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02/04/2024 | FRANCE | N°23/08360

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 02 avril 2024, 23/08360


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 02 Avril 2024


DOSSIER N° RG 23/08360 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YLDF
Minute n° 24/ 103


DEMANDEUR

Monsieur [J] [X]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]

représenté par Maître Guillaume HARPILLARD de la SELARL HARNO & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Monsieur [I] [O]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Ma

ître Benjamin BLANC de l’AARPI ROUSSEAU-BLANC, avocats au barreau de BORDEAUX


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vi...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 02 Avril 2024

DOSSIER N° RG 23/08360 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YLDF
Minute n° 24/ 103

DEMANDEUR

Monsieur [J] [X]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]

représenté par Maître Guillaume HARPILLARD de la SELARL HARNO & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Monsieur [I] [O]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Maître Benjamin BLANC de l’AARPI ROUSSEAU-BLANC, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 27 Février 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 02 Avril 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 02 avril 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 24 septembre 2020, Monsieur [J] [X] a fait assigner Monsieur [I] [O] par acte de commissaire de justice en date du 4 octobre 2023 afin de voir liquidée l’astreinte fixée par cette décision et que soit ordonnée la fixation d’une nouvelle astreinte définitive.

A l’audience du 27 février 2024 et dans ses dernières conclusions, Monsieur [X] sollicite la liquidation de l’astreinte et la condamnation de Monsieur [O] à lui verser à ce titre la somme de 25.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2022. Il sollicite également la condamnation du défendeur à lui verser la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts et qu’une nouvelle astreinte soit fixée à raison de 100 euros par jour à compter de la décision à intervenir, les sommes portant intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2022. Il conclut au rejet des demandes de Monsieur [O] et sollicite la condamnation de ce dernier aux dépens et au paiement de la somme de 2.800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre la capitalisation des intérêts.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [X] fait valoir que Monsieur [O] n’a pas réglé la somme mise à sa charge par le jugement du 24 septembre 2020 alors qu’il a disposé de deux années pour s’exécuter. Il conteste les difficultés financières alléguées par Monsieur [O] soulignant qu’il ne verse pas aux débats son avis d’impôt personnel et est titulaire de nombreuses parts dans de multiples sociétés.

A l’audience du 27 février 2024 et dans ses dernières écritures, Monsieur [O] conclut à titre principal au rejet de toutes les demandes et à la suppression de l’astreinte. Subsidiairement, il sollicite la limitation de l’astreinte liquidée à la somme de 1.000 euros. En tout état de cause, il sollicite la condamnation de Monsieur [X] aux dépens et au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [O] fait valoir qu’il est dans l’incapacité totale de régler les sommes dues en raison de difficultés financières et que le montant de l’astreinte est disproportionné au regard du montant de la créance. Il souligne que Monsieur [X] a mis près d’un an à solliciter la liquidation de l’astreinte afin de la laisser courir et d’augmenter sa dette. Il conteste toute résistance abusive et tout préjudice.

L’affaire a été mise en délibéré au 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la liquidation de l’astreinte et la fixation d’une astreinte définitive

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”
L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.

L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir”.

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère”.

Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d'une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l'atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l'évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.

Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que:
« Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. »

En l’espèce, le jugement du 24 septembre 2020 prévoit notamment dans son dispositif :
« DIT que Monsieur [I] [O] doit à Monsieur [J] [X] la somme de 10.000 euros selon reconnaissance de dette établie entre les parties le 22 octobre 2018,
CONDAMNE Monsieur [I] [O] à rembourser ladite somme à Monsieur [J] [X] dans un délai de 24 mois à compter de la date de signification de la présente décision. Passé ce délai, il sera redevable d’une astreinte de 50 euros par jour de retard. »

Cette décision a été signifiée le 14 octobre 2020 à Monsieur [O].

Monsieur [O] verse aux débats un certain nombre de pièces comptables relatives aux situations des différentes sociétés qu’il dirige ou dans lesquelles il a des parts sociales et dont il ressort que :
- l’EURL CAFE [11] a ainsi dégagé un résultat net comptable de 1.249 euros pour l’exercice du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023
- la SAS LLOOYD OFFICE dont il dispose de 90% des parts a quant à elle déclaré un résultat net de 9.195 euros
- la SCI CANAL DU MIDI a été radiée du RCS le 30 septembre 2020

- la SCI EXCEL IMMO a été radiée du RCS le 29 décembre 2019
- la SAS SADI a également été radiée le 19 février 2021
- la cession de la totalité des parts sociales de la société LO SOCOC à un tiers par acte du 22 décembre 2017 moyennant la somme de 10.000 euros
- la SARL [8] mise en sommeil à compter du 5 septembre 2012
- la SCI [Localité 9] qui a vendu le bien immeuble qu’elle possédait à [Localité 9] moyennant la somme de 184.000 euros en 2008 dont le solde a été affecté au remboursement de la somme de 154.467,74 euros à l’établissement bancaire ayant consenti le prêt immobilier.
- la SCI MAREDE, la SCI LE MAS et la SCI 3 T ne déclarent aucun revenu foncier
- la SCI CASA BELLA déclare un revenu net comptable déficitaire.

Il justifie par ailleurs d’un incident de paiement pour le remboursement d’un crédit affecté le 26 décembre 2023 ainsi que d’un dernier avis avant poursuites des URSSAF pour une somme de 7.923 euros, outre une saisie à tiers détenteur pour un impayé de taxe foncière.

Monsieur [O] justifie par conséquent de difficultés financières incontestables. Cependant, il indique ne vivre que des revenus de deux sociétés mais ne fournit pas son avis d’imposition pour en justifier. Plus fondamentalement, il a bénéficié d’un délai de fait de deux ans pour rembourser la somme empruntée et notamment pour vendre le bien immobilier dont il dispose à [Localité 10]. Si la hausse des taux d’intérêt peut décourager certains acheteurs tel n’était pas le cas dans les deux années passées et il appartenait à Monsieur [O] de proposer un prix adapté au marché pour vendre son bien et solder sa dette ou contacter un emprunt pour rembourser la somme due à Monsieur [X].

L’absence totale d’éléments probatoires attestant de la mise en vente du bien sis à [Localité 10] ou le paiement d’une quelconque somme même sous forme de remboursement partiel (alors que la condamnation fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile a fait l’objet d’un règlement) témoignent d’une volonté de ne pas exécuter l’obligation judiciairement mise à la charge de Monsieur [O] sous astreinte.

Ce dernier n’établissant en rien l’existence d’une cause extérieure justifiant l’absence d’exécution, il y a lieu de liquider l’astreinte.

L’astreinte prévue par le jugement du 24 septembre 2020 n’ayant pas de limite et dans la mesure où elle a commencé à courir à compter du 15 octobre 2022 (soit deux ans après la date de signification du jugement), son montant s’élève au jour de l’audience à la somme de 25.000 euros. Cette somme, qui constitue plus du double du montant de la créance, apparait toutefois disproportionnée par rapport à l’enjeu du litige et au montant de la créance qu’elle assortit.

Il y a donc lieu de la réduire à la somme de 5.000 euros que Monsieur [O] sera condamné à payer à Monsieur [X]. Cette condamnation ne sera pas assortie d’une astreinte supplémentaire afin de favoriser le règlement de la créance principale et ancienne, objet de la reconnaissance de dette.

En revanche, il sera prévu au dispositif une nouvelle astreinte provisoire afin de garantir le paiement de la condamnation au remboursement de la somme de 10.000 euros dans un délai de 4 mois suivant la signification de la présente décision, le temps pour Monsieur [O] de céder son bien immobilier ou de contracter un emprunt pour enfin s’acquitter des sommes dues à Monsieur [X].

En revanche, en l’absence de mise en demeure délivrée à l’issue de l’expiration du délai de deux ans laissés à Monsieur [O] pour se libérer de sa dette et conformément à l’article 1231-6 du Code civil, les intérêts au taux légal n’ont pas commencé à courir. Les sommes dues porteront donc intérêt à compter de la présente décision

- Sur la demande de dommages et intérêts

L’article 1231-6 du code civil prévoit : « Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. »

Monsieur [X] indique ne pas avoir pu contracter d’emprunt en raison de la privation de la somme litigieuse constitutive d’un potentiel apport. Il ne fournit toutefois aucun élément probatoire au soutien de cette déclaration. Il ne justifie en définitive par aucune pièce versée aux débats du préjudice qu’il expose subir. Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour desT raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [O], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
LIQUIDE l’astreinte provisoire prononcée par le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 24 septembre 2020 à l’encontre de Monsieur [I] [O] au profit de Monsieur [J] [X] à la somme de 5.000 euros et CONDAMNE Monsieur [I] [O] à payer cette somme à Monsieur [J] [X] avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
DIT n’y avoir lieu à assortir cette condamnation d’une astreinte ;
FIXE une nouvelle astreinte provisoire et condamne Monsieur [I] [O] à payer à Monsieur [J] [X] la somme de 10.000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quatre mois suivant la signification de la présente décision jusqu’à exécution parfaite et au plus tard pendant un délai de 2 mois ;
DEBOUTE Monsieur [J] [X] de sa demande de dommages et intérêts ;
DEBOUTE Monsieur [I] [O] de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [I] [O] à payer à Monsieur [J] [X] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [I] [O] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/08360
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.08360 ?
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