N° RG 21/00259 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VCIK
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
30B
N° RG 21/00259 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VCIK
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
S.C.I. EDB
C/
E.U.R.L. [B] BARROS H56 LE HANGAR DE LA DECO
Grosses délivrées
le
à
Avocats : la SELARL H.L. CONSEILS & CONTENTIEUX
Me Christine SAINT GERMAIN PENY
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 21 MARS 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Myriam SAUNIER, Vice-Présidente
Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 Janvier 2024
Délibéré au 21 mars 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile
JUGEMENT:
Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile
DEMANDERESSE :
S.C.I. EDB RCS BORDEAUX 438 665 382
341 avenue Vulcain
33260 LA TESTE DE BUCH
représentée par Maître David LARRAT de la SELARL H.L. CONSEILS & CONTENTIEUX, avocats au barreau de BERGERAC, avocats plaidant
DÉFENDERESSE :
E.U.R.L. [B] BARROS H56 LE HANGAR DE LA DECO RCS MONT DE MARSAN n°434 800 579 prise en la personne de sa gérante [B] [X]
829 rue Bernard Martin
40430 SORE
N° RG 21/00259 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VCIK
représentée par Me Christine SAINT GERMAIN PENY, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
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EXPOSE DU LITIGE
Faits constants :
La SCI EDB, devenue par la suite SAS EDB (ci-après “le bailleur”) a donné à bail à l’EURL [B] BARROS (ci après “le preneur”) un local commercial d’une surface de 350 m2 au sol avec vitrine de 12 m de long, situé dans un immeuble au 341 Avenue Vulcain à LA TESTE DE BUCH (33260) selon contrat signé du 1er mai 2016, intitulé “BAIL DE COURTE DURÉE”.
Ce bail a porté sur une période de location allant du 1er mai 2016 au 31 mars 2018, pour un loyer mensuel de 1.200 euros HT.
Le 14/01/2018, le bailleur a adressé au preneur un courrier recommandé qui a conclu par une dénonciation d’un titre “d’occupation éphémère sans droit ni titre pour la fin du mois de Mars (soit mars 2018) “.
Un contrat, signé mais non daté et intitulé “AVENANT AU BAIL DE COURTE DURÉE EXISTANT ENTRE LES DEUX PARTIES CI-DESSOUS INDIQUÉES” a prévu notamment d’étendre la période de location du 1/04/2018 au 31/12/2018 et de porter le montant du loyer à la somme de 1.600 euros HT.
Le 12/08/2019, par lettre recommandée, le bailleur a demandé au preneur de lui payer les taxes foncières et taxe ordures ménagères pour les exercices 2016 en partie, 2017, 2018 et partie de 2019, ainsi que les montants correspondant à l’augmentation de loyer pour cinq mois de 2019 (avril à août).
Le bailleur et le preneur indiquent que ce dernier a quitté les lieux loué courant septembre 2019.
Procédure :
Par acte d’huissier signifié en date du 30/12/2020, le bailleur, au visa des articles 1103, 1104 et 1728 du code civil, a assigné le preneur à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de paiement de la somme de 18.314,60 € au titre de sommes dues au 12/08/2019 ainsi qu’une indemnité de 3.000€ à titre de réparation de l’inexécution du contrat.
Le preneur a constitué avocat et a fait déposer des conclusions.
Par ordonnance du 3/05/2022, le Juge de la mise en état a débouté le preneur de sa demande d’ordonner au bailleur la communication de pièce, au motif que le preneur disposait des règles de preuves pour s’opposer aux prétentions adverses.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022. Elle a été révoquée par ordonnance du juge de la mise en état du 2 janvier 2023.
L'ordonnance de clôture finale est en date du 10/01/2024.
Les débats s’étant déroulés à l’audience du 25/01/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 21/03/2024.
PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le bailleur :
Dans ses dernières conclusions en date du 23/12/2022, le demandeur sollicite du Tribunal de:
ORDONNER la révocation de l'Ordonnance de clôture prononcée le 14 décembre 2022 et la reporter à la date des plaidoiries, soit le 05 janvier 2023
DEBOUTER la SARLU [B] BARROS de ses demandes, fins et conclusions.
CONSTATER le désistement concernant la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir soulevée par la SARLU [B] BARROS ;
CONSTATER l'inexécution contractuelle de la société [B] BARROS ;
CONDAMNER la société [B] BARROS à payer à la SAS EDB la somme de 63.840 euros TTC au titre des loyers impayés, augmentée des intérêts à compter de la mise en demeure du 12 août 2019 ;
CONDAMNER la société [B] BARROS à payer à la SAS EDB la somme de 16.394,60 € au titre des charges non régularisées, augmentée des intérêts à compter de la mise en demeure du 12 août 2019 ;
CONDAMNER la société [B] BARROS à payer à la SAS EDB la somme de 3.000 euros au titre de la réparation des conséquences de l'inexécution ;
CONDAMNER la société [B] BARROS à payer à la SAS EDB la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société [B] BARROS aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du Code de procédure civile et, au surplus, à tous les frais d'exécution, en ce compris le droit proportionnel dû à l'huissier de justice sur le fondement de l'article A444-32 du Code de commerce ;
ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, qui est de droit en vertu de l'article 514 du Code de procédure civile
DEBOUTER la SARLU [B] BARROS de sa demande d'expertise judiciaire
à tutre subsidiairen, DONNER acte à la société EDB de ce qu'elle formule toutes protestations et réserves d'usage sur la demande d'expertise formulée par la SARLU [B] BARROS
JUGER que l'expertise se fera aux frais de la demanderesse la SARLU [B] BARROS
Le bailleur s’oppose à la fin de non recevoir soulevée par le preneur tirée de l'immutabilité du litige en affirmant que ses dernières prétentions constitueraient des demandes incidentes en lien avec sa demande initiale comme exigé par l’alinéa 2 de l’article 4 du code de procédure civile.
Il prétend que le bail signé entre les parties le 1/05/2016 est un bail volontairement et clairement soumis par les parties aux dispositions de l’article L.145-1 du code de commerce et donc un bail dérogatoire de courte durée, valable, ce qui excluerait la requalification demandée par le preneur en contrat de louage de choses soumis aux articles 1709 et suivants du code civil.
Il soutient que le contrat signé par les deux parties qui étendait la période de location du 1/04/2018 au 31/12/2018 et portait le montant du loyer à la somme de 1.600 euros HT est un avenant au bail précédent, lui même valable quant à son objet et par ses contre parties réciproques (allongement de la durée contre augmentation du loyer).
Il affirme ensuite qu’à l’issue du bail de courte durée prolongé par l’avenant, le preneur serait resté dans les lieux et que par application de l’article L.145-5 du code de commerce il se serait opéré un nouveau bail quant à lui soumis au statut des baux commerciaux et dont la premières périodes serait triennale, le preneur ne pouvant mettre fin au bail avant ce terme, ici selon lui jusqu’au 21 avril 2022, le preneur en quittant les lieux aurait ainsi fait savoir qu’il souhait mettre fin au bail à cette échéance.
Le nouveau bail sans écrit aurait débuté à compter du 1er mai 2019 (date d’entrée dans les lieux plus trois ans maximum de bail à courte durée). Aussi, il en déduit d’une part, que l’augmentation de loyer serait valable et que d’autre part, le preneur lui devrait des loyers jusqu’à ce terme légal du 21/04/2022.
S’agissant des sommes réclamées au titre des taxes foncières ils produit les appels de taxes payés par le bailleur pour l’ensemble de l’immeuble qui abritait entre autres le local loué.
Enfin, il invoque un préjudice pour avoir perdu une chance de louer le local à une société “plus consciencieuse”.
PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le preneur :
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26/12/2022, le défendeur demande au tribunal de :
A TITRE PRINCIPAL
ORDONNER le rabat de l'ordonnance de clôture à la date de plaidoirie
JUGER que le document intitulé “Avenant au bail de courte durée" est nul et de nul effet et en tirer toutes les conséquences.
JUGER que le bail précaire initial du 01/05/2016 constitue une convention d'occupation précaire soumise aux dispositions du Code civil
JUGER que seules les dispositions des articles 714 et suivants s'appliquent au contrat liant les parties
JUGER que le montant du loyer mensuel était de 1.200,00 € HT
JUGER que l'EURL [B] BARROS est à jour du paiement des loyers pour la période du 01.05.2016 au 31.09.2019
JUGER que la SCI EDB ne rapporte pas la preuve de son calcul de quote-part des charges
DEBOUTER la SCI EDB de l'intégralité de ses demandes
CONDAMNER La SCI EDB à verser à l'EURL [B] BARROS la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance
A TITRE SUBSIDIAIRE
DESIGNER tel expert qu'il plaira au Tribunal avec la mission de :
Vérifier la surface et la contenance du lot loué par la SCI EDB à EURL STELLABARROS sis 341 avenue vulcain LA TESTE DE BUCHVérifier la réalité des taxes foncières et charges afférentes au local appartenant à la SCI EDBB sis 341 avenue vulcain LA TESTE DE BUCH.Calculer le prorata de charges et fonciers qui pourraient être mis à la charge du lot occupé par la EURL [B] BARROSEtablir les comptes entre les parties pour la période allant du 01.05.2016 au 30.09.2019 JUGER qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire.
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Le preneur tout d’abord, demande la révocation de la précédente ordonnance de clôture du 14/12/2022, sans actualiser sa position.
Il soulève ensuite une fin de non recevoir tirée de l’immutabilité du litige et il affirme que les
dernières prétentions du bailleur - portant sa demande de paiement à 63.840 € au titre des loyers, au visa de dispositions du code de commerce ; alors que son assignation ne visait que les dispositions du code civil (contrat de location précaire) pour une somme de 18.314€, outre 16.394€ au titre de régularisation des charges - ne constitueraient pas des demandes incidentes mais de nouvelles demandes non formulées à l’acte introductif.
Le preneur soutient au fond que ni le contrat initial ni le document intitulé avenant seraient valables. Le contrat initial ne remplirait pas les conditions requises pour recevoir la qualification de bail de courte durée relevant du code commerce pour d’une part, méconnaître la mention obligatoire explicite de renoncement des parties au régime de droit commun des baux commerciaux, la seule mention d’une durée courte ne suffisant pas, pour d’auttre part, ne pas avoir dressé un état des lieux ni remis un document d’information environnementales. Selon le preneur le bailleur aurait par ailleurs renoncé aux dispositions de l’article L.145 Code de commerce en lui écrivant le 14/01/2018 que le preneur n’était “plus sous couvert d’un bail commercial mais d’une occupation qui se renouvelle tous les mois”.
L’avenant serait nul car ne portant mention d’aucune date de signature et contenant de nombreuses incohérences dans ses mentions relatives au contrat initial ; il ne pourrait être dit qu’il a exécuté cet avenant en l’absence de toute quittance qui permettrait de ventiler dans ses paiements ce qui relève du loyer et ce qui porte sur les charges.
Selon le preneur, seul le contrat du 1/05/2016 lierait les parties et porterait sur une convention d’occupation précaire et il ne pourrait être tenu qu’à un loyer de 1.200 € HT jusqu’à son départ en septembre 2019, aucun engament ultérieur n’étant établi.
S’agissant des taxes et charges réclamées par le bailleur il soutient que ce dernier, propriétaire d’un immeuble abritant plusieurs locaux, ne justifierait aucunement de la quôte-part du local qui lui était loué, de sorte que le bailleur devrait en être débouté.
Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures signifiées aux parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 14/12/2022
Cette ordonnance de clôture ayant été révoquée par le juge de la mise en état le 2 janvier 2013, elle est devenue sans objet.
Sur l’immutabilité du litige
Le tribunal relève que le preneur qui développe longuement la fin de non recevoir tirée de l’immutabilité du litige n'en tire cependant aucune conséquence dans le dispositif de ses
dernières conclusions, ne formalisant pas cette irrecevabilité, sans pour autant s'en désister expressément contrairement à ce qu’invoque le bailleur en son dispositif ; de sorte que le Tribunal ne pourra que clarifier la situation en abordant la question.
Il résulte de l'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, que le juge de la mise en état, de sa désignation à son dessaisissement, a le pouvoir exclusif pour statuer sur les fin de non-recevoir ; cette rédaction s'applique, selon l'article 55, II, du décret, aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 01 janvier 2020.
Par ailleurs, il est constant que lorsque la demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance s'entend de la date de délivrance de l'assignation.
En l'occurrence, l'instance a été introduite par assignation délivrée le 30/12/2020, de sorte que seul le juge de la mise en état devait connaître de la fin de non-recevoir soulevée par le preneur.
En conséquence, la fin de non-recevoir du preneur sera déclarée irrecevable.
- sur la qualification de la convention signée entre les parties pour la location du local entre le 1/05/2016 et le 31/03/2018
A l’examen du contrat de bail signé par les deux parties, le 1/05/2016 (pièce 1, bailleur) il est démontré la volonté concordante du bailleur et du preneur de convenir d’un bail dérogatoire “de courte durée” cette dénomination et soumission étant formellement indiquée en première page du contrat, qui mentionne également les articles L. 145-1 et et R. 145-1 et suivants du code de commerce.
En outre, à l’article “OBJET” du contrat il est rappelé en caractère gras, que de convention expresse entre les parties, le bail est conclu en vertu des dispositions de l’article “L. 145 du code de commerce” mais que les parties entendent déroger au statut, ce qui permet de déduire leur volonté de se soumettre à l’article L. 145-5 du code de commerce relatif au bail dérogatoire.
Il n’existe donc aucune équivoque ou ambiguïté, il n’y a en l’espèce aucune volonté des parties de faire régir leurs relations contractuelles par les dispositions du contrat de louage de chose relevant des dispositions du droit commun (code civil).
Le contrat stipule une durée courant du 1/05/2016 au 31/03/2018, soit 23 mois.
- sur la validité de l’avenant prolongeant la location jusqu’au 31/12/2018 et portant augmentation du montant du loyer
A l’étude du document intitulé avenant (pièce 2, bailleur), le Tribunal relève que par delà certaines incohérences concernant des dates d’anciens contrats, cet acte contient des engagements réciproques entre le bailleur et le preneur portant sur d’une part, une prolongation du bail à compter du 1/04/2018 (soit à l’issue du bail initial) jusqu’au 31/12/2018 ; c’est à dire toujours dans la limite légale qui a été portée à 3 années, et d’autre part, en contre partie, sur une augmentation du montant du loyer passant de 1.200 € à 1.600 € HT par mois.
Aussi, et bien qu’aucune date ne soit indiquée à l’avenant, cet avenant expressément souscrit également par dérogation aux dispositions de l’article L. 145-1 code de commerce, étant signé et timbré par le preneur doit recevoir application.
Ainsi, le bail commercial dérogatoire de courte durée est valablement porté à échéance finale du 31/12/2018, pour un montant de loyer mensuel porté à 1.600 € HT.
- sur le statut du preneur au regard des dispositions de l’article L. 145-5 du code de commerce à l’issue du contrat retenu comme valide par le Tribunal :
En droit selon l’article L. 145-5 code de commerce :
“Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.”
Il n’est pas contesté par les parties que le preneur se soit maintenu dans les lieux passé le mois suivant l’expiration du délai de 3 ans, soit postérieurement au 1/05/2019.
Ainsi, l’hypothèse d’un bail non écrit soumis au statut s’est donc opéré entre les parties, dont le premier terme légal serait de trois ans, doit être envisagée.
Toutefois, d’une part - par respect de l’obligation d’exécution de bonne foi et du principe de loyauté - il appartenait au bailleur pour le moins d’informer son cocontractant de l’existence même de ce contrat non écrit, ce qu’il n’a pas effectué dans sa lettre recommandée du 12/08/2019 de rappel du montant du loyer augmenté, ce au regard notamment des nombreuses incohérences relevées dans l’avenant évoqué ci-dessus à mettre en relation avec les termes employés par le bailleur dans sa lettre du 14/01/2018 qui faisait état de la qualité “d’occupant sans titre ni droit” du preneur et valait alors opposition du bailleur au maintien du preneur dans les lieux loués et d’autre part, s'agissant d'une obligation principale pour le locataire (celle d'occuper les lieux et en contre partie payer au bailleur les loyers) il appartenait au bailleur, confronté au départ du locataire en septembre 2019, de mettre en demeure celui-ci de respecter ce bail non écrit.
De sorte que le bailleur ne démontre pas que : tant le preneur, que lui même, étaient - lors du maintien dans les lieux du preneur à compter du 1/06/2019 et pour une durée courte de trois mois - dans une position telle que celle prévue par l’alinéa deux de l’article L. 145-5 du code précité qui prévoit de laisser au preneur la jouissance d’une possession paisible.
Aussi, le Tribunal ne tiendra pas pour démontré l’existence d’un bail non écrit soumis au statut des baux commerciaux, de sorte que le preneur pouvait quitter les lieux à tout moment, sans sanction.
Le bailleur sera donc débouté de sa demande de paiement de loyers (32 mois) pour la période postérieure au départ du preneur.
Sur la demande de paiement du solde de loyers pour la période d’avril à août 2019 inclus
Pour cette période, le bailleur dit ne pas avoir perçu du preneur la totalité des loyers, pour un restant dû de 2.400 €.
Le Tribunal ne peut que constater que le bailleur manque à sa charge de la preuve en ne produisant aucun document de synthèse comptable cohérent faisant clairement apparaître d’un coté les sommes dues par le preneur, tant au titre des loyer que des charges ou régularisation des charges, avec justificatifs des factures correspondantes et de l’autre les sommes versées par le preneur, ce mois par mois, avec indication du solde du compte client (et non pas fournisseur).
Il n’appartient pas au Tribunal de se substituer au demandeur dans cet office.
Il sera donc débouté de sa demande.
Sur les demandes du bailleur s’agissant des taxtes et charges
Le bailleur prétend être créancier du preneur au titre du paiement des charges et impôts à hauteur de 2.263,80 € pour l'année 2016, 5.138,48 € pour l'année 2017, 5.138,48 € pour l'année 2018 et 3.853,84 € pour l'année 2019 ; soit la somme globale de 16.394,60 €.
Pour en justifier il produit ses pièces n° 5 (intitulé extrait compte 411HAN (HANGAR 56, qui liste des chiffres sans autre précision) et 6 (qui rassemble les factures de charges émises par le bailleur à l’attention du preneur) ainsi que quelques avis ou fiche de rôles d’appel de taxes foncières portant sur l’ensemble du bâtiment dont le bailleur est propriétaire.
Le Tribunal relève que le bail fait obligation au bailleur (clause “I-7) CHARGES” du bail de courte durée du 1/05/2016) d’adresser au preneur “une facture faisant apparaître le détail des charges et taxes”. Or, par détail il faut comprendre : tant la source de la charge (facture ou avis d’imposition d’origine), que sa date d’engagement et la période couverte, ainsi que son mode de calcul exact. Le Tribunal ne peut que constater qu’aucune des pièces produites par le bailleur n’est probante. En effet, aucune ne permet notamment au Tribunal de retenir un coefficient d’occupation du preneur dans l’ensemble immobilier du bailleur abritant le local loué, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer de façon certaine, voire même approximative, la quote-part du preneur dans la charge finale de l’ensemble des charges évoquées par le bailleur.
Le tribunal relève par ailleurs que le contrat de bail ne porte mention d’aucun coefficient d’occupation dans l’immeuble, ni d’aucune quote part fixée conventionnellement.
A ce titre, il n’appartient pas au Tribunal de palier aux carences probatoires du demandeur dans la charge de la preuve qui lui incombe en ordonnant une expertise judiciaire aux fins de détermination du montant de charges et taxes dues par le preneur.
Le bailleur sera débouté de sa demande de paiement de paiement des charges et impôts.
Sur la demande d’indemnisation au titre du préjudice de perte de chance d’avoir loué le local à une société "plus consciencieuse"
En droit, selon l’article 1217, en vigueur depuis le 01 octobre 2018 :
“La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut: (...)
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.”
Il appartient au demandeur de démontrer cumulativement l’existence d’un manquement contractuel, celle d’un préjudice certain et celle d’un lien de causalité directe.
En l’espèce, le Tribunal retient que le bailleur ne démontre : ni le manquement du preneur qui serait source d’un préjudice, ni l’existence et la teneur du supposé préjudice invoqué qui résulterait de la perte de chance d'avoir loué le local à une société "plus consciencieuse" que le preneur, faute d’établir avec certitude le fait d’avoir été en capacité de conclure un nouveau bail et dans quelles conditions avec un preneur.
Le bailleur sera également débouté de cette demande.
Sur les autres demandes :
- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, ici le bailleur, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense. Le bailleur sera condamné à ce titre pour une somme de 1.500 €.
- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal,
- ECARTE la fon de non-recevoir soulevée par la société [B] BARROS tirée de l'immutabilité du litige,
- DIT que la demande d’ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture du 14/12/2022 est sans objet ;
- REJETTE la demande de nullité du bail initial ;
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- DIT n’y avoir lieu à commettre une expertise aux fins de vérifier la surface louée, la réalité des taxes foncières et charges afférentes, de calculer le prorata de celles devant être mis à la charge du preneur et établir les comptes entre les parties ;
- DÉBOUTE la société EDB de l’ensemble de ses demandes de paiement (loyers et charges) et d’indemnisation formées à l’encontre de la société [B] BARROS ;
- CONDAMNE la société EDB aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNE la société EDB à payer à la société [B] BARROS la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties ;
- RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire.
Le présent jugement a été signé par madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par madame Pascale BUSATO, Greffière.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,