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28/03/2024 | FRANCE | N°23/00012

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Expropriations, 28 mars 2024, 23/00012


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE


JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI VINGT HUIT MARS DEUX MIL VINGT QUATRE


N° RG 23/00012 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XZHE
NUMERO MIN: 24/00032

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les foncti

ons prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE

JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI VINGT HUIT MARS DEUX MIL VINGT QUATRE

N° RG 23/00012 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XZHE
NUMERO MIN: 24/00032

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET, Greffier

A l’audience publique tenue le 15 Février 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 28 Mars 2024, et la décision prononcée par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

LE CONSERVATOIRE DE L’ESPACE LITTORAL ET DES RIVAGES LACUSTRES
représenté par Mme [H] [D]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représenté par M. [E] [A] sur délégation de Madame la Directrice du Conservatoire

ET

Monsieur [F] [G] [C]
né le 05 Septembre 1963 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 7]

non comparant

En présence de Madame [B] [I], Commissaire du Gouvernement

-------------------------------------------
Grosse délivrée le:
à :
Expédition le :
à :
FAITS ET PROCÉDURE
Par arrêté du 30 mai 2016, le préfet de la Gironde a, dans le respect des droits d’usage forestiers tels qu’ils résultent des “Baillettes et Transactions” régissant le statut de la forêt usagère depuis 1468, déclaré d’utilité publique les acquisitions des parcelles constitutives des espaces dunaires et forestiers de [Localité 6] sur la commune de [Localité 7], au profit du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (ci-après Conservatoire du Littoral).
Par ordonnance du 14 mai 2021, le juge de l’expropriation de la Gironde a déclaré immédiatement exproprié, pour cause d’utilité publique, le lot 1 de la parcelle cadastrée section CE n°[Cadastre 3] (Bien Non Délimité) d’une superficie de 1 175 m², [Adresse 8] propriété de monsieur [C] [F].
Le Conservatoire du Littoral a notifié son offre par lettre recommandée avec avis de réception du 3 mars 2022.
A défaut d’accord, le Conservatoire du Littoral a saisi le juge de l'expropriation par mémoire du 18 avril 2023 reçu au greffe le 25 avril 2023 aux fins de voir fixer à la somme totale de 705 euros pour un bien libre de toute occupation les indemnités d’expropriation pour l’acquisition de la parcelle précitée. Ce mémoire a été notifié à monsieur [C] par lettre recommandée avec demande d’avis de réception signé le 25 avril 2023.
Le commissaire du gouvernement a communiqué ses conclusions le 9 novembre 2023.
Le transport sur les lieux, fixée par ordonnance du juge de l’expropriation du 25 juillet 2023, s’est déroulé le 20 novembre 2023 en présence de monsieur [C] et des représentants du Conservatoire du Littoral.
L’affaire a été fixée à l’audience du 30 novembre 2023 puis renvoyée à l’audience du 15 février 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans son mémoire de saisine le Conservatoire du Littoral indique que la parcelle litigieuse, en nature boisée non bâtie, est libre de toute occupation. S’agissant de la date de référence, le Conservatoire la fixe au 3 septembre 2021 en application de l’article L. 215-18 du code de l’urbanisme dès lors que la parcelle est située dans le périmètre du droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles du département. Il soutient qu’à cette date, la parcelle ne peut être qualifiée de terrain à bâtir, car située en zone NRFU du PLU de [Localité 7], qui correspond à une zone naturelle de protection des espaces remarquables et à un secteur de forêt usagère. Toutes les occupations et utilisations du sol y sont en principe interdites, sauf celle limitativement autorisées par le règlement de la zone. La parcelle est également soumise à plusieurs restrictions environnementales réduisant l’usage possible de la parcelle.
Pour justifier son évaluation, le Conservatoire a utilisé la méthode par comparaison et produit 8 termes de comparaison relatifs à des cessions de parcelles boisées et 3 termes de comparaison relatifs à des cessions de parcelle en nature de dune. Ces termes de comparaison portent tous sur des actes amiables réalisés dans le cadre du projet de [Localité 6], à proximité de la parcelle litigieuse.
Dans ses conclusions enregistrées au greffe le 9 novembre 2023, le commissaire du gouvernement propose de fixer l’indemnité d’expropriation à la somme de 705 euros.
Au soutien de sa proposition, il expose que la date de référence doit être fixée au 27 avril 2014 (un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique), dès lors que la parcelle CE n°[Cadastre 3] n’est pas située en zone de préemption au titre des espaces naturels.
Il explique avoir fixé le montant de son indemnité au regard de 7 termes de comparaison.
Monsieur [C] n’a pas constitué avocat et n’était ni présent ni représenté à l’audience.

MOTIVATION

Aux termes de l’article R.311-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (ci-après code de l’expropriation): “A défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter soit de la notification des offres de l'expropriant effectuée conformément aux articles R. 311-4 et R. 311-5, soit de la notification du mémoire prévue à l'article R. 311-6, soit de la mise en demeure prévue à l'article R. 311-7, le juge peut être saisi par la partie la plus diligente./ Les parties sont tenues de constituer avocat. L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. (...)”

Selon l’article R. 311-22 du même code: “Le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du Gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant. / Si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de six semaines prévu à l'article R. 311-11, il est réputé s'en tenir à ses offres, s'il s'agit de l'expropriant, et à sa réponse aux offres, s'il s'agit de l'exproprié./Si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose.”

Selon l’article 4 du code de procédure civile: “ L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties./ Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. (...)”

Sur la consistance du bien exproprié
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique: “Le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.”
En l’espèce, l’ordonnance d’expropriation est intervenue le 14 mai 2021. A cette date, les incendies de l’été 2022 n’avaient pas ravagé la forêt usagère.
La parcelle cadastrée section CE [Cadastre 3] est un “Bien Non Délimité” (BND). Ainsi, en l’absence de partage, les limites du lot n°1, d’une superficie de 1 175 m² ne sont pas matérialisées sur le terrain.
Lors du transport sur les lieux, il a été constaté que les constructions édifiées sur la parcelle CE[Cadastre 3] appartenaient à un autre propriétaire du BND et n’étaient pas attribuées au lot n°1.
Il y a donc lieu de considérer, qu’à la date de cette ordonnance, le lot n°1 du BND était un terrain nu en en nature boisée.
.
Sur la date de référence
Aux termes de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (ci-après, code de l’expropriation) : “Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance./ Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 322-3 à L. 322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 [enquête préalable à la déclaration d’utilité publique] (...) » à moins que le bien exproprié soit, notamment, soumis au droit de préemption au titre des espaces naturels ainsi que le prévoit l’article L. 215-18 du code de l’urbanisme, auquel cas la date de référence est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes approuvant, modifiant ou révisant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le terrain.
En l’espèce, il ressort des données publiées sur le site internet consacré aux zones de préemption au titre des espaces naturels situées en Gironde que la parcelle cadastrée section CE[Cadastre 3] n’est pas située dans une zone de préemption au titre des espaces naturels, ainsi que le souligne le commissaire du gouvernement.
En conséquence, la date de référence doit être fixée au 27 avril 2014, soit un an avant l’ouverture de l’enquête publique qui s’est déroulée du 27 avril 2015 au 2 juin inclus.
En application des articles L. 322-2 à L. 322-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le terrain est qualifié de terrain à bâtir, au sens du code de l’expropriation, dès lors qu’il remplit deux conditions cumulatives, qui doivent être remplies un an avant la déclaration d’utilité publique: être situés dans un secteur désigné comme constructible par le plan local d’urbanisme et être effectivement desservi par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau potable, etc.. Les terrains qui ne répondent pas, à la date de référence, à ces conditions cumulatives, sont évalués en fonction de leur seul usage effectif.
En l’espèce, le Conservatoire du Littoral et le commissaire du gouvernement s’accordent pour considérer que la parcelle litigieuse est située en zone NRFU du PLU de [Localité 7].
La zone NRFU correspond à une zone naturelle de protection des espaces remarquables de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme. Elle correspond à la forêt usagère. Toutes les occupations et utilisations du sol y sont en principe interdites, sauf celles limitativement énumérées à l’article 2 du règlement de zone: il ne s’agit donc pas d’un secteur désigné comme constructible dans le PLU.
Ainsi, le bien non délimité CE [Cadastre 3], comprenant le lot n°1, ne peut être qualifié de terrain à bâtir au sens de l’article L.322-3 du code de l’expropriation.
Dès lors, il y a lieu de rechercher l’usage effectif du lot n°1 à la date de référence, à savoir le 27 avril 2014.

Sur l’usage effectif du terrain exproprié à la date de référence
L’usage effectif du bien exproprié s’entend à la date de référence. Le juge ne doit pas tenir compte dans ce cadre des aménagements futurs possibles.
En l’espèce, au regard des éléments du dossier, il y a lieu de considérer qu’à la date de référence, le bien exproprié était utilisé en forêt usagère.

Sur l’indemnité principale
Par application des articles L. 322-1 à L. 322-3 du code de l’expropriation, l’indemnité de dépossession doit être fixée d’après la valeur du bien au jour du présent jugement, en tenant compte de sa consistance à la date de l’ordonnance d’expropriation et de son usage effectif ou de sa qualification de terrain à bâtir à la date de référence.
Au soutien de sa proposition de fixation de l’indemnité principale à hauteur de 0,50 euros par m² pour des espaces en nature boisée, l’expropriant utilise une méthode par comparaison s’appuyant sur huit cessions relatives à des espaces boisés et trois cessions de parcelles de Dune. L’incendie étant survenu après l’ordonnance d’expropriation, aucune décote n’est appliquée. Il est proposé une indemnisation à hauteur de 0.50 euros le mètre carré pour la surface boisée, correspondant à la moyenne des transactions recensées portant sur des parcelles boisées libres de toute occupation.
Cette proposition est identique à l’estimation faite par le commissaire du Gouvernement, qui se fonde pour sa part sur sept termes de comparaison pour des parcelles boisées.
La procédure devant le juge de l’expropriation est écrite et la représentation par avocat est obligatoire pour l’exproprié qui entend faire valoir des demandes. En l’espèce, monsieur [C] n’a pas formé de demande par l’intermédiaire d’un avocat dans le cadre de cette procédure.

En vertu des dispositions du premier alinéa de l’article R. 311-22 du code de l’expropriation et de l’article 4 du code de procédure civile, qui interdisent au juge d’aller au-delà de la proposition de l’expropriant en l’absence de demandes de l’exproprié, il y a lieu de retenir la proposition d’indemnisation faite par le Conservatoire du Littoral, fondée sur une évaluation de 0,50 euros par mètre carré pour la superficie en nature boisée.

Ainsi, pour le lot n°1 de la parcelle CE [Cadastre 3] en nature boisée, l’indemnité principale sera fixée à :
1 175x 0,50= 587,50 euros.

Sur l’indemnité de remploi
L’indemnité de remploi, prévue à l’article R. 322-5 du code de l’expropriation, destinée à compenser les frais de tous ordres exposés pour l’acquisition d’un bien comparable, est habituellement fixée à 20 % pour la fraction de l’indemnité principale inférieure à 5 000 euros, à 15 % pour la fraction comprise entre 5 000 et 15 000 euros et à 10 % pour le surplus.

L’indemnité de remploi sera donc fixée en l’espèce à la somme de 117,50 euros (787,50x 20 %).
Sur les dépens
Conformément à l’article L. 312-1 du code de l’expropriation, le Conservatoire du Littoral supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
FIXE la date de référence au 27 avril 2014,
FIXE les indemnités de dépossession revenant à monsieur [C] [F] pour l’expropriation du lot n°1 de la parcelle cadastrée section CE n°[Cadastre 3] située à [Adresse 8]) d’une contenance de 1 175 m² , aux sommes suivantes :
587,50 euros au titre de l’indemnité principale,
117,50 euros au titre de l’indemnité de remploi,
Condamne le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres aux dépens.
La présente décision a été signée par, Madame Marie WALAZYC Juge de l’Expropriation, et par Mme Céline DONET, greffier présent lors du prononcé.

Le GreffierLe Juge de l’Expropriation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 23/00012
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;23.00012 ?
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