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19/03/2024 | FRANCE | N°23/07894

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 19 mars 2024, 23/07894


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 19 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/07894 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YJHN
Minute n° 24/ 79


DEMANDEURS

Monsieur [G] [B]
né le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 9] ([Localité 9])
demeurant [Adresse 5]
Madame [L] [U]
née le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 7], [Localité 6] (COTE D’IVOIRE)
demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître Aurélie VIANDIER-LEFEVRE de la SELAS AVLH AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR
>Madame [K] [V]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 8] (ALLEMAGNE)
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Adrien SOURZAC de l...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 19 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/07894 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YJHN
Minute n° 24/ 79

DEMANDEURS

Monsieur [G] [B]
né le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 9] ([Localité 9])
demeurant [Adresse 5]
Madame [L] [U]
née le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 7], [Localité 6] (COTE D’IVOIRE)
demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître Aurélie VIANDIER-LEFEVRE de la SELAS AVLH AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Madame [K] [V]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 8] (ALLEMAGNE)
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Adrien SOURZAC de la SELARL AVITY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 30 Janvier 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 19 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance de référé rendue le 22 mars 2017 par le président du tribunal d’instance de Toulon, Madame [K] [V] a fait diligenter deux saisies-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [G] [B] par actes en date du 2 août 2023, dénoncées par actes du 10 août 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 7 septembre 2023, Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] ont fait assigner Madame [V] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans leurs dernières conclusions, les consorts [B]-[U] sollicitent, au visa des articles L211-1, R211-1, L111-7 et L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution :
- que soit ordonnée la mainlevée de la saisie attribution pratiquée sur leurs comptes bancaires détenus au CMSO
- la condamnation de la défenderesse à leur verser la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour abus de saisie
- la condamnation de la défenderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les demandeurs font valoir que si Monsieur [B] se reconnait débiteur de la dette invoquée par la défenderesse, l’un des deux comptes saisi est un compte joint approvisionné par des fonds appartenant en propre à Madame [U], qui n’est pas débitrice de Madame [V]. Ils contestent par ailleurs le montant saisi estimant qu’il excède celui de la créance. Ils font bien valoir que la défenderesse a abusivement pratiqué la saisie avec l’intention de leur nuire alors qu’il était manifeste que le compte était joint.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans ses dernières écritures, Madame [V] conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation des demandeurs à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de la résistance abusive au paiement outre 5.000 euros de dommages et intérêts. Elle sollicite également leur condamnation aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse fait valoir que la dette est très ancienne et que Monsieur [B] est resté fuyant pour ne pas l’acquitter durant de nombreuses années, justifiant ainsi la saisie pratiquée. Elle conteste le fait que les sommes saisies appartiennent en propre à Madame [U], soulignant que cette preuve n’est pas rapportée par les défendeurs. Elle souligne la résistance abusive de Monsieur [B] et le caractère infondé de la contestation introduite par les demandeurs, soulignant que cette action est caractéristique d’un abus du droit d’agir.

L’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Il est constant que le juge, même en cause d’appel, est tenu de vérifier le respect de cette formalité, même d’office, afin notamment que le commissaire de justice ayant pratiqué la saisie soit informé du recours et puisse en tenir compte en cas de demande d’établissement d’un certificat de non-contestation de la saisie.

Les demandeurs contestent les saisies-attribution pratiquées par une assignation délivrée le 7 septembre 2023 alors que les procès-verbaux de saisie datent du 2 août 2023 avec une dénonciation effectuée le 10 août 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 10 septembre 2023. Elle est donc intervenue dans le délai.

Suivant note en délibéré autorisée reçue le 12 février 2024, les demandeurs justifient de l’envoi du courrier recommandé en date du 7 septembre 2023 au commissaire de justice ayant diligenté la saisie-attribution.

En application des dispositions sus visées il y a donc lieu de constater que la contestation de la saisie -attribution est recevable.

- Sur la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

Il est constant que l'acte de saisie-attribution pratiqué entre les mains d'un établissement habilité à tenir des comptes de dépôt porte sur l'ensemble des comptes du débiteur qui représentent des créances de sommes d'argent de ce dernier contre cet établissement ; que dans le cas d'un compte joint, cet établissement étant débiteur de la totalité du solde de ce compte à l'égard de chacun de ses cotitulaires, l'effet attributif de la saisie s'étend, sous réserve des règles propres aux régimes matrimoniaux entre époux, à la totalité du solde créditeur, sauf pour le débiteur saisi ou le cotitulaire du compte, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l'article R. 211-22 du code des procédures civiles d'exécution, à établir que ce solde est constitué de fonds provenant de ce dernier, en vue de les exclure de l'assiette de la saisie.

En l’espèce, si le principe de la créance ne fait plus de débats entre les parties, il est constant que les deux saisies-attributions diligentées l’ont été pour une somme de 6.026,51 euros figurant dans les deux procès-verbaux de saisie-attribution en date du 2 août 2023 sur un compte personnel de Monsieur [B] et sur un compte joint.

Madame [U] verse aux débats une attestation d’opération de virement de son établissement bancaire précisant qu’une somme de 16.200 euros a été virée d’un compte dont elle est titulaire vers le compte joint objet de la saisie le 11 avril 2023. Cette opération apparait en effet sur le relevé de comptes joint du mois d’avril 2023 versé aux débats comme provenant d’un compte dénommé « compte chèques 1 ».

Ce même relevé de comptes établit des virements nombreux vers un « compte chèques 1 » pour 4.219 euros entre le 18 et le 25 avril 2024. D’autres virements d’un montant conséquent en sens inverse sont mentionnés pour le mois de mai et juin 2023 mais également en juillet, d’autres virements vers ce même compte « chèques 1 » figurant sur le relevé de compte d’août 2023.

Ces relevés bancaires établissent donc l’existence d’importants flux entre le compte bancaire présumé appartenir à Madame [U] sous la dénomination « compte chèques 1 », ce qui n’est au demeurant établi par aucune pièce versée aux débats, rendant ainsi impossible l’identification des fonds. Par ailleurs, l’antériorité de plusieurs mois du seul versement dont l’origine est établie au bénéfice de Madame [U] plusieurs mois avant la réalisation de la saisie ne permet pas d’identifier précisément la provenance des fonds saisis sur le compte joint le 10 août 2023.

Madame [U] ne rapporte donc pas la preuve de l’origine personnelle des fonds saisis sur le compte joint et sera déboutée de sa demande de mainlevée totale de la saisie-attribution.

Il y a lieu en revanche de cantonner les saisies-attributions litigieuses à la somme de 6.026,51 euros.

- Sur l’abus de saisie
L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose : « Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie ».

Madame [V] a mis à exécution une ordonnance rendue le 22 mars 2017 que Monsieur [B] s’est parfaitement abstenu d’exécuter volontairement alors qu’il ne pouvait pas ignorer être débiteur d’une dette locative qu’il reconnait aujourd’hui dans le présent litige. Les procès-verbaux de saisie attribution ne font en outre apparaitre à aucun moment la nature multititulaires des comptes saisis. La saisie ne peut donc être considérée comme abusive et la demande de dommages et intérêts formée par les demandeurs à ce titre sera rejetée.

- Sur les dommages et intérêts

L’article 1231-6 du code civil dispose : « Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. »

Madame [V] fait valoir que le retard dans le paiement des sommes dues au titre du bail qu’elle avait concédé à Monsieur [B] l’ont plongé dans une détresse morale et financière et l’ont contraint à engager des frais d’avocat et d’huissier. Elle justifie au soutien de sa demande des multiples actes d’exécution forcée diligentés et d’un tableau d’amortissement pour un prêt de 190.498,49 euros.

La défenderesse ne justifie pas du réaménagement de prêt bancaire qu’elle indique avoir dû solliciter pour faire face à ses obligations à la suite des impayés de loyer imputables à Monsieur [B]. Elle ne justifie donc pas d’un préjudice à ce titre.

Les frais d’huissier et d’avocat exposés ont été imputés aux demandeurs dans le cadre des actes d’exécution forcée réalisés et ont donc de ce fait déjà été indemnisés.

Madame [V] n’établissant pas l’existence d’un préjudice, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

- Sur la procédure abusive

Il est constant que l’action en justice exercée avec une mauvaise foi équipollente au dol est constitutive d’un abus du droit d’agir ouvrant droit à réparation en présence d’un préjudice.

Les demandeurs ont tenté de faire valoir leurs droits sans que cette action ne puisse être considérée comme abusive ou dictée par une volonté de nuire.

La demande formée sur ce fondement sera par conséquent rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Les demandeurs, parties perdantes, subiront les dépens et seront condamnés au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation des deux saisies-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] par actes en date du 2 août 2023, dénoncées par actes du 10 août 2023 recevable ;
CANTONNE les deux saisies-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] par actes en date du 2 août 2023, dénoncées par actes du 10 août 2023 à la somme unique de 6.026,51 euros ;
ORDONNE mainlevée des deux saisies-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] par actes en date du 2 août 2023, dénoncées par actes du 10 août 2023 pour le surplus ;
DEBOUTE Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] de leur demande de mainlevée totale ;
DEBOUTE Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] de leur demande de dommages et intérêts ;
DEBOUTE Madame [K] [V] de ses demandes de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] à payer à Madame [K] [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] aux dépens ;
DEBOUTE Monsieur [G] [B] et Madame [L] [U] de leur demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/07894
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;23.07894 ?
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