantier. Elle estime que les travaux se sont déroulés dans les temps indiqués par les devis.

En l’espèce, Monsieur [Y] [C] [L] a accepté trois devis établis entre le 27 mai 2021 et le 29 mai 2021, prévoyant une intervention possible de la SARL BATI-CUB à compter du mois d’octobre 2021, sous réserve de la bonne réception des «travaux structurels».

Il est constant que les travaux ont débuté le 16 décembre 2021.

Monsieur [Y] [C] [L] ne peut reprocher à la SARL BATI-CUB d’avoir débuté tardivement les travaux.

Il apparaît, en effet, que les travaux concernant la structure de l’immeuble n’ont été réceptionnés sans réserve par le Syndicat des copropriétaires que le 29 octobre 2021, date de signature du procès-verbal de réception.

Ce n’est que par courrier électronique en date du 16 novembre 2021 que la SARL HEXAGONE, maître d’oeuvre, a informé la SARL BATI-CUB que les «espaces de travail» étaient «accessibles», et lui a demandé de le contacter pour fixer le début du chantier et planifier les opérations, les clès devant lui être remises à l’occasion d’une prochaine rencontre.

La SARL BATI-CUB justifie s’être rapprochée, dès le 23 novembre 2021, de la Mairie de [Localité 8] afin d’obtenir une autorisation de stationnement à compter du 6 décembre 2021 pour lui permettre d’installer une clôture de chantier sur le domaine public afin de déposer ses matériaux, matériels, véhicule de chantier ou atelier et protéger les piétons. Cette autorisation lui a été accordée par arrêté du 29 novembre 2021.

Aussi, contrairement aux allégations de Monsieur [Y] [C] [L], aucun élément ne permet d’établir que le chantier aurait dû débuter au début du mois de novembre 2021. Les pièces produites prouvent, en revanche, qu’ils ne pouvaient pas commencer avant le 6 décembre 2021. Débutés le 16 décembre 2021, il apparaît que les travaux ont été entrepris par la SARL BATI-CUB dans un délai raisonnable.

Monsieur [Y] [C] [L] affirme que la durée prévisible des travaux était de 2 mois et demie. Les courriers qu’il a adressés à la SARL HEXAGONE et à la SARL BATI-CUB entre le 2 février 2022 et le 28 avril 2022 montrent qu’il s’est plaint à plusieurs reprises de la lenteur et de l’état d’avancement des travaux. Il a, d’ailleurs, réclamé en vain à la SARL BATI-CUB un calendrier lui permettant de déterminer le déroulement des travaux et la date de fin de travaux prévisibles.

Pour autant, ni les devis produits ni aucune pièce ne permettent de conclure que la SARL BATI-CUB s’était engagée à réaliser l’ensemble des travaux, objets des 3 devis, en 2 mois et demie. Par ailleurs, à supposer ce délai établi, il ne pouvait être respecté. Il s’évince, en effet, du courrier de la SARL HEXAGONE en date du 9 février 2022 et de celui de Monsieur [Y] [C] [L] adressé à la SARL BATI-CUB le 25 mars 2022, que les travaux ont été suspendus au cours du mois de février 2022, dans l’attente de la réalisation par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble de travaux concernant une tuyauterie située dans les parties communes mais passante par la cuisine de Monsieur [Y] [C] [L], qui présentait, par ailleurs, des traces d’amiante.

Ces travaux ont été réalisés par la SARL BATI-CUB et ont fait l’objet d’une facture établie le 8 mars 2022.

Le courrier de Monsieur [Y] [C] [L] adressé à la SARL BATI-CUB le 25 mars 2022 et le courrier électronique de la SARL HEXAGONE adressé le 29 mars 2022 à Monsieur [Y] [C] [L] permettent d’établir que la SARL BATI-CUB a repris les travaux le 29 mars 2022. Aucun élément ne permet, en revanche, de déterminer les raisons de cette reprise tardive, d’autant que dans un courrier en date du 17 mars 2022, Monsieur [Y] [C] [L] s’inquiétait de ce retard : «nous nous sommes parlés il y a maintenant trois semaines. Je souhaiterais savoir où en en est mon chantier maintement que ce problème de descente d’eau en amiante a été réglé».

Dans les suites, il apparaît, selon le courrier éléctronique de la SARL HEXAGONE en date du 27 avril 2022, que la livraison du chantier avait finalement été fixée à la fin du mois de mai 2022 : «je vous demande de mettre en place tous les moyens nécessaires au point de vue délais d’avancement pour tenir l’objectif de finaliser la livraison de ce chantier fin Mai 2022".
Il est constant que le chantier n’a pas été livré à cette date.

Si les courriers électroniques de la SARL HEXAGONE et de Monsieur [Y] [C] [L], en date des 27 et 28 avril 2022, montrent que la SARL BATI-CUB était toujours présente sur le chantier à ces dates, aucun élément ne permet d’établir qu’elle a continué à intervenir, après. Il y a lieu, par ailleurs, de constater qu’au 28 avril 2022, le maître d’oeuvre s’est plaint de l’état d’avancement des travaux «je constate donc que cette semaine le travail n’a pas beaucoup évolué».

La SARL BATI-CUB soutient que l’accès aux chantier lui a été refusé à compter du mois de mai 2022. Elle produit l’attestation de Monsieur [J] [R], gérant de la SARL HEXAGONE, en date du 31 octobre 2023, qui déclare avoir reçu l’ordre de Monsieur [Y] [C] [L] de procéder au remplacement de la serrure de son appartement afin d’empêcher l’accès au chantier à la SARL BATI-CUB, avoir acquis un cyclindre le 6 mai 2022, l’avoir installé le jour même et avoir facturé cette prestation.

Certes, la facture établie par la SARL HEXAGONE, le 21 juin 2022, contredit les déclarations de son gérant, Monsieur [J] [R], puisqu’elle montre que sur «demande le 28 mai 2022 de Monsieur [Y] [C] [L]», il a changé les clés de l’appartement et les a déposés chez Aquitaine Property Syndic.

Cependant, l’échange de SMS entre Monsieur [Y] [C] [L] et Monsieur [J] [R] montre que le 6 mai 2022, ce dernier lui a écrit le message suivant : «je t’informe avoir remplacé ce matin à 7h30 le barillet à clé de la porte de l’appartement rendant ainsi l’accès impossible aux travaux aux personnes non autorisées».

Monsieur [Y] [C] [L] reconnaît, d’ailleurs, avoir effectué le changement de serrure le 6 mai 2022 après avoir constaté l’abandon définitive du chantier depuis plusieurs jours par la SARL BATI-CUB.

Cependant, la SARL BATI-CUB ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu’elle a continué à intervenir sur le chantier après le 28 avril 2022. Aucune pièce ne permet d’établir, au surplus, qu’elle était informée de ce changement de serrure, s’est émue de cette situation ni n’a réclamé les clés au maître d’oeuvre ou à Monsieur [Y] [C] [L] afin d’intervenir sur le chantier, notamment à la suite de la mise en demeure que le conseil de ce dernier lui a adressé le 9 mai 2022. Il l’a, en effet, mis en demeure de terminer sous huitaine les travaux correspondant aux devis n° 00000719 et 00000708 et concernant les prestations de raccordement et de mise en marche de l’électricité et de la plomberie.

Il est donc démontré que la SARL BATI-CUB a abandonné le chantier au moins le 29 avril 2022, soit avant le changement de serrure par Monsieur [Y] [C] [L], et qu’elle a, de manière unilatérale, rompu les relations contractuelles avant la fin des travaux, lesquels ont été partiellement exécutés.

2 - Sur la répétition de l’indu :

Il ressort des dispositions de l’article 1302 du code civil que «tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées».

Aux termes des dispositions de l’article 1302-1 du même code «celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu».

Monsieur [Y] [C] [L] soutient que les travaux prévus aux devis n’ont pas tous été réalisés et que certains ne l’ont été que partiellement, en dépit des courriers de relances et mises en demeure qu’il a adressés à la SARL BATI-CUB. Il met en avant les calculs effectués par la SARL HEXAGONE, laquelle, en toute objectivité, a conclu à l’existence d’un trop-perçu en comparant les sommes réglées à titre d’acomptes et les travaux réalisés.

La SARL BATI-CUB conteste la somme réclamée à titre de restitution d’indu. Elle affirme que Monsieur [Y] [C] [L] ne reprend que les propos du maître d’oeuvre avancé sans preuve et sans être entériné par d’autre élément. Elle estime que les pièces produites (avis du maître d’oeuvre, constat d’huissier, «rapport» de la Société CPR et attestation) ne constituent pas des preuves de ses manquements ni permettent de qualifier son travail.

En l’espèce, il est constant que Monsieur [Y] [C] [L] a procédé au règlement de 3 factures d’acomptes correspondant aux devis établis par la SARL BATI-CUB concernant les travaux de réfection d’un montant total de 13.828,83 €.

Il n’est pas contesté que les travaux prévus au devis n° 0000718 ont été intégralement exécutés.

En revanche, le conseil de Monsieur [Y] [C] [L] a, dans un courrier adressé le 9 mai 2022, mis en demeure la SARL BATI-CUB, de terminer sous huitaine les travaux correspondant aux devis n° 00000719 et 00000708 et concernant les prestations de raccordement et de mise en marche de l’électricité et de la plomberie.

Le procès-verbal de constat d’huissier de justice établi le 10 mai 2022 montre qu’aucun doublage n’a été effectué et qu’aucune peinture n’a été apposée, seules les plaques de placoplâtre du plafond sans bandes ont été réalisées et les rails des murs ont été posés, les câblages électriques étant, au surplus, en attente.

Aucun élément ne permet d’établir que la SARL BATI-CUB a déféré à cette mise en demeure.

Au contraire, les constatations du commissaire de justice corroborent l’attestation de Monsieur [T] [W] [G] de la Société CPR du 2 octobre 2022. Ce dernier indique, en effet, avoir été contacté «au mois de juin» par Monsieur [Y] [C] [L] et avoir constaté qu’aucune plomberie n’a été faite, que s’agissant de l’élecricité «5 fils sont passés sans aucun repère» et qu’il a dû reprendre le placostil sur l’ensemble du mur extérieur y compris les cloisons à l’intérieur.

L’ensemble de ces constatations confirme l’estimation, objective, faite par le maître d’oeuvre, la SARL HEXAGONE, dans un courrier électronique du 6 mai 2022, en comparant l’état d’avancement des travaux par rapport aux devis acceptés par Monsieur [Y] [C] [L] et le montant des acomptes qu’il a versé.

Il s’ensuit que la comparaison proposée par le maître d’oeuvre, la SARL HEXAGONE, peut être retenue. Elle montre que Monsieur [Y] [C] [L] est fondé à réclamer la restitution d’un trop perçu de 4.415 €.

La SARL BATI-CUB sera condamnée à lui payer cette somme qui produira intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2022.

Aux termes de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. En l’espèce, aucune circonstance particulière n’impose le prononcé d’une astreinte.

Aussi, Monsieur [Y] [C] [L] sera débouté de sa demande d’astreinte.

3 - Sur la responsabilité de la SARL BATI-CUB :

L’article 1231-1 du code civil énonce que «le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure».

En l’espèce, Monsieur [Y] [C] [L] sollicite une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financiers du fait des manquements de la SARL BATI-CUB à ses obligations contractuelles. Il explique que cette société a manqué à son obligation de résultat puisqu’elle a débuté les travaux avec plus d’un mois de retard, alors qu’elle connaissait la nécessité pour lui de remettre l’appartement en location, qu’elle n’a jamais déféré à ses demandes ni à celles du maître d’oeuvre, d’un calendrier d’intervention, qu’elle n’a repris le chantier qu’à la fin du mois de mars 2022 sans véritablement avancé les travaux et qu’elle a abandonné le chantier à la fin du mois d’avril 2022 sans prévenir le maître de l’oeuvre et le maître de l’ouvrage et en laissant le chantier dans un état catastrophique. Il met, en avant, les frais de maîtrise qu’il a dû engagés et qu’il a été contraint de renoncer en raison de son coût, les frais de déplacement qu’il a été contraint d’exposer pour constater l’état du chantier et trouver une nouvelle entreprise, les frais de reprise qu’il a du payer en raison de la qualité déplorable des travaux effectués et les frais de constat d’huissier qu’il a engagés pour constater l’état du chantier.

La SARL BATI-CUB conteste toute faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles et sa responsabilité. Elle note que le contrat de maitrise d’oeuvre a été conclu le 19 mai 2021, plusieurs jours avant la réalisation des devis, et estime que son coût est indépendant de sa prestation. Elle estime qu’il en est de même des frais de déplacement qui ont été réglés indépendamment de son travail. Enfin, elle considère que l’abandon du chantier n’est pas prouvé alors que Monsieur [Y] [C] [L] l’a empêché de terminer les travaux.

En l’espèce, il échet de rappeler qu’il a été jugé que la SARL BATI-CUB a débuté les travaux dans un délai raisonnable et, que les travaux ayant été suspendus un temps, le délai prévisible d’achévement des travaux avait été fixé à la fin du mois de mai 2022.

Les nombreux courriers adressés par Monsieur [Y] [C] [L] et par la SARL HEXAGONE à la SARL BATI-CUB au cours de l’exécution des travaux montrent que cette dernière société n’a jamais adressé le planning de travaux qui lui avait été réclamé et qu’elle a accumulé du retard dès la reprise des travaux à la fin du mois de mars 2022. Il a été démontré qu’elle a abandonné le chantier le 29 avril 2022 sans terminer les travaux. Il a été jugé que le coût des travaux réalisés au 6 mai 2022 ne correspondait pas aux acomptes de 30% versés par Monsieur [Y] [C] [L] au titre des trois devis de travaux qui avaient été acceptés.

Il s’ensuit que la SARL BATI-CUB a manqué à ses obligations contractuelles puisqu’en abandonnant le chantier, elle n’a pas satisfait à son obligation de résultat de terminer les travaux qu’elle s’était engagée à réaliser.

S’agissant des dommages et intérêts, Monsieur [Y] [C] [L] ne peut solliciter le remboursement des frais de maîtrise d’oeuvre lesquels ne sont pas imputables aux défaillances de la SARL BATI-CUB, la lettre de mission de la SARL HEXAGONE datant du 19 mai 2021 bien avant l’acceptation du 1er devis en date du 25 mai 2021.

Il en est de même des frais de déplacement, lesquels ont été exposés le 17 juin 2022 alors que le contrat liant les parties avait été rompu à la suite de l’abandon du chantier par la SARL BATI-CUB le 29 avril 2022 et que le contrat de maitrise était encore en cours d’exécution.

S’agissant des frais de reprise des travaux de la SARL BATI-CUB, aucun élément ne permet d’établir la qualité déplorable alléguée par Monsieur [Y] [C] [L] ni le montant du coût qui aurait été supporté. Ce dernier ne peut, en conséquence, solliciter de sommes à ce titre.

Enfin, Monsieur [Y] [C] [L] justifie avoir supporté des frais de constat d’huissier d’un montant de 336 € afin de faire constater l’état d’avancement des travaux réalisés par la SARL BATI-CUB après l’abandon du chantier le 29 avril 2022. Il a, donc, droit à être indemnisé de cette dépense imputable aux manquements contractuels de cette société.

Aussi, afin de tenir compte des frais de constat d’huissier et du retard pris dans la réalisation des travaux, il sera alloué à Monsieur [Y] [C] [L] une somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts. La SARL BATI-CUB sera condamnée à lui payer cette somme qui portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

4 - Sur la rupture unilatérale des relations contractuelles :

La SARL BATI-CUB sollicite une somme de 36.709,27 € à titre de dommages et intérêts, cette somme correspondant à son manque à gagner à la suite de la rupture unitalérale et brutale du contrat par Monsieur [Y] [C] [L].

Ce dernier conteste ce chef de demande, puisqu’il a procédé au changement de serrure après avoir constaté que la SARL BATI-CUB avait définitivement abandonné le chantier depuis plusieurs jours.

Il a été jugé que la SARL BATI-CUB a abandonné le chantier après le 28 avril 2022 et a rompu de manière unilatérale le contrat la liant à Monsieur [Y] [C] [L]. Dans ces conditions, elle sera déboutée de sa demande de réparation.

3 - Sur les demandes accessoires :

En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de droit exécutoire par provision Aucun élément ne justifie, en revanche, que l’exécution provisoire soit, en l’espèce, écartée.

La SARL BATI-CUB, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

Succombante, elle sera condamnée à payer à Monsieur [Y] [C] [L] la somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera, en revanche, déboutée de sa demande fondée sur les mêmes dispositions.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal judiciaire statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

- CONSTATE l’abandon par Monsieur [Y] [C] [L] de sa demande de restitution des clés de son appartement ainsi que du bip de l’entrée de l’immeuble du [Adresse 5] ;

- CONDAMNE la SARL BATI-CUB à payer à Monsieur [Y] [C] [L] la somme de 4.415 € T.T.C. au titre de la restitution du trop-perçu des devis n° 00000718, 00000719 et 00000708 ;

- DIT que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2022 ;

- CONDAMNE la SARL BATI-CUB à payer à Monsieur [Y] [C] [L] la somme de 1.500 € en réparation des préjudices financiers qu’il a subis ;

- DIT que cette somme produira intérêts au taux légal à compter à compter du présent jugement ;

- DEBOUTE Monsieur [Y] [C] [L] du surplus de ses demandes ;

- DEBOUTE la SARL BATI-CUB du surplus de ses demandes ;

- CONDAMNE la SARL BATI-CUB à payer à Monsieur [Y] [C] [L] la somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SARL BATI-CUB aux dépens.

- RAPPELLE que la décision est de droit exécutoire par provision.

Le présent jugement a été signé par Sandrine SAINSILY- PINEAU, Présidente, et la Greffière présente.

LE GREFFIER, LE JUGE,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Ppp contentieux général
Numéro d'arrêt : 22/03667
Date de la décision : 05/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-05;22.03667 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award