La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°24/00825

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 02 avril 2024, 24/00825


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 02 Avril 2024


DOSSIER N° RG 24/00825 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YWXY
Minute n° 24/ 114


DEMANDEUR

Monsieur [D] [J]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 4]

représentée par Maître Patrice JOUANNEAU de la SELAS CABINET JOUANNEAU - FRESSANGES DU BOST & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

S.A.S. DLT GROUP, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 884 194 952, prise en la personne de son re

présentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]
physiquement située [Adresse 2]
[Localité 5]

non comparante ni représ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 02 Avril 2024

DOSSIER N° RG 24/00825 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YWXY
Minute n° 24/ 114

DEMANDEUR

Monsieur [D] [J]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 4]

représentée par Maître Patrice JOUANNEAU de la SELAS CABINET JOUANNEAU - FRESSANGES DU BOST & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A.S. DLT GROUP, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 884 194 952, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]
physiquement située [Adresse 2]
[Localité 5]

non comparante ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 27 Février 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 02 Avril 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 02 avril 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance de référés du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 7 mars 2023 et d’un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 15 novembre 2023, la SAS DLT GROUP a fait diligenter plusieurs saisies-attributions sur les comptes bancaires de Monsieur [D] [J] par actes en date du 29 décembre 2023, dénoncées par actes du 5 janvier 2024, dont une auprès de la société BOURSORAMA Banque.

Par acte de commissaire de justice en date du 31 janvier 2024, Monsieur [J] a fait assigner la SAS DLT GROUP devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 27 février 2024, Monsieur [J] sollicite à titre principal la nullité de la saisie-attribution et sa mainlevée, la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts outre les frais bancaires inhérents à la saisie et une amende civile de 10.000 euros. Subsidiairement, il sollicite le cantonnement de la saisie-attribution à la somme de 3 euros. En tout état de cause, il demande la condamnation de la défenderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [J] fait valoir que la SAS DLT GROUP ne disposait d’aucun titre exécutoire constatant une créance liquide, certaine et exigible pour procéder à la saisie. Il souligne en effet que si l’arrêt d’appel a infirmé l’ordonnance de référé en raison de la présence d’une contestation sérieuse, cette décision ne prévoit aucune condamnation et ne saurait donc fonder un acte d’exécution forcée. Il souligne que le blocage de l’ensemble de ses comptes bancaires a généré un préjudice important. A titre subsidiaire, il fait valoir que le procès-verbal est nul car il ne comporte pas de décompte des sommes dues. Il considère ces saisies simultanées comme abusives et constitutives d’un abus alors qu’il conteste être débiteur d’une quelconque somme au profit de la société DLT GROUP.

La SAS DLT GROUP, assignée à personne, n’a pas comparu et ne s’est pas constituée.

L’affaire a été mise en délibéré au 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Les articles 472 et 473 du Code de procédure civile prévoient : « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.
Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. »
« Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.
Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur. »

Compte tenu du montant des demandes et de l’absence du défendeur, cité à personne, la présente décision sera réputée contradictoire.

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Monsieur [J] conteste la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 31 janvier 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 29 décembre 2023 avec une dénonciation effectuée le 5 janvier 2024. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 5 février 2024.

Il justifie par ailleurs du courrier recommandé envoyé le 31 janvier 2024 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution.

Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

- Sur la nullité de la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

L’ordonnance de référé du 7 mars 2023 prévoit notamment dans son dispositif :
« CONDAMNONS à titre provisionnel, en application de l’article 873 du Code de procédure civile, la société DLT GROUP SAS à payer à la société TPG SARL, à Monsieur [D] [J] et à Madame [H] [P] la somme de 299.999 euros. »

L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 15 novembre 2023 statuant à nouveau sur ce litige indique quant à lui, relativement à ce chef de condamnation « DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision présentée par la société TPG, monsieur [D] [J] et Madame [H] [P] épouse [J] ».

L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux a donc constaté l’existence d’une contestation sérieuse et dit n’y avoir lieu à statuer en référé. A aucun moment, cette décision judiciaire ne prévoit la restitution des sommes versées entre les deux instances par la société DLT GROUP puisqu’elle ne statue pas sur le bienfondé de la créance, considérant que celle-ci doit relever de l’appréciation du juge du fond.

Cet arrêt, qui ne condamne à aucun moment les consorts [J] au paiement d’une quelconque somme, ne constitue donc pas un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible.

Le procès-verbal de la saisie-attribution pratiquée hors de tout titre exécutoire doit donc être annulé et la mainlevée de la saisie-attribution être ordonnée. Les coûts inhérents à cette mesure d’exécution forcée seront supportés par la SAS DLT GROUP.

- Sur l’abus de saisie

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie. »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.

En l’espèce, la SAS DLT GROUP a diligenté pas moins de six saisies-attributions sur les comptes bancaires des époux [J] pour une somme globale de 739.544,82 euros alors qu’elle allègue une créance de 299.999 euros.

Le montant excessif des sommes bloquées caractérise ainsi une saisie abusivement pratiquée, alors que le commissaire de justice a également saisi les certificats d’immatriculation de l’ensemble des véhicules de la société appartenant aux époux [J]. Ces mesures disproportionnées et abusives justifient l’allocation d’une somme de 5.000 euros de dommages et intérêts.

- Sur l’amende civile

L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

La SAS DLT GROUP n’est pas à l’origine de la présente action en justice et en tout état de cause, le caractère abusif de son usage des voies d’exécution a déjà été sanctionné. Cette demande sera donc rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SAS DLT GROUP partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [D] [J] auprès de la société BOURSORAMA Banque n°[XXXXXXXXXX07] et n°[XXXXXXXXXX08] par acte du 29 décembre 2023 et dénoncée le 5 janvier 2024 à la diligence de la SAS DLT GROUP recevable ;
ANNULE le procès-verbal de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [D] [J] auprès de la société BOURSORAMA Banque n°[XXXXXXXXXX07] et n°[XXXXXXXXXX08] par acte du 29 décembre 2023 et dénoncée le 5 janvier 2024 à la diligence de la SAS DLT GROUP ;
ORDONNE mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [D] [J] auprès de la société BOURSORAMA Banque n°[XXXXXXXXXX07] et n°[XXXXXXXXXX08] par acte du 29 décembre 2023 et dénoncée le 5 janvier 2024 à la diligence de la SAS DLT GROUP ;
DIT que la SAS DLT GROUP supportera les frais bancaires inhérents à la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [D] [J] auprès de la société BOURSORAMA Banque n°[XXXXXXXXXX07] et n°[XXXXXXXXXX08] par acte du 29 décembre 2023 et dénoncée le 5 janvier 2024 à la diligence de la SAS DLT GROUP ;
CONDAMNE la SAS DLT GROUP à payer à Monsieur [D] [J] la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts ;
DEBOUTE Monsieur [D] [J] de sa demande de condamnation de la SAS DLT GROUP à une amende civile ;
CONDAMNE la SAS DLT GROUP à payer à Monsieur [D] [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS DLT GROUP aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 24/00825
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;24.00825 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award