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19/03/2024 | FRANCE | N°23/07185

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 19 mars 2024, 23/07185


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 19 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/07185 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YGRY
Minute n° 24/ 75


DEMANDEUR

Monsieur [P] [L]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 6]

représenté par Maître Cédric JOURNU, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Madame [O] [K] [G] [N] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Isabelle AIZPITAR

TE, avocat au barreau de BORDEAUX


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 19 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/07185 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YGRY
Minute n° 24/ 75

DEMANDEUR

Monsieur [P] [L]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 6]

représenté par Maître Cédric JOURNU, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Madame [O] [K] [G] [N] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Isabelle AIZPITARTE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 30 Janvier 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 19 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 12 juillet 2022 et d’un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 21 juin 2023, Madame [O] [N] a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [L] par acte en date du 4 août 2023, dénoncée par acte du 9 août 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 31 août 2023, Monsieur [L] a fait assigner Madame [N] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans ses dernières conclusions, Monsieur [L] sollicite, au visa des articles L211-1 et L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution que soit ordonnée la mainlevée de la saisie et que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de 413 euros de dommages et intérêts outre la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir que Madame [N] a fait diligenter cette saisie alors qu’elle ne disposait pas d’un titre exécutoire valide pour le paiement des créances invoquées. Il souligne que la créance relative aux frais liés à l’appartement indivis sis à La Mongie ne peut être recouvrée en l’absence de condamnation prévue par le jugement du juge aux affaires familiales, ces charges n’étant en outre pas justifiées et n’ayant pas été portées à sa connaissance au fur et à mesure de leur exigibilité, sa situation financière ne lui permettant en tout état de cause pas d’y faire face en une seule demande globale. Il soutient que les dépenses scolaires ont été exclues par l’arrêt de la cour d’Appel de Bordeaux du 19 décembre 2023, ces dépenses étant déjà inclues dans les contributions à l’entretien des enfants qu’il verse par ailleurs. Enfin, il soutient que les frais médicaux et afférents au voyage scolaire de l’enfant [M] dont le remboursement lui est réclamé n’ont pas fait l’objet d’une acceptation de sa part et ne peuvent donc lui être imputés conformément aux dispositions de l’arrêt susvisé. Il fait valoir avoir subi un préjudice du fait de la réalisation de ces saisies sur son compte bancaire ayant généré des frais de rejet de prélèvement notamment.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans ses dernières écritures, Madame [N] conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation du demandeur aux dépens et au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse fait valoir qu’elle disposait bien d’un titre exécutoire pour le recouvrement des sommes réclamées et que l’arrêt intervenu le 19 décembre 2023, modifiant la répartition des frais entre les parents n’avait pas encore été pris quand elle a fait diligenter la saisie. Elle souligne que les frais relatifs à l’appartement sont justifiés et que le demandeur en avait connaissance, la décision du juge aux affaires familiales prévoyant précisément la répartition de ces charges et constituant à cet égard un titre exécutoire. Elle souligne que le traitement orthondontique et les frais de podologue dont le remboursement est réclamé étaient connus par Monsieur [L] et avaient fait l’objet d’un accord antérieur à la procédure en divorce. Elle souligne qu’il en va de même pour le voyage scolaire de l’enfant [M], qui fait partie intégrante de son cursus scolaire choisi en connaissance de cause par les deux parents du temps de la vie commune. Elle conteste tout abus de saisie, précisant que Monsieur [L] bénéficie de revenus confortables, les difficultés de gestion de son budget ne lui étant pas imputables.

L’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Il est constant que le juge, même en cause d’appel, est tenu de vérifier le respect de cette formalité, même d’office, afin notamment que le commissaire de justice ayant pratiqué la saisie soit informé du recours et puisse en tenir compte en cas de demande d’établissement d’un certificat de non-contestation de la saisie.

Monsieur [L] conteste la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 31 août 2023 alors que le procès-verbal de saisie date du 4 août 2023 avec une dénonciation effectuée le 9 août 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 9 septembre 2023. Elle est donc intervenue dans les délais.

Par note en délibéré autorisée reçue le 8 février 2024, Monsieur [L] justifie de l’envoi du courrier recommandé au commissaire de justice ayant réalisé la saisie-attribution par courrier recommandé envoyé le 1er septembre 2023.
Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution pratiquée le 4 août 2023.

- Sur la nullité de la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »
Il convient de distinguer selon le type de dépenses pour lesquelles la saisie contestée a été diligentée.

Sur les dépenses relatives à l’appartement de la Mongie
Le dispositif de l’ordonnance du juge aux affaires familiales en date du 12 juillet 2022 prévoit notamment « Disons que l’époux devra assurer le règlement provisoire des dettes suivantes à compter de la date de délivrance de l’assignation : -les charges de l’appartement indivis de la Mongie (taxe d’habitation, taxe foncière, charges de copropriété) à concurrence de ses droits soit 30%. »

Il ressort des motifs de cette décision une volonté non équivoque du juge aux affaires familiales d’organiser la répartition des charges assumées par chaque époux au titre des mesures provisoires qui ne saurait remettre en cause le caractère exécutoire de cette ordonnance, que le demandeur n’a par ailleurs jamais contesté alors qu’il a interjeté appel de cette décision. Monsieur [L] ne saurait valablement prétendre ne pas connaitre l’état de ces dépenses alors que ces sommes étaient déjà réglées du temps de la vie commune et qu’il indique par un mail du 6 mai 2022 adressé à son ex-épouse qu’il ne les réglerait pas, reconnaissant par là même leur existence.

Il sera donc tenu au paiement de la quote-part de ces sommes conformément au calcul ayant fondé la saisie-attribution sur ce poste de dépense. Cette saisie n’est donc en rien abusive et la demande de mainlevée formulée à ce titre sera rejetée.

Sur les frais de scolarité des enfants
Le dispositif rectifié de l’arrêt de la Cour d’appel du 19 décembre 2023 prévoit : « Disons que les frais extra-scolaires, médicaux et paramédicaux restant à charge et les frais exceptionnels (notamment voyages scolaires, permis de conduire, achat d’ordinateur) conjointement décidés ou avec accord préalable de M [L] seront partagés entre les parents, concernant les trois enfants, dans la proportion des 2/6ème pour la mère et 4/6ème pour le père.»

Bien qu’à l’époque de la réalisation de la saisie, cet arrêt ne soit pas intervenu, c’est désormais ce dispositif qui règle les relations des parties à ce titre. Dès lors, les dépenses de nature scolaire n’étant pas inclus dans cette énumération resteront à la charge de la défenderesse, bénéficiaire d’une contribution à l’entretien des enfants devant lui permettre de régler ces frais.

Il y a donc lieu d’exclure de l’assiette de la saisie la somme de 1.918,16 euros à ce titre.

Sur les frais relatifs au voyage scolaire de l’enfant [M]
Madame [N] justifie du courrier d’information destiné aux parents et remis avant l’entrée au collège donc du temps de la vie commune spécifiant la réalisation de voyages scolaires. Cette modalité, classique des classes bilingues, était donc bien connue de Monsieur [L] lors de la scolarisation de l’enfant dans ce cursus dont il y a lieu de présumer qu’il ressort d’un commun accord au titre de l’exercice conjoint de l’autorité parentale par un couple de surcroit non séparé.

Cette dépense doit donc être considérée comme ayant été acceptée par Monsieur [L] qui sera tenu au paiement de ces frais selon les modalités visées par le dispositif cité supra. La demande de mainlevée à ce titre sera donc rejetée.

Sur les frais médicaux
Les frais d’orthodontie résultant d’un suivi au long cours débuté du temps de la vie commune ont fait l’objet d’un agrément de Monsieur [L] et il sera par conséquent tenu à leur paiement dans les proportions prévues par l’arrêt susvisé.

Les frais de podologie relèvent également d’un suivi au long cours dont la défenderesse justifie qu’ils ont été engagés dès l’année 2020 par des factures versées aux débats. Ces soins ont donc été acceptés par Monsieur [L] qui sera tenu à sa part dans leur paiement.

Madame [N] ne justifie pas que les frais d’ostéopathie aient fait l’objet d’un accord préalable ou ressortent d’un suivi déjà engagé. Cette dépense sera donc exclue de l’assiette de la saisie à hauteur de 94 euros.

La somme de 147,67 euros correspondant au cumul des restes à charge pour les frais d’orthodontie et de podologue ayant été ajoutée en sus des sommes détaillées, sera exclue de l’assiette de la saisie, compte tenu du décompte établi par la défenderesse en marge de l’acte de saisie-attribution.

Seront donc exclues de l’assiette de la saisie les sommes suivantes : 1918,16+94+147,67 = 2.159,83. Le cantonnement de la saisie-attribution sera donc ordonné à hauteur de la somme de 1.967,72 euros, mainlevée étant ordonnée pour le surplus.

- Sur l’abus de saisie

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie. »

Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.

Les écritures des parties tout comme les pièces versées aux débats démontrent des relations conflictuelles notamment autour des questions financières. Le recours à une exécution forcée des décisions n’est dans ce contexte pas surprenant et ne saurait être considéré comme abusif.

La demande de dommages et intérêts formée à ce titre sera par conséquent rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Les deux parties succombant partiellement, chacune gardera la charge de ses dépens. L’équité ne commande par ailleurs pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée le 4 août 2023 sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [L] à la diligence de Madame [O] [N] recevable ;
CANTONNE la saisie-attribution pratiquée le 4 août 2023 sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [L] à la diligence de Madame [O] [N] à la somme de 1.967,72 euros ;
ORDONNE mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 4 août 2023 sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [L] à la diligence de Madame [O] [N] pour le surplus ;
DEBOUTE Monsieur [P] [L] de toutes ses demandes ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/07185
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;23.07185 ?
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