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21/03/2024 | FRANCE | N°21/05110

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 21 mars 2024, 21/05110


N° RG 21/05110 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VT2O
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND





30Z

N° RG 21/05110 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VT2O

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.A.S. LE POP’S & CO

C/

S.A.S. PAROSA CASSADOTE











Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SCP DACHARRY & ASSOCIES
Me Henri Michel GATA



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 MARS 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des d

ébats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Myriam SAUNIER, Vice-Présidente


Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier

DÉBATS :

A l’audience ...

N° RG 21/05110 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VT2O
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

30Z

N° RG 21/05110 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VT2O

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A.S. LE POP’S & CO

C/

S.A.S. PAROSA CASSADOTE

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SCP DACHARRY & ASSOCIES
Me Henri Michel GATA

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 Janvier 2024
Délibéré au 21 mars 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

ontradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

DEMANDERESSE :

S.A.S. LE POP’S & CO
ZAC de la Cassadote
33380 BIGANOS

représentée par Maître Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DÉFENDERESSE :

S.A.S. PAROSA CASSADOTE
3 rue François Arago
33700 MERIGNAC

représentée par Me Henri Michel GATA, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :
Le 16 janvier 2018, la SARL PAROSA CASSADOTE (ci-après “le bailleur”) a donné à bail commercial sous conditions suspensives à Mme [L] et Mme [M], agissant au nom et pour le compte d'une société en cours de création et d'immatriculation, la société LE POP'S & CO (ci-après “le preneur”), pour un local situé à BIGANOS, d'une surface de 280 m², pour une durée de neuf années à compter de la date de livraison prévue, livraison effective au mois de janvier 2019, pour un usage de “bar à thèmes”, moyennant un loyer annuel de 47.600 € hors charges et hors taxes, payable par trimestre civil et d'avance, ainsi qu’une provision sur charges d'un montant trimestriel de 1.400 € HT et moyennant un dépôt de garantie fixé à la somme de 14.280 €, correspondant à un terme de loyer trimestriel.

Un avenant signé en date du 2 mai 2019 a constaté la levée des conditions suspensives.

Le preneur a rencontré des difficultés pour s'acquitter de ses loyers et charges.

Sur la base d’un commandement de payer du 17/03/2020, le Tribunal judiciaire de Bordeaux a fait droit aux demandes du bailleur par jugement du 18 mars 2021 en condamnant le preneur a lui payer notamment la somme de 19.255,03 € relative aux loyers et charges des troisième et quatrième trimestres 2019.

Le preneur a interjeté appel de ce jugement et sollicité son annulation au motif que l'acte introductif d'instance ne lui aurait pas été régulièrement signifié.

Le bailleur a fait délivrer un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire par exploit d'huissier en date du 1er juin 2021, portant alors sur un arriéré en principal de 97.039,59 €.

Le bailleur a par ailleurs fait également délivrer un nouveau commandement par voie d’huissier en date du 19/01/2022, visant la clause résolutoire et exigeant dans un délai d’un mois le respect de la clause de destination de “bar à thèmes” et d’avoir à cesser l’activité de restauration traditionnelle, puis a fait dresser deux constats d’huissier, les 23/02 et 8/03/2022, tendant à faire constater la persistance dans les lieux loués de cette activité.

Procédure :
Par acte d’huissier signifié en date du 28/06/2021, le preneur a assigné le bailleur à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de contestation du commandement de payer du 1/06/2021 visant la clause résolutoire et des sommes représentatives des loyers se rapportant aux périodes de fermetures liées à la pandémie de Covid-19.

Le bailleur a constitué avocat et faisait déposer des conclusions.

Par voie de conclusions, la SCP [G] est intervenu volontairement es qualité de liquidateur judiciaire du preneur désigné par un jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 13/07/2022.

Les parties n'ont pas renseigné le Tribunal sur la suite donnée à l'appel en cours devant la Cour d'appel de Bordeaux.
N° RG 21/05110 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VT2O

L'ordonnance de clôture est en date du 10/01/2024.

Les débats s’étant déroulés à l’audience collégiale du 25/01/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 21/03/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le preneur :

Dans ses dernières conclusions en date du 7/11/2022, le demandeur sollicite du Tribunal :

A titre principal,
-d’annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié au preneur le 1er juin 2021 pour non respect du dispositif de protection des débiteurs impactés par les fermetures administratives ;
-de l’exonérer de son obligation de payer les loyers relatifs aux périodes de fermeture administrative, ce à raison tant d’un cas de force majeure, que de l'exception d'inexécution,
A titre subsidiaire,
-de l’exonérer de son obligation de payer les loyers relatifs aux périodes de fermeture administrative, en raison de la perte de la chose louée,
A titre infiniment subsidiaire,
-de condamner le bailleur à réparer le préjudice - causé au preneur, faute de ne pas avoir négocié de bonne foi les modalités d'exécution du contrat de bail en vue de trouver une solution économique équilibrée pour les deux parties - ce à hauteur du montant des loyers relatifs aux périodes de fermeture administrative, avec compensation avec la créance de loyers pour ces mêmes périodes ;

En tout état de cause,
-de débouter le le bailleur de ses demandes de condamnation du preneur au paiement d'arriérés de loyers, à la résiliation du bail et à l'expulsion de la société, ce en raison de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 11 mai 2022,

-de le condamner à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Le preneur fait valoir que le commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur des loyers de la période covid serait nul pour avoir méconnu le dispositif protecteur instauré au bénéfice des entreprises impactés par le fermeture administrative.

Il affirme pouvoir être exonéré du paiement des loyers relatifs à cette période aux motifs successifs de l'existence d'un cas de force majeure, de l'exception d'inexécution, de la perte de la chose louée, de l'absence de bonne foi du bailleur.

Il reproche au bailleur de ne pas avoir tenu compte de ces circonstances exceptionnelles et de n’avoir pas renégocié le bail à cette occasion, ce qu’il qualifie de faute dont il demande réparation par la condamnation du bailleur à une indemnisation à hauteur des loyers de la période covid et compensation de ces sommes.

Il précise avoir compléter son activité initiale de “bar à thème” par de la petite restauration pour faire face aux difficultés consécutives à la pandémie et avoir obtenu l’autorisation verbale du bailleur sur ce point, des échanges de mails. en attesteraient.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le bailleur :

Le défendeur dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23/11/2022, demande au tribunal de :

-rejeter la demande de nullité du commandement de payer délivré par le bailleur au preneur le 1er juin 2021 au motif que ce dernier ne justifie pas de son éligibilité à la protection des dispositions issues de la Loi du 14 novembre 2020,
-rejeter les exceptions d’inexécution soulevées ;
- débouter le preneur de sa demande de condamnation du bailleur sur le fondement d’un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat et de l’absence de renégociation du contrat et de la compensation entre les créances qui en résulteraient ;
-débouter le preneur de sa demande subsidiaire de délais de paiement ;
à titre reconventionnel
-fixer au passif de la société LE POP'S & CO au bénéfice de la société PAROSA CASSADOTE et à titre privilégié en sa qualité de bailleur les sommes suivantes :
- la somme de 133.979,04 € correspondant aux loyers et charges échus à la date du 11 mai 2022 ;
- le montant du dépôt de garantie à hauteur de 14.280 €, sous forme de non-restitution à titre de dommages et intérêts ;
-prononcer la résiliation du bail aux torts du preneur au regard des manquements graves à la destination du bail antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ;
-condamner la SCP [G]-BAUJET, prise en la personne de Maître [V] [H] [G], en qualité de liquidateur judiciaire du preneur à régler au bailleur une indemnité d'occupation égale au double du loyer majoré des charges jusqu'à la vidange effective des lieux ;
- la condamner à lui verser une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civilen et à supporter les dépens.

Le bailleur conteste avoir méconnu le dispositif protecteur instauré au bénéfice des entreprises impactés par le fermeture administrative en arguant de ce que le preneur ne justifierait pas de pouvoir en bénéficier. Il prétend que le commandement de payer resterait valable à tout le moins pour ceux des loyers dus qui sont hors période de protection.

Le bailleur conteste, point par point les arguments du preneur visant à s’exonérer du paiement des loyers covid et in fine rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation qui rejette les arguments de force majeure, d’'exception d'inexécution, de perte de la chose louée, d'absence de bonne foi du bailleur.

Il affirme que s’agissant de circonstances exceptionnelles imprévisibles, le preneur ne justifierait pas : d’une part de lui avoir demandé une renégociation du bail, ni de la poursuite du paiement des loyers dans l’attente de celle-ci, ce qui seraient autant de conditions légales non réunies.

Il fait valoir qu’il a fait constater par huissier : que le preneur avait ajouté une activité de petite restauration à la seule activité initiale autorisée par le bail, soit celle de "bar à thème", d’avoir mis en demeure le preneur de faire cesser cette violation du bail en visant la clause résolutoire et d’avoir fait constater par huissier la persistance de cette violation par le preneur. il conteste par ailleurs avoir donné une autorisation verbale au preneur sur ce point, les échanges de mails démontreraient selon lui le contraire.

Si en raison de la procédure collective il ne fait plus valoir la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, il demande cependant la résiliation judiciaire du bail pour violation du bail avant le déclenchement de la procédure collective.

Il indique que le preneur ne contesterait pas les loyers impayés hors période covid et demande la fixation des sommes dues au passif du preneur placé en liquidation.

Il demande par ailleurs, application des clauses du bail pour fixer le montant de l’indemnité d’occupation au double de la valeur du loyer et la conservation de la caution remise à l’entrée des lieux.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux dernières écritures signifiées aux parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité du commandement de payer du 1/06/2021

En droit, aux termes de l'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l'espèce, il n’est pas contesté que le contrat de bail commercial liant les parties stipule qu'en cas de non-exécution par le preneur de l'une quelconque des conditions du bail ou à défaut de paiement à son échéance de tout ou partie d'un terme de loyer, des provisions sur charges, reliquat des charges et remboursement divers qui sont payables en même temps que celui-ci, le bailleur aura la faculté de résilier de son plein droit le présent bail, un mois après avoir mis le preneur en demeure de régulariser sa situation par commandement ou sommation de payer ou de respecter les stipulations du bail.

Le commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail délivré le 1/06/2021 porte sur la somme principale de 97.039,59 euros correspondant à des loyers impayés au cours de la période allant du premier trimestre 2020 au deuxième trimestre 2021 inclus.

Le preneur reconnaît ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer avant l'expiration du délai qui lui était imparti, au motif de circonstances liées à la crise sanitaire qui justifieraient selon lui le non-paiement de ses loyers et de contestations de la validité du commandement, soulignant pouvoir bénéficier de ces dispositions.

Sur l’incidence du cadre juridique de l’urgence sanitaire :

L’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 dispose que: “'I. – Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou du 5° du I de l’article L3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu’elle est prise par le représentant de l’Etat dans le département en application du second alinéa du I de l’article L3131-17 du même code. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en oeuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III. – Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
IV. – Le II s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.
Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu’à compter de l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.

En outre, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu’à la date mentionnée au même premier alinéa […].
VII. – Le présent article s’applique à compter du 17 octobre 2020 […]”.

Le décret n°2020-1766 pris le 30 décembre 2020 pour l’application de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 a complété les conditions d’éligibilité à ce dispositif en exigeant que l’activité des personnes physiques et morales réponde à certains critères en termes de chiffre d’affaires, de nombre de salariés et de perte de chiffre d’affaires constatée.

Pour bénéficier de ces mesures, le locataire doit ainsi justifier :
- que son effectif salarié est inférieur à 250 salariés;
- que le montant de son chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d’euros ou, pour les activités n’ayant pas d’exercice clos, le montant de leur chiffre d’affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d’euros;
- que la perte de chiffre d’affaires est d’au moins 50%. Ce critère correspond à la différence entre le chiffre d’affaires au cours du mois de novembre 2019 et le chiffre d’affaires réalisé au cours d’une période qui dépend de la date de création de la société locataire.
Il est également rappelé que ces dispositions concernent les loyers dus à compter de son entrée en application soit à compter du 17 octobre 2020, de sorte qu’elles ne font pas obstacle au droit du bailleur de faire délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour obtenir le paiement des loyers échus antérieurement et non réglés, comme c’est le cas en espèce.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le preneur a moins de 250 salariés. Si elle verse aux débats des comptes de résultat pour démontrer une baisse de son chiffre d’affaire, force est de constater que ceux-ci concerne les mois d’octobre 2019 et 2020, non le mois de novembre 2020 et le mois de novembre 2019. Il n’est pas on plus produit les comptes de résultats de l’année 2019 permettant de faire une moyenne. Ainsi, il n’est pas démontré une baisse de 50% de son chiffre d’affaires sur la période considérée.

Ainsi, le preneur n’est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions.

En tout état de cause, il y a lieu de souligner que ces dispositions n'effacent pas les loyers échus, ni n'interdisent au bailleur de faire délivrer à son locataire un commandement de payer pendant la période juridiquement protégée, mais suspendent les effets du dit acte pendant une durée qui sera différente selon que le locataire remplit les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides financières financées par le fonds de solidarité ou non.

Le Tribunal retient à cet égard qu’à la date où il se prononce, la suspension des poursuites à cessé et le commandement de payer du 1/06/2021 peut donc reprendre tous ses effets juridiques.

Toutefois, le preneur affirme que son commerce a été affecté par les mesures de confinement et de restrictions des horaires d'ouverture et il oppose plusieurs moyens qu'il convient d'analyser :

- sur le moyen tiré d'un cas de force majeure

Il résulte de l'article 1218 du code civil qu'il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

Or, il est admis que le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de celle-ci en invoquant un cas de force majeure.

En effet, alors même que la force majeure se caractérise par la survenance d'un événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, de sorte qu'il rende impossible l'exécution de l'obligation, l'obligation de paiement d'une somme d'argent est toujours susceptible d'exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur. Elle n'est donc, par nature, pas impossible mais seulement plus difficile ou plus onéreuse.

Ainsi, faute de justifier d'une impossibilité d'exécuter son obligation de règlement des loyers et charges, le preneur ne démontre pas le caractère irrésistible de l'événement lié à l'épidémie de Covid-19.

- sur le moyen tiré de l'exception d'inexécution liée au manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance

Il résulte de l'article 1719 du code civil que le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et de l'en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail.

Par application de l'article 1219 du code civil, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. L'article 1220 du même code poursuit en indiquant qu'une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. Cette exception d'inexécution avait déjà été consacrée en jurisprudence, tel qu'applicable au contrat ici en cause.

Si les mesures de fermeture et de restrictions auxquelles se réfèrent le preneur, et en particulier la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public, l'ont empêché, au cours des périodes considérées, d'exploiter les locaux loués, ces mesures n'ont pas été décidées par la bailleresse mais ont été imposées par les pouvoirs publics afin de limiter la propagation du virus liée à la Covid-19.
Ainsi, le preneur ne démontre pas avoir été privé de la jouissance des locaux donnés à bail en raison d'agissements imputables à son bailleur.

- sur le moyen tiré de l'obligation d'exécuter de bonne foi les contrats

En application de l'article 1104 du code civil, il convient de relever que le bailleur a attendu le 1/06/2021, soit deux mois après la fin du dernier confinement allant du 19 mars au 20 avril 2021, pour délivrer un commandement de payer ; alors que de surcroît dans le cadre de la première procédure (jugement du Tribunal judiciaire de Bordeaux du 13/03/2021) le bailleur n'avait pas sollicité que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire.

Dans ces conditions, le preneur n'établit pas un manquement du bailleur à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, lui même ayant été nécessairement impactée par la non perception des loyers.

- sur le moyen tiré de la perte de la chose louée

Il résulte de l'article 1722 du code civil, applicable aux baux commerciaux que, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

En application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national.

En application de l'article 3, I, 2 , du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité.

Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports inter-personnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

Il en est de même du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant de nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire qui, dans son article 41, I, 2, a interdit aux résidences de tourisme d'accueillir du public, sauf lorsqu'ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier.
N° RG 21/05110 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VT2O

Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé, de toute évidence, à la perte de la chose.

En l'espèce, le Tribunal relève que les restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire ne sont pas imputables au bailleur et n'emportent pas perte de la chose, et en déduit que l'obligation de payer le loyer n'est pas contestable.

En conséquence, dès lors que la régularité du commandement de payer délivré le1/06/2021 ne se heurte à aucune contestation pertinente, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation du dit commandement de payer.

Sur la demande indemnitaire du preneur fondée en raison d’une absence de négociation suite au Covid 19

En droit, selon l’article 1195 du Code civil :

“Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe.”

Le Tribunal retient que c’est à bon droit que le bailleur fait valoir que si la crise sanitaire mondiale, dite Covid 19, ayant conduit le gouvernement à prendre des mesures restrictives des activités économiques constituent bien des circonstances exceptionnelles imprévisibles, le preneur ne justifie pas pour autant : ni de lui avoir demandé expressément une renégociation du bail, ni d’avoir poursuivi le paiement des loyers dans l'attente de celle-ci, ni encore d’avoir saisi le juge d’une demande d’adaptation ou de résolution ; alors que ce sont précisément autant de conditions légales requises pour invoquer utilement un manquement à cette obligation de se prêter à une renégociation dans le cadre d’une exécution de bonne foi du contrat.

Sur la résolution judiciaire du bail pour cause de violation de la clause de destination
En droit, selon l'article 1103 du code civil :

"Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits"
Il résulte de ce texte, qu'a contrario, ce qui n'a pas été convenu ne s'impose pas aux contractant.
Selon l'article 1193 du même code :
"Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise."

Alors que les articles 1156, 1157, 1158 et 1162 du code civil invitent le juge à interpréter les clauses d'un contrat lorsque celles-ci ne se suffisent pas à elles mêmes.

Le contrat de bail, qui est la loi des parties, stipule dans l’article 28 (Titre II conditions particulières), intitulé “DESTINATION DES LOCAUX” :
“les locaux loués sont destinés à l’usage exclusif de bar à thèmes.”

La clause est claire, précise non équivoque ; aucune activité de restauration traditionnelle n’est autorisée au contrat, seul un avenant régularisé peut modifier cette destination et en aucun cas des circonstances économiques difficiles, voire exceptionnelles, n’autorisent le preneur à en modifier unilatéralement la portée.

Le bailleur justifie avoir tout d’abord constateé que le preneur avait adjoint à son commerce une activité de restauration traditionnelle, puis avoir fait délivrer le 19/01/2022 un commandement, visant la clause résolutoire, qui exigeait du preneur, sous un délai d'un mois, le respect de la clause de destination de "bar à thèmes" et de cesser l'activité de restauration traditionnelle, enfin d’avoir fait dresser deux constats d'huissier, les 23/02 et 8/03/2022, qui constatent tous deux la persistance dans les lieux loués de cette activité de restauration traditionnelle, laquelle ne peut recevoir la qualification d’activité complémentaire.

Le Tribunal considère qu’il s’agit au cas présent d’une violation suffisamment grave du contrat de bail, notamment en raison des conséquences sur les relations du bailleur avec les autres commerçants, justifiant que le bail soit résilié aux torts exclusifs du preneur par la présente décision, sanction possible contre un preneur soumis à une procédure collective, s’agissant de faits antérieurs à celle-ci.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les demandes de dommages et intérêts présentées par le preneur.

Enfin, si le bailleur s’oppose à l’octroi de délais de paiement, force est de constater qu’aucune demande de délai de paiement n’est formée dans les dernières conclusions du preneur.

Si l’expulsion du preneur n’est pas expressément fomée dans le dispositif des conclusions du bailleur, force est de constater qu’il s’agit là d’une conséquence de la résliation. Elle sera en conséquence prononcée dans le cas de l’absence de libération volontaire des lieux.

Sur les demandes reconventionnelles du bailleur

- sur la dette de loyer du preneur

Les sommes réclamées par le bailleur contestées en leur principe, ne sont pas discutées en leurs montants.

Le bailleur produit les factures et décomptes utiles et concordants ; il y a lieu de faire droit à ses demandes de fixation au passif du preneur de la somme de 133.979,04€ correspondant aux loyers et charges dues par le preneur à la date du 11/05/2022.

- sur la demande de conservation du dépôt de garantie pour son montant de 14.280 €

Le Tribunal - à la lecture de la clause (n° 6 et 33) qui institue cette possible retenue en cas de résiliation du bail pour inexécution d’une des obligations du preneur, et qui l’invoque à titre de “premiers dommages et intérêts” - considère, en raison de son caractère forfaitaire, qu’il s’agit d’une clause pénale que le juge peut réduire à plus juste proportion et qui sera au cas présent ramenée à 1.000 €.

- sur la condamnation à une indemnité d’occupation

Pour le cas où le preneur se maintiendrait dans les lieux, il y a lieu de fixer au passif de la liquidation une indemnité d’occupation égale à 120% du loyer principal en vigueur avant la résiliation, TVA et charges en sus, en application de l’article 22 du bail commercial.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, ici le preneur, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense. Il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

- REJETTE la demande d’annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié par le bailleur à la SAS LE POP'S & CO le 1er juin 2021 ;

- PRONONCE la résiliation du bail conclu le 16 janvier 2018 entre la SARL PAROSA CASSADOTE et la SAS LE POP'S & CO, aux torts de cette dernière,

N° RG 21/05110 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VT2O

- DIT que la résiliation judiciaire prendra effet entre les parties à compter de la signification du présent jugement à la société [G] BAUJET, es qualité de liquidateur de la SAS LE POP'S & CO,

- ORDONNE à la SAS LE POP'S & CO, représentée par son liquidateur, de libérer les locaux de tous biens et occupants de son chef dans le délai de quinze jours suivant la signification du jugement,

-ORDONNE, en l’absence de libération effective des lieux dans le délai précité, l’expulsion de la SAS LE POP'S & CO, représentée par son liquidateur, des locaux objets de la résiliation de bail et celle des tous biens et occupants de son chef,

- DÉBOUTE la société [G] BAUJET, es qualité de liquidateur de la SAS LE POP'S & CO, de sa demande de condamnation du bailleur à des dommages et intérêts à hauteur du montant des loyers relatifs aux périodes de fermeture administrative ;

- FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LE POP'S & CO, au bénéfice de la SARL PAROSA CASSADOTE, les créances suivantes :

- 133.979,04 €, au titre de loyers et charges dus par le preneur à la date du 11/05/2022;
- une indemnité d’occupation à compter de la signification du présent jugement, égale à 120% du loyer principal en vigueur avant la résiliation, TVA et charges en sus, en application de l’article 22 du bail commercial jusqu’à libération effective des lieux constatée par la remise des clés,
- 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- les dépens de l’instance,

- AUTORISE la SARL PAROSA CASSADOTE à conserver le montant du dépôt de garantie à hauteur de 1.000 €, à titre de dommages et intérêts ;

- RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.

Le présent jugement a été signé par madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par madame Pascale BUSATO, Greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05110
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;21.05110 ?
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