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26/03/2024 | FRANCE | N°23/04356

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 26 mars 2024, 23/04356


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 26 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/04356 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X3P4
Minute n° 24/ 87


DEMANDEUR

Madame [Y] [T]
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Kathleen GENTY, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

URSSAF AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Arthur CAMILLE de

la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFF...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 26 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/04356 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X3P4
Minute n° 24/ 87

DEMANDEUR

Madame [Y] [T]
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Kathleen GENTY, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

URSSAF AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Arthur CAMILLE de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 13 Février 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 26 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 26 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant de deux contraintes signifiées les 3 mai 2023 et le 30 janvier 2019, l’URSSAF AQUITAINE a fait délivrer à Madame [Y] [T] deux commandements de payer aux fins de saisie-vente par actes des 12 mai 2023 et du 1er août 2023.

Par actes de commissaire de justice en date du 17 mai 2023 et du 8 août 2023, Madame [T] a fait assigner l’URSSAF AQUITAINE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de contester les deux commandements délivrés.

A l’audience du 13 février 2024 et dans ses dernières conclusions, Madame [T] sollicite la jonction des deux instances, que soit prononcée la nullité des deux commandements aux fins de saisie- vente, et que soit ordonnée en conséquence la mainlevée de la saisie-vente qui en découlerait. Elle demande enfin la condamnation de l’URSSAF AQUITAINE aux dépens et à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes et au visa des articles L221-1 et R211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, L741-3 du Code de la consommation, L244-1, R133-3 du Code de la sécurité sociale, Madame [T] fait valoir que les deux commandements doivent être annulés car ils ne comportent pas de décompte distinct du principal, des majorations et des intérêts, la référence à la contrainte servant de titre exécutoire étant différente de celle figurant sur l’acte qui lui a été signifié. Elle soutient subir un grief lié à l’impossibilité de rattacher ce commandement à un titre exécutoire dont elle aurait été destinataire. Elle ajoute que la signification des contraintes n’a pas été valablement effectuée au regard des divergences de référence entre la contrainte et l’acte de signification. Elle conclut également à l’extinction de la créance, considérant que celle-ci aurait dû être déclarée à sa date d’exigibilité soit à compter du 12 août 2016 dans le plan de surendettement dont elle bénéficiait.

Elle soutient par ailleurs que la créance est prescrite, l’URSSAF n’ayant pas diligenté les poursuites idoines et la demande au fonds de solidarité ayant été expressément sollicitée pour le paiement de la dette la plus récente.

A l’audience du 13 février 2024 et dans ses dernières écritures, l’URSSAF AQUITAINE conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de Madame [T] aux dépens et au paiement d’une somme de 1.920 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’URSSAF AQUITAINE conteste toute extinction de la créance, précisant que la date d’exigibilité de celle-ci au titre des cotisations du troisième trimestre 2016 ne lui permettait pas de la déclarer au plan de surendettement. Elle conteste toute application de l’article L741-3 du Code de la consommation au cas d’espèce, soulignant que ce texte ne s’applique qu’au rétablissement judiciaire sans redressement personnel.

Elle conteste toute nullité des actes, soulignant que les sommes réclamées sont bien mentionnées, qu’aucun intérêt n’est sollicité et que la référence de la contrainte est indifférente dans la mesure où celle-ci relève d’une identification interne mais que la contrainte est bien visée dans l’acte. Elle soutient l’absence de tout grief fondant cette nullité. Elle fait valoir que la prescription des cotisations échappe à la compétence du juge de l’exécution mais qu’en tout état de cause, l’action en recouvrement des cotisations n’est pas prescrite au regard des versements volontaires intervenus et de la prorogation allouée par la période COVID. Elle souligne que les versements volontaires n’ont pas été accompagnés d’une demande d’affectation et que la saisine du fonds de solidarité s’analyse en une reconnaissance de dette, laquelle concerne toutes les dettes du débiteur sans affectation particulière.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la jonction

La jonction des procédures consécutives aux deux assignations délivrées a déjà été ordonnée par mention au dossier ; il n’y a donc pas lieu de statuer à nouveau sur cette demande.

- Sur la nullité des commandements de payer et de la signification des contraintes

L’article L221-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.
Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d'opposition.
Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d'habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l'exécution. »

L’article R221-1 du même code prévoit quant à lui :
« Le commandement de payer prévu à l'article L. 221-1 contient à peine de nullité :
1° Mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ;
2° Commandement d'avoir à payer la dette dans un délai de huit jours faute de quoi il peut y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles. »

L’article 114 du Code de procédure civile fait en toute hypothèse obligation à celui qui se prévaut d’une nullité de forme de démontrer l’existence d’un grief. Il est enfin constant que seule l’absence de décompte est constitutive d’une nullité de forme, sa seule inexactitude ou son absence de détail n’étant pas une cause de nullité.

Les deux commandements de saisie-vente versés aux débats et signifiés les 12 mai et 1er août 2023 mentionnent les sommes réclamées au titre du principal ainsi que les frais.

Elles se réfèrent de façon très explicite aux contraintes en date des 21 janvier 2019 et 28 février 2023. L’indication d’une référence chiffrée est indifférente, le titre exécutoire étant suffisamment identifiable par sa date.

Par ailleurs aucune somme n’est réclamée au titre des intérêts, l’absence de cette mention étant donc régulière. Le fait que les majorations aient été ajoutées au principal n’empêche pas la débitrice d’identifier les sommes dues, ces majorations de nature forfaitaire n’étant pas calculées selon un taux comme les intérêts de retard.

En tout état de cause, Madame [T] a pu critiquer les actes d’exécution forcée dont il s’agit devant la présente juridiction et ne justifie donc pas d’un grief autorisant l’annulation de ces actes. Cette demande sera rejetée.

Les significations de contrainte délivrées le 30 janvier 2019 et 3 mars 2023 mentionnent clairement les contraintes délivrées à l’encontre de la demanderesse, la mention de leur date les rendant suffisamment identifiables. Elles n’encourent donc aucun grief de nullité.

- Sur l’extinction de la créance liée aux cotisations du troisième trimestre 2016

L’article L741-3 du Code de la consommation dans sa version applicable à l’époque de l’ouverture du plan soit le 9 juin 2016 dispose : « Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal d'instance entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation, à l'exception des dettes visées à l'article L. 711-4, de celles mentionnées à l'article L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques.
Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. »

Il ressort des pièces relatives à la procédure de surendettement versées aux débats que Madame [T] s’est vu proposer un plan d’apurement du passif et en aucun cas une mesure de redressement personnel. Dès lors les dispositions susvisées ne sauraient s’appliquer et permettre un effacement de cette dette nonobstant la question de la date de sa déclaration.

La demande tendant à faire constater l’extinction de la créance sera donc rejetée.

- Sur la prescription

L’article L244-8-1 du Code de la sécurité sociale prévoit : « Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3. »

L’article L244-9 du même code énonce : « La contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire, dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
Le délai de prescription de l'action en exécution de la contrainte non contestée et devenue définitive est de trois ans à compter de la date à laquelle la contrainte a été notifiée ou signifiée, ou un acte d'exécution signifié en application de cette contrainte. »

Les articles 2240 et 2244 du Code civil disposent : » La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. »
« Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée. »

Il y a lieu de distinguer selon les deux séries de créance réclamées.

S’agissant des cotisations du 3ème trimestre 2016
La défenderesse justifie d’une mise en demeure envoyée par lettre recommandée non réceptionnée le 12 octobre 2016. Madame [T] a par la suite réclamé des délais de paiement par courrier recommandé du 11 juillet 2017. Il est ensuite acquis car non contesté par les parties que des versements sont intervenus les 23 septembre 2016, 10 novembre 2017 et 24 novembre 2017.

Madame [T] a, par courrier du 10 novembre 2019, formulé un rappel de sa demande en date du 10 octobre 2019 tendant à bénéficier d’une aide au titre du fonds d’action sociale. Ce premier courrier qu’elle verse aux débats évoque le paiement d’une dernière dette par référence au plan de surendettement dont elle a bénéficié. Elle ne vise en aucun cas une contrainte en particulier et ne distingue pas entre les années de cotisation. Constitutif d’une reconnaissance de dette non équivoque, réitérée par courrier du 20 novembre 2019, ce courrier a donc interrompu la prescription jusqu’au 20 novembre 2022.

Les mesures consécutives à la crise COVID ayant rallongé le délai de prescription jusqu’au 18 mars 2023, la contrainte du 28 février 2023 signifiée le 3 mars 2023 a bien interrompu la prescription. Cette dette n’est donc pas prescrite.

S’agissant des cotisations des 4ème trimestre 2016, 1er, 2ème,3ème et 4ème trimestre 2017, 1er et 2ème trimestre 2018
Pour cette créance, une contrainte a été formalisée par acte du 21 janvier 2019. Les parties s’accordent pour reconnaître que des paiements volontaires ont été effectués interrompant la prescription jusqu’au 11 mars 2020.

Deux versements sont dénombrés en avril et mai 2020, la défenderesse contestant leur imputation sur la dette litigeuse.

Néanmoins, elle ne verse aux débats aucun courrier indiquant son souhait d’affecter les sommes versées auprès de l’huissier en charge du recouvrement en particulier à une dette plutôt qu’à une autre. Son engagement daté du 1er août 2019 vise ainsi « les sommes dues en principal, intérêts et frais ».

Il y a donc lieu de considérer que ces paiements ont été affectés par le créancier à cette dette et ont valablement interrompu la prescription. Avec le rallongement du délai consécutif au COVID, l’action en recouvrement était prescrite au 26 août 2023 et le commandement intervenu le 1er août 2023 a donc valablement interrompu la prescription. La créance n’est donc pas prescrite.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Madame [T], partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la jonction ;
DEBOUTE Madame [Y] [T] de toutes ses demandes ;
VALIDE les commandements de payer aux fins de saisie-vente délivrés par actes du 1er août 2023 et du 12 mai 2023 à Madame [Y] [T] à la diligence de l’URSSAF AQUITAINE ;
CONDAMNE Madame [Y] [T] à payer à l’URSSAF AQUITAINE la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [Y] [T] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/04356
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.04356 ?
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