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26/03/2024 | FRANCE | N°23/09576

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 26 mars 2024, 23/09576


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 26 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/09576 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YOP4
Minute n° 24/ 93


DEMANDEURS

S.A.R.L.U. [J] [P] ARCHITECTES, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 492 663 778, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2]

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 784 647 349, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse

1]
[Localité 6]

représentées par Maître Stéphane MILON de la SCP LATOURNERIE - MILON - CZAMANSKI - MAZILLE, av...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 26 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/09576 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YOP4
Minute n° 24/ 93

DEMANDEURS

S.A.R.L.U. [J] [P] ARCHITECTES, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 492 663 778, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2]

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 784 647 349, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 6]

représentées par Maître Stéphane MILON de la SCP LATOURNERIE - MILON - CZAMANSKI - MAZILLE, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

Monsieur [R] [O]
né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 5]
Madame [S] [F] épouse [O]
née le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître Julien LE CAN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 13 Février 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 26 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 26 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 16 janvier 2018, Monsieur [R] [O] et Madame [S] [F] épouse [O] ont fait délivrer un commandement de payer le 26 septembre 2023 et diligenté plusieurs saisies attributions sur les comptes bancaires de la SARLAU [J] [P], ces saisies ayant été dénoncées par acte du 12 octobre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 13 novembre 2023, la SARLAU [J] [P] architectes et la Mutuelle des architectes français (ci-après MAF) ont fait assigner les époux [O] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de contester les mesures d’exécution forcée.

A l’audience du 13 février 2024 et dans leurs dernières conclusions, les demanderesses concluent à la compétence du juge de l’exécution pour connaitre des demandes formulées par la MAF et sollicite à titre principal l’annulation du commandement de payer et des procès-verbaux de saisie-attribution. A titre subsidiaire, ils sollicitent le cantonnement de ces actes à la somme due déduction faite de la somme de 5.780,33 euros TTC. Ils demandent la condamnation des défendeurs à rembourser à la MAF subrogée dans les droits de Monsieur [P] la somme de 5.780,33 euros outre leur condamnation aux dépens et à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, et au visa des articles L111-2 du code des procédures civiles d’exécution, 1213, 1214, 1290 et 1291 anciens, 1347-6,1302 et 1302-1 du Code civil, les demanderesses font valoir que la MAF ayant réglé les sommes auxquelles la SARLAU [J] [P] architectes, elle se trouve subrogée dans ses droits et bienfondée à contester les actes d’exécution forcée en cette qualité devant le juge de l’exécution. Sur le fond, elle soutient que les époux [O] ont perçu une somme supérieure à celle devant leur revenir à l’issue du jugement du 16 janvier 2018 car ils n’ont pas déduit la créance judiciaire de la société APARI en procédant à une compensation, laquelle doit s’opérer d’office. Elles soulignent qu’elles ont opéré cette compensation auprès d’autres sociétés, ce qui caractérise selon elles l’obligation de procéder de la même façon à leur égard. Elles contestent toute nécessité d’une volonté exprimée des parties pour procéder à la compensation, considérant que celle-ci s’opère de plein droit. Elles en déduisent t que le commandement de payer tout comme les procès-verbaux de saisie-attribution sont affectés d’une nullité en raison du montant erroné de la créance. A défaut, elles sollicitent un cantonnement des mesures d’exécution forcée aux sommes dues, une fois la déduction effectuée et à la répétition des sommes perçues.

A l’audience du 13 février 2024, les époux [O] concluent in limine litis à l’incompétence du juge de l’exécution pour connaître des demandes de la MAF, retenant la compétence du tribunal judiciaire de Bordeaux. A défaut, ils concluent au débouté des demanderesses en toutes leurs prétentions et à leur condamnation aux dépens comprenant les frais d’exécution outre le paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au visa des articles 75 du code de procédure civile, L213-6 du Code l’organisation judiciaire, R121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, les défendeurs soutiennent que la MAF n’a subi aucun acte d’exécution forcée qui justifierait la compétence du juge de l’exécution pour statuer sur ses demandes. Sur le fondement des articles 1200,1290,1347,1347-6 du code civil, 112,114, 503 et 675 du code de procédure civile 211-1 et R211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, ils contestent au fond tout trop perçu, soulignant que la compensation n’a rien d’automatique et que la société APARI ne l’a jamais sollicitée, alors qu’elle a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 30 juin 2019 et que le jugement fondant les créances n’était pas assorti de l’exécution provisoire et n’a jamais été signifié par la société APARI aux défendeurs. Ils contestent toute nullité pouvant affecter les actes d’exécution forcée en raison d’un décompte erroné et en l’absence de la démonstration d’un grief.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Les demanderesses contestent la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 13 novembre 2023 alors que le procès-verbal de saisie date du 5 octobre 2023 avec une dénonciation effectuée le 12 octobre 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 13 novembre, premier jour ouvrable utile.

Les demanderesses justifient par ailleurs de l’envoi du courrier recommandé faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution en date du 14 novembre 2023.

Elles doivent donc être déclarées recevables en leur contestation des saisies-attribution.

- Sur la compétence du juge de l’exécution

L’article L213-6 alinéa 1 du Code de l’organisation judiciaire prévoit : « Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. »

L’article 1346-4 alinéa 1 du code civil dispose : « La subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier. »

La MAF justifie avoir réalisé deux paiements pour acquitter la dette de la SARLAU [J] [P] ARCHITECTES pour la somme de 17.872,17 euros puis celle de 7.906,02 euros.

Le règlement des sommes pour le compte du demandeur établit une subrogation conventionnelle liée à la qualité d’adhérent de ce dernier. Dès lors la MAF est subrogée dans la totalité des droits de la SARLAU [J] [P] ARCHITECTES et parmi ceux-ci dans le droit d’agir en contestation des mesures d’exécution forcée exercées contre elle.

Les demandes de la MAF doivent donc être déclarées recevables.

- Sur la compensation

L’article 1290 ancien du Code civil dispose :
« La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives. »

L’article 1294 alinéa 3 du même code prévoit :
« Le débiteur solidaire ne peut pareillement opposer la compensation de ce que le créancier doit à son codébiteur. »

L’article 503 du Code de procédure civile fait obligation à celui sollicitant l’exécution d’un jugement de le notifier à celui qu’il estime être son débiteur.

Il est constant que sous l’empire des anciennes dispositions du Code civil, l’exception de compensation était considérée comme étant personnelle à un débiteur et devait donc être expressément invoquée par celui-ci. Il est également constant que les relations contractuelles des parties remontant à l’année 2011, date de réalisation des travaux, et relèvent donc de l’application de la loi antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la société APARI n’a jamais signifié le jugement aux époux [O] et a été liquidée amiablement, les opérations s’étant achevées le 30 juin 2019. Il s’en déduit que la société APARI n’a jamais entendu se prévaloir de l’exécution du jugement litigieux en sollicitant une exception de compensation. Elle est à ce jour dans l’incapacité totale de le faire au regard de sa liquidation et de la perte de toute personnalité juridique.

Dès lors, le codébiteur solidaire de la créance ne saurait se prévaloir d’une telle compensation aux lieux et place de son bénéficiaire potentiel. Par ailleurs, le fait que les créances aient été compensées avec deux autres parties à l’instance ne suffit pas à caractériser l’existence d’une compensation de plein droit, ces compensations entrant dans le champ de la reddition des comptes négociée entre les parties dans le cadre de l’exécution du jugement du 16 janvier 2018.

Les demanderesses seront donc déboutées de leur demande de compensation.

- Sur la nullité des actes d’exécution forcée

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

L’article R211-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :

« Le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers.
Cet acte contient à peine de nullité :
1° L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
2° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ;
4° L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
5° La reproduction du premier alinéa de l'article L. 211-2, de l'article L. 211-3, du troisième alinéa de l'article L. 211-4 et des articles R. 211-5 et R. 211-11.
L'acte indique l'heure à laquelle il a été signifié. »

Il est par ailleurs constant que seule l’absence de décompte peut induire la nullité de l’acte de saisie-attribution moyennant la démonstration d’un grief.

En l’espèce, outre que les actes contestés comportent bien un décompte, il a été démontré supra que celui-ci était fondé.

Les demandes de nullités et de cantonnement seront donc rejetées, tout comme la demande de restitution.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

L’article L111-8 alinéa 1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :” A l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge. “

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Les demanderesses, parties perdantes, subiront in solidum les dépens incluant le coût du commandement de payer du 26 septembre 2023 et des procès-verbaux de saisie-attribution du 5 octobre 2023. Elles seront en outre condamnées in solidum au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation des saisies-attribution diligentées par Monsieur [R] [O] et Madame [S] [F] épouse [O] sur les comptes bancaires de la SARLAU [J] [P] ARCHITECTES par acte du 5 octobre 2023 dénoncées le 12 octobre 2023 recevables ;
DIT que le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux est compétent pour connaître des demandes de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ;
DEBOUTE la SARLAU [J] [P] ARCHITECTES et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS de toutes leurs demandes ;
CONDAMNE in solidum la SARLAU [J] [P] ARCHITECTES et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à payer à Monsieur [R] [O] et Madame [S] [F] épouse [O] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la SARLAU [J] [P] ARCHITECTES et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS aux dépens incluant le coût du commandement de payer du 26 septembre 2023 et des procès-verbaux de saisie-attribution du 5 octobre 2023 ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/09576
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.09576 ?
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