La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°23/07586

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 19 mars 2024, 23/07586


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 19 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/07586 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YHEC
Minute n° 24/ 77


DEMANDEUR

S.A.R.L. CARAIBES, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 353 883 259, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Maître Florian DE SAINT-POL de la SELARL CORDOUAN AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEURS

S.C.I. BERGERAC LA CAVAILLE NORD, immatriculée au

RCS de Brive sous le n° 378 780 464, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 8] [Loc...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 19 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/07586 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YHEC
Minute n° 24/ 77

DEMANDEUR

S.A.R.L. CARAIBES, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 353 883 259, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Maître Florian DE SAINT-POL de la SELARL CORDOUAN AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

S.C.I. BERGERAC LA CAVAILLE NORD, immatriculée au RCS de Brive sous le n° 378 780 464, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 8] [Localité 4]

représentée par Maître Valérie ARMAND-DUBOURG de la SELASU AD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Gabriel NEU-JANICKI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.C.P. Michel FROMENT - Cédric BONAFOUS BLEMOND, immatriculée au RCS de Bergerac sous le n° 300 601 219, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2] [Localité 5]

S.C.P. Carole LUZIER - Raphaëlle RENOUX, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 319 659 470, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 3] [Localité 6]

représentées par Maître Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 30 Janvier 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 19 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un bail commercial reçu par acte notarié en date du 18 juillet 1994, d’un acte notarié contenant avenant à ce bail en date du 14 avril 2003 et d’un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 novembre 2018 valant renouvellement de bail commercial, la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD a fait délivrer un commandement de payer par acte du 4 août 2023 puis a fait diligenter deux saisies-attribution sur les comptes bancaires de la SARL CARAIBES par actes en date du 7 août 2023 dénoncé par acte du 10 août 2023 et par acte du 8 août 2023 dénoncé par acte du 14 août 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 11 septembre 2023, la SARL CARAIBES a fait assigner la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD, la SCP MICHEL FROMENT-Cédric BONAFOUS BLEMOND et la SCP Carole LUZIER-Raphaëlle RENOUX devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de ces saisies.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans ses dernières conclusions, la SARL CARAIBES sollicite, à titre principal, au visa des articles L111-3, L121-2, L211-1 à L211-5 du Code des procédures civiles d’exécution, 1240 et suivants du Code civil :
- que la présente juridiction se déclare compétente pour statuer sur ses demandes dirigées à l’encontre de la SCP LUZIER-RENOUX
- que soit annulées les deux saisies-attributions pratiquées les 7 et 8 août 2023
A titre subsidiaire, elle sollicite la mainlevée des deux saisies-attributions et en tout état de cause la condamnation des défenderesses à lui verser chacune la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts outre 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens. Elle conclut au débouté des défenderesses en toutes leurs demandes.

Au soutien de ses prétentions, la SARL CARAIBES fait valoir que ses demandes à l’encontre de la SCP LUZIER-RENOUX sont recevables au regard de la participation de cette dernière à la délivrance d’un acte d’exécution forcée relevant de la compétence du juge de l’exécution. Elle soutient également que ses demandes relatives aux saisies-attribution sont recevables, quand bien même ces mesures auraient été levées. Sur le fond, elle fait valoir que les saisies-attributions n’ont pas été pratiquées sur le fondement d’un titre exécutoire valide et doivent donc être annulées. Subsidiairement, elle soutient qu’elles sont abusives dans la mesure où elle avait régularisé les causes du commandement de payer par chèque envoyé par courrier, les saisies intervenant dans un laps de temps très court après la délivrance du commandement et coup sur coup alors que la première saisie avait été fructueuse. Elle soutient avoir subi un préjudice du fait de ces saisies successives ayant immobilisé d’importantes sommes pendant plusieurs mois. Elle fait valoir que les deux sociétés de commissaires de justice ont agi avec légèreté au regard de leurs obligations professionnelles et que la SCP LUZIER-RENOUX dont elle était par ailleurs cliente aurait du refuser d’instrumenter pour éviter tout conflit d’intérêt. Elle conteste tout abus dans son action en justice soulignant la responsabilité de la SCP LUZIER-RENOUX dans la délivrance d’un acte manifestement nul et abusif.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans ses dernières écritures, la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD conclut au rejet de toutes les prétentions de la demanderesse et à la réduction de l’indemnité de dommages et intérêts pouvant lui être allouée à la somme de 500 euros. Elle sollicite la condamnation de la SCP FROMENT-BONAFOUS à la garantir de toutes les sommes, en principal, frais et honoraires auxquelles elle pourrait être condamnée dans le cadre de la présente instance. Enfin, elle conclut à la condamnation in solidum de la SARL CARAIBES et de la SCP FROMENT-BONAFOUS-BLEMONT aux dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD fait valoir qu’elle a donné mainlevée des deux saisies-attributions litigieuses par acte du 9 octobre 2023 et considère donc que les demandes en contestation formées par la demanderesse sont irrecevables. Sur le fond, elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts, souligne que les sommes impayées étaient conséquentes et avaient fait l’objet de deux mises en demeure, le délai d’un mois visé par le commandement concernant la faculté de prononcer la résiliation et ne s’analysant donc pas en un délai pour régulariser un paiement. Elle souligne qu’elle a fait pratiquer une seconde saisie-attribution au vu du fait que la première saisie était fructueuse sous réserve des opérations en cours. Elle admet tout au plus un préjudice à hauteur de 500 euros correspondant aux frais bancaires de saisie mais conclut à la garantie de la SCI FROMENT-BONAFOUS-BLEMOND au regard du mandat donné à cette dernière de recouvrer les sommes. Elle soutient qu’elle aurait dû l’avertir de l’absence de titre exécutoire et a manqué à son devoir de conseil en la laissant entreprendre deux saisies attributions quand des mesures conservatoires auraient été plus adaptées.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans leurs dernières écritures, les SCP FROMENT-BONAFOUS BLEMOND et la SCP LUZIER-RENOUX concluent à l’incompétence du juge de l’exécution pour statuer sur les demandes formées à l’encontre de la SCP LUZIER-RENOUX. Sur le fond, elles concluent n’y avoir lieu à statuer sur les contestations de saisie compte tenu de leur mainlevée. Elle conclut au débouté de la SARL CARAIBES et de la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD en toutes leurs demandes à son encontre. A titre reconventionnel, la SCP LUZIER-RENOUX sollicite la condamnation de la SARL CARAIBES à lui payer la somme de 1.500 euros de dommages et intérêts outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. La SCP FROMENT-BONAFOUS BLEMOND sollicite la

condamnation in solidum de la SARL CARAIBES et de la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SCP LUZIER-RENOUX fait valoir que les manquements purement déontologiques qui lui sont reprochés relèvent de la compétence de la chambre des commissaires de justice et non de celle du juge de l’exécution. La SCP FROMENT-BONAFOUS BLEMOND fait valoir que le courrier recommandé valait renouvellement du bail et s’y rapportait de telle sorte qu’il constituait un titre exécutoire par rattachement aux actes notariés antérieurs. Elle conteste tout abus de saisie dans la réalisation de celles-ci à la suite du commandement qui vise un délai d’un mois pour le seul prononcé de la résiliation. Elle conteste tout manquement dans la demande de régularisation d’un acte d’acquiescement au débiteur, qui relève de la procédure habituelle et souligne qu’elle ne peut refuser de prêter son ministère sauf hypothèse d’un acte illicite, ce qui n’est pas le cas d’espèce. La SCP LUZIER-RENOUX conteste généralement toute faute soulignant qu‘elle n’a fait que délivrer des actes détachés, à savoir des dénonciations de saisie-attribution, sans appréciation sur le fond de la saisie et partant sans difficulté déontologique avec la SARL CARAIBES. Les défenderesses contestent le préjudice invoqué par la SARL CARAIBES et soulignent que la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD a été la seule bénéficiaire des mesures d’exécution forcée qui ont bel et bien induit un paiement de la dette. Enfin, la SCP LUZIER-RENOUX qualifie l’action de la SARL CARAIBES d’abusive et attentatoire à sa réputation.

L’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

La SARL CARAIBES conteste la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 11 septembre 2023 alors que les procès-verbaux de saisie datent des 7 et 8 août 2023 avec une dénonciation effectuée les 10 et 14 août 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 10 et 14 septembre 2023. Elle est intervenue dans les délais.

La SARL CARAIBES justifie par ailleurs du courrier recommandé envoyé le 12 septembre 2023 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé les saisies-attribution.

La demanderesse doit donc être déclarée recevable en sa contestation des saisies-attribution.

- Sur la validité des saisies-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

La SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD justifie de deux actes du 9 octobre 2023 donnant mainlevée des deux saisies-attributions pratiquées par actes des 7 et 8 août 2023.

L’ensemble des demandes relatives à ces saisies-attributions est donc recevable mais sans objet.

- Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la SARL CARAIBES

L’article L213-6 du Code de l’organisation judiciaire prévoit :

« Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution. »

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose : « Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie. »

Enfin l’article 650 du Code de procédure civile indique : « Les frais afférents aux actes inutiles sont à la charge des huissiers de justice qui les ont faits, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Il en est de même des frais afférents aux actes nuls par l'effet de leur faute. »

Sur la demande à l’encontre de la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD
La SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD produit aux débats deux emails en date des 12 juin et 18 juillet 2023 évoquant les loyers impayés et demandant à la locataire de régler et pour le second d’indiquer ses « intentions pour résorber cette dette dans les meilleurs délais ». Ces messages ne sauraient être considérés comme des mises en demeure en l’absence de courrier recommandé et de mise en demeure formelle de régler. Cette fonction est en revanche réalisée par le commandement de payer délivré le 4 août 2023. Celui-ci n’impartit aucun délai pour régler la dette, dont il est constant qu’elle remonte pour la plus ancienne au mois de juin 2022, soit près d’un an auparavant.

Dès lors, la réalisation 3 jours après d’une première saisie-attribution n’est pas en elle-même constitutive d’une faute et s’inscrit dans la mise en œuvre de l’exécution forcée des dispositions contractuelles.

A ce titre et à l’égard de la bailleresse, la circonstance que le courrier recommandé ne constitue pas à lui seul un titre exécutoire est indifférent, la SARL CARAIBES étant locataire de longue date de la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD et à ce titre débitrice de loyers, ce qu’elle n’ignorait pas.

La réalisation de la seconde saisie-attribution le lendemain de la première, alors que cette dernière avait été fructueuse est en revanche fautive dans la mesure où elle a conduit à l’immobilisation du double de la somme due sur les comptes bancaires de la SARL CARAIBES. La bailleresse, qui n’a reçu le chèque de règlement des loyers que le 14 août 2023 ignorait donc l’existence de paiement au moment où elle a diligenté la première saisie ce qui ne peut dès lors lui être reproché.

La SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD a donc commis une saisie abusive en diligentant une seconde saisie-attribution le lendemain de la première alors que cette mesure avait été fructueuse, la mention habituelle de l’établissement bancaire quant à la réserve d’opérations, ne pouvant induire une absence de paiement alors même que le solde du compte bancaire était très largement supérieur au montant de la créance (126.664,01 euros pour une créance de 38.103,80 euros).

Sur la demande à l’encontre de la SCP FROMENT-BONAFOUS BLEMOND
Ainsi que cela a été démontré supra, la deuxième saisie-attribution réalisée doit être considérée comme abusive. La SCP FROMENT -BONAFOUS BLEMOND qui a instrumenté pour cette mesure a par conséquent commis une faute, ce d’autant qu’elle avait connaissance du solde du compte bancaire saisi et pratique de façon habituelle des saisies-attributions, connaissant le sens des réserves apportées de façon classique par l’établissement bancaire.

Sur la demande à l’encontre de la SCP LUZIER-RENOUX
La demanderesse invoque un manquement à l’obligation de délicatesse compte tenu de sa propre relation de clientèle avec cette société de commissaire de justice. Ce manquement de nature déontologique échappe par conséquent à la compétence du juge de l’exécution et relève de la discipline propre à la chambre des commissaires de justice.
Le juge de l’exécution se déclarera donc incompétent pour connaître de cette prétention.

Sur le préjudice
La SARL CARAIBES ne verse aux débats aucun élément à même de justifier le préjudice qu’elle invoque si ce n’est le fait que la mainlevée n’est intervenue que près de deux mois après la mise en œuvre de la seconde saisie contestable. A ce titre son préjudice sera évalué à la somme de 500 euros.

La SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD sera donc condamnée in solidum avec la SCP FROMENT-BONAFOUS BLEMOND au paiement de cette somme.

- Sur la demande en garantie de la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD

La SCP FROMENT-BONAFOUS BLEMOND, qui a instrumenté les deux saisies-attributions pratiquées coup sur coup, s’est rendue coupable d’un manquement à l’obligation de conseil due à sa mandante, la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD. En effet, forte d’une saisie fructueuse, elle n’aurait pas du en réaliser une seconde alors qu’elle disposait d’un solde largement suffisant pour couvrir la créance de sa cliente. Ce faisant, elle l’a placé en situation de faute par rapport à la débitrice.

Elle sera donc condamnée à garantir la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD de la condamnation prononcée à son encontre.

- Sur la demande de dommages et intérêts de la SCP LUZIER-RENOUX

L’article 1240 du Code civil fait obligation à celui causant à autrui un dommage de le réparer, l’exercice avec une mauvaise foi équipollente au dol ou avec légèreté d’une action en justice pouvant s’analyser en un abus susceptible d’ouvrir un tel droit à réparation.

En l’espèce, il a été relevé l’incompétence du juge de l‘exécution pour statuer sur cette action de nature disciplinaire qui s’inscrit dans un contexte plus global de contestation de la réalisation des mesures d’exécution forcée légitimement intentée par la SARL CARAIBES.

L’action n’apparait donc pas être dictée par une intention de nuire y compris à la réputation de la SCP LUZIER-RENOUX ni par une légèreté blâmable, la remise en cause certes devant la mauvaise instance, des actes délivrés dans le cadre de l’exécution forcée relevant du droit de chacun de contester des mesures par nature attentatoires à la vie et à la propriété privée.

La demande de la SCP LUZIER-RENOUX sera donc rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SCP FROMENT-BONAFOUS BLEMOND, partie perdante au principal, subira les dépens et sera condamnée à payer à la SARL CARAIBES et à la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD chacune la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. La SARL CARAIBES sera condamnée à payer à la SCP LUZIER-RENOUX la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation des saisies-attributions pratiquées les 7 et 8 août 2023 sur les comptes bancaires de la SARL CARAIBES à la diligence de la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD recevable ;
CONSTATE que mainlevée a été ordonnée par acte du 9 octobre 2023 des saisies-attributions pratiquées les 7 et 8 août 2023 sur les comptes bancaires de la SARL CARAIBES à la diligence de la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD ;
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la nullité ou la mainlevée des saisies-attributions pratiquées les 7 et 8 août 2023 sur les comptes bancaires de la SARL CARAIBES à la diligence de la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD ;
CONDAMNE in solidum la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD et la SCP Michel FROMENT-Cédric BONAFOUS BLEMOND à payer à la SARL CARAIBES la somme de 500 euros de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SCP Michel FROMENT-Cédric BONAFOUS BLEMOND à relever et garantir la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD des condamnations prononcées à son encontre ;
DECLARE le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux incompétent pour connaître de la demande en dommages et intérêts formée par la SARL CARAIBES à l’encontre de la SCP Carole LUZIER-Raphaelle RENOUX ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts de la SCP Carole LUZIER-Raphaelle RENOUX ;
CONDAMNE la SCP Michel FROMENT-Cédric BONAFOUS-BLEMOND à payer à la SARL CARAIBES la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCP Michel FROMENT-Cédric BONAFOUS-BLEMOND à payer à la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL CARAIBES à payer à la SCP Carole LUZIER-Raphaelle RENOUX la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCP Michel FROMENT-Cédric BONAFOUS-BLEMOND aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/07586
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;23.07586 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award