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26/03/2024 | FRANCE | N°23/10439

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 26 mars 2024, 23/10439


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 26 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/10439 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YRHZ
Minute n° 24/ 94


DEMANDEUR

S.C.I. PIERRE, inscrite sous le n° SIREN 414 996 777 00044, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Maître Luc MANETTI de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEURS

Madame [L] [K] épouse [E]
née le [Date naissanc

e 8] 1975 à [Localité 10] (75)
demeurant [Adresse 1]

Monsieur [B] [K]
né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 11]
demeurant ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 26 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/10439 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YRHZ
Minute n° 24/ 94

DEMANDEUR

S.C.I. PIERRE, inscrite sous le n° SIREN 414 996 777 00044, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Maître Luc MANETTI de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

Madame [L] [K] épouse [E]
née le [Date naissance 8] 1975 à [Localité 10] (75)
demeurant [Adresse 1]

Monsieur [B] [K]
né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 6]

Madame [M] [K] épouse [N]
née le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE KPDB BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 13 Février 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 26 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 26 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 19 novembre 2019 confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 25 mai 2023, la SCI PIERRE a fait assigner Monsieur [B] [K], Madame [L] [K] épouse [E] et Madame [M] [K] épouse [N] par acte de commissaire de justice en date des 8 et 11 décembre 2023 afin de voir liquidée l’astreinte fixée par ces décisions.

A l’audience du 13 février 2024 et dans ses dernières conclusions, la SCI PIERRE sollicite :
- la condamnation in solidum de Monsieur [B] [K] et de Madame [M] [K] épouse [N] à lui verser la somme de 27.000 euros
- qu’il soit statué ce que de droit sur la demande de condamnation in solidum de Madame [L] [K] à verser la somme de 13.500 euros
- le rejet des prétentions des défendeurs
- la condamnation in solidum des défendeurs aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

Au soutien de ses prétentions et au visa des articles 504 et 579 du Code de procédure civile, la SCI PIERRE fait valoir que les consorts [K] n’ont pas exécuté les travaux ordonnés sous astreinte par le jugement du 19 novembre 2019 confirmé par l’arrêt du 25 mai 2023. Elle ne conteste pas l’absence de signification du jugement de première instance à Madame [L] [K], résidant alors à l’étranger. Elle s’oppose en revanche à toute modération de l’astreinte, souligne que le dispositif de la décision est très clair et qu’aucun défaut de proportionnalité ne permet de réduire les sommes dues au titre de l’astreinte, peu important l’introduction d’un pourvoi en cassation actuellement pendant. Elle souligne par ailleurs que l’éventualité d’une impossibilité de reconstruction en cas d’exécution du jugement litigieux est indifférente, ces travaux ayant été réalisés sans permis de construire à l’origine.

A l’audience du 13 février 2024 et dans leurs dernières écritures, les consorts [K] concluent à titre principal à l’irrecevabilité et à tout le moins au rejet des demandes formées à l’encontre de Madame [L] [K] et à la condamnation de la demanderesse à verser à cette dernière la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Ils sollicitent que le montant de l’astreinte soit limité dans les plus importantes proportions. A titre subsidiaire, en cas de condamnation in solidum incluant Madame [L] [K], ils concluent à la limitation de l’astreinte, au débouté de la demanderesse du surplus de ses demandes et à ce qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens.

Les défendeurs font valoir que si Madame [L] [K] s’est vue signifier l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, tel n’est pas le cas pour le jugement de première instance qui fixe l’astreinte et qui a fait l’objet d’une simple confirmation par l’arrêt d’appel.

Sur le fond, ils soulignent l’imprécision des termes du jugement ordonnant l’astreinte, qui évoque la démolition d’une terrasse alors que celle-ci fait aussi office de toit du bâtiment mais également la destruction d’un second bâtiment qui est en réalité un aménagement du premier. Ils soulignent la disproportion entre l’astreinte sollicitée et l’atteinte résultant au droit de propriété en résultant pour eux notamment en cas de destruction des édifices sollicités dont la reconstruction peut être impossible si l’issue de la procédure de cassation leur était favorable. Ils soulignent enfin que l’occupation de ces lieux résulte d’une convention ancienne, confortée par des actes notariés.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la liquidation de l’astreinte

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”

L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.

L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir”.

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère”.

Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d'une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l'atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l'évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.

Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que:
« Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. »

En l’espèce, le dispositif du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 19 novembre 2019 prévoit notamment :
« Condamne in solidum M [B] [K], Mme [L] [K] épouse [E] et Mme [M] [K] épouse [N] à démolir la terrasse aménagée sur l’édicule d’origine ainsi que tous éléments permettant d’y accéder, sur la parcelle BR n°[Cadastre 7] en limite sud, sous astreinte provisoire de 150 euros chacun par jour de retard au profit de la SCI PIERRE, pendant un délai de trois mois, passé un délai de deux mois à compter de la signification à parties du présent jugement,

Condamne in solidum M [B] [K], Mme [L] [K] épouse [E] et Mme [M] [K] épouse [N] à démolir l’extension en front de mer et le second bâtiment réalisé entre 1993 et 1995 à l’arrière de l’édicule d’origine sur la parcelle BR n°[Cadastre 7] en limite sud, sous astreinte provisoire de 150 euros chacun par jour de retard au profit de la SCI PIERRE, pendant un délai de trois mois, passé un délai de deux mois à compter de la signification à parties du présent jugement »

Ce jugement a été signifié par actes des 6 décembre 2019 et 9 janvier 2020 respectivement à Madame [M] [K] épouse [N] et à Monsieur [B] [K].

Le dispositif de l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 25 mai 2023 indiquant notamment quant à lui :
« Confirme le jugement entrepris, y ajoutant :
Prononce la résiliation judiciaire de l’acte sous seing privé du 10 décembre 1950 avec effet au 22 juin 2022 à minuit »
Cet arrêt a été signifié aux trois défendeurs par actes des 20 juin 2023 et 8 août 2023.

Il est constant que la décision de première instance n’a donc pas été signifiée à Madame [L] [K] épouse [E]. Or, ce jugement fixe le montant de l’astreinte et prévoit qu’elle commencera à courir à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification du jugement. L’astreinte n’a donc pas commencé à courir à l’encontre de Madame [L] [K] épouse [E]. La demande tendant à sa condamnation au paiement de l’astreinte liquidée sera donc rejetée.

Il ressort clairement du constat établi le 12 octobre 2023 par la SELARL MONS-VAL que la terrasse dont la démolition a été ordonnée tout comme l’extension de l’édicule originel n’ont pas été détruits comme la décision judiciaire l’ordonnait. Les défendeurs ne contestent du reste pas cet état de fait.
En l’absence d’exécution de l’obligation judiciaire il y a donc lieu de liquider l’astreinte ordonnée.

Le dispositif précité ordonnant la démolition est tout à fait clair et ainsi que le constat d’huissier le mentionne, l’emplacement des édifications litigieuses est aisément repérable et compréhensible, aucune cause extérieure justifiant l’inexécution ne pouvant par conséquent être invoquée de ce fait. Il ne revient en tout état de cause pas à la présente juridiction de modifier ces dispositions.

Il en va de même s’agissant de la potentialité d’une reconstruction en cas d’issue favorable au procès en cassation alors que de sérieuses contestations existent quant à la légalité de cette construction et au droit d’occupation dont les consorts [K] se prévalent, l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 25 mai 2023 ayant annulé la convention passée entre les propriétaires précédents pour s’accorder sur ce point.

L’astreinte dont le montant à liquider s’élève à la somme de 13.500 euros par coobligé (150 euros x 90 jours) n’apparait en outre pas disproportionnée au regard de l’enjeu du litige et de l’absence de tout commencement d’exécution de l’injonction judiciaire par les défendeurs.

Monsieur [B] [K] et Madame [M] [K] épouse [N] seront par conséquent condamnés in solidum au paiement de la somme de 27.000 euros au profit de la SCI PIERRE.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [K] et Madame [M] [K] épouse [N], parties perdantes, subiront in solidum les dépens et seront condamnés in solidum au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de Madame [L] [K] épouse [E] formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
LIQUIDE l’astreinte provisoire prononcée par le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 19 novembre 2019 confirmé par l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 25 mai 2023 à la somme de 27.000 euros et condamne in solidum Monsieur [B] [K] et Madame [M] [K] épouse [N] à payer cette somme à la SCI PIERRE ;
REJETTE les demandes de la SCI PIERRE formées à l’encontre de Madame [L] [K] épouse [E] ;
REJETTE la demande formée par Madame [L] [K] épouse [E] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [K] et Madame [M] [K] épouse [N] à payer à la SCI PIERRE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [K] et Madame [M] [K] épouse [N] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/10439
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.10439 ?
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