TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
74B
Minute n° 24/
N° RG 22/01855 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XCG7
3 copies
GROSSE délivrée
le02/04/2024
àla SELARL GALY & ASSOCIÉS
Me Hélène POULOU
COPIE délivrée
le02/04/2024
à
Rendue le DEUX AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE
Après débats à l’audience publique du 04 Mars 2024
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de David PENICHON, Greffier.
DEMANDEUR
Monsieur [K] [V]
né le 30 Décembre 1951 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Maître Blandine FILLATRE de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDEUR
Monsieur [L] [C]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Maître Hélène POULOU, avocat au barreau de BORDEAUX
A.J. Totale complétive n° 33063/001/2022/018365 du 05 janvier 2023 accordée par le Bureau d’aide juridictionnelle de Bordeaux
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par acte de commissaire de justice délivré le 7 octobre 2022, Monsieur [K] [V] a fait assigner Monsieur [L] [C] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, afin de le voir condamné à réaliser les travaux de suppression de l’ouverture pratiquée sur son mur et de la gouttière surplombant son fonds, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la date de signification de l’ordonnance à intervenir.
Il a en outre sollicité sa condamnation à lui verser une indemnité de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures, Monsieur [K] [V] a maintenu ses demandes.
Il expose être propriétaire d’une maison située [Adresse 1] à [Localité 5], le mur du fonds de sa propriété jouxtant la parcelle de Monsieur [L] [C], située [Adresse 3]. Il fait valoir que celui-ci a remplacé l’assemblage de carreaux en verre épais et non transparents scellés situés sur le mur de sa maison, par une fenêtre munie de verre clair avec châssis à soufflet et se situant à 1,80 mètres du sol de la pièce éclairée, en contravention des prescriptions de l’article 678 du Code civil. Il ajoute que le défendeur a au surplus installé une gouttière surplombant son fonds, situation caractérisant un empiétement et constitutive d’un trouble manifestement illicite dont il est fondé à demander la cessation.
Il conteste toute infestation de sa toiture par des insectes xylophages, précisant avoir fait réaliser en 2016 des vérifications, qui se sont avérées négatives, et avoir fait procéder en 2017 à un traitement préventif.
Monsieur [L] [C] a conclu à l’irrecevabilité de la demande de Monsieur [V] concernant le châssis litigieux et au rejet du surplus de ses prétentions.
Il a demandé à titre reconventionnel sa condamnation à faire procéder aux travaux de traitement des termites de l’immeuble, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification de la décision à intervenir, et à lui verser la somme provisionnelle de 2 000 euros en réparation du préjudice causé par son action abusive, outre une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il expose au soutien de sa position avoir remplacé l’ouverture en carreaux de verre scellés par un châssis à soufflet en PVC, ne servant qu’à l’aération de sa pièce et haut de 2,30 mètres par rapport au sol du demandeur, de sorte qu’il n’existe aucune vue directe sur le fonds de ce dernier et aucune méconnaissance des dispositions applicables. Il ajoute que ces travaux ont été réalisés en 2012, après obtentions des autorisations du service d’urbanisme de la mairie, de sorte que toute action fondée sur un trouble anormal du voisinage, dont le délai de prescription est de 5 ans, est désormais prescrite.
Il précise, s’agissant de la gouttière, avoir été contraint de la poser du fait des arbres de Monsieur [V] qui posaient des problèmes d’évacuation, et ajoute qu’elle a été installée à l’aplomb du toit lui appartenant, et ne dépasse ni ne surplombe le fonds du requérant, ce dernier ne justifiant au demeurant d’aucun préjudice lié à cette installation.
Il indique enfin avoir été alerté, lors des travaux de réfection de sa toiture, du mauvais état apparent de la toiture de son voisin, totalement infestée de termites et de capricornes en activité, ce dont il a alerté Monsieur [V], en vain.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes formées par Monsieur [V]
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire toute mesure conservatoire ou de remise en état qui s’impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il y a lieu à titre liminaire de déclarer l’action engagée par Monsieur [V] recevable, s’agissant d’une action aux fins de voir supprimer une ouverture pratiquée dans un mur, dont il est indiqué qu’elle créé une vue sur le fonds voisin.
Au soutien de sa première demande tendant à voir condamner Monsieur [C] à supprimer l’ouverture pratiquée sur son mur, Monsieur [V] verse aux débats un procès-verbal de constat dressé le 11 décembre 2019, relevant l’existence d’une ouverture en verre transparent à châssis ouvrant, percée à environ 2,50 mètres du sol.
L’installation de cette ouverture n’est pas contestée par le défendeur, tout comme il est constant qu’elle est venue remplacer en 2012 l’ouverture en carreaux de verre épais et scellés précédemment réalisée.
Aux termes de l’article 676 du Code civil, le propriétaire d’un mur non mitoyen, joignant immédiatement l’héritage d’autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant. Ces fenêtres doivent être garnies d’un triellis de fer, dontles mailles auront un décimètres d’ouverture au plus, et d’un châssis à verre dormant.
L’article 677 du même Code, précise que les fenêtres ou jours ne peuvent être établis qu’à vingt-six décimètres au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu’on veut éclairer, si c’est à rez-de-chaussée, et à dix-neuf décimètres au-dessus du plancher pour les étages supérieurs.
Il est constant que la détermination du caractère des ouvertures, alors même qu’elles auraient été pratiquées en-dehors de certaines des conditions prévues par les articles 676 et 677 du Code civil, relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Le caractère manifestement illicite du trouble invoqué ne pouvant dès lors être retenu dans le cadre de la présente instance en référé, Monsieur [V] doit être débouté de sa première demande.
Au soutien de sa deuxième demande tendant à voir condamner le défendeur à supprimer la gouttière surplombant son fonds, Monsieur [V] invoque l’article 545 du Code civil, et verse aux débats un procès-verbal de constat dressé le 11 décembre 2019 relevant la présence “d’un tuyau de descente des eaux pluviales en suspend au-dessus du mur mitoyen”.
Il convient de relever que si le mur au-dessus duquel la gouttière est en suspend n’est pas mitoyen, il est toutefois établi, au travers des clichés produits, que ladite gouttière vient effectivement en surplomb sur le fonds de Monsieur [V].
Est qualifié d’empiétement tout chevauchement, toute avancée irrégulière au-delà de la ligne séparant deux fonds contigüs, tout dépassement commis par le propriétaire d’un fonds au détriment de son voisin. L’empiétement peut être aérien, la propriété du sol emportant la propriété du dessus, conformément aux dispositions de l’article 552 du Code civil.
Il est constant que la reconnaissance de l’empiétement implique la suppression de ce dernier, indépendamment du caractère minime ou non de cet empiétement, des motifs pour lesquels il est intervenu, et que le préjudice est constitué dès lors que l’atteinte au droit de propriété est établie.
L’empiétement de la gouttière litigieuse étant au cas d’espèce caractérisé, Monsieur [V] justifie d’un trouble, constitué de l’atteinte à son droit de propriété, dont le caractère manifestement illicite est établi dès lors qu’il n’existe pas de servitude de surplomb, et qu’il n’a pas acquiescé à l’installation de cette gouttière en surplomb de son fonds.
Il convient en conséquence d’ordonner à Monsieur [C] de réaliser les travaux de suppression de la gouttière surplombant le fonds de Monsieur [V], dans un délai de quatre mois suivant la signification de la présente décision, passé lequel courra à son encontre une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, durant deux mois.
Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur [C]
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire toute mesure conservatoire ou de remise en état qui s’impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Monsieur [C] sollicite en premier lieu la condamnation de Monsieur [V] à faire procéder aux travaux de traitement des termites de l’immeuble, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification de la décision à intervenir.
Il verse aux débats diverses photographies, non datées, outre une déclaration de main courante, datée du 21 septembre 2016, aux termes de laquelle il précise que sa toiture a été contaminée par des termites en provenance de l’immeuble de Monsieur [V], inhabité et laissé à l’abandon.
Il convient toutefois de rappeler que la présente juridiction apprécie le bien-fondé de la demande au jour où elle statue.
Or, force est de constater que Monsieur [C] ne justifie nullement d’un risque de dommage imminent, pas plus que d’un trouble manifestement illicite à ce jour.
Monsieur [V] justifie au contraire de l’absence d’infestation, en produisant une attestation d’un artisan couvreur, relevant l’absence d’insectes xylophages mais préconisant néanmoins la mise en place d’un traitement, ainsi que la facture des travaux de traitement curatif et préventif, datée du 29 mars 2017.
Monsieur [C] ne rapportant pas la preuve de l’existence, à ce jour, d’un risque de dommage imminent, ou d’un trouble manifestement illicite, sa première demande ne peut prospérer.
Il sollicite en deuxième lieu la condamnation de Monsieur [V] à lui verser la somme provisionnelle de 2 000 euros en réparation du préjudice causé par son action abusive.
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.
La demande ne doit donc se heurter à aucune contestation sérieuse, ce qui suppose la certitude des faits de la cause et du droit applicable.
Faute au cas d’espèce pour Monsieur [C] de justifier d’un préjudice, causé par un abus de droit de Monsieur [V], sa seconde demande ne peut davantage prospérer.
Sur les autres demandes
Monsieur [C] supportera la charge des entiers dépens de l’instance.
En considération de l’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. Monsieur [V] sera en conséquence débouté de sa demande sur ce fondement.
DÉCISION
Le Juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant par décision contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et à charge d’appel
DECLARE recevable l’action engagée par Monsieur [V],
CONDAMNE Monsieur [C] à supprimer la gouttière surplombant le fonds de Monsieur [V], dans un délai de quatre mois suivant la signification de la présente décision, passé lequel courra à son encontre une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, durant deux mois,
REJETTE toutes autres demandes,
CONDAMNE Monsieur [C] aux entiers dépens de l’instance.
La présente décision a été signée par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente, et par David PENICHON, Greffier.
Le Greffier,Le Président,