TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
72C
Minute n° 24/
N° RG 24/00604 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y5WQ
5 copies
EXPERTISE
GROSSE délivrée
le02/04/2024
àla SELARL AUSONE AVOCATS
Me Henri Michel GATA
COPIE délivrée
le02/04/2024
à
2 copies au service expertise
Rendue le DEUX AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE
Après débats à l’audience publique du 25 Mars 2024
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Charlène PALISSE, Greffière lors des débats et de David PENICHON, Greffier lors du prononcé.
DEMANDERESSE
La S.A.S. LITEGO
Dont le siège social est :
[Adresse 3]
[Localité 8]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège
Représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, la SAS DELCADE représentée par son associée la SELARL TANDONNET Avocats Associés, agissant par Maître Hervé TANDONNET, avocat plaidant au barreau de LILL
DÉFENDERESSE
La SCI ARCACHON INVEST 2016
Dont le siège social est :
[Adresse 5]
[Localité 6]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège
Représentée par Maître Henri Michel GATA, avocat au barreau de BORDEAUX
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par acte de commissaire de justice délivré le 18 mars 2024, la SAS LITEGO a fait assigner la SCI ARCACHON INVEST 2016 devant le Juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir:
- désigner un expert au visa de l’article 145 du code de procédure civile
- condamner par provision la SCI ARCACHON INVEST 2016 à payer à la SAS LITEGO la première provision que le Tribunal fixera
- condamner la SCI ARCACHON INVEST 2016 à procéder aux mesures provisoires et/ou travaux définitifs sur lesquels l’expert aura émis un avis favorable, dans les huit jours de cet avis, sous astreinte de 2000 euros par jour de retard,
- se réserver la liquidation de l’astreinte
- être autorisée à suspendre, jusqu’à l’achèvement complet des travaux, le paiement des loyers fixés par le bail commercial
- condamner la SCI ARCACHON INVEST 2016 à réaliser les travaux de nature à lui permettre de jouir du local loué selon la destination contractuellement prévue, en procédant notamment à la réparation/réfection de la couverture et de la structure afin de mettre un terme définitif aux infiltrations, et au raccordement des lieux loués à tous les réseaux et fluides nécessaires à son exploitation (eau, électricité, internet, assainissement), dans un délai de 8 jours à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard
- se réserver la liquidation de l’astreinte
- condamner la SCI ARCACHON INVEST 2016 à lui verser la somme provisionnelle de 33 520,35 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices, avec intérêts à compter du 20 octobre 2023
- condamner la SCI ARCACHON INVEST 2016 au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que des entiers dépens de l’instance.
Elle expose au soutien de ses demandes avoir, par acte du 20 mars 2023, pris à bail commercial des locaux constituant le lot n°2 d’un ensemble immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 8], propriété de la SCI ARCACHON INVEST 2016, et avoir découvert, lors de la réalisation des travaux d’aménagement, l’existence de vices graves, interdisant toute poursuite des aménagements et toute exploitation des lieux, notamment des infiltrations en provenance de la toiture et de la façade, l’absence d’arrivée d’eau potable, l’absence de branchement au tout-à-l’égout, l’absence d’arrivée de courant faible, l’absence de branchement au réseau de télécommunication. Elle précise que si la bailleresse a effectivement fait réaliser des travaux, ces travaux sont affectés de vices, de sorte que les infiltrations persistent, alors que les locaux doivent abriter des équipements électroniques d’un montant de 178 626,59 euros et des karts d’une valeur de 250 800 euros HT.
La SCI ARCACHON INVEST 2016 a indiqué par conclusions écrites ne pas s’opposer à l’expertise sollicitée, sous toutes réserves et protestations d’usage, aux frais avancés de la demanderesse. Elle a conclu au rejet du surplus de ses prétentions.
Elle expose avoir fait réaliser des travaux sur le bardage et la toiture, pour plus de 80 000 euros, et fait valoir que la SAS LITEGO ne justifie pas de la persistance de désordres susceptibles de lui être imputables. Elle indique encore que la demande de suspension de paiement des loyers, de même que les demandes de provisions, apparaissent prématurées, en l’absence d’éléments établissant sa responsabilité dans la persistance éventuelle de désordres, ainsi que les préjudices en résultant en résultant le cas échéant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d’expertise
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner toute mesure d’instruction dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
L’application de ce texte n’implique aucun préjugé sur la recevabilité et le bien fondé des demandes formées ultérieurement ou sur la responsabilité ou la garantie des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances du procès susceptible d’être engagé. Il suffit de constater qu’un procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, qu’il est justifié d’un motif légitime.
Le motif légitime existe dès lors que l’éventuelle action au fond n’est pas manifestement vouée à l’échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu’elle est utile et qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l’adversaire. Ainsi, pour que le motif de l’action soit légitime, il faut que la mesure soit pertinente et qu’elle ait pour but d’établir une preuve dont la production est susceptible d’influer sur la solution d’un litige futur.
En l'espèce, au vu des pièces versées aux débats, et notamment de l’attestation de la société CETIC BATIMENT établie postérieurement à la réalisation des travaux par la bailleresse, la SAS LITEGO justifie d’un intérêt légitime à faire établir par expertise la preuve des faits, leur cause, les responsabilités encourues et les éléments constitutifs de son éventuel préjudice.
Sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux responsabilités et garanties encourues, il convient de faire droit à la demande d’expertise, la mission de l’expert étant précisée au dispositif de la présente décision.
Sur les demandes de condamnation de la bailleresse à la réalisation des travaux selon préconisations de l’expert, et de suspension du paiement des loyers
La SCI fonde sa demande de condamnation de la bailleresse, sous astreinte, à réaliser tous travaux, provisoires et/ou définitifs, sur lesquels l’expert judiciaire aura donné un avis, sur l’article 835 du code de procédure civile, lequel dispose que le juge des référés peut, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019 le juge des référés peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire toute mesure conservatoire ou de remise en état qui s’impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
ou ordonner son exécution, éventuellement sous astreinte, et qu’il peut également, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire toute mesure conservatoire ou de remise en état qui s’impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Cette demande apparaît toutefois prématurée, les travaux objet de la demande de condamnation étant à ce stade indéterminés et indéterminables.
Elle doit en conséquence être rejetée.
S’agissant de la demande de suspension de paiement des loyers, il y a lieu d’observer que la SAS LITEGO n’en précise pas le fondement juridique.
A considérer qu’il s’agisse de l’article 835 du Code de procédure civile, il convient de relever qu’il n’est justifié d’aucun dommage imminent ou trouble manifestement illicite imposant de faire droit à la demande de suspension de l’exécution des obligations contractuelles. La SAS LITEGO ne produit en effet aucune pièce de nature à démontrer une impossibilité d’exploiter les locaux à compter du 29 mars 2024, le seul document postérieur aux travaux réalisés par la SCI ARCACHON INVEST 2016 début mars 2024, à savoir un courrier de la société CETIC BATIMENT daté du 7 mars 2024, faisant état d’un “doute très sérieux sur la pérennité de l’étanchéité de la couverture dans les mois à venir”, étant insuffisante à démontrer une impossibilité d’exploitation.
Sur la demande de provision
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019, le juge des référés peut, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.
La demande ne doit donc se heurter à aucune contestation sérieuse, ce qui suppose la certitude des faits de la cause et du droit applicable.
Au soutien de sa demande de provision, la SAS LITEGO verse aux débats divers procès-verbaux de constats, faisant état de traces d’infiltrations et de la présence de pigeons ayant pénétré dans le hangar et causé des détériorations, ainsi que deux factures de travaux datées des 7 janvier et 30 janvier 2024, pour des montants de 5 865,60 euros TTC et 24 583,20 euros, relatives notamment à des travaux suite à dégâts des eaux. Elle produit en outre un tableau établi par elle, récapitulant les intérêts intercalaires.
L’obligation de la bailleresse d’avoir à indemniser la locataire au titre des travaux que cette dernière a dû faire réaliser suite aux dégâts des eaux intervenus antérieurement à la réalisation des travaux en mars 2024, apparaissant dépourvue de contestation sérieuse, il y a lieu de condamner la SCI ARCACHON INVEST 2016 à verser à la SAS LITEGO une provision à ce titre, dont le montant sera toutefois ramené à la somme forfaitaire de 15 000 euros, le libellé des factures produites ne permettant pas de relier tous les postes de travaux aux infiltrations survenues antérieurement à la réalisation de travaux par la bailleresse.
Il appartiendra à l’expert désigné ci-après de déterminer contradictoirement les préjudices subis, et leur imputation.
S’agissant de la demande de provision au titre des intérêts intercalaires, elle apparaît prématurée, dès lors qu’il n’est en l’état pas justifié, d’une part de l’ampleur du retard dans l’ouverture des locaux au public, et d’autre part de l’imputabilité de ce retard à la seule bailleresse. Il appartiendra à l’expert de se prononcer sur ce préjudice invoqué par la SAS LITEGO.
Sur les autres demandes
Il y a lieu de condamner la SCI ARCACHON INVEST 2016 à assumer la charge des entiers dépens de l’instance.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS LITEGO la part des frais non compris dans les dépens, et il convient en conséquence de condamner la SCI ARCACHON INVEST 2016 au paiement d’une indemnité de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
DÉCISION
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant par une ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et susceptible d’appel;
Vu l'article 145 du code de procédure civile, ordonne une mesure d'expertise, tous droits et moyens des parties réservés, et commet pour y procéder :
Monsieur [Z] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Tél: [XXXXXXXX01]
[Courriel 7]
Dit que l’expert répondra à la mission suivante :
– se rendre sur les lieux en présence des parties et de leurs conseils ou après les avoir dûment convoquées ; se faire communiquer, dans le délai qu'il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu'il jugera nécessaires à l'exercice de sa mission, et notamment la citation, ainsi que tous documents contractuels, techniques et administratifs se rapportant aux travaux litigieux ; visiter les lieux et les décrire, en précisant l’année de construction de l’immeuble ;
– vérifier si les désordres allégués dans l’assignation, les conclusions et les pièces auxquelles elles se réfèrent existent ; les décrire, en indiquer la nature, l’importance et la localisation;
– préciser la date d’apparition des désordres ; dire, pour chacun des désordres allégués, s’ils étaient apparents à la réception pour le maître de l’ouvrage concerné, et en ce cas s’ils ont fait l’objet de réserves ; pour le cas où les désordres ont fait l’objet de réserves, préciser si des reprises ont été effectuées, leur nature, leur date et leur utilité ou leur inefficacité pour remédier aux réserves ;
– pour chaque désordre, dire s’il affecte un élément du gros oeuvre ou un élément d’équipement indissociablement lié au gros oeuvre ; préciser si le désordre est de nature à rendre l’immeuble, actuellement ou à terme certain, impropre à son usage ou à compromettre sa solidité, et préciser en quoi ;
– rechercher la cause des désordres en précisant, pour chacun des désordres, malfaçons ou non conformité, s'il y a eu vice du matériau, malfaçons dans l'exécution, vice de conception, défaut ou insuffisance dans la direction ou le contrôle ou la surveillance du chantier, défaut d'entretien ou de tout autre cause ;
– donner tous éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités éventuelles encourues et, le cas échéant, déterminer, en précisant les motifs techniques présidant à son appréciation, qui a eu un rôle prépondérant, secondaire ou mineur;
– donner son avis sur les travaux propres à remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût hors-taxes et TTC, et la durée ainsi que l’incidence sur la jouissance des locaux loués, désordre par désordre, en communiquant au besoin aux parties en même temps que son pré-rapport, des devis et propositions chiffrées concernant les travaux envisagés, et ce, en enjoignant les parties de formuler leurs observations écrites dans le délai d'un mois suivant la date de cette communication ;
– donner son avis, en cas d’urgence pour la sécurité des personnes ou la préservation des biens, sur les mesures nécessaires pour remédier au péril, décrire la nature de ces travaux et en préciser le coût ainsi que la durée, ainsi que leur incidence sur la jouissance des locaux loués; cet avis sera donné dans une note préalable au rapport d’expertise et communiqué immédiatement et par tous moyens aux parties ;
– donner au juge tous éléments techniques et de fait de nature à lui permettre de déterminer la nature et l'importance des préjudices de toutes natures, directs et indirects, subis par la SAS LITEGO depuis la signature du bail, et proposer une base d'évaluation ;
– constater l'éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas d'en aviser le juge chargé du contrôle des expertises ;
– établir un pré-rapport comportant devis et estimations chiffrées et, un mois avant la date prévue pour le dépôt du rapport définitif, le communiquer aux parties en leur enjoignant de formuler, dans le délai d'un mois suivant cette communication, leurs observations et dires récapitulatifs ;
Dit que l'expert ne pourra recueillir l'avis d'un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu'il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêt avec elles ;
Fixe à la somme de 4 000 euros la provision que la SAS LITEGO devra consigner au greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux, avec la mention du numéro PORTALIS située en haut à gauche sur la première page de l’ordonnance de référé, dans le délai de 2 mois, entre les mains du régisseur, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque ;
Dit que l'expert doit établir un devis prévisionnel, l’ajuster en tant que de besoin en fonction de l’évolution de l’expertise, et veiller à ce que la somme consignée corresponde toujours aux coûts prévisibles de l’expertise, au besoin en demandant des consignations complémentaires,
Dit que l’expert déposera son rapport dans le délai de 6 mois à compter de la consignation;
Dit que le magistrat du tribunal judiciaire de Bordeaux chargé du contrôle des expertises assurera le suivi de la mesure conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile ;
Condamne la SCI ARCACHON INVEST 2016 à verser à la SAS LITEGO une provision de 15 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices, portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne la SCI ARCACHON INVEST 2016 à verser à la SAS LITEGO la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Dit que la SCI ARCACHON INVEST 2016 assumera la charge des entiers dépens de l’instance.
La présente décision a été signée par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente, et par David PENICHON, Greffier.
Le Greffier,Le Président,