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21/03/2024 | FRANCE | N°20/09343

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 21 mars 2024, 20/09343


N° RG 20/09343 - N° Portalis DBX6-W-B7E-U6MJ
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND





50B

N° RG 20/09343 - N° Portalis DBX6-W-B7E-U6MJ

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.A.R.L. MARINE OCEAN CAP FERRET

C/

[N] [K]











Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SELARL CGAVOCATS
la SCP DACHARRY & ASSOCIES



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 MARS 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats

et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDIT, Vice-Président
Angélique QUESNEL, Juge

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré


DÉBATS :

A l’au...

N° RG 20/09343 - N° Portalis DBX6-W-B7E-U6MJ
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

50B

N° RG 20/09343 - N° Portalis DBX6-W-B7E-U6MJ

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A.R.L. MARINE OCEAN CAP FERRET

C/

[N] [K]

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SELARL CGAVOCATS
la SCP DACHARRY & ASSOCIES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDIT, Vice-Président
Angélique QUESNEL, Juge

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 Janvier 2024
Délibéré au 21 mars 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. MARINE OCEAN CAP FERRET
représentée par son gérant, Monsieur [U] [R].
Place des Anciens Combattants
33970 CAP FERRET

représentée par Maître Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DÉFENDEUR :

Monsieur [N] [K]
né le 14 Juillet 1963 à PERIGUEUX
de nationalité Française
PO BOX 390285
DUBAI EMIRATS ARABES UNIS
N° RG 20/09343 - N° Portalis DBX6-W-B7E-U6MJ

représenté par Maître Coraline GRIMAUD de la SELARL CGAVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

******

EXPOSE DU LITIGE

La société MARINE OCEAN CAP FERRET (ci-après le fournisseur) exploite un fonds de commerce de vente, négoce et entretien de bateaux de plaisance sur la Bassin d’Arcachon.
En 2016, Monsieur [N] [K] a passé commande d’un bateau semi-rigide de marque LOMAC type 710 IN auprès de la société MARINE OCEAN CAP FERRET.

L’achat de ce bateau d’une valeur de 58 000€ TTC a été financé selon les modalités suivantes:
- 20% comptant versés directement au fournisseur par Monsieur [N] [K],
- le solde du prix versé au fournisseur par la société CAPITOLE FINANCE-TOFINSO Cette somme restante de 48 333,33€ a été financée par le système d’un crédit-bail. Un contrat de location avec option d’achat a ainsi été conclu le 20 mai 2016 entre Monsieur [N] [K] et la société CAPITOLE FINANCE TOFINSO. Un loyer a été fixé pour une durée de 72 mois.

Le 23 juin 2016, cette opération a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de réception, une facture pour un montant total de 58 000€ TTC.

Le 12 décembre 2018, Monsieur [N] [K] s’est rapproché du fournisseur pour changer de bateau et obtenir un plus grand navire (bon de commande n°1812302).
Le financement de ce bateau pour un montant de 130 000€ TTC s’est effectué selon des modalités similaires :
- un acompte de 65 000€ (composé de 25 000 € en numéraire et d’une reprise du premier bateau) versé directement au fournisseur par Monsieur [N] [K],
- le solde de 65 000 € au moyen d’un crédit-bail consenti par la société CAPITOLE FINANCE-TOFINSO.

Le contrat de location avec option d’achat a été conclu le 8 janvier 2019 pour une durée de 60 mois.

Le 1er février 2019, cette opération a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de réception. Le 8 février 2019 est établie une facture du bateau pour un prix global de 130 000 €.

Le 5 mars 2019, la société MARINE OCEAN CAP FERRET et Monsieur [N] [K] ont signé un document dénommé “acte de vente” pour le premier bateau LOMAC de type 710 IN.

Le 29 juillet 2020, la société MARINE OCEAN CAP FERRET/ATLANTIC CONCEPT a mis en demeure Monsieur [N] [K] de lui régler la somme de 25 242,86 € afin de solder le prix d’acquisition du bateau LOMAC 710 IN. En effet, elle a du s’acquitter des loyers non encore échus auprès de la société CAPITOLE FINANCE-TOFINSO au titre du rachat de contrat de location avec option d’achat.

N° RG 20/09343 - N° Portalis DBX6-W-B7E-U6MJ

Monsieur [N] [K] a refusé de régler cette somme.

Par acte en date du 16 novembre 2020, la SARL MARINE OCEAN CAP FERRET a assigné devant le tribunal judiciaire de Bordeaux Monsieur [N] [K] aux fins de régler la somme principale de 25 242,86€ au titre de la vente du second navire conclu entre les parties.

Par conclusions d’incident en date du 1er mars 2021, Monsieur [N] [K] a saisi le juge de la mise en état et soulevé l’irrecevabilité de la demande au motif qu’il n’avait pas qualité pour se défendre puisqu’il n’était pas le propriétaire du bateau dont la société MARINE OCEAN CAP FERRET réclamait le solde du prix.

La société MARINE OCEAN CAP FERRET a modifié l’ensemble de ses demandes et a sollicité la la nullité de la vente en date du 5 mars 2019 sur le fondement principal de l’article 1599 du code civil avec des dommages et intérêts.

Le 15 juin 2021, le juge de la mise en état a constaté que l’incident était devenu sans objet dès lors que la société MARINE OCEAN CAP FERRET ne fonde plus ses demandes sur la qualité de propriétaire du bateau de Monsieur [N] [K].

Aux termes des dernières conclusions régulièrement notifiées le 8 décembre 2023 par voie électronique, la SARL MARINE OCEAN CAP FERRET demande au tribunal, sur le fondement des articles 1101, 1104 et 1599 du code civil au tribunal :
de prononcer la nullité de l’acte de vente en date du 5 mars 2019, de dire et juger que les créances de restitution respectives des parties se compensent de telle sorte qu’aucune des parties ne doit rien à l’autre à ce titre, Par ailleurs :
de le condamner à lui payer la somme principale de 25 242,86€ outre intérêts de droit sur cette somme à compter du 16 septembre 2020 jusqu’à parfait paiement, de le condamner à lui payer une somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 19 décembre 2023, Monsieur [N] [K] demande au tribunal, sur le fondement des articles 1103, 1104, 1231-1, 1136 et 1353 du code civil, de :
Débouter la société MARINE OCEAN CAP FERRET de l’intégralité de ses demandes, A titre reconventionnel :
Condamner la société MARINE OCEAN CAP FERRET à verser à Monsieur [N] [K] la somme de 2 000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi, En tout état de cause :
Condamner cette société au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Ecarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir, Condamner la société MARINE OCEAN CAP FERRET aux entiers dépens, en ce compris ceux de la procédure d’incident, ainsi que les frais liés à l’exécution de la décision à intervenir, lesquels pourront faire l’objet d’un recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile par la SELARL CG AVOCATS, avocats au Barreau de Bordeaux, représentée par Maître Coraline GRIMAUD.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La mise en état a été clôturée par ordonnance en date du 10 janvier 2024 et l’affaire fixée à plaider à l’audience collégiale du 25 janvier 2024, puis mise en délibéré au 21 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 4 du code de procédure civile dispose que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le tribunal
n'a pas à statuer sur les demandes de « dire et juger » qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d'une prétention dans la partie « discussion » des conclusions.

1 - Sur la demande principale de nullité de la vente :

La société MARINE OCEAN CAP FERRET soutient que la vente du bateau de marque LOMAC type 710 IN en date du 5 mars 2019 avec Monsieur [N] [K] doit être annulée sur le fondement de l’article 1599 du code civil.

Elle expose que cet acte de cession fait l’objet d’une opération de reprise dans le cadre de l’achat d’un second bateau. En effet, elle fait observer que l’acquisition d’un second bateau au prix de 130 000€ a été financée pour moitié, par un versement de 65 000 € de Monsieur [N] [K] composé de 25 000 € en numéraire et une reprise du premier bateau pour 40 000 €, et par un contrat de location avec option d’achat pour une durée de 60 mois. Elle expose que cette cession du premier bateau pour un montant de 40 000 € constituait une partie de l’apport personnel de Monsieur [N] [K].

Elle fait valoir que cette vente a fait l’objet d’un contrat dénommé “acte de vente d’un navire de plaisance” et Monsieur [N] [K] a agi en qualité de vendeur “propriétaire du navire”. Elle ajoute que Monsieur [N] [K] a déclaré qu’il n’existait sur le bateau ni dettes, ni inscriptions hypothécaires et qu’il a garanti l’acheteur contre toute réclamation”.

Elle fait observer qu’elle a consenti à cette vente puisque Monsieur [N] [K] s’était présenté comme propriétaire du bateau. Or, il s’est avéré que ce dernier n’était pas propriétaire du bateau au 5 mars 2019, puisqu’il n’avait pas fait affaire du contrat de location avec option d’achat conclu trois années auparavant. Elle rappelle que Monsieur [N] [K] est familier du fonctionnement des contrats de location avec option d’achat en ayant déjà réalisé ce financement par deux fois. Il ne pouvait ignorer que n’étant pas propriétaire du bateau, celui-ci ne pouvait le vendre.

Monsieur [N] [K] soutient que la société MARINE OCEAN CAP FERRET se fonde sur l’article 1599 du code civil pour invoquer la nullité de la vente, or l’acte de vente dont elle se prévaut n’a aucune existence juridique. En effet, il s’avère que le contrat dénommé “acte de vente d’un bateau de plaisance” du 5 mars 2019 ne correspond aucunement à la volonté des

parties. Il fait observer que l’acte est illisible et que la société MARINE OCEAN CAP FERRET l’a établi par erreur. Puis, il ressort de cet acte qu’aucun prix n’a été fixé entre eux comme l’exige l’article 1583 du code civil.

Monsieur [N] [K] soutient que la société MARINE OCEAN CAP FERRET a fondé son action sur le postulat qu’il était le propriétaire du bateau de marque LOMAC type 710 IN. Or, il expose que la société CAPITOLE FINANCE-TOFINSO, partenaire habituel de financement de la société MARINE OCEAN CAP FERRET, est le propriétaire des bateaux.

En effet, il expose que cette dernière met ses clients en relation avec l’organisme financier pour l’acquisition de bateau de plaisance. Il fait donc observer que la société MARINE OCEAN CAP FERRET ne peut ignorer le fonctionnement de ces contrats de location avec option d’achat. Ces contrats consistent à vendre les bateaux à la société CAPITOLE FINANCE-TOFINSO, qui en acquière la propriété puis les loue en suivant au client jusqu’à l’éventuelle levée d’option d’achat au terme du contrat. Il rappelle que la société MARINE OCEAN CAP-FERRET a facturé le prix des deux bateaux à la société CAPITOLE FINANCE-TOFINSO, en qualité de propriétaire.

Sur ce,

Aux termes de l’article 1599 du code civil “la vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui”.

En application de ce texte, la nullité résultant de la vente de la chose d’autrui est couverte lorsque, avant toute action en nullité, l’acheteur a vu disparaître le risque d’éviction.

La location avec option d’achat ne peut s’analyser comme une vente conditionnelle, puisque l’option d’achat constitue une simple faculté ouverte au locataire au bout d’un certain temps d’exécution du contrat (ici 72 mois) sous réserve à la fois que le locataire ait expressément manifesté son intention de lever cette option et que les échéances locatives aient été régulièrement payées.

En effet, il convient de rappeler que l’existence d’un contrat de location avec option d’achat ne fait pas obstacle à la vente, puisqu’il suffit au locataire de lever l’option d’achat ou de présenter à l’organisme financier un acheteur susceptible de lever lui-même l’option d’achat (indemnité de rachat).

En l’espèce, le bateau LOMAC 710 IN a fait l’objet de deux transactions :
- la première entre la société MARINE OCEAN CAP FERRET et la société CAPITOLE FINANCE TOFINSO le 23 juin 2016, la facture établie à cette date étant établie au nom de CAPITOLE FRANCE et le procès-verbal de réception du même jour mentionnant comme locataire monsieur [K],
- la seconde entre Monsieur [N] [K] et la société MARINE OCEAN CAP FERRET le 5 mars 2019.

Au vu des éléments du dossier, la chronologie des opérations de vente peut ainsi être retracée
- le 20 mai 2016, la société CAPITOLE FINANCE -TOFINSO et Monsieur [N] [K] ont signé un contrat de location avec option d’achat pour une durée de 72 mois. Il est observé que le contrat signé n’a pas été versé au dossier, seul un exemplaire de l’offre de contrat a été joint ;
- le 23 juin 2016, un procès verbal de réception du bateau LOMAC 710 IN a été établi: monsieur [K] est mentionné en qualité de locataire. La facture établie le même jour est établie au nom de la société CAPITOLE FRANCE-TOFINSO ;
- le 8 février 2019, la société MARINE OCEAN CAP FERRET a établi la facture n°1894 au nom de la société CAPITOLE FRANCE, détaillant le paiement du prix de 130 000€ TTC du second bateau : “un acompte versé par virement le 1/02/2019 de M.[K] à hauteur de 25 000€, un acompte reprise LOMAC 710N pour 40 000€ et un solde à verser de 65 000€ de la société CAPITOLE FINANCE TOFINSO” ;
- le 5 mars 2019, Monsieur [N] [K] et la société MARINE OCEAN CAP FERRET ont signé un document intitulé “acte de vente” du bateau LOMAC 710 IN ;
- le 18 mars 2019, différents échanges de courriels montrent que Monsieur [N] [K] s’inquiète du prélèvement des échéances de paiement de son loyer au titre du contrat de location du bateau LOMAC 710 IN. Il est relevé de ses échanges avec Madame [C] [R] de la société Atlantic Concept ( EURL en lien avec la société MARINE OCEAN CAP FERRET) que le transfert du contrat de location avec option d’achat devait intervenir avant la fin du mois de janvier. En réponse, Madame [C] [R] s’est excusée du retard du transfert du contrat de location et a proposé le remboursement des deux prélèvements de loyers à Monsieur [N] [K], ce que ce dernier a refusé ;
- le 28 mars 2019, la société Atlantic concept confirme par courriel l’effectivité du transfert de locataire ;
- le 10 mai 2019, la société CAPITOLE FINANCE -TOFINSO atteste par courrier que le contrat de location avec option d’achat a été transféré à un autre locataire en date du 23 avril 2019.

Ainsi, à l’examen de l’ensemble de ces pièces, il ressort que :
- Monsieur [N] [K] est désigné comme locataire du bateau sur le contrat de location avec option d’achat ;
– la société CAPITOLE FINANCE TOFINSO, propriétaire du bateau, n’a pas donné préalablement son accord pour le vendre. Aucune des parties ne verse au dossier une quelconque autorisation écrite de la société de financement de céder à un tiers le bateau ;
- la valeur de l’indemnité de rachat du bateau est inexistente dans les différents échanges de courriers et courriels des deux parties. Au contraire, il ressort des échanges de courriels, d’unepart, entre monsieur [K] et la société CAPITOLE FRANCE et, d’autre part, entre monsieur [K] et la société ATLANTIC CONCEPT, ayant manifestement repris le dossier pour le compte de MARINE OCEAN, qu’il avait été convenu que monsieur [K] cède sa location à la société MARINE OCEAN ;
- Or, l’acte de vente en date du 5 mars 2019 démontre que Monsieur [N] [K] agit en qualité de propriétaire. Cet acte de vente indique clairement que sur le bateau, il n’existe “ ni dettes, ni inscriptions hypothécaires et garantit l’acheteur contre toute réclamation à ce sujet”.

La contradiction des parties sur l’existence juridique même de cet acte en l’absence de la rencontre des volontés sur le prix est inopérante. En effet, il est relevé de la chronologie des opérations que cet acte de vente fait suite à la facture n°1894 du 8 février 2019 où le prix du bateau fixé à 40 000€, prix parfaitement lisible de l’ensemble des parties,

- Monsieur [N] [K] n’ a pas régulièrement levé l’option d’achat auprès du bailleur avant de pouvoir céder le bateau. Il ressort des échanges de courriels datés du 18 mars 2019 entre Monsieur [N] [K] et Madame [C] [R] de la société Atlantic concept que ce dernier ne s’était acquitté, ni des mensualités dues au titre de la location du

bateau mis à sa disposition, ni de la valeur de rachat de ce navire.

Ainsi, ces échanges confirment que l’option d’achat n’était pas levée au jour de la vente. La société CAPITOLE FINANCE-TOFINSO était en conséquence toujours propriétaire du bateau en cause.

Il est donc relevé que Monsieur [N] [K] a signé le 5 mars 2019 un acte de vente du bateau LOMAC 710 IN à la société MARINE OCEAN CAP FERRET alors qu’il n’en était pas propriétaire.

Par conséquent, il convient de prononcer la nullité de l’acte de vente en date du 5 mars 2019 signé entre Monsieur [N] [K] et la société MARINE OCEAN CAP FERRET pour la vente du bateau LOMAC 710 IN, au motif que le premier n’est pas propriétaire de ce dernier mais simplement locataire, et que le propriétaire, qui est la société CAPITOLE FINANCE -TOFINSO, n’est pas partie à ce contrat.

2 - Sur les conséquences de l’annulation de la vente

La société MARINE OCEAN CAP FERRET sollicite en conséquence de l’annulation de la vente, “de dire et juger que les créances de restitution respectives des parties se compensent de telle sort qu’aucune des parties ne doit rien à l’autre”. Force est de constater que cela ne constitue pas une prétention dont est saisie le tribunal.

En tout état de cause, même si le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé, de sorte que l’annulation emporte restitutions réciproques entre les parties qui doivent se retrouver dans la situation antérieure à celle-ci, force est de constater que la restitution du bateau litgieux ne peut être ordonnée enfaveur de Monsieur [N] [K], celui-ci n’étant pas propriétaire du bateau et ne pouvant de ce fait obtenir la restitution du bateau. La restitution par monsieur [K] de la somme de 40 000 euros ne serait pas davatange justifiée dès lors que cette somme ne lui a pas été versée directement mais est venue en déduction du prix total du second bateau qui a été financé par la société CAPITOLE FINANCE TOFINSO et que la société BLUE MARINE OCEAN a finalement tiré profit du bateau litigieux puisqu’elle l’a vendu.

3 - Sur la demande de dommages et intérêts de la société MARINE OCEAN CAP FERRET

La société MARINE OCEAN CAP FERRET sollicite des dommages et intérêts en faisant valoir que le fait d’acquérir un bateau dont il n’est pas possible de se servir, impliquant le versement supplémentaire de 25 242,86 € pour le rachat du contrat location, constitue à l’évidence un préjudice qui doit être indemnisé. Elle soutient sa bonne foi dans cette affaire en rappelant qu’elle ignorait que Monsieur [N] [K] n’était pas propriétaire du bateau. Si elle agissait en qualité de professionnel, il n’en découlait pas une obligation pour elle de mener des investigations au-delà de ce qui était affirmé par Monsieur [N] [K]. Elle ajoute que ce dernier est d’une particulière mauvaise foi en soutenant qu’il serait illégitime qu’il soit contraint à payer les loyers restant dus à la société CAPITOLE FINANCE TOFINSO.

Monsieur [N] [K] conteste une telle demande et soutient que selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Or, la société

MARINE OCEAN CAP FERRET sollicite le paiement d’une somme de 25 242,86 € dont le quantum n’est justifié par aucune pièce versée au dossier.

Sur ce,

L’article 1599 du code civil énonce que la vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui. Ce texte exclut l’octroi de dommages-intérêts lorsque l’acheteur a eu connaissance de ce que la chose vendue n’appartenait pas à son cocontractant, tel est le cas en l’espèce.

Si l’annulation de la vente oblige le vendeur à restituer le prix de la vente et l’acquéreur le bien, le vendeur ne peut être condamné à autre chose, et notamment les différents préjudices soufferts par l’acquéreur qu’autant qu’il est démontré une faute de sa part qui serait à l’origine de l’annulation.

En l’espèce, il est relevé de l’instruction du dossier qu’en premier lieu, la société BLUE MARINE OCEAN CAP FERRET n’a pu ignorer le financement du premier bateau acheté par Monsieur [N] [K] avec la société CAPITOLE FINANCE TOFINSO trois ans auparavant sous forme de contrat de location avec option d’achat. En effet, il est observé que la société MARINE OCEAN CAP FERRET est en relation commerciale avec cette dernière depuis plusieurs années.

En second lieu, la société MARINE OCEAN CAP FERRET, en tant que professionnelle de la vente de navires se devait de vérifier que la qualité de propriétaire mentionnée dans l’acte de vente du 5 mars 2019 en faveur de Monsieur [N] [K] ne correspondait pas à la vérité, et son abstention fautive sur ce point l’empêche de prétendre à des dommages et intérêts.

Enfin, il ressort des échanges de courriels produits par monsieur [K] tant avec la société CAPITOLE FRANCE qu’avec la société ATLANTIC CONCEPT, le contrat de location qu’il avait souscrit avait été cédé à la société BLUE MARINE, la représentant de la société ATLANTIC CONCEPT indiquant même, sur demande de monsieur [K], par courriel du 28 mars 2019que” le transfert du contrat de location était “réglé”.

Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

4 - Sur la demande reconventionnelle d’indemnisation au titre d’un préjudice moral de Monsieur [N] [K] :

Monsieur [N] [K] soutient qu’il est un fidèle client de la société MARINE OCEAN CAP FERRET et qu’il s’est toujours acquitté de ses obligations contractuelles. Il expose que ce litige nuit à son image auprès des professionnels nautiques du bassin d’Arcachon et des divers commerçants. Pour l’ensemble de ces raisons, il sollicite la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour un préjudice moral.

La société MARINE OCEAN CAP FERRET conteste une telle demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral. Elle expose que Monsieur [N] [K] ne rapporte pas la preuve d’un tel préjudice. Si ce dernier argue de sa vertu et de sa loyauté, il n’en demeure pas moins qu’il reste encore redevable d’une facture en date du 12 juin 2020 pour

l’entretien du bateau pour un montant de 1 647,28 € TTC. Si la facture a été émise par une autre entité juridique s’agissant des prestations d’entretiens ; il est toutefois constaté que Monsieur [K] ne nie pas avoir bénéficié de cette prestation et ne pas en avoir réglé les honoraires auprès de la société ATLANTIC CONCEPT.

Il est relevé en premier lieu que Monsieur [N] [K] ne démontre pas en quoi l’assignation de la société MARINE OCEAN CAP FERRET devant le tribunal judiciaire nuirait à son image auprès des professionnels nautiques et commerçants du port du Bassin d’Arcachon.

En second lieu, il est observé que Monsieur [N] [K] ne produit aucun document à l’appui de sa demande de dommages et intérêts.

Par conséquent, il y a lieu de rejeter sa demande d’indemnisation.

5 - Sur les demandes accessoires :

Sur les dépens :
L'article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, Monsieur [N] [K] sera condamné aux dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

En l’espèce, ni l’équité, ni aucune considération d’ordre économique ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la présente instance.

Sur l'exécution provisoire : Il convient de rappeler que la présente instance est soumise aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile aux termes duquel les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En l’espèce, aucun motif ne conduit à écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

PRONONCE la nullité du contrat de vente en date du 5 mars 2019 signé entre Monsieur [N] [K] et la société MARINE OCEAN CAP FERRET pour la vente du bateau LOMAC 710 IN,

DÉBOUTE la société MARINE OCEAN CAP FERRET de sa demande à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE Monsieur [N] [K] aux dépens de la présente instance,

REJETTE les demandes des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire.

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Pascale BUSATO, Greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/09343
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;20.09343 ?
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